DOSSIER
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n°194 mars 2016 leNSEIGNANT 15
Malgré les discours et les bonnes intentions, l’égalité entre
les femmes et les hommes est encore loin d’être une réalité
dans notre pays. Dans la publicité, la politique ou la vie
quotidienne, nous sommes sans cesse renvoyé-e-s
à une identité genrée qui nous assigne des rôles dans
la société. Pour le SE-Unsa, l’École a un rôle
à jouer pour renforcer l’égalité.
Légalité,
çasapprend
© Pavel Losevsky
«
À l’Éducation nationale, et malgré le
volontarisme affiché au ministère de la
Fonction publique, les femmes sont plus
souvent à temps partiel et exercent
moins des fonctions à responsabilités
que les hommes, ce qui entraîne des
inégalités de rémunération. Comment
lutter contre ces inégalités ?
Pascale Boistard : Il existe effectivement
des inégalités dans la Fonction publique :
en termes de rémunération et entre les
différents métiers. Le temps partiel est
quasiment exclusivement féminin même
s’il résulte de choix des fonctionnaires.
Nous travaillons avec chaque ministère
pour que la Fonction publique devienne
exemplaire, dans les politiques pu-
bliques comme dans la gestion des
ressources humaines, avec en particulier
la nécessité d’analyser les facteurs de ces
inégalités et de mieux prendre en
compte l’articulation entre vie profes-
sionnelle et vie personnelle.
Nous établissons des feuilles de route
pour suivre les objectifs de progression
dans chaque administration. Un
protocole d’accord sur l’égalité profes-
sionnelle a été signé en mars 2013. Nous
avons d’ailleurs l’objectif d’arriver à 40 %
de nominations de femmes aux postes
d’encadrement et de direction. Enfin, la
mobilisation pour la mixité des métiers est engagée. Dans
ce cadre, la feuille de route du ministère de l’Éducation
nationale, comme celle des autres ministères, est ambitieuse.
Ainsi, le taux de 40 % de nominations de femmes dans l’enca-
drement supérieur devrait être atteint dès 2017, ce qui
suppose d’être attentif à la mixité aux postes de responsa-
bilité, à tous les niveaux, jusqu’à celui de l’établissement.
Casser les plafonds de verre est déterminant !
L’Éducation nationale joue un rôle important dans l’éducation
à la santé, à la sexualité et au respect de son corps. Comment
accompagner les enseignants dans cet exercice qui peut être
inconfortable ?
P. B . : Nous sommes conscients de l’importance de l’édu-
cation à la sexualité, garante non seulement de la santé des
jeunes, mais aussi de l’apprentissage du respect entre les
filles et les garçons.
Les Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (Espé)
intègrent maintenant, dans leur tronc commun, la mobili-
sation contre les stéréotypes sexistes et la promotion de
l’égalité entre les filles et les garçons. Cette dernière est
désormais inscrite comme priorité nationale de la formation
continue des enseignants.
Je connais les difficultés qui peuvent
parfois exister pour organiser cette
transmission, et les contestations
qui peuvent exister aussi face à ces
enseignements.
C’est pourquoi nous avons confié
une mission au Haut conseil à
l’égalité entre les femmes et les hommes, dont chacun
connaît le sérieux et l’engagement, pour faire le bilan et
formuler des propositions en matière d’éducation à la
sexualité, qui permettront d’ouvrir la réflexion. Nous
attendons ses recommandations pour le mois de mars.
Vous avez lancé deux campagnes de sensibilisation et d’édu-
cation concernant le harcèlement dans les transports et les
violences faites aux femmes. Quel rôle peut jouer l’Éducation
nationale dans ces combats ?
P. B . : Le respect entre les femmes et les hommes s’apprend
dès le plus jeune âge ; en luttant contre les stéréotypes et en
inculquant les valeurs d’égalité mais aussi en expliquant que
certains comportements sont inacceptables, qu’ils constituent
des faits de harcèlement, que ce sont des violences répré-
hensibles, parfois même condamnables.
C’est le sens de la campagne de sensibilisation contre le
harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les trans-
ports en commun que j’ai lancée.
Avec Najat Vallaud-Belkacem, nous avons donc souhaité que
celle-ci puisse se décliner au sein de la campagne sur le harcè-
lement, à travers un matériel pédagogique que nous allons
mettre à la disposition des enseignants.
16 Syndicat des enseignants - UNSA www.se-unsa.org
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Pascale Boistard a été secrétaire d'État chargée des Droits des
femmes du 26 août 2014 au 11 février 2016 (date du dernier
remaniement gouvernemental). Elle est également députée de
la Somme.
Elle a porté des dossiers tels que le sport féminin, l’entrepre-
nariat féminin, la lutte contre les mutilations sexuelles, le
combat contre le sexisme et les stéréotypes dans la publicité ou
encore l’égalité salariale hommes-femmes.
Des difficultés
existent pour
organiser ces
apprentissages
n°194 mars 2016 leNSEIGNANT 17
L’égalité femmes-hommes est
dans l’air du temps. Pas un
jour sans qu’on nous annonce des initia-
tives d’entreprises, de ministères,
d’associations pour renforcer la place
des femmes dans les postes à responsa-
bilités. Pourtant, combien de femmes
sont consultées comme expertes dans
les médias, pour parler d’autre chose
que de la famille ou de la santé ?
Combien d’hommes sont présentés nus
dans les publicités ou les séries télé ?
Combien de métiers sont réellement
mixtes ? Si le principe est écrit dans la
loi, l’égalité réelle - celle qui fera qu’on
ne s’étonne plus de voir une cheffe de
chantier ou un assistant social - est loin
d’être acquise. Pour le SE-Unsa, l’École
a un rôle majeur à jouer pour changer
les mentalités. Les enseignant-e-s et les
personnels d’éducation doivent prendre
conscience des stéréotypes de sexes
qu’ils et elles véhiculent, afin de lutter
efficacement contre les discriminations
et aider leurs élèves à se construire
une autre image des rapports hommes-
femmes dans la société.
L
AVIS DU
SYNDICAT Céline Rigo
secrétaire nationale
Une grande majorité de la population est en faveur de
l’égalité femmes-hommes. Pourtant, chacun est,
consciemment ou non, vecteur d’un certain nombre de
stéréotypes de genre. Comment prendre et faire prendre
conscience des stéréotypes que l’on peut soi-même
véhiculer ?
P. B . : Il est vrai que si l’égalité est une valeur partagée, nous
sommes le fruit de notre éducation, et d’une société qui
véhicule de nombreux stéréotypes, que nous reportons
inconsciemment.
Nous mobilisons de nombreuses stratégies pour venir à bout
de ces réflexes. D’une part, en équilibrant progressivement
les images des femmes et des hommes qui nous sont
proposées, dans les médias, dans les manuels scolaires ; nous
avons d’ailleurs progressé sur ce dernier point. En voyant
plus de femmes et d’hommes dans des rôles diversifiés, nous
serons moins empreints de stéréotypes sexués.
D’autre part, en sensibilisant les acteurs en relation avec le
public aux stéréotypes qui sont véhiculés : la prise de
conscience, par des formations, de ses propres stéréotypes
est essentiel.
Enfin, en promouvant une communication publique dénuée
de stéréotypes. Le récent guide du Haut conseil à l’égalité
est un exemple de bonnes pratiques que nous pouvons
mobiliser pour éviter qu’hommes et femmes soient systé-
matiquement présentés dans les mêmes rôles sociaux. J’ai
également souhaité que nous engagions ce travail dans la
publicité, qui a une influence considérable sur nos percep-
tions et sur celles des plus jeunes, c’est une de mes priorités
pour 2016.
Propos recueillis(*)par Céline Rigo et Linda Ben Jemaa
Retrouvez l’intégralité de l’interview sur www.se-unsa.org
(*) avant le remaniement gouvernemental
© robhainer
18 Syndicat des enseignants - UNSAwww.se-unsa.org
L
MANUELS SCOLAIRES
Des clichés à la pelle
ÉGALITÉ FILLES-GARÇONS :
ET AILLEURS EN EUROPE ?
L'égalité femmes-hommes est un principe fondateur
de l'Union européenne depuis 1957(*). Par son action,
l’UE a permis de nombreuses avancées. Si l’émancipation
des femmes, leur présence sur le marché du travail et
des progrès en termes d'éducation et de formation sont
avérés, de nombreuses inégalités perdurent. Certains
pays sont à l’origine d’initiatives intéressantes afin de
contrer les stéréotypes et de réduire les inégalités entre
filles et garçons quant à leurs choix d’orientation. Ainsi,
l’Espagne a mis en place dès 2009 un programme de
formation en ligne destiné aux enseignants et éducateurs,
depuis la crèche jusqu’à l’enseignement secondaire
en leur proposant de nombreux exercices d’observation
et de réflexion, lectures, vidéos et ressources afin
d’intégrer la pédagogie de l’égalité dans leurs pratiques
quotidiennes. Retrouvez ces initiatives sur notre site
www.se-unsa.org/spip.php?article8742
(*) Le traité de Rome intègre le principe de la rémunération
égale pour un travail de valeur égale.
• Seulement 5 % des auteur(e)s de textes littéraires et
théoriques proposés à l’étude des élèves dans les manuels
de français de seconde, sont des femmes.
Si les femmes ont eu un rôle moindre dans l’histoire
politique, scientifique et artistique en raison de
la place qui leur était assignée, il fut bel et bien
réel. Il est donc important de ne pas l’ignorer.
Les stéréotypes de sexe persistent. Ils assignent
filles et garçons à des rôles qui limitent leur champ
des possibles et leur épanouissement. Cela
contribue à affaiblir l’estime que les filles peuvent
avoir d’elles-mêmes et cela fige filles et garçons dans des
rôles stéréotypés.
Pour faire évoluer les manuels scolaires et aiguiser l’esprit
critique de ses utilisateurs et utilisatrices, consultez les études
du centre Hubertine Auclert et le guide pratique Faire des
manuels scolaires des outils de l’égalité entre les femmes et
les hommes sur www.hubertine.fr
Amandine Berton-Schmitt
Chargée de mission Éducation
centre Hubertine Auclert
LES MANUELS SCOLAIRES VÉHICULENT DES CLICHÉS.C’est ce qu’a
démontré le Centre Hubertine Auclert à travers ses études
de manuels les plus récents. Le centre francilien de
ressources pour l’égalité femmes-hommes s’est intéressé à
l’histoire, aux mathématiques et au français au
lycée ainsi qu’aux manuels de lecture au CP. Le
constat est sans appel : l’égalité est oubliée.
Les enquêtes combinent des approches quanti-
tatives (décompte du nombre de femmes et
d’hommes représentés dans les textes, dans les
images, dans les exercices, les frises chronolo-
giques…) et qualitatives (analyse des chiffres obtenus et
décryptage des images).
On y observe que des femmes sont nettement sous-repré-
sentées.
• Seulement 3,2 % des biographies présentes dans les
manuels d’histoire de seconde sont consacrées à des
femmes.
• Les manuels de mathématiques de terminale présentent
un ratio d’un personnage féminin pour cinq personnages
masculins.
Filles et
garçons figés
dans des rôles
stéréotypés
C
COMME LENSEMBLE DE NOTRE SOCIÉTÉ,la communication – qu’elle
se traduise par le langage, les images ou l’événementiel –
est porteuse de stéréotypes de sexe.
Les stéréotypes consistent à attribuer des caractéristiques
supposées naturelles aux filles et aux femmes, aux garçons
et aux hommes. Aux femmes, on attribue le rose, la douceur
et l’hypersexualisation ; aux hommes, les couleurs sombres,
la force et l’ambition. La langue n’échappe pas à cette règle
et le masculin n’est pas neutre : comment des petites filles
peuvent-elles se projeter dans un métier si elles ne l’ont
jamais entendu autrement qu’au masculin (président,
pompier, docteur, auteur…) ?
C’est pour cette raison que le Haut conseil à l’égalité entre
les hommes et les femmes (HCEFH), l’instance consultative
sur les droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les
hommes, a lancé le 5 novembre 2015 un Guide pratique pour
une communication publique sans stéréotype de sexe .
La sensibilisation aux stéréotypes de sexe
sera d’autant plus efficace qu’elle débutera dès le plus jeune
âge. Il s’agit d’ouvrir le champ des possibles aux filles et aux
garçons afin qu’ils et elles puissent choisir librement leur
voie professionnelle. L’usage du féminin, l’élimination des
expressions sexistes, la diversification des représentations
des femmes et des hommes dans les images sont autant de
leviers à notre disposition pour construire une communi-
cation égalitaire. Pratique et pédagogique, le guide du HCEFH
est avant tout un outil utile à toutes et tous !
Retrouvez l’intégralité des travaux du HCEFH et téléchargez
le guide pratique www.haut-conseil-egalite.gouv.fr
EXPO ITINÉRANTE
«TOUS LES MÉTIERS SONT MIXTES » est une exposition à destination des
collèges et des lycées. Créée par l’association Femmes ici et
ailleurs, elle présente des femmes dans des métiers dits « masculins »
et vice-versa. Placée sous le parrainage du ministère de l’Éducation
nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, elle est
accompagnée de documents permettant aux enseignant-e-s de
disposer de données-clés. Elle est composée de 22 bâches de format
75 x 110 cm : 1 d’introduction et 21 portraits de femmes.
Vous souhaitez la produire dans votre établissement ?
Contact : Association Femmes ici et ailleurs
Tél. : 04 37 43 02 35
Courriel : contac[email protected]
STÉRÉOTYPES
Quand le masculin ne l’emportera
plus sur le feminin
D
DES OUTILS POUR L’ÉGALITÉ
n°194 mars 2016 leNSEIGNANT 19
Légalité femmes-hommes, filles-garçons, ça s’apprend tous
les jours et à tout âge. L’École joue un rôle majeur dans la lutte
contre les stéréotypes de sexes.
Le SE-Unsa vous propose de retrouver une liste de ressources
www.se-unsa.org rubrique « Société et International » puis
« Égalité femme-homme et mixité »
Vous y retrouverez des documents écrits, des images, des vidéos.
À consulter également www.ac-versailles.fr/public/jcms/ss_7282/
versailles.fr/public/jcms/ss_7282/egalite-filles-garcons-
ressources-pedagogiques
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