« Plutôt que de stéréotypes, je parlerais de craintes vis-à-vis des jeunes »
Le point de vue de Vincenzo Cicchelli, Maître de Conférences en sociologie à la Faculté des
Sciences Humaines et Sociales de la Sorbonne Université Paris 5 (CERLIS/CNRS)
Il existe une constante dans les discours sur les jeunes depuis bien avant 1968. Depuis très
longtemps, on oscille entre l’idée qu’il faut les protéger d’eux-mêmes ou qu’il faut s’en
protéger. Ces points de vue ont légitimé tous les dispositifs pour les jeunes qu’ils soient
préventifs ou répressifs. Il y a aussi une conception messianique du jeune qui voudrait que
celui-ci trouve des solutions aux problèmes que les adultes n’ont pas réussis à résoudre. Là
encore, selon moi, on est dans l’excès.
Tous ces discours nous renseignent surtout sur les valeurs des adultes : ce qu’ils craignent, ce
qu’ils souhaiteraient voir apparaître. C’est très difficile pour les adultes de ne pas penser
comme problématique la question de la jeunesse. C’est pourquoi plutôt que de stéréotypes sur
les jeunes, je parlerais d’une crainte associée à l’idée que la jeunesse serait quelque chose de
radicalement différent de l’âge adulte.
Jamais les adultes n’ont été aussi concernés par les jeunes. Jamais les jeunes n’ont été aussi
obligés de se responsabiliser. Les jeunes Français sont très pessimistes : seul un quart d’entre
eux pensent que leur avenir est prometteur*. Selon moi, ils anticipent la crainte (partagée par
les adultes) de leur éventuel déclassement social.
En demandant « Stop aux clichés sur les jeunes », à mon avis, les jeunes souhaitent qu’on leur
accorde une compétence minimale dans la sphère publique. C’est le fruit de notre éducation.
On leur donne une grande autonomie dans leur vie sentimentale, ludique, on leur a appris
qu’ils étaient des êtres humains comme les autres, qu’ils avaient leur dignité…, ils demandent
tout simplement la même chose dans la sphère publique.
*C’est l’un des résultats de l’enquête menée dans 17 pays par la Fondation pour l’innovation
politique.