20
En dépit des progrès spectaculai-
res de la stadification du cancer
p rostatique cliniquement localisé,
un nombre non négligeable de
patients soumis à une prostatecto-
mie totale sera malheureusement,
dans les suites, victime d’une réci-
dive biologique caractérisée par la
réapparition et l’ascension progres-
sive du taux sérique de l’antigène
prostatique spécifique (PSA).
Cette population de patients dont
la récidive tumorale est purement
biologique, et cliniquement asymp-
tomatique, est en augmentation
croissante et pose de très difficiles
problèmes diagnostiques et théra-
peutiques, d’autant que le pronos-
tic de la récidive et partant le traite-
ment à lui apposer demeurent l’ob-
jet de nombreuses interro g a t i o n s
faute d’essais cliniques contrôlés
randomisés.
La récidive biologique pose trois
problèmes :
la récidive biologique équivaut-
elle à une récidive tumorale ?
s’il s’agit d’une récidive tumora-
le, s’agit-il d’une récidive locale
ou d’une récidive métastatique ?
quelle est signification pronos-
tique de la récidive biologique ?
En effet, après prostatectomie tota-
le, il persiste théoriquement des
résidus de tissu sécrétant du PSA
(glandes parauréthrales,tissu d’hy-
p e r t rophie prostatique bénigne
laissé en place par incision capsu-
laire ou lors de la préservation du
col vésical) ; toutefois, ces résidus
bénins, si ils existent, ne sauraient à
eux seuls expliquer une ascension
régulièrement progressive du taux
d’antigène prostatique spécifique.
De ce fait, il faut bien admettre que
la récidive biologique équivant à
une récidive tumorale et donc à la
présence d’une maladie résiduelle.
Il est souvent difficile de répon-
dre à cette question dans la
mesure où les examens complé-
m e n t a i res ne sont d’aucun
secours.
Ni le scanner abdominopelvien,
ni l’IRM, ni la scintigraphie
osseuse n’ont de chance de met-
tre en évidence d’image patho-
logique avant que le PSA a i t
atteint un seuil élevé (30 à 40 ng
par ml).
L’immunoscintigraphie demeu-
re extrêmement sujette à cau-
tion et n’a jamais fait la preuve
de sa réelle efficacité,
La biopsie de la zone anastomo-
tique, si elle est négative, n’éli-
mine pas une récidive locale et si
elle est positive, n’élimine pas
l’association à la récidive locale
d’une récidive métastatique.
Dès lors, la distinction entre réci-
dive locale et métastatique est
fondée sur l’analyse d’un panel
de critères tentant de cerner le
profil de la tumeur initiale et
l’on estime ainsi que la récidive
a de forte chance d’être locale si
le PSA initial était inférieur à 15
ng/ml, la tumeur moyennement
d i ff é renciée au maximum
Gleason 7 (3+4), sans envahisse-
ment des vésicules séminales,
avec un nombre de marges posi-
tives extrêmement réduit et
bien entendu sans métastase
g a n g l i o n n a i re. Par ailleurs, le
profil évolutif du PSA est bien
entendu à prendre en compte et
la récidive locale sera d’autant
plus sûre, que la récidive biolo-
gique est plus tardive au delà de
12 mois après le traitement et
que la progression du marqueur
biologique mesuré eventuelle-
2 . La récidive biologique cor -
respond-elle à une récidive loca -
le ou une récidive métastatique ?
1. La récidive biologique traduit
bel et bien l’existence d’une réci -
dive tumorale.
II.
QUELLE EST LA SIGNIFI
-
CA
TION DE LA RECIDIVE
BIOLOGIQUE
I. INTRODUCTION
N°1 Avril 2002
Recidive Biologique après Pr
ostatectomie
T
otale Pour Cancer : Que Fair
e ?
Pr Laurent Boccond-Gibod - Urologue CHU Bichat, Paris
AVIS D’EXPERT
21
ment par le temps de double-
ment ou la vélocité du PSA est
plus lente.
demeure difficile à apprécier du fait
du peu d’études longitudinales, ce
qui ne manque pas de surprendre
compte tenu du nombre de patients
i n t e r essés par le phénomène.
Létude de groupe de Hopkins
porte sur des patients extrêmement
sélectionnés et montre que le délai
entre la récidive biologique et l’ap-
parition de métastases et/ou de
récidives locales est en moyenne de
8 ans et qu’entre l’apparition des
métastases et le décès, s’écoule en
général une période de 5 ans. Ces
délais sont bien entendu d’autant
plus courts que la tumeur initiale
était moins diff é renciée, le PSA
initial plus élevé, la récidive biolo-
gique plus précoce avec un temps
de doublement du PSA plus court.
Une autre étude venue de la
Cleveland Clinic a mont de
manière surprenante que la survie
globale des patients atteints de can-
cer de la prostate cliniquement
localisé traités par prostatectomie
totale n’était pas significativement
d i ff é rente, qu’il soient re s t é s
indemnes de récidive biologique,
qu’ils aient été victimes de récidi-
ves biologiques traités initiallement
ou lors de l’apparition des symptô-
mes….. De ce fait, la signification
p ronostique réelle de la récidive
biologique, si elle est indiscutable-
ment fâcheuse, n’est toutefois pas
totalement catastrophique.
Il est d’abord important de ne pas
nier et minimiser le problème, le
patient bien informé, attiré dans la
maladie (épreuves du diagnostic et
du traitement) , par une anomalie
du PSA comprendrait mal que ce
P S A cesse brusquement davoir
toute signification préoccupan-
te……… Il est donc indispensable
d’informer le patient aussi claire-
ment que possible de la significa-
tion de la récidive biologique en
insistant sur le fait que la réappari-
tion du PSA n’est nullement syno-
nyme d’une évolution fatale à court
ou même moyen terme et que dans
ces conditions, il est raisonnable de
mettre en œuvre un programme de
surveillance clinique et biologique
et une réponse thérapeutique gra-
duelle qui sera fondée sur le profil
du patient, le profil de la tumeur
intiale et le profil évolutif de la réci-
dive biologique constatée.
Le traitement de la récidive biolo-
gique après traitement à visée cura-
tive est préventif et curatif.
éviter d’operer les patients
manifestement atteints dun
cancer extracapsulaire et donc à
haut risque de récidive biolo-
gique,
éviter d’inciser la capsule en
regard du cancer en cas de can-
cer intracapsulaire et donc de
créer des marges positives chi-
rurgicalement induites, utiliser
une hormonothérapie néodju-
vante.
La meilleure prévention de la réci-
dive biologique est indiscutable-
ment d’écarter de la monothérapie
locale chirurgicale les patients à fort
risque d’extension extracapsulaire
et donc à risque élevé de récidive
biologique. Ceci est aujourd ’ h u i
possible grâce aux progrès considé-
rables de la stadification. Plusieurs
publications permettent aujour-
d’hui d’individualiser les patients à
faible et à fort risque de récidive
biologique. Dans notre institution,
nous considérons que sont à fort
risque de récidive biologique les
patients dont le PSAest supérieur à
15 ng / ml, le score de Gleason
supérieur ou égal à 7 (4+3), le nom-
bre de biopsies positives supérieur
aux deux tiers, et la longueur de
cancer rapportée aux longueurs des
biopsies supérieure à 30 %. Dans
ces conditions, les examens d’ima-
gerie (IRM endorectale) et la recher-
che de cellules prostatiques circu-
lantes n’ont guère d’impact pra-
tique. Il est par ailleurs possible
d’utiliser différents nomogrammes
qui ont été établis et validés de
m a n i è re multi-institutionnelle et
qui permettent de prévoir le risque
de récidive biologique après pro-
statectomie radicale, en fonction
des données pré-thérapeutiques.
Ces différents nomogrammes ont
été établis M. KATTAN et peuvent
être extrêmement utiles si l’on ne
dispose pas d’une base de données
reflétant la pratique institutionnelle
qui représente indiscutablement la
meilleure manière de procéder.
Il est indispensable, au cours de
l’intervention chirurgicale, de pas-
ser au large de la prostate afin d’é-
viter toute pénétration capsulaire
en regard de la tumeur. En effet, les
incisions capsulaires exposant le
cancer dans des tumeurs par
ailleurs intracapsulaires sont relati-
vement fréquentes (10 à 20 % des
cas selon les séries), les marg e s
positives intracapsulaires (stade
pT2+) sont associées à une récidive
biologique dans 20 à 30 % des cas. Il
est donc indispensable, si une pré-
servation des bandelettes neuro-
1. Le traitement préventif com -
porte trois aspects différents :
III.
PROBLEMES
THERAPEUTIQUES
4. Dans ces conditions, que dire
au patient lorsqu’appart la
récidive biologique ?
3. La signification pronostique
de la récidive biologique
N°1 Avril 2002
AVIS D’EXPERT
Recidive Biologique après Pr
ostatectomie
T
otale Pour Cancer : Que Faire ?
22
vasculaires est envisagée, de sacri-
fier délibérément la bandelette
neurovasculaire du côté des biop-
sies majoritairement positives afin
d’éviter des marges positives chi-
rurgicalement induites.
