Conclusion générale
Conclusion – 620
(1) Tout d'abord, l'étude scientifique de la mémoire humaine révèle une question
d'un intérêt particulier suscitant de plus en plus de travaux : celle de la relation entre
mémoire et conscience. Si les premiers travaux scientifiques évitaient soigneusement
d'aborder le champ de la conscience (Ebbinghaus, 1885), on assiste depuis quelques
dizaines d'années à un renversement de situation, notamment grâce aux apports de la
neuropsychologie. En effet, comment ne pas reconnaître l'existence de la conscience
face à des patients qui en sont visiblement privés (Shimamura, 1994) ? La
démonstration d'une forme de mémoire inconsciente préservée et d'une altération des
phénomènes mnésiques conscients (cela est vrai aussi pour d'autres fonctions, comme
la perception, Schacter, 1989 ; Schacter et al., 1988 ; Shimamura, 1994) est une des
découvertes les plus intrigantes de la neuropsychologie. La psychologie expérimentale
montre que cette dissociation n'existe pas uniquement chez les amnésiques mais qu'elle
est aussi présente chez le sujet normal. Une information peut être mémorisée en toute
ignorance ou bien donner lieu à une expérience consciente de souvenir. Dans ce
deuxième cas uniquement, le sujet sait qu'il utilise sa mémoire et a l'impression
subjective de revivre un épisode du passé (Jacoby et al., 1989). Dans l'apprentissage
sans conscience, au contraire, des événements vécus antérieurement influencent le
comportement et la performance actuels alors que le sujet n'a pas connaissance de cette
influence. L'expérience consciente du souvenir se manifeste au moment de la
récupération de l'information en mémoire ; lorsque cette récupération échoue, le sujet
ressent le sentiment, parfois tenace et agaçant, d'avoir "le mot sur le bout de la langue",
d'être sur le point d'accéder à l'information recherchée. Il sait qu'il sait ; cette
expérience métacognitive associée à la mémoire sémantique est l'une des plus
communes et a inspiré de nombreux travaux et réflexions en psychologie.
(2) Concernant les effets de l'encodage intentionnel su la performance, nous
avons constaté que l'étude expérimentale de la mémoire aboutit à une conclusion
unanime : l'intention de retenir n'est pas un facteur pertinent pour la performance.
D'autres facteurs, comme la profondeur de traitement (Craik et Lockhart, 1972) ou la
spécificité de l'encodage (Tulving et Thomson, 1973) sont des variables explicatives
beaucoup plus puissantes. Nous remarquons toutefois que ces conclusions prennent
source dans des expériences de laboratoire laissant peu de contrôle au sujet sur ses
activités mnésiques (instructions données aux sujets, durées de présentation fixées,
opérations d'encodage ou de récupération forcées…). Si le cadre expérimental permet
effectivement de mettre à jour les lois de la mémoire de manière rigoureuse, il peut
comporter certaines limites pour décrire les phénomènes réellement en jeu dans la vie
quotidienne. Le problème de la validité écologiques des modèles de la mémoire est
soulevé à plusieurs reprises ; il est par exemple utile de s'interroger sur la notion même
de performance mnésique (quantité ou précision ?, Koriat et Goldsmith, 1996a), ou
encore sur les mécanismes de contrôle mis en œuvre intentionnellement par les sujets
(Nelson et Narens, 1994). Ce problème est d'autant plus crucial dans notre
problématique que la métamémoire se développe à partir des expériences quotidiennes
du sujet, expériences qui n'ont pas nécessairement de similitude avec les situations