L’égalité, d n e r p p a ’ ça s © Pavel Losevsky « DOSSIER Malgré les discours et les bonnes intentions, l’égalité entre les femmes et les hommes est encore loin d’être une réalité dans notre pays. Dans la publicité, la politique ou la vie quotidienne, nous sommes sans cesse renvoyé-e-s à une identité genrée qui nous assigne des rôles dans la société. Pour le SE-Unsa, l’École a un rôle à jouer pour renforcer l’égalité. À l’Éducation nationale, et malgré le volontarisme affiché au ministère de la Fonction publique, les femmes sont plus souvent à temps partiel et exercent moins des fonctions à responsabilités que les hommes, ce qui entraîne des inégalités de rémunération. Comment lutter contre ces inégalités ? Pascale Boistard : Il existe effectivement des inégalités dans la Fonction publique : en termes de rémunération et entre les différents métiers. Le temps partiel est quasiment exclusivement féminin même s’il résulte de choix des fonctionnaires. Nous travaillons avec chaque ministère pour que la Fonction publique devienne exemplaire, dans les politiques publiques comme dans la gestion des ressources humaines, avec en particulier la nécessité d’analyser les facteurs de ces inégalités et de mieux prendre en compte l’articulation entre vie professionnelle et vie personnelle. Nous établissons des feuilles de route pour suivre les objectifs de progression dans chaque administration. Un protocole d’accord sur l’égalité professionnelle a été signé en mars 2013. Nous avons d’ailleurs l’objectif d’arriver à 40 % de nominations de femmes aux postes d’encadrement et de direction. Enfin, la e n°194 • mars 2016 • l’ NSEIGNANT ••• 15 ••• mobilisation pour la mixité des métiers est engagée. Dans ce cadre, la feuille de route du ministère de l’Éducation nationale, comme celle des autres ministères, est ambitieuse. Ainsi, le taux de 40 % de nominations de femmes dans l’encadrement supérieur devrait être atteint dès 2017, ce qui suppose d’être attentif à la mixité aux postes de responsabilité, à tous les niveaux, jusqu’à celui de l’établissement. Casser les plafonds de verre est déterminant ! L’Éducation nationale joue un rôle important dans l’éducation à la santé, à la sexualité et au respect de son corps. Comment accompagner les enseignants dans cet exercice qui peut être inconfortable ? P. B. : Nous sommes conscients de l’importance de l’éducation à la sexualité, garante non seulement de la santé des jeunes, mais aussi de l’apprentissage du respect entre les filles et les garçons. Les Écoles supérieures du professorat et de l’éducation (Espé) intègrent maintenant, dans leur tronc commun, la mobilisation contre les stéréotypes sexistes et la promotion de l’égalité entre les filles et les garçons. Cette dernière est désormais inscrite comme priorité nationale de la formation continue des enseignants. Je connais les difficultés qui peuvent parfois exister pour organiser cette Des difficultés transmission, et les contestations existent pour qui peuvent exister aussi face à ces organiser ces enseignements. apprentissages C’est pourquoi nous avons confié une mission au Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, dont chacun connaît le sérieux et l’engagement, pour faire le bilan et formuler des propositions en matière d’éducation à la sexualité, qui permettront d’ouvrir la réflexion. Nous attendons ses recommandations pour le mois de mars. Vous avez lancé deux campagnes de sensibilisation et d’éducation concernant le harcèlement dans les transports et les violences faites aux femmes. Quel rôle peut jouer l’Éducation nationale dans ces combats ? P. B. : Le respect entre les femmes et les hommes s’apprend dès le plus jeune âge ; en luttant contre les stéréotypes et en inculquant les valeurs d’égalité mais aussi en expliquant que certains comportements sont inacceptables, qu’ils constituent des faits de harcèlement, que ce sont des violences répréhensibles, parfois même condamnables. C’est le sens de la campagne de sensibilisation contre le harcèlement sexiste et les violences sexuelles dans les transports en commun que j’ai lancée. Avec Najat Vallaud-Belkacem, nous avons donc souhaité que celle-ci puisse se décliner au sein de la campagne sur le harcèlement, à travers un matériel pédagogique que nous allons mettre à la disposition des enseignants. 