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que Wagner est le plus éloigné, « le grand style est ce qui appartient évidemment à l’homme
d’exception, le Grand style consiste à mépriser la beauté minime et courte (…), il est le fruit
de la grande passion et de la tension de la volonté ».4
Ainsi, l’écriture nietzschéenne inaugure un autre monde, une perception inversée des choses
et une « transmutation des valeurs ». Par exemple, Zarathoustra rit d’abord des anciennes
tables, puis il fait du rire une danse, un moyen de dépassement, d’affirmation puisque la
généalogie même est une philologie historique. Cette dernière cherche à retracer la
provenance des mots, à dévoiler les transformations du sens qui se situent derrière le sens
actuel.
L’aphorisme répond ainsi à cette exigence de la volonté de puissance artistique que Nietzsche
nomme le Grand Style. Au-delà du langage, il y a toujours ce qui l’a précédé, non le silence
pur mais une pensée et un rythme musical sans parole.
C’est pourquoi dans l’absence de musique, la vie ne serait qu’une erreur. Nietzsche écrivait «
Je ne m’adresse qu’à ceux qui ont une parenté immédiate avec la musique, ceux dont la
musique et pour ainsi le giron maternel et qui n’entretiennent avec les choses que des relations
musicales ».5
Pour Nietzsche, l’épopée et la sculpture sont des créations apolliniennes, la musique est l’art
dionysiaque par excellence. Cette dernière exprime le vouloir dans son unité. La musique est
le miroir du vouloir éternel, alors que les beaux- arts reproduisent les phénomènes individuels
et leur donnent une sorte d’éternité dans l’instant « Le mot d’apollinisme désigne la
contemplation extasiée d’un monde d’imagination et de rêve, du monde de la belle apparence
qui nous délivre du devenir, le dionysien d’autre part, conçoit directement et activement le
devenir, le ressent subjectivement comme la volupté furieuse du créateur ».6
Nietzsche pense que dans l’ivresse dionysiaque se manifeste à la fois « le dessaisissement »
mystique de soi, l’effacement joyeux des limites, l’extase de la possession par les forces
naturelles ou la fusion panique avec la nature et le lien musical.
Selon Heidegger, l’ivresse constitue chez Nietzsche l’état esthétique fondamental. Dans
l’ivresse dionysiaque réside la sexualité la plus débridée et la volupté la plus obscure à la
conscience. Elles ne font point défaut à l’apollinien du point de vue de la forme belle.
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4 J. Montaigne, Nietzsche, la question et le sens, éd. Aubier, 1972, p, 25.
5 Georges Liébert, Nietzsche et la musique, Paris, P.U.F, 1995, p.3
6 Fréderic Nietzsche, La volonté de puissance, Liv, IV, trad, Bianquis, T. II, Paris, Gallimard, 1995, § 545, p.368-369.