L’hormonothérapie néoadjuvante ;
le bloquage androgénique complet
pendant trois mois n’a pas fait la
preuve de son efficacité : si le taux
de marges positives est réduit, l’in-
cidence de la récidive biologique
est totalement identique avec et
sans traitement néoadjuvant
comme l’ont mont plusieurs
essais contrôlés randomisés. Il est
possible qu’une hormonothérapie
néoajduvante plus prolongée (8
mois) puisse être bénéfique. Ceci
reste à être prouvé par des essais
contrôlés et randomisés, dont le
re c rutement est indiscutablement
difficile compte tenu de la longueur
du traitement pré opératoire.
l’observation avec traitement
retardé,
le régime alimentaire,
le traitement local et
enfin les traitements systé-
miques.
L’observation avec traitement (hor-
monal) retardé est tout à fait légiti-
me, chez les patients âgés de plus
de 70 ans, lors de la survenue de la
récidive biologique, qui acceptent
l’idée d’une surveillance clinique et
biologique et d’un traitement hor-
monal retardé chez qui il est possi-
ble d’instaurer une surveillance cli-
nique et biologique régulière envi-
ron tous les 6 mois. Ce choix est
d’autant plus fondé qu’il n’a jamais
été prouvé que le traitement médi-
cal immédiat avait des effets béné-
fiques en terme de survie par rap-
port au traitement retardé lors de
l’apparition des symptômes.
Le régime alimentaire représente la
première étape de la réponse gra-
duelle. Son utilisation est fondée
sur des données expérimentales et
épidémiologiques et de fait,
quelques études ont montré que
l’instauration d’un régime pauvre
en graisse, riche en fibres et essen-
tiellement gétarien, associé
éventuellement à des études de
méditation, fait réduire voire stabi-
liser la croissance du PSA.
Le traitement local après prostatec-
tomie totale est représenté par la
radiothérapie adjuvante à la dose
de 65 grays. Ce traitement peut
entraîner une rémission biologique
complète (PSA indétectable) dans
un nombre significatif de cas dès
lors que le patient a un profil favo-
rable (PSA initial inférieur à 20,
PSA lors de l’instauration inférieur
à 1,5, absence d’envahissement des
vésicules séminales). L’efficacité de
ce traitement n’est toutefois pas
encore prouvée et il faudra attendre
les résultats de l’essai de l’EORTC
comparant observation contre trai-
tement radiothérapique. Il faut par
ailleurs re m a rquer que les eff e t s
s e c o n d a i res de la radiothérapie
adjuvante sont loin d’être nuls (rec-
tite, cystite hémorragique….).
Le traitement systémique utilise
soit le traitement hormonal, soit les
nouvelles thérapeutiques.
Le traitement hormonal peut utili-
ser : soit la suppression des andro-
gènes testiculaires, continue par
castration médicale ou chirurgicale,
ou intermittente ; et les anti-andro-
gènes non stéroïdiens (Flutamide et
surtout Bicalutamide). Il a été
démontré que, quelle que soit la
forme quil utilise, ce traitement
re t a rde de manière spectaculaire
l’apparition des métastases.
Toutefois, son impact sur la survie
globale demeure actuellement non
démontré. Ceci nécessite des études
longitudinales extrêmement pro-
longées puisque la survie sponta-
née peut avoisiner 10 ans. Se pose
alors le problème de la mise en per-
spective de la très longue période
où le cancer demeure asymptoma-
tique, et des effets secondaires de
l’hormonothérapie (anémie, ostéo-
porose) et surtout du problème dif-
ficile posé par l’attitude à adopter
lorsque le PSA cesse de répondre
au traitement hormonal alors qu’il
n’y a pas de métastases mises en
évidence.
Les nouvelles thérapeutiques peu-
vent comporter le recours aux vac-
cinothérapies, aux thérapies
géniques et aux inhibiteurs de l’en-
dothéline et à dautres dica-
ments actuellement à l’étude,
aucun toutefois n’a fait la preuve de
son efficacité dans l’immédiat
La récidive biologique du cancer
de la prostate après prostatectomie
totale traduit la présence d’une
maladie résiduelle. Sa significa-
tion pronostique demeure mal
aisée à appréhender et il est tou-
jours difficile de savoir si la réci-
dive biologique traduit une récidi-
ve locale ou métastatique et sur-
tout qu’elle sera la durée de l’évo-
lution.
Cette récidive biologique nécessi-
te une thérapeutique décidée en
concertation avec le patient en pre-
nant en compte les profils respec-
tifs du patient et de la tumeur et
en mettant en perspective la durée
prévisible de l’évolution de la
maladie et les effets secondaires
des traitements proposés.
IV
.
CONCLUSION
2. Le traitement curatif de la
récidive biologique peut utiliser
4 possibilités différentes :
N°1 Avril 2002
AVIS D’EXPERT
Recidive Biologique après Pr
ostatectomie
T
otale Pour Cancer : Que Faire ?
1 / 3 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !