Le rôle thérapeutique croissant des bloqueurs des récepteurs bêta

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ST. MICHAEL’S HOSPITAL
Cardiologie
UNIVERSITY
OF TORONTO
RAPPORT DE LA DIVISION DE CARDIOLOGIE
S T. M I C H A E L ’ S H O S P I T A L , U N I V E R S I T É D E T O R O N T O
Actualités scientifiques
MC
Le rôle thérapeutique croissant des bloqueurs
des récepteurs bêta-adrénergiques chez les patients
atteints de dysfonction systolique ventriculaire gauche
Résultats des études COPERNICUS et CAPRICORN
Présenté initialement par : M I LT O N PA C K E R , M.D.
ET
H E N RY J. D A R G I E , M.D.
Rapport sur une présentation à la 50e réunion scientifique annuelle
de l’American College of Cardiology
Orlando, Floride,
Présenté et commenté par :
GORDON MOE, M.D.
Le blocage des récepteurs bêta-adrénergiques est devenu
rapidement un traitement standard chez les patients atteints
de dysfonction ventriculaire gauche symptomatique. Jusqu’à
l’année dernière, l’effet bénéfique des ß-bloquants sur les
résultats cliniques n’avait été démontré que chez les patients
atteints d’insuffisance cardiaque légère à modérée.
Cependant, les résultats concernant le paramètre primaire de
l’étude COPERNICUS présentés vers la fin de l’année
dernière ont indiqué que le carvédilol, un ß-bloquant ayant
des propriétés de blocage des récepteurs a-adrénergiques, a
réduit la mortalité toutes causes chez les patients atteints
d’insuffisance cardiaque de stade avancé. Les résultats
présentés récemment concernant les paramètres secondaires
de l’étude COPERNICUS démontrent que le carvédilol a
également réduit la morbidité chez ces patients malades.
Bien que les ß-bloquants soient largement utilisés chez les
patients ayant subi un infarctus du myocarde (IM), les études
sur leur utilisation en cas d’IM ont été effectuées à l’ère où
l’on n’utilisait pas encore des agents thrombolytiques et des
inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine
(ECA). Très probablement, ces études initiales incluaient peu
de patients atteints de dysfonction ventriculaire gauche et
d’insuffisance cardiaque. Les résultats de l’étude
CAPRICORN présentés récemment démontrent que le
Division de cardiologie
Beth L. Abramson, MD
Wayne Batchelor, MD
Warren Cantor, MD
Luigi Casella, MD
Robert J. Chisholm, MD
Paul Dorian, MD
David H. Fitchett, MD
Michael R. Freeman, MD
Shaun Goodman, MD
Anthony F. Graham, MD
Robert J. Howard, MD
Stuart Hutchison, MD
Victoria Korely, MD
Anatoly Langer, MD (rédacteur)
Gordon W. Moe, MD
Juan Carlos Monge, MD
18 au 21 mars 2001
carvédilol réduit la mortalité toutes causes chez les patients
ayant subi un IM et atteints de dysfonction ventriculaire
gauche. Ainsi, ces nouvelles données fournissent une preuve
convaincante du bien-fondé de l’utilisation des ß-bloquants
chez une large gamme de patients – des patients atteints de
dysfonction ventriculaire gauche après un IM aux patients
stables atteints d’insuffisance cardiaque de stade avancé.
Le blocage des récepteurs bêta-adrénergiques
dans l’insuffisance cardiaque chronique
Bien que les premières données sur les avantages du blocage
bêta-adrénergique chez les patients atteints de cardiomyopathie
dilatée aient été signalées vers le milieu à la fin des années 19701,2,
le concept thérapeutique d’utiliser des ß-bloquants chez les
patients atteints d’insuffisance cardiaque a été débattu fortement
au cours des 15 années suivantes. Durant cette période,
seulement de petites études unicentriques randomisées et
contrôlées ont été effectuées. Par conséquent, les avantages du
blocage des récepteurs ß-adrénergiques n’ont été documentés
chez les patients atteints d’insuffisance légère à modérée que
lorsque les résultats de l’US Carvedilol Program3, CIBIS II4 et
MERIT-HF5 ont été publiés. Après la publication de ces résultats,
ces agents ont été recommandés pour tous les patients atteints
d’insuffisance cardiaque légère à modéré6,7. Cependant, étant
donné que seulement un petit nombre de patients atteints
d’insuffisance cardiaque sévère ont été recrutés dans ces études,
la base de données existante sur les effets du blocage des
David Newman, MD
Trevor I. Robinson, MD
Duncan J. Stewart, MD (chef)
Bradley H. Strauss, MD
Kenneth R. Watson, MD
St. Michael’s Hospital, 30 Bond St., suite 9-004, Queen Wing, Toronto, Ontario M5B 1W8 Télécopieur : (416) 864-5330
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restriction offerte par l’industrie pharmaceutique à titre de soutien
pour la distribution de cette publication.
Tableau 1 : Paramètres secondaires de l’étude
COPERNICUS
Placebo Carvédilol Risque relatif Valeur
(n=1133) (n=1156) (IC à 95 %)
p
Décès et
hospitalisation
toutes causes
507
425
0,76
0,00004
(0,67, 0,87)
Décès et
hospitalisation
pour cause
cardiovasculaire
395
314
0,73
0,00002
(0,63, 0,84)
Décès et
hospitalisation
357
pour insuffisance
cardiaque
271
0,69
0,000004
(0,59, 0,81)
récepteurs ß-adrénergiques chez les patients atteints
d’insuffisance cardiaque sévère était considérée, du moins jusqu’à
l’année dernière, comme étant insuffisante pour recommander un
traitement par des ß-bloquants chez les patients atteints
d’insuffisance cardiaque sévère. Les analyses de sous-groupes de
patients présentant des symptômes de la classe IV de la New York
Heart Association (NYHA) ayant participé à ces études n’ont pas
révélé que le blocage des récepteurs ß-adrénergiques offrait un
avantage statistiquement significatif sur la mortalité.
Les craintes au sujet des avantages potentiels de ces agents
chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque sévère ont été
aggravées par les résultats préliminaires de l’étude BEST
(Bucindolol Evaluation Survival Trial) qui ont été présentés
au début de l’année dernière8. Comme nous le verrons
ultérieurement, dans l’étude BEST, 2708 patients atteints
d’insuffisance cardiaque sévère (comme le montre le taux de
mortalité de 16,6 % des patients recevant le placebo) ont été
répartis au hasard pour recevoir du bucindolol, un bêtabloquant non sélectif ayant une activité sympathomimétique
intrinsèque et des propriétés vasodilatatrices légères9,10 ou un
placebo. Aucun avantage significatif sur la mortalité n’a été
observé dans l’ensemble de la population de l’étude BEST. Bien
que l’on ait noté une réduction de la mortalité parmi les patients
présentant des symptômes de la classe III de la NYHA, il y a eu
une augmentation manifeste de la mortalité parmi les patients
présentant des symptômes de la classe IV de la NYHA. Étant
donné ces considérations, une étude prospective de grande
envergure sur des patients atteints d’insuffisance cardiaque
sévère était donc nécessaire pour déterminer l’efficacité ainsi que
l’innocuité des ß-bloquants chez les patients atteints
d’insuffisance cardiaque sévère.
L’étude COPERNICUS
COPERNICUS (Carvedilol Prospective Randomized
Cumulative Survival) était une étude randomisée et contrôlée
avec placebo visant à examiner les effets du carvédilol, un
ß-bloquant non sélectif ayant des propriétés de blocage des
récepteurs α-adrénergiques par rapport à ceux du placebo sur la
mortalité toutes causes chez les patients atteints d’insuffisance
cardiaque sévère. Les détails du plan de l’étude ont été publiés et
examinés dans un numéro précédent de Cardiologie – Actualités
scientifiques. En bref, l’étude comprenait des patients atteints
d’insuffisance cardiaque d’étiologie ischémique et non
ischémique, présentant une fraction d’éjection ventriculaire
gauche inférieure à 25 % et des symptômes d’insuffisance
cardiaque au repos ou lors d’un effort minime malgré un
traitement conventionnel optimal. Les patients hospitalisés
pouvaient également être recrutés sous réserve qu’ils ne soient
pas dans un service de soins intensifs. Les patients pouvaient
avoir reçu des diurétiques par voie intraveineuse, mais non des
vasodilatateurs intraveineux ou des agents inotropes au cours
des 4 derniers jours. Le paramètre primaire spécifié à l’avance
était la mortalité toutes causes. Les paramètres secondaires
comprenaient les paramètres composés : mortalité toutes causes
et hospitalisation toutes causes, hospitalisation pour cause
cardiovasculaire, hospitalisation pour insuffisance cardiaque,
ainsi que l’évaluation globale du bien-être par les patients.
L’ étude était axée sur le taux des événements avec un objectif
initial de 900 événements primaires. Toutefois, elle a été
terminée de façon précoce le 14 mars 2000 à la demande du
Data Safety Monitoring Board car il a été démontré que le
carvédilol a eu un effet favorable sur les résultats.
Les résultats préliminaires en ce qui concerne le paramètre
primaire de l’étude COPERNICUS ont été présentés pour la
première fois à la réunion de la Société européenne de cardiologie en août 2000 et ont été analysés dans un numéro précédent
de Cardiologie – Actualités scientifiques. En bref, un total de 2289
patients ont été randomisés. Le traitement avec le carvédilol a été
associé à une réduction de 35 % de la mortalité toutes causes. Le
carvédilol a offert un avantage concernant la mortalité dans tous
les sous-groupes, y compris les patients dont la maladie était au
stade le plus avancé, pensait-on, d’après leur faible fraction
d’éjection et/ou leur récente admission à l’hôpital pour cause
d’insuffisance cardiaque.
Résultats
Les résultats concernant les paramètres secondaires de
l’étude COPERNICUS ont été présentés à la réunion de l’ACC en
mars 2001. Comme les données sur le paramètre primaire
analysées antérieurement, les données sur les paramètres
secondaires n’ont pas encore été publiées et les résultats présentés
ci-dessous sont préliminaires et peuvent faire l’objet d’un examen
et de modifications. Les résultats en ce qui concerne les
paramètres composés (mortalité et hospitalisation) sont présentés
au tableau 1. La mort et l’hospitalisation toutes causes,
l’hospitalisation pour cause cardiovasculaire et l’hospitalisation
Cardiologie
Actualités scientifiques
Tableau 2 : Événements indésirables graves qui
étaient moins fréquents (p nominal < 0,05)
chez les patients traités avec le carvédilol
dans l’étude COPERNICUS
Placebo
Insuffisance cardiaque
Choc cardiogénique
Carvédilol
33,6 %
28,1 %
1,7 %
0,4 %
Fibrillation auriculaire
4,3 %
2,2 %
Tachycardie supraventriculaire
1,0 %
0,2 %
Fibrillation ventriculaire
2,1 %
1,0 %
Mort subite
6,1 %
3,9 %
Tachycardie ventriculaire
3,9 %
1,6 %
Évènements indésirables graves qui étaient plus
fréquents (p nominal < 0,05) chez les patients traités
avec le carvédilol
Placebo
Bradycardie
Étourdissements
Hypotension
Carvédilol
3,2 %
11,8 %
16,2 %
24,1 %
8,7 %
15,1 %
pour insuffisance cardiaque ont été significativement réduits.
Parmi les éléments des paramètres composés spécifiés à l’avance,
l’hospitalisation toutes causes, l’hospitalisation pour cause
cardiovasculaire et l’hospitalisation pour cause d’insuffisance
cardiaque ont été réduits de 20 %, 26 % et 33 %, p = 0,0012,
0,0056 et 0,0014, respectivement). En outre, le nombre total de
jours d’hospitalisation, le nombre d’hospitalisations et le nombre
de jours par hospitalisation ont été réduits de 24 %, 27 % et
31 %, p = 0,0005, 0,0017 et 0,015, respectivement. L’utilisation
de diurétiques intraveineux et de vasodilatateurs et d’agents
inotropes intraveineux a été réduite significativement de 25 % et
de 33 %, respectivement, de même que l’utilisation de tests tels
que l’échocardiographie. Dans l’évaluation globale des patients, le
pourcentage de patients signalant une amélioration clinique 2, 4
et 6 mois après la randomisation était supérieur chez les patients
traités avec le carvédilol, alors que le pourcentage de patients
signalant une aggravation clinique durant la même période était
supérieur dans le groupe placebo. Ces différences entre les
groupes d’étude étaient significatives pour tous les points
d’évaluation et ont également augmenté progressivement à
mesure que l’étude progressait.
Dans l’ensemble, l’incidence signalée des événements
indésirables était semblable dans les deux groupes (75,4 % vs
75,7 %, placebo comparativement au carvédilol, p = 0,86).
Toutefois, les patients traités avec le carvédilol étaient moins
susceptibles de signaler des effets indésirables graves (39 % vs
45,5 %, p = 0,002). Ces effets indésirables graves sont indiqués
dans la partie supérieure du tableau 2 et presque tous
indiquaient une aggravation de la maladie sous-jacente. En
revanche, comme le montre la partie inférieure du tableau 2, la
bradycardie, l’hypotension et les étourdissements ont été
signalés plus fréquemment parmi les patients traités avec le
carvédilol. Ces effets indésirables surviennent habituellement
pendant la période d’ajustement de la dose du carvédilol et
étaient probablement le résultat des effets du blocage ß- et αadrénergique du carvédilol. Malgré les craintes au sujet de l’effet
inotrope négatif du blocage ß-adrénergique, le groupe carvédilol
n’a pas présenté une aggravation plus importante de
l’insuffisance cardiaque que le groupe placebo, que ce soit au
cours de la période initiale d’augmentation de la dose (p = 0,257)
que durant la phase de traitement d’entretien. En fait, le groupe
carvédilol a présenté moins fréquemment une aggravation de
l’insuffisance cardiaque que le groupe placebo (p < 0,0001).
Pendant toute la phase de traitement d’entretien, on a noté un
taux moins élevé d’arrêt permanent du médicament de l’étude
dans le groupe carvédilol que dans le groupe placebo. Au cours
des 12 premières semaines (environ pendant la période
d’augmentation de la dose), une majorité de patients (73 % dans
le groupe carvédilol et 85 % dans le groupe placebo) ont pu
atteindre la dose cible de 2,5 mg deux fois par jour. Durant la
phase de traitement d’entretien, cette dose complète a été
maintenue chez 65 % des patients traités avec le carvédilol et
chez 75 % des patients traités avec le placebo.
Discussion
Bien que COPERNICUS, la plus grande étude sur
l’utilisation des ß-bloquants chez les patients atteints
d’insuffisance cardiaque sévère, démontre clairement les
avantages considérables du carvédilol, il est néanmoins utile de
comparer les résultats de l’étude COPERNICUS avec les résultats
différents de l’étude BEST. Comme nous l’avons mentionné
antérieurement, l’étude BEST a recruté également un nombre
suffisant de patients atteints d’insuffisance cardiaque sévère
(taux de mortalité annualisé dans le groupe placebo de 16,6 %).
Le paramètre primaire de l’étude BEST était la mortalité totale.
Les paramètres secondaires était la mortalité cardiovasculaire,
l’hospitalisation, la mort ou la transplantation, la fraction
d’éjection, l’incidence des IM, la qualité de vie et la nécessité
d’un traitement concomitant. Les résultats préliminaires de
l’étude BEST indiquent que comparativement au placebo, le
bucindolol a réduit les taux plasmatiques de norépinéphrine et
a amélioré la fraction d’éjection au 3e et 12e mois. Le bucindolol
a également réduit la mortalité cardiovasculaire de 14 %,
l’hospitalisation de 12 % et l’IM de 50 %. Cependant, la
mortalité toutes causes, la mort subite et la mort par défaillance
de la pompe cardiaque ainsi que la mortalité non cardiovasculaire n’ont pas été significativement réduits par le bucindolol.
Bien que les études BEST et COPERNICUS aient recruté des
patients atteints d’insuffisance cardiaque sévère, contrairement
Cardiologie
Actualités scientifiques
à l’étude COPERNICUS, l’étude BEST a recruté un nombre
considérable d’Afro-américains. Ce groupe de patients
présentaient un taux beaucoup plus élevé d’hypertension,
une baisse des taux plasmatiques de norépinéphrine plus
prononcée à la suite du traitement avec le bucindolol. Les
patients Afro-américains traités avec du bucindolol ont
connu en fait une augmentation de 17 % de la mortalité
malgré l’amélioration de leur fraction d’éjection équivalente
à celle des Blancs. En réalité, si l’on exclut ce sous-groupe
de l’analyse, les 2100 patients restants ont connu une
réduction statistiquement significative de la mortalité
toutes causes. Les raisons de la réponse hétérogène au
bucindolol dans l’étude BEST et de la réponse
systématiquement favorable au carvédilol dans l’étude
COPERNICUS ne sont pas claires. Cependant, ces différences font entrevoir plusieurs possibilités qui peuvent
être importantes pour les cliniciens :
• Tout d’abord, cette différence dans les réponses
suggèrent qu’il est possible que les sous-groupes raciaux
atteints d’insuffisance cardiaque de stade avancé ne
répondent pas tous aux ß-bloquants.
• Deuxièmement, une réduction excessive du taux
plasmatique de norépinéphrine (comme on l’a noté
également dans l’étude MOXCON) et l’activité sympathomimétique intrinsèque de ces médicaments peuvent être
néfastes.
• Troisièmement et surtout, l’effet bénéfique démontré
avec les trois ß-bloquants n’est pas un « effet de classe ». Les
patients atteints d’insuffisance cardiaque de stade avancé
peuvent ne pas répondre simplement à n’importe quel
ß-bloquant. À cet égard, le carvédilol est le seul agent pour
lequel on a démontré que le blocage ß-adrénergique
améliorait la mortalité et la morbidité chez les patients
stables atteints d’insuffisance cardiaque réellement sévère.
Les conclusions de l’étude COPERNICUS
L’étude COPERNICUS est la plus grande étude qui a
jamais été effectuée chez des patients atteints d’insuffisance
cardiaque sévère avec des ß-bloquants et en fait avec
n’importe quel traitement. En tenant compte des données
sur le paramètre primaire analysées dans un numéro
précédent de Cardiologie – Actualités scientifiques, on peut
tirer les conclusions suivantes des résultats de l’étude
COPERNICUS :
• Chez les patients stables atteints d’insuffisance
cardiaque sévère, le traitement à long terme avec le
carvédilol réduit le risque de mortalité et le risque composé
de mortalité et d’hospitalisation; la fréquence, la durée du
séjour et la gravité des hospitalisations; ainsi que le risque
d’hospitalisations répétées.
• Le carvédilol réduit le risque de progression de
l’insuffisance cardiaque.
• Le carvédilol est bien toléré, un moins grand nombre
de patients nécessitant l’arrêt permanent du médicament
pour n’importe quelle raison.
• Le carvédilol n’aggrave pas l’insuffisance cardiaque,
que ce soit durant la phase initiale d’augmentation de la
dose, ou durant la phase de traitement d’entretien à long
terme, malgré le stade avancé de la maladie dans la
population de patients.
L’étude CAPRICORN
Bien que des études initiales aient démontré les effets
bénéfiques des ß-bloquants sur la mortalité chez les patients
présentant un infarctus du myocarde (IM) aigu12,13,
l’applicabilité de ces études initiales au traitement actuel des
patients présentant un IM aigu a été remise en question14. Il
existe plusieurs raisons expliquant cette incertitude. Tout
d’abord, les études initiales ont toutes été menées à l’ère
où l’aspirine, la thrombolyse et les inhibiteurs de
l’ECA n’étaient pas encore utilisés de façon répandue.
Deuxièmement, les patients âgés ont été largement exclus de
ces études initiales. Troisièmement, il y a des raisons de
croire que les populations de patients recrutés dans ces
études présentaient un risque relativement faible en ce qui
concerne les événements cardiovasculaires et la mortalité
précoce, et le nombre de patients atteints de dysfonction
ventriculaire gauche et/ou d’insuffisance cardiaque était
relativement faible. Par conséquent, le rôle thérapeutique
des ß-bloquants chez les patients présentant un IM aigu et
une altération de la fonction ventriculaire gauche n’a jamais
été examiné dans une étude de méthodologie appropriée,
randomisée et contrôlée par rapport au traitement actuel des
patients présentant un IM aigu.
CAPRICORN (Carvedilol Post-infarct Survival
Controlled Evaluation) était donc une étude multinationale,
randomisée et contrôlée sur les effets du carvédilol sur la
mortalité et la morbidité chez les patients atteints de
dysfonction ventriculaire gauche après un IM aigu. L’étude
comprenait 163 chercheurs dans 17 pays en Europe, en
Israël, en Amérique du Nord, en Australie et en NouvelleZélande. Les détails du plan de l’étude CAPRICORN ont été
publiés récemment15. Les patients présentant un IM aigu
confirmé dans les 3 à 21 jours (moyenne de 10 jours) ont
été recrutés. Pour être admis dans l’étude, les patients
devaient avoir une fraction d’éjection < 40 % déterminée par
échocardiographie, un examen radioisotopique ou une
ventriculographie de contraste. Les patients recevaient
également un traitement pour l’IM aigu comprenant de
l’aspirine, la thrombolyse et une intervention coronarienne
Cardiologie
Actualités scientifiques
Tableau 3 : Caractéristiques de base des patients
dans l’étude CAPRICORN
Âge moyen (années)
Femmes
Tableau 4 : Paramètres primaires de l’étude
CAPRICORN
Placebo
(n=984)
Carvédilol
(n=975)
63
63
Mortalité toutes causes
Placebo
Carvédilol
Risque relatif
(IC à 95 %)
Valeur p
(nominale)
0,77 (0,60, 0,980)
0,031
26 %
27 %
15 %
12 %
31,7 %
31,9 %
151/984
116/975
Traitement thrombolytique
47 %
45 %
Utilisation de nitrates
intraveineux
73 %
73 %
Fraction d’éjection
Utilisation de diurétiques
intraveineux
33 %
35 %
Utilisation d’aspirine
86 %
86 %
Utilisation d’inhibiteurs de l’ECA 97 %
98 %
Mortalité toutes causes et hospitalisation
pour cause cardiovasculaire
percutanée. L’utilisation des inhibiteurs de l’ECA était
obligatoire et ceux-ci devaient avoir été administrés
48 heures avant la randomisation. Les patients présentant
une hypotension systémique et ceux qui nécessitaient
l’utilisation d’agents inotropes intraveineux et qui suivaient
un traitement par des ß-bloquants ont été exclus. Chez un
petit nombre de patients qui prenaient des ß-bloquants au
moment du recrutement, on a retiré ces médicaments afin
qu’ils puissent participer à l’étude. Au total, 1959 patients
ont été assignés au hasard au carvédilol (n = 984) ou à un
placebo (n = 984).
Le paramètre primaire original était la mortalité toutes
causes. Les paramètres secondaires étaient la mort subite et
l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Les analyses
exploratoires comprenaient la mortalité cardiovasculaire,
l’hospitalisation toutes causes, l’hospitalisation pour cause
cardiovasculaire, les événements ischémiques chez les
patients instables et les événements cardiovasculaires non
mortels. Pendant l’étude, le comité directeur a été informé
par le Data and Safety Monitoring Board que le taux
d’événements observé était beaucoup plus bas que celui
prédit, et qu’il était peu probable que l’étude soit terminée.
Le paramètre primaire a donc été modifié en deux
paramètres co-primaires : la mortalité toutes causes et
l’hospitalisation pour cause cardiovasculaire, et la mortalité
toutes causes tel que planifié initialement. Pour tenir
compte du changement dans le paramètre primaire, de la
valeur de signification statistique a été distribuée de 0,05 à
0,005 pour la mortalité toutes causes et à 0,045 pour le
paramètre combiné. Le calcul de la taille de l’échantillon
était fondé sur le paramètre combiné, avec une puissance
de 90 % pour détecter une réduction de 25 % du paramètre
combiné. Sur la base de ce calcul, on pensait qu’il était
nécessaire de recruter 1850 patients présentant 633
Placebo
Carvédilol
Risque relatif
(IC à 95 %)
Valeur p
(nominale)
37 %
35 %
0,92 (0,80, 1,07)
0,296
364/984
340/975
événements primaires. La dose du médicament de l’étude a
été augmentée de 6,25 mg deux fois par jour pendant 2 à
4 semaines à la dose complète de 25 mg deux fois par jour.
Résultats
Les résultats de l’étude CAPRICORN ont été présentés à
la réunion de l’ACC en mars. Ces résultats ne sont pas
encore publiés et peuvent être sujets à révision. Les
caractéristiques de base dans les deux groupes sont
présentées au tableau 3. Les deux groupes étaient
comparables. La fraction d’éjection moyenne était de 32 %,
plus de 45 % ont reçu un traitement thrombolytique, plus
de 85 % ont reçu de l’aspirine et 97 % ont reçu des
inhibiteurs de l’ECA. Le médicament actif a été bien toléré,
83 % du groupe placebo et 74 % du groupe carvédilol ayant
pu continuer à recevoir la dose complète des médicaments
de l’étude. Chez 18 % des patients du groupe placebo et
chez 20 % des patients du groupe carvédilol, les
médicaments ont été retirés de façon permanente.
Quarante-quatre pour cent des patients du groupe placebo
et 41 % des patients du groupe carvédilol ont présenté plus
d’un événement indésirable grave.
Les données sur les deux paramètres secondaires sont
présentées dans les parties supérieure et inférieure du
tableau 1. Comme cela est montré dans la partie supérieure,
la mortalité toutes causes a été réduite de 23 % dans le
groupe de traitement actif. La valeur p nominale était
significative, mais n’atteignait pas le seuil de la signification
statistique si elle était fondée sur la valeur ajustée en
fonction de la modification du paramètre. Comme cela est
montré dans la partie inférieure, le deuxième paramètre primaire (mortalité toutes causes combinée à
l’hospitalisation pour cause cardiovasculaire) n’était pas
Cardiologie
Actualités scientifiques
d’insuffisance cardiaque de stade avancé, ainsi qu’aux patients
ayant subi un IM aigu atteints de dysfonction ventriculaire
gauche. Le nombre de décès prévenus pour 1000 patients traités
avec des ß-bloquants pendant un an pour différentes
populations de patients atteintes de dysfonction ventriculaire
gauche est présenté au tableau 5. En tenant compte de la totalité
des données, on peut conclure qu’à moins qu’il existe des
contre-indications spécifiques, presque tous les patients stables
atteints de dysfonction ventriculaire gauche bénéficieraient d’un
traitement ß-bloquant et devraient recevoir un tel traitement.
Tableau 5 : Nombre de décès prévenus pour 1000
patients traités par des bêta-bloquants
Étude
Population de
patients
Médicament
Décès
prévenus
CAPRICORN
Post-IM avec
dysfonction
du VG
Carvédilol
23
MERIT-HF
ICC légère
à modérée
Métoprolol
CR/XL
40
CIBIS-II
ICC légère
à modérée
Bisoprolol
43
COPERNICUS
ICC de stade
avancé
Carvédilol
71
Références
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survival in congestive cardiomyopathy by beta-receptor blockade.
Lancet 1979;1:1374-6.
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chronic heart failure. N Engl J Med 1996;334:1349-55.
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Bisoprolol Study II (CIBIS-II): a randomized trial. Lancet 1999;353:913.
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ICC = insuffisance cardiaque congestive
Tous les patients présentaient une dysfonction systolique du VG et
recevaient un traitement de fond avec des inhibiteurs de l’ECA.
significativement différent entre les deux groupes même si
l’estimation ponctuelle favorisait le carvédilol. En ce qui
concerne les paramètres secondaires, on a noté une tendance à
une réduction de la mort subite (réduction de 26 %, p = 0,098)
et de l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (réduction de
14 %, p = 0,215). L’analyse ultérieure a montré une réduction
majeure des IM non mortels (réduction de 41 %, p = 0,014)
ainsi que du paramètre combiné (mortalité toutes causes et IM
non mortel) (réduction de 29 %, p = 0,002), paramètres qui
étaient couramment examinés dans les études cliniques
contemporaines sur le syndrome ischémique aigu.
Discussion
Les résultats préliminaires de l’étude CAPRICORN
indiquent que le carvédilol réduit la mortalité toutes causes chez
les patients ayant subi un IM aigu par rapport au traitement
actuel de l’IM aigu compliqué d’une dysfonction ventriculaire
gauche. Il est intéressant de noter que le nombre de patients
devant être traités pendant un an pour prévenir un décès dans
l’étude CAPRICORN est de 43. Ce chiffre est presque identique
à celui calculé dans les études sur les inhibiteurs de l’ECA après
un IM aigu, excepté que dans le cas de l’étude CAPRICORN, il
est obtenu en utilisant conjointement des inhibiteurs de l’ECA.
Le carvédilol réduit également les événements ischémiques,
surtout les IM non mortels, dans cette population de patients.
Résumé
En résumé, les résultats favorables des études CAPRICORN
et COPERNICUS élargissent l’usage des ß-bloquants des patients
atteints d’insuffisance cardiaque légère à modérée selon les
recommandations actuelles aux patients stables atteints
La version française a été revisée par le Dr George Honos, Montréal.
©2001 Division de cardiologie, St. Michael’s Hospital, Université de Toronto, seule responsable du contenu de cette publication. Les opinions exprimées dans cette publication ne reflètent pas nécessairement celles de
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