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chômage de masse persistant, qui a donné lieu à la Théorie générale de Keynes. La Seconde
Guerre mondiale a donné l’impulsion définitive avec la croissance colossale des recettes et
des dépenses publiques et l’impératif de mobiliser et de réaffecter les ressources au niveau
national. La mesure d’agrégats économiques imbriqués était devenue impérieuse pour
déterminer le niveau global de l’activité économique.
C’est donc dans les années 40 que la mesure des grandeurs macroéconomiques a pris sa place
parmi les outils de politique économique. Deux ouvrages fondamentaux parus en 1940 ont été
à l’origine de son développement pour la gestion macroéconomique et pour l’interprétation de
l’Histoire : « How to pay for the war » de J. M. Keynes et « The conditions of economic
progress » de C. Clark. Tout un ensemble d’auteurs ont suivi, emmenés par S. Kuznets,
pionnier de l’histoire économique quantitative d’une part, et par J. Meade et R. Stone, qui ont
contribué à standardiser la comptabilité nationale, d’autre part. Sur la suggestion de Keynes,
ils ont publié ensemble un article fondateur dans l’Economic Journal (mai-septembre 1941) :
« The construction of tables of national income, expenditure, savings and investment ». Cet
article qui présentait la structure de la comptabilité nationale qu’ils avaient élaborée ensemble.
Il fut la pierre angulaire du mémorandum de 1945 publié par les Nations Unies en 1947. La
comptabilité nationale, la macroéconomie keynésienne et la régulation de la demande agrégée
sont donc les trois piliers de la mesure des agrégats économiques.
Parallèlement aux investigations sur la comptabilité nationale mais indépendamment de
celles-ci, Wassily Leontief a introduit l’analyse entrées-sorties à Harvard, à compter de 1932.
En 1941, il a réuni les résultats de plusieurs années de recherche dans un livre publié par
Harvard University Press : « The structure of the American Economy 1919-1929 : an
empirical application of equilibrium analysis ». Cependant, le tableau entrées-sorties n’a pas
été intégré au corps principal de la comptabilité nationale standard ; il a été utilisé par le BLS
qui a conçu le tableau pour l’année 1947. Ces travaux ont néanmoins pris fin avec la guerre de
Corée en 1950.
Après 1950 s’est engagé un long processus vers la normalisation, la comparabilité
internationale et enfin, l’unification dans le système de comptabilité nationale de 1968, et plus
complètement dans le système de 1993 sous les auspices des Nations Unies. Les principaux
problèmes à surmonter étaient le champ de l’activité économique à considérer pour
l’estimation du PIB, l’ajustement au titre des variations de prix pour présenter des volumes
dans l’estimation de la croissance du PIB et le convertisseur pour les parités de pouvoir
d’achat (PPA) afin de mesurer les niveaux de PIB réel aux prix internationaux et de permettre
les comparaisons internationales.
Le PIB était considéré comme le croisement de trois approches du revenu national dans ce qui
est apparu comme le développement d’une comptabilité de flux. Côté demande, il était défini
comme la somme des dépenses finales. Côté revenu, c’était la somme des salaires, bénéfices
et loyers. Côté production, c’était la somme des valeurs ajoutées sectorielles. Les critères
normalisés conçus par Richard Stone ont été mis en avant par Milton Gilbert à l’OECE, qui a
convaincu les bureaux statistiques des pays membres de les adopter pour en faire l’outil du
Plan Marshall.
Cependant, la vision anglo-saxonne n’a pas prévalu très longtemps. L’URSS avait une
conception beaucoup plus restrictive de la production économique, reposant sur la production
matérielle ; sa comptabilité était ancrée dans les balances matières. Hormis cette vision liée à
la planification centrale dans une société étrangère à l’économie de marché, il y a avait une
approche française. La comptabilité nationale française utilisait elle aussi un concept plus
restrictif de la production, quoique plus large que le concept soviétique, concernant le
problème d’imputation de valeur aux services non marchands. D’autre part, le système