Du mensonge et de la simulation Étymologie Définition

Du mensonge et de la simulation
Jacques Gasser
Département de psychiatrie des Hospices-CHUV
Cours de psychiatrie légale
Faculté de droit, Lausanne, 16 mars 2006
Étymologie
Mençunge, 1080
Mençonge, 1160
Dérivé de mentio, du latin populaire
(mention au sens de mention mensongère)
Ou de mentitio
(participe passé de mentiri, mentir)
Mot féminin jusqu’au XVIIème siècle
Définition
Le mensonge est une assertion
sciemment contraire à la vérité.
Mentir c’est affirmer ce que l’on
sait être faux ou nier, taire ce qu’on
devrait dire
Le Robert, 1997
Dissimuler : ne pas laisser paraître ce
qu'on pense, ce qu'on éprouve, ce que
l'on sait ; ou chercher à en donner une
idée fausse , cacher, taire, déguiser.
(Le Petit Robert)
Tromper : induire quelqu'un en erreur
quant aux faits ou quant à ses
intentions, en usant de mensonges, de
dissimulations, de ruses.
(Le Petit Robert)
Définition
« Le fait de « vouloir faire croire »
comme étant vrai ou faux ce que l’on
ne considère pas comme vrai ou faux,
indépendamment du fait qu’il peut
l’être réellement »
Maria Bettini, Petite histoire du mensonge, Hachette, 2003
Caractéristiques du mensonge
Le mensonge est un acte de la volonté d’un
sujet libre
Il présuppose acquis la différence entre le
réel et l’imaginaire
Il implique un interlocuteur et des
« mauvaises intentions » à son égard
Voluntas fallendi
La volonté de tromper
Voluntas nocendi
La volonté de nuire
Saint Augustin
« Ment celui qui pense une chose et affirme
par la parole ou par un autre moyