Conduites suicidaires au moyen d’une arme a feu 463
sionnels, ainsi qu’une hypersensibilité à l’environnement.
L’évènement vaudrait moins par son intensité que par la
résonance affective qu’il pourrait susciter chez l’individu.
L’anxiété pourrait alors prendre une grande intensité avec
sentiments de mort imminente et entraîner un geste suici-
daire sous forme de raptus.
Les tentatives de suicide par arme à feu : un geste
rarement prémédité
Une préméditation du geste suicidaire était notée pour 22 %
des patients et l’élaboration précise d’un scénario pour le
passage à l’acte dans 16 %. Par ailleurs, le passage à l’acte
était qualifié d’impulsif dans 71 % des dossiers étudiés. Le
passage à l’acte n’était donc pas fréquemment préparé,
prémédité, alors qu’une dimension impulsive était souvent
repérée. Ces données sont corroborées par le fait que la pro-
babilité d’être découvert était souvent élevée et que le lieu
du passage à l’acte était en majorité le domicile. Chapde-
laine [10] et Peterson et al. [29] rapportaient également une
forte composante impulsive associée au passage à l’acte. Par
ailleurs, De Leo et al. [13] ont suggéré l’existence d’une
possible relation entre les traits impulsifs et le choix du
moyen. Le passage à l’acte suicidaire par arme à feu aurait
donc une dimension impulsive particulièrement importante
par rapport à d’autres moyens tels que les médicaments.
Cependant, la dimension d’impulsivité est particulièrement
délicate à évaluer compte tenu de la part importante de sub-
jectivité associée à cette composante, du moins pour notre
étude.
Le fusil de chasse, une arme à feu à vocation
transgénérationnelle
L’achat récent de l’arme à feu : une exception
L’achat récent d’une arme à feu dénote d’une préparation
de l’acte, voire d’une planification plus ou moins précise.
C’est une notion classique de l’entretien d’un patient en
crise suicidaire dans le cadre d’une évaluation du risque de
passage à l’acte. Toutefois, l’achat d’une arme précisément
dans le but de se suicider a été, pour notre étude, un évè-
nement rare. En effet, le patient avait acheté récemment
l’arme à feu qui allait être utilisée pour le passage à l’acte
dans moins de 5 % des cas : l’achat s’était fait dans l’année
qui précédait le geste et, dans plus de la moitié des cas,
dans la semaine précédente. À ce sujet, Browning [9] avait
mené une étude rétrospective qui avait porté sur 82 suicides
consécutifs entre novembre 1972 et février 1973 dans l’état
de l’Ohio aux États-Unis et seulement 8,6 % des armes utili-
sées pour le suicide avaient été achetées spécifiquement en
vue du suicide.
L’arme à feu à usage professionnel : une exception
Dans notre échantillon, seuls quatre patients travaillaient
dans la police ou la gendarmerie et possédaient donc une
arme à feu du fait de leur profession. Nous n’avons pas
retrouvé d’études au sujet de l’influence de la disponibilité
du moyen arme à feu du fait de l’activité professionnelle sur
le risque de suicide par arme à feu.
Figure 7 Type d’arme à feu utilisée.
Le fusil de chasse : l’arme de choix
En ce qui concerne le type d’arme à feu employé, une arme
d’épaule était utilisée dans 55 % des cas, une arme de poing
dans 16 % et l’information n’était pas renseignée dans 29 %
((Fig. 7)). Le type précis de l’arme n’était pas non plus noté
dans 32 % des cas. Il s’agissait d’un fusil de chasse dans
30 %, d’une carabine dans 17 %, d’une 22 Long Rifle (22LR)
dans 8 %, d’un pistolet à grenaille dans 7,5 %, d’une arme
à air comprimé dans deux cas et d’un pistolet dans quatre
cas. Aucun suicidant n’avait employé de revolver en ce qui
concerne les dossiers renseignés. Pour Attalah et Quenard
[3], de même que pour Benateau et al. [6], le fusil de chasse
était l’arme de choix, un seul coup était d’ailleurs le plus
souvent tiré. Aux États-Unis, l’étude de Kohlmeier et al.
[21] avait porté sur le type précis de l’arme et du calibre
de l’arme : le plus fréquent était le calibre 38 spécial, puis
le 22 Rimfire devant le 357 Magnum. Parmi les calibres 22,
le revolver était le plus fréquent (50 % des cas) alors que
pour les carabines, il s’agissait d’un calibre 12 dans envi-
ron 60 % des cas. Cette étude nord-américaine résume les
résultats de la grande majorité des travaux publiés outre-
Atlantique. En effet, à l’exception de l’étude de Shuck [34]
qui retrouvait en majorité le fusil de chasse, les armes de
poing, dont la prévalence est très importante aux États-Unis,
représentent l’arme de choix pour le suicide (et l’homicide).
Au Canada, l’arme de choix est le fusil de chasse, puis la
carabine tandis que l’arme de poing n’est employée que
dans 7,8 % des cas seulement [4]. Sur la question de la pré-
sence ou non d’autres armes à feu à domicile, l’information
n’était pas notée dans 90 % des cas. Il était précisé dans
le dossier que le patient était chasseur dans près de 10 %
des cas et qu’il ne l’était pas dans 6 % des cas. Le devenir
de l’arme à feu, c’est-à-dire sa neutralisation éventuelle
ou sa saisie par les forces de police ou de gendarmerie, ou
même son retrait par la famille du suicidant, n’était, à aucun
moment, rapporté.
Le visage et le cou, principales cibles choisies par
les patients suicidants par arme à feu
En ce qui concerne le geste suicidaire, notre étude a mis en
évidence que la partie du corps visée par le suicidant était
la tête et/ou le cou dans 65 % des cas, le thorax dans 20 %,
toujours du côté gauche (du côté du cœur), l’abdomen dans
9 %, les membres dans 2 %. Aucune différence significative
entre les sexes n’est apparue pour ce qui était de la localisa-
tion corporelle du coup de feu. De même, Herve et Gaillard
[19], dans une étude rétrospective effectuée entre 1978 et