ST. MICHAEL’S HOSPITAL Cardiologie UNIVERSITY OF TORONTO RAPPORT DE LA DIVISION DE CARDIOLOGIE S T. M I C H A E L ’ S H O S P I T A L , U N I V E R S I T É D E T O R O N T O Actualités scientifiques MC Le rôle thérapeutique croissant des bloqueurs des récepteurs bêta-adrénergiques chez les patients atteints de dysfonction systolique ventriculaire gauche Résultats des études COPERNICUS et CAPRICORN Présenté initialement par : M I LT O N PA C K E R , M.D. ET H E N RY J. D A R G I E , M.D. Rapport sur une présentation à la 50e réunion scientifique annuelle de l’American College of Cardiology Orlando, Floride, Présenté et commenté par : GORDON MOE, M.D. Le blocage des récepteurs bêta-adrénergiques est devenu rapidement un traitement standard chez les patients atteints de dysfonction ventriculaire gauche symptomatique. Jusqu’à l’année dernière, l’effet bénéfique des ß-bloquants sur les résultats cliniques n’avait été démontré que chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque légère à modérée. Cependant, les résultats concernant le paramètre primaire de l’étude COPERNICUS présentés vers la fin de l’année dernière ont indiqué que le carvédilol, un ß-bloquant ayant des propriétés de blocage des récepteurs a-adrénergiques, a réduit la mortalité toutes causes chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque de stade avancé. Les résultats présentés récemment concernant les paramètres secondaires de l’étude COPERNICUS démontrent que le carvédilol a également réduit la morbidité chez ces patients malades. Bien que les ß-bloquants soient largement utilisés chez les patients ayant subi un infarctus du myocarde (IM), les études sur leur utilisation en cas d’IM ont été effectuées à l’ère où l’on n’utilisait pas encore des agents thrombolytiques et des inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ECA). Très probablement, ces études initiales incluaient peu de patients atteints de dysfonction ventriculaire gauche et d’insuffisance cardiaque. Les résultats de l’étude CAPRICORN présentés récemment démontrent que le Division de cardiologie Beth L. Abramson, MD Wayne Batchelor, MD Warren Cantor, MD Luigi Casella, MD Robert J. Chisholm, MD Paul Dorian, MD David H. Fitchett, MD Michael R. Freeman, MD Shaun Goodman, MD Anthony F. Graham, MD Robert J. Howard, MD Stuart Hutchison, MD Victoria Korely, MD Anatoly Langer, MD (rédacteur) Gordon W. Moe, MD Juan Carlos Monge, MD 18 au 21 mars 2001 carvédilol réduit la mortalité toutes causes chez les patients ayant subi un IM et atteints de dysfonction ventriculaire gauche. Ainsi, ces nouvelles données fournissent une preuve convaincante du bien-fondé de l’utilisation des ß-bloquants chez une large gamme de patients – des patients atteints de dysfonction ventriculaire gauche après un IM aux patients stables atteints d’insuffisance cardiaque de stade avancé. Le blocage des récepteurs bêta-adrénergiques dans l’insuffisance cardiaque chronique Bien que les premières données sur les avantages du blocage bêta-adrénergique chez les patients atteints de cardiomyopathie dilatée aient été signalées vers le milieu à la fin des années 19701,2, le concept thérapeutique d’utiliser des ß-bloquants chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque a été débattu fortement au cours des 15 années suivantes. Durant cette période, seulement de petites études unicentriques randomisées et contrôlées ont été effectuées. Par conséquent, les avantages du blocage des récepteurs ß-adrénergiques n’ont été documentés chez les patients atteints d’insuffisance légère à modérée que lorsque les résultats de l’US Carvedilol Program3, CIBIS II4 et MERIT-HF5 ont été publiés. Après la publication de ces résultats, ces agents ont été recommandés pour tous les patients atteints d’insuffisance cardiaque légère à modéré6,7. Cependant, étant donné que seulement un petit nombre de patients atteints d’insuffisance cardiaque sévère ont été recrutés dans ces études, la base de données existante sur les effets du blocage des David Newman, MD Trevor I. Robinson, MD Duncan J. Stewart, MD (chef) Bradley H. Strauss, MD Kenneth R. Watson, MD St. Michael’s Hospital, 30 Bond St., suite 9-004, Queen Wing, Toronto, Ontario M5B 1W8 Télécopieur : (416) 864-5330 Les thèmes présentés dans Cardiology, Actualités scientifiques, sont choisis de façon indépendante et les médecins membres de la Division de cardiologie du St. Michael’s Hospital sont exclusivement responsables de son contenu. L’élaboration de Cardiology, Actualités scientifiques par l’éditeur Snell Communication Médicale Inc. bénéficie d’une subvention à l’éducation sans restriction offerte par l’industrie pharmaceutique à titre de soutien pour la distribution de cette publication. Tableau 1 : Paramètres secondaires de l’étude COPERNICUS Placebo Carvédilol Risque relatif Valeur (n=1133) (n=1156) (IC à 95 %) p Décès et hospitalisation toutes causes 507 425 0,76 0,00004 (0,67, 0,87) Décès et hospitalisation pour cause cardiovasculaire 395 314 0,73 0,00002 (0,63, 0,84) Décès et hospitalisation 357 pour insuffisance cardiaque 271 0,69 0,000004 (0,59, 0,81) récepteurs ß-adrénergiques chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque sévère était considérée, du moins jusqu’à l’année dernière, comme étant insuffisante pour recommander un traitement par des ß-bloquants chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque sévère. Les analyses de sous-groupes de patients présentant des symptômes de la classe IV de la New York Heart Association (NYHA) ayant participé à ces études n’ont pas révélé que le blocage des récepteurs ß-adrénergiques offrait un avantage statistiquement significatif sur la mortalité. Les craintes au sujet des avantages potentiels de ces agents chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque sévère ont été aggravées par les résultats préliminaires de l’étude BEST (Bucindolol Evaluation Survival Trial) qui ont été présentés au début de l’année dernière8. Comme nous le verrons ultérieurement, dans l’étude BEST, 2708 patients atteints d’insuffisance cardiaque sévère (comme le montre le taux de mortalité de 16,6 % des patients recevant le placebo) ont été répartis au hasard pour recevoir du bucindolol, un bêtabloquant non sélectif ayant une activité sympathomimétique intrinsèque et des propriétés vasodilatatrices légères9,10 ou un placebo. Aucun avantage significatif sur la mortalité n’a été observé dans l’ensemble de la population de l’étude BEST. Bien que l’on ait noté une réduction de la mortalité parmi les patients présentant des symptômes de la classe III de la NYHA, il y a eu une augmentation manifeste de la mortalité parmi les patients présentant des symptômes de la classe IV de la NYHA. Étant donné ces considérations, une étude prospective de grande envergure sur des patients atteints d’insuffisance cardiaque sévère était donc nécessaire pour déterminer l’efficacité ainsi que l’innocuité des ß-bloquants chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque sévère. L’étude COPERNICUS COPERNICUS (Carvedilol Prospective Randomized Cumulative Survival) était une étude randomisée et contrôlée avec placebo visant à examiner les effets du carvédilol, un ß-bloquant non sélectif ayant des propriétés de blocage des récepteurs α-adrénergiques par rapport à ceux du placebo sur la mortalité toutes causes chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque sévère. Les détails du plan de l’étude ont été publiés et examinés dans un numéro précédent de Cardiologie – Actualités scientifiques. En bref, l’étude comprenait des patients atteints d’insuffisance cardiaque d’étiologie ischémique et non ischémique, présentant une fraction d’éjection ventriculaire gauche inférieure à 25 % et des symptômes d’insuffisance cardiaque au repos ou lors d’un effort minime malgré un traitement conventionnel optimal. Les patients hospitalisés pouvaient également être recrutés sous réserve qu’ils ne soient pas dans un service de soins intensifs. Les patients pouvaient avoir reçu des diurétiques par voie intraveineuse, mais non des vasodilatateurs intraveineux ou des agents inotropes au cours des 4 derniers jours. Le paramètre primaire spécifié à l’avance était la mortalité toutes causes. Les paramètres secondaires comprenaient les paramètres composés : mortalité toutes causes et hospitalisation toutes causes, hospitalisation pour cause cardiovasculaire, hospitalisation pour insuffisance cardiaque, ainsi que l’évaluation globale du bien-être par les patients. L’ étude était axée sur le taux des événements avec un objectif initial de 900 événements primaires. Toutefois, elle a été terminée de façon précoce le 14 mars 2000 à la demande du Data Safety Monitoring Board car il a été démontré que le carvédilol a eu un effet favorable sur les résultats. Les résultats préliminaires en ce qui concerne le paramètre primaire de l’étude COPERNICUS ont été présentés pour la première fois à la réunion de la Société européenne de cardiologie en août 2000 et ont été analysés dans un numéro précédent de Cardiologie – Actualités scientifiques. En bref, un total de 2289 patients ont été randomisés. Le traitement avec le carvédilol a été associé à une réduction de 35 % de la mortalité toutes causes. Le carvédilol a offert un avantage concernant la mortalité dans tous les sous-groupes, y compris les patients dont la maladie était au stade le plus avancé, pensait-on, d’après leur faible fraction d’éjection et/ou leur récente admission à l’hôpital pour cause d’insuffisance cardiaque. Résultats Les résultats concernant les paramètres secondaires de l’étude COPERNICUS ont été présentés à la réunion de l’ACC en mars 2001. Comme les données sur le paramètre primaire analysées antérieurement, les données sur les paramètres secondaires n’ont pas encore été publiées et les résultats présentés ci-dessous sont préliminaires et peuvent faire l’objet d’un examen et de modifications. Les résultats en ce qui concerne les paramètres composés (mortalité et hospitalisation) sont présentés au tableau 1. La mort et l’hospitalisation toutes causes, l’hospitalisation pour cause cardiovasculaire et l’hospitalisation Cardiologie Actualités scientifiques Tableau 2 : Événements indésirables graves qui étaient moins fréquents (p nominal < 0,05) chez les patients traités avec le carvédilol dans l’étude COPERNICUS Placebo Insuffisance cardiaque Choc cardiogénique Carvédilol 33,6 % 28,1 % 1,7 % 0,4 % Fibrillation auriculaire 4,3 % 2,2 % Tachycardie supraventriculaire 1,0 % 0,2 % Fibrillation ventriculaire 2,1 % 1,0 % Mort subite 6,1 % 3,9 % Tachycardie ventriculaire 3,9 % 1,6 % Évènements indésirables graves qui étaient plus fréquents (p nominal < 0,05) chez les patients traités avec le carvédilol Placebo Bradycardie Étourdissements Hypotension Carvédilol 3,2 % 11,8 % 16,2 % 24,1 % 8,7 % 15,1 % pour insuffisance cardiaque ont été significativement réduits. Parmi les éléments des paramètres composés spécifiés à l’avance, l’hospitalisation toutes causes, l’hospitalisation pour cause cardiovasculaire et l’hospitalisation pour cause d’insuffisance cardiaque ont été réduits de 20 %, 26 % et 33 %, p = 0,0012, 0,0056 et 0,0014, respectivement). En outre, le nombre total de jours d’hospitalisation, le nombre d’hospitalisations et le nombre de jours par hospitalisation ont été réduits de 24 %, 27 % et 31 %, p = 0,0005, 0,0017 et 0,015, respectivement. L’utilisation de diurétiques intraveineux et de vasodilatateurs et d’agents inotropes intraveineux a été réduite significativement de 25 % et de 33 %, respectivement, de même que l’utilisation de tests tels que l’échocardiographie. Dans l’évaluation globale des patients, le pourcentage de patients signalant une amélioration clinique 2, 4 et 6 mois après la randomisation était supérieur chez les patients traités avec le carvédilol, alors que le pourcentage de patients signalant une aggravation clinique durant la même période était supérieur dans le groupe placebo. Ces différences entre les groupes d’étude étaient significatives pour tous les points d’évaluation et ont également augmenté progressivement à mesure que l’étude progressait. Dans l’ensemble, l’incidence signalée des événements indésirables était semblable dans les deux groupes (75,4 % vs 75,7 %, placebo comparativement au carvédilol, p = 0,86). Toutefois, les patients traités avec le carvédilol étaient moins susceptibles de signaler des effets indésirables graves (39 % vs 45,5 %, p = 0,002). Ces effets indésirables graves sont indiqués dans la partie supérieure du tableau 2 et presque tous indiquaient une aggravation de la maladie sous-jacente. En revanche, comme le montre la partie inférieure du tableau 2, la bradycardie, l’hypotension et les étourdissements ont été signalés plus fréquemment parmi les patients traités avec le carvédilol. Ces effets indésirables surviennent habituellement pendant la période d’ajustement de la dose du carvédilol et étaient probablement le résultat des effets du blocage ß- et αadrénergique du carvédilol. Malgré les craintes au sujet de l’effet inotrope négatif du blocage ß-adrénergique, le groupe carvédilol n’a pas présenté une aggravation plus importante de l’insuffisance cardiaque que le groupe placebo, que ce soit au cours de la période initiale d’augmentation de la dose (p = 0,257) que durant la phase de traitement d’entretien. En fait, le groupe carvédilol a présenté moins fréquemment une aggravation de l’insuffisance cardiaque que le groupe placebo (p < 0,0001). Pendant toute la phase de traitement d’entretien, on a noté un taux moins élevé d’arrêt permanent du médicament de l’étude dans le groupe carvédilol que dans le groupe placebo. Au cours des 12 premières semaines (environ pendant la période d’augmentation de la dose), une majorité de patients (73 % dans le groupe carvédilol et 85 % dans le groupe placebo) ont pu atteindre la dose cible de 2,5 mg deux fois par jour. Durant la phase de traitement d’entretien, cette dose complète a été maintenue chez 65 % des patients traités avec le carvédilol et chez 75 % des patients traités avec le placebo. Discussion Bien que COPERNICUS, la plus grande étude sur l’utilisation des ß-bloquants chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque sévère, démontre clairement les avantages considérables du carvédilol, il est néanmoins utile de comparer les résultats de l’étude COPERNICUS avec les résultats différents de l’étude BEST. Comme nous l’avons mentionné antérieurement, l’étude BEST a recruté également un nombre suffisant de patients atteints d’insuffisance cardiaque sévère (taux de mortalité annualisé dans le groupe placebo de 16,6 %). Le paramètre primaire de l’étude BEST était la mortalité totale. Les paramètres secondaires était la mortalité cardiovasculaire, l’hospitalisation, la mort ou la transplantation, la fraction d’éjection, l’incidence des IM, la qualité de vie et la nécessité d’un traitement concomitant. Les résultats préliminaires de l’étude BEST indiquent que comparativement au placebo, le bucindolol a réduit les taux plasmatiques de norépinéphrine et a amélioré la fraction d’éjection au 3e et 12e mois. Le bucindolol a également réduit la mortalité cardiovasculaire de 14 %, l’hospitalisation de 12 % et l’IM de 50 %. Cependant, la mortalité toutes causes, la mort subite et la mort par défaillance de la pompe cardiaque ainsi que la mortalité non cardiovasculaire n’ont pas été significativement réduits par le bucindolol. Bien que les études BEST et COPERNICUS aient recruté des patients atteints d’insuffisance cardiaque sévère, contrairement Cardiologie Actualités scientifiques à l’étude COPERNICUS, l’étude BEST a recruté un nombre considérable d’Afro-américains. Ce groupe de patients présentaient un taux beaucoup plus élevé d’hypertension, une baisse des taux plasmatiques de norépinéphrine plus prononcée à la suite du traitement avec le bucindolol. Les patients Afro-américains traités avec du bucindolol ont connu en fait une augmentation de 17 % de la mortalité malgré l’amélioration de leur fraction d’éjection équivalente à celle des Blancs. En réalité, si l’on exclut ce sous-groupe de l’analyse, les 2100 patients restants ont connu une réduction statistiquement significative de la mortalité toutes causes. Les raisons de la réponse hétérogène au bucindolol dans l’étude BEST et de la réponse systématiquement favorable au carvédilol dans l’étude COPERNICUS ne sont pas claires. Cependant, ces différences font entrevoir plusieurs possibilités qui peuvent être importantes pour les cliniciens : • Tout d’abord, cette différence dans les réponses suggèrent qu’il est possible que les sous-groupes raciaux atteints d’insuffisance cardiaque de stade avancé ne répondent pas tous aux ß-bloquants. • Deuxièmement, une réduction excessive du taux plasmatique de norépinéphrine (comme on l’a noté également dans l’étude MOXCON) et l’activité sympathomimétique intrinsèque de ces médicaments peuvent être néfastes. • Troisièmement et surtout, l’effet bénéfique démontré avec les trois ß-bloquants n’est pas un « effet de classe ». Les patients atteints d’insuffisance cardiaque de stade avancé peuvent ne pas répondre simplement à n’importe quel ß-bloquant. À cet égard, le carvédilol est le seul agent pour lequel on a démontré que le blocage ß-adrénergique améliorait la mortalité et la morbidité chez les patients stables atteints d’insuffisance cardiaque réellement sévère. Les conclusions de l’étude COPERNICUS L’étude COPERNICUS est la plus grande étude qui a jamais été effectuée chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque sévère avec des ß-bloquants et en fait avec n’importe quel traitement. En tenant compte des données sur le paramètre primaire analysées dans un numéro précédent de Cardiologie – Actualités scientifiques, on peut tirer les conclusions suivantes des résultats de l’étude COPERNICUS : • Chez les patients stables atteints d’insuffisance cardiaque sévère, le traitement à long terme avec le carvédilol réduit le risque de mortalité et le risque composé de mortalité et d’hospitalisation; la fréquence, la durée du séjour et la gravité des hospitalisations; ainsi que le risque d’hospitalisations répétées. • Le carvédilol réduit le risque de progression de l’insuffisance cardiaque. • Le carvédilol est bien toléré, un moins grand nombre de patients nécessitant l’arrêt permanent du médicament pour n’importe quelle raison. • Le carvédilol n’aggrave pas l’insuffisance cardiaque, que ce soit durant la phase initiale d’augmentation de la dose, ou durant la phase de traitement d’entretien à long terme, malgré le stade avancé de la maladie dans la population de patients. L’étude CAPRICORN Bien que des études initiales aient démontré les effets bénéfiques des ß-bloquants sur la mortalité chez les patients présentant un infarctus du myocarde (IM) aigu12,13, l’applicabilité de ces études initiales au traitement actuel des patients présentant un IM aigu a été remise en question14. Il existe plusieurs raisons expliquant cette incertitude. Tout d’abord, les études initiales ont toutes été menées à l’ère où l’aspirine, la thrombolyse et les inhibiteurs de l’ECA n’étaient pas encore utilisés de façon répandue. Deuxièmement, les patients âgés ont été largement exclus de ces études initiales. Troisièmement, il y a des raisons de croire que les populations de patients recrutés dans ces études présentaient un risque relativement faible en ce qui concerne les événements cardiovasculaires et la mortalité précoce, et le nombre de patients atteints de dysfonction ventriculaire gauche et/ou d’insuffisance cardiaque était relativement faible. Par conséquent, le rôle thérapeutique des ß-bloquants chez les patients présentant un IM aigu et une altération de la fonction ventriculaire gauche n’a jamais été examiné dans une étude de méthodologie appropriée, randomisée et contrôlée par rapport au traitement actuel des patients présentant un IM aigu. CAPRICORN (Carvedilol Post-infarct Survival Controlled Evaluation) était donc une étude multinationale, randomisée et contrôlée sur les effets du carvédilol sur la mortalité et la morbidité chez les patients atteints de dysfonction ventriculaire gauche après un IM aigu. L’étude comprenait 163 chercheurs dans 17 pays en Europe, en Israël, en Amérique du Nord, en Australie et en NouvelleZélande. Les détails du plan de l’étude CAPRICORN ont été publiés récemment15. Les patients présentant un IM aigu confirmé dans les 3 à 21 jours (moyenne de 10 jours) ont été recrutés. Pour être admis dans l’étude, les patients devaient avoir une fraction d’éjection < 40 % déterminée par échocardiographie, un examen radioisotopique ou une ventriculographie de contraste. Les patients recevaient également un traitement pour l’IM aigu comprenant de l’aspirine, la thrombolyse et une intervention coronarienne Cardiologie Actualités scientifiques Tableau 3 : Caractéristiques de base des patients dans l’étude CAPRICORN Âge moyen (années) Femmes Tableau 4 : Paramètres primaires de l’étude CAPRICORN Placebo (n=984) Carvédilol (n=975) 63 63 Mortalité toutes causes Placebo Carvédilol Risque relatif (IC à 95 %) Valeur p (nominale) 0,77 (0,60, 0,980) 0,031 26 % 27 % 15 % 12 % 31,7 % 31,9 % 151/984 116/975 Traitement thrombolytique 47 % 45 % Utilisation de nitrates intraveineux 73 % 73 % Fraction d’éjection Utilisation de diurétiques intraveineux 33 % 35 % Utilisation d’aspirine 86 % 86 % Utilisation d’inhibiteurs de l’ECA 97 % 98 % Mortalité toutes causes et hospitalisation pour cause cardiovasculaire percutanée. L’utilisation des inhibiteurs de l’ECA était obligatoire et ceux-ci devaient avoir été administrés 48 heures avant la randomisation. Les patients présentant une hypotension systémique et ceux qui nécessitaient l’utilisation d’agents inotropes intraveineux et qui suivaient un traitement par des ß-bloquants ont été exclus. Chez un petit nombre de patients qui prenaient des ß-bloquants au moment du recrutement, on a retiré ces médicaments afin qu’ils puissent participer à l’étude. Au total, 1959 patients ont été assignés au hasard au carvédilol (n = 984) ou à un placebo (n = 984). Le paramètre primaire original était la mortalité toutes causes. Les paramètres secondaires étaient la mort subite et l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Les analyses exploratoires comprenaient la mortalité cardiovasculaire, l’hospitalisation toutes causes, l’hospitalisation pour cause cardiovasculaire, les événements ischémiques chez les patients instables et les événements cardiovasculaires non mortels. Pendant l’étude, le comité directeur a été informé par le Data and Safety Monitoring Board que le taux d’événements observé était beaucoup plus bas que celui prédit, et qu’il était peu probable que l’étude soit terminée. Le paramètre primaire a donc été modifié en deux paramètres co-primaires : la mortalité toutes causes et l’hospitalisation pour cause cardiovasculaire, et la mortalité toutes causes tel que planifié initialement. Pour tenir compte du changement dans le paramètre primaire, de la valeur de signification statistique a été distribuée de 0,05 à 0,005 pour la mortalité toutes causes et à 0,045 pour le paramètre combiné. Le calcul de la taille de l’échantillon était fondé sur le paramètre combiné, avec une puissance de 90 % pour détecter une réduction de 25 % du paramètre combiné. Sur la base de ce calcul, on pensait qu’il était nécessaire de recruter 1850 patients présentant 633 Placebo Carvédilol Risque relatif (IC à 95 %) Valeur p (nominale) 37 % 35 % 0,92 (0,80, 1,07) 0,296 364/984 340/975 événements primaires. La dose du médicament de l’étude a été augmentée de 6,25 mg deux fois par jour pendant 2 à 4 semaines à la dose complète de 25 mg deux fois par jour. Résultats Les résultats de l’étude CAPRICORN ont été présentés à la réunion de l’ACC en mars. Ces résultats ne sont pas encore publiés et peuvent être sujets à révision. Les caractéristiques de base dans les deux groupes sont présentées au tableau 3. Les deux groupes étaient comparables. La fraction d’éjection moyenne était de 32 %, plus de 45 % ont reçu un traitement thrombolytique, plus de 85 % ont reçu de l’aspirine et 97 % ont reçu des inhibiteurs de l’ECA. Le médicament actif a été bien toléré, 83 % du groupe placebo et 74 % du groupe carvédilol ayant pu continuer à recevoir la dose complète des médicaments de l’étude. Chez 18 % des patients du groupe placebo et chez 20 % des patients du groupe carvédilol, les médicaments ont été retirés de façon permanente. Quarante-quatre pour cent des patients du groupe placebo et 41 % des patients du groupe carvédilol ont présenté plus d’un événement indésirable grave. Les données sur les deux paramètres secondaires sont présentées dans les parties supérieure et inférieure du tableau 1. Comme cela est montré dans la partie supérieure, la mortalité toutes causes a été réduite de 23 % dans le groupe de traitement actif. La valeur p nominale était significative, mais n’atteignait pas le seuil de la signification statistique si elle était fondée sur la valeur ajustée en fonction de la modification du paramètre. Comme cela est montré dans la partie inférieure, le deuxième paramètre primaire (mortalité toutes causes combinée à l’hospitalisation pour cause cardiovasculaire) n’était pas Cardiologie Actualités scientifiques d’insuffisance cardiaque de stade avancé, ainsi qu’aux patients ayant subi un IM aigu atteints de dysfonction ventriculaire gauche. Le nombre de décès prévenus pour 1000 patients traités avec des ß-bloquants pendant un an pour différentes populations de patients atteintes de dysfonction ventriculaire gauche est présenté au tableau 5. En tenant compte de la totalité des données, on peut conclure qu’à moins qu’il existe des contre-indications spécifiques, presque tous les patients stables atteints de dysfonction ventriculaire gauche bénéficieraient d’un traitement ß-bloquant et devraient recevoir un tel traitement. Tableau 5 : Nombre de décès prévenus pour 1000 patients traités par des bêta-bloquants Étude Population de patients Médicament Décès prévenus CAPRICORN Post-IM avec dysfonction du VG Carvédilol 23 MERIT-HF ICC légère à modérée Métoprolol CR/XL 40 CIBIS-II ICC légère à modérée Bisoprolol 43 COPERNICUS ICC de stade avancé Carvédilol 71 Références 1. Waagstein F, Hjalmarson A, Warnauskas E. Effect of chronic betaadrenergic receptor blockade in congestive cardiomyopathy. Br Heart J 1975;37:1022-36. 2. Swedberg K, Hjalmarson A, Waagstein F, Wallentin I. Prolongation of survival in congestive cardiomyopathy by beta-receptor blockade. Lancet 1979;1:1374-6. 3. Packer M, Bristow M, Cohen J et al. The effect of carvedilol on survival and hospitalization for cardiovascular complications in patients with chronic heart failure. N Engl J Med 1996;334:1349-55. 4. CIBIS-II Investigators and Committee. The Cardiac Insufficiency Bisoprolol Study II (CIBIS-II): a randomized trial. 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ICC = insuffisance cardiaque congestive Tous les patients présentaient une dysfonction systolique du VG et recevaient un traitement de fond avec des inhibiteurs de l’ECA. significativement différent entre les deux groupes même si l’estimation ponctuelle favorisait le carvédilol. En ce qui concerne les paramètres secondaires, on a noté une tendance à une réduction de la mort subite (réduction de 26 %, p = 0,098) et de l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (réduction de 14 %, p = 0,215). L’analyse ultérieure a montré une réduction majeure des IM non mortels (réduction de 41 %, p = 0,014) ainsi que du paramètre combiné (mortalité toutes causes et IM non mortel) (réduction de 29 %, p = 0,002), paramètres qui étaient couramment examinés dans les études cliniques contemporaines sur le syndrome ischémique aigu. Discussion Les résultats préliminaires de l’étude CAPRICORN indiquent que le carvédilol réduit la mortalité toutes causes chez les patients ayant subi un IM aigu par rapport au traitement actuel de l’IM aigu compliqué d’une dysfonction ventriculaire gauche. Il est intéressant de noter que le nombre de patients devant être traités pendant un an pour prévenir un décès dans l’étude CAPRICORN est de 43. Ce chiffre est presque identique à celui calculé dans les études sur les inhibiteurs de l’ECA après un IM aigu, excepté que dans le cas de l’étude CAPRICORN, il est obtenu en utilisant conjointement des inhibiteurs de l’ECA. Le carvédilol réduit également les événements ischémiques, surtout les IM non mortels, dans cette population de patients. Résumé En résumé, les résultats favorables des études CAPRICORN et COPERNICUS élargissent l’usage des ß-bloquants des patients atteints d’insuffisance cardiaque légère à modérée selon les recommandations actuelles aux patients stables atteints La version française a été revisée par le Dr George Honos, Montréal. ©2001 Division de cardiologie, St. Michael’s Hospital, Université de Toronto, seule responsable du contenu de cette publication. Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement celles de l’éditeur ou des commanditaires qui ont offert une subvention a l’éducation, mais sont celles de l’établissement qui en est l’auteur et qui se fonde sur la documentation scientifique existante. Édition : SNELL Communication Médicale Inc. avec la collaboration de la Division de cardiologie, St. Michael’s Hospital, Université de Toronto. Tous droits réservés. Imprimé au Canada. 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