16 Syndicat des enseignants - UNSA • www.se-unsa.org Pascale Boistard a été secrétaire d'État chargée des Droits des femmes du 26 août 2014 au 11 février 2016 (date du dernier remaniement gouvernemental). Elle est également députée de la Somme. Elle a porté des dossiers tels que le sport féminin, l’entreprenariat féminin, la lutte contre les mutilations sexuelles, le combat contre le sexisme et les stéréotypes dans la publicité ou encore l’égalité salariale hommes-femmes. Une grande majorité de la population est en faveur de l’égalité femmes-hommes. Pourtant, chacun est, consciemment ou non, vecteur d’un certain nombre de stéréotypes de genre. Comment prendre et faire prendre conscience des stéréotypes que l’on peut soi-même véhiculer ? P. B. : Il est vrai que si l’égalité est une valeur partagée, nous sommes le fruit de notre éducation, et d’une société qui véhicule de nombreux stéréotypes, que nous reportons inconsciemment. Nous mobilisons de nombreuses stratégies pour venir à bout de ces réflexes. D’une part, en équilibrant progressivement les images des femmes et des hommes qui nous sont proposées, dans les médias, dans les manuels scolaires ; nous avons d’ailleurs progressé sur ce dernier point. En voyant plus de femmes et d’hommes dans des rôles diversifiés, nous serons moins empreints de stéréotypes sexués. D’autre part, en sensibilisant les acteurs en relation avec le public aux stéréotypes qui sont véhiculés : la prise de conscience, par des formations, de ses propres stéréotypes est essentiel. Enfin, en promouvant une communication publique dénuée de stéréotypes. Le récent guide du Haut conseil à l’égalité est un exemple de bonnes pratiques que nous pouvons mobiliser pour éviter qu’hommes et femmes soient systématiquement présentés dans les mêmes rôles sociaux. J’ai également souhaité que nous engagions ce travail dans la publicité, qui a une influence considérable sur nos perceptions et sur celles des plus jeunes, c’est une de mes priorités pour 2016. Propos recueillis(*) par Céline Rigo et Linda Ben Jemaa Retrouvez l’intégralité de l’interview sur www.se-unsa.org (*) avant le remaniement gouvernemental L’ AVIS DU SYNDICAT Céline Rigo secrétaire nationale L ’égalité femmes-hommes est dans l’air du temps. Pas un jour sans qu’on nous annonce des initiatives d’entreprises, de ministères, d’associations pour renforcer la place des femmes dans les postes à responsabilités. Pourtant, combien de femmes sont consultées comme expertes dans les médias, pour parler d’autre chose que de la famille ou de la santé ? Combien d’hommes sont présentés nus dans les publicités ou les séries télé ? Combien de métiers sont réellement mixtes ? Si le principe est écrit dans la loi, l’égalité réelle - celle qui fera qu’on ne s’étonne plus de voir une cheffe de chantier ou un assistant social - est loin d’être acquise. Pour le SE-Unsa, l’École a un rôle majeur à jouer pour changer les mentalités. Les enseignant-e-s et les personnels d’éducation doivent prendre conscience des stéréotypes de sexes qu’ils et elles véhiculent, afin de lutter efficacement contre les discriminations et aider leurs élèves à se construire une autre image des rapports hommesfemmes dans la société. © robhainer e n°194 • mars 2016 • l’ NSEIGNANT 17 MANUELS SCOLAIRES Des clichés à la pelle L LES MANUELS SCOLAIRES VÉHICULENT DES CLICHÉS. C’est ce qu’a • Seulement 5 % des auteur(e)s de textes littéraires et démontré le Centre Hubertine Auclert à travers ses études théoriques proposés à l’étude des élèves dans les manuels de manuels les plus récents. Le centre francilien de de français de seconde, sont des femmes. ressources pour l’égalité femmes-hommes s’est intéressé à Si les femmes ont eu un rôle moindre dans l’histoire l’histoire, aux mathématiques et au français au politique, scientifique et artistique en raison de lycée ainsi qu’aux manuels de lecture au CP. Le la place qui leur était assignée, il fut bel et bien Filles et constat est sans appel : l’égalité est oubliée. Il est donc important de ne pas l’ignorer. garçons figés réel. Les enquêtes combinent des approches quantiLes stéréotypes de sexe persistent. Ils assignent tatives (décompte du nombre de femmes et dans des rôles filles et garçons à des rôles qui limitent leur champ d’hommes représentés dans les textes, dans les stéréotypés des possibles et leur épanouissement. Cela images, dans les exercices, les frises chronolocontribue à affaiblir l’estime que les filles peuvent giques…) et qualitatives (analyse des chiffres obtenus et avoir d’elles-mêmes et cela fige filles et garçons dans des décryptage des images). rôles stéréotypés. On y observe que des femmes sont nettement sous-repré- Pour faire évoluer les manuels scolaires et aiguiser l’esprit sentées. critique de ses utilisateurs et utilisatrices, consultez les études • Seulement 3,2 % des biographies présentes dans les du centre Hubertine Auclert et le guide pratique Faire des manuels d’histoire de seconde sont consacrées à des manuels scolaires des outils de l’égalité entre les femmes et femmes. les hommes sur www.hubertine.fr • Les manuels de mathématiques de terminale présentent Amandine Berton-Schmitt un ratio d’un personnage féminin pour cinq personnages Chargée de mission Éducation centre Hubertine Auclert masculins. ÉGALITÉ FILLES-GARÇONS : ET AILLEURS EN EUROPE ? L 'égalité femmes-hommes est un principe fondateur de l'Union européenne depuis 1957(*). Par son action, l’UE a permis de nombreuses avancées. Si l’émancipation des femmes, leur présence sur le marché du travail et des progrès en termes d'éducation et de formation sont avérés, de nombreuses inégalités perdurent. Certains pays sont à l’origine d’initiatives intéressantes afin de contrer les stéréotypes et de réduire les inégalités entre filles et garçons quant à leurs choix d’orientation. Ainsi, l’Espagne a mis en place dès 2009 un programme de formation en ligne destiné aux enseignants et éducateurs, depuis la crèche jusqu’à l’enseignement secondaire en leur proposant de nombreux exercices d’observation et de réflexion, lectures, vidéos et ressources afin d’intégrer la pédagogie de l’égalité dans leurs pratiques quotidiennes. Retrouvez ces initiatives sur notre site www.se-unsa.org/spip.php?article8742 (*) Le traité de Rome intègre le principe de la rémunération égale pour un travail de valeur égale. 18 Syndicat des enseignants - UNSA • www.se-unsa.org STÉRÉOTYPES Quand le masculin ne l’emportera plus sur le feminin C COMME L’ENSEMBLE DE NOTRE SOCIÉTÉ, la communication – qu’elle se traduise par le langage, les images ou l’événementiel – est porteuse de stéréotypes de sexe. Les stéréotypes consistent à attribuer des caractéristiques supposées naturelles aux filles et aux femmes, aux garçons et aux hommes. Aux femmes, on attribue le rose, la douceur et l’hypersexualisation ; aux hommes, les couleurs sombres, la force et l’ambition. La langue n’échappe pas à cette règle et le masculin n’est pas neutre : comment des petites filles peuvent-elles se projeter dans un métier si elles ne l’ont jamais entendu autrement qu’au masculin (président, pompier, docteur, auteur…) ? C’est pour cette raison que le Haut conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes (HCEFH), l’instance consultative sur les droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes, a lancé le 5 novembre 2015 un Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe . EXPO ITINÉRANTE «T OUS LES MÉTIERS SONT MIXTES » est une exposition à destination des collèges et des lycées. Créée par l’association Femmes ici et ailleurs, elle présente des femmes dans des métiers dits « masculins » et vice-versa. Placée sous le parrainage du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, elle est accompagnée de documents permettant aux enseignant-e-s de disposer de données-clés. Elle est composée de 22 bâches de format 75 x 110 cm : 1 d’introduction et 21 portraits de femmes. Vous souhaitez la produire dans votre établissement ? Contact : Association Femmes ici et ailleurs Tél. : 04 37 43 02 35 Courriel : [email protected] La sensibilisation aux stéréotypes de sexe sera d’autant plus efficace qu’elle débutera dès le plus jeune âge. Il s’agit d’ouvrir le champ des possibles aux filles et aux garçons afin qu’ils et elles puissent choisir librement leur voie professionnelle. L’usage du féminin, l’élimination des expressions sexistes, la diversification des représentations des femmes et des hommes dans les images sont autant de leviers à notre disposition pour construire une communication égalitaire. Pratique et pédagogique, le guide du HCEFH est avant tout un outil utile à toutes et tous ! Retrouvez l’intégralité des travaux du HCEFH et téléchargez le guide pratique www.haut-conseil-egalite.gouv.fr DES OUTILS POUR L’ÉGALITÉ L’égalité femmes-hommes, filles-garçons, ça s’apprend tous les jours et à tout âge. L’École joue un rôle majeur dans la lutte contre les stéréotypes de sexes. Le SE-Unsa vous propose de retrouver une liste de ressources www.se-unsa.org rubrique « Société et International » puis « Égalité femme-homme et mixité » Vous y retrouverez des documents écrits, des images, des vidéos. À consulter également www.ac-versailles.fr/public/jcms/ss_7282/ versailles.fr/public/jcms/ss_7282/egalite-filles-garconsressources-pedagogiques Vous connaissez des outils pour apprendre l’égalité ? N’hésitez pas à nous envoyer les références à [email protected] e n°194 • mars 2016 • l’ NSEIGNANT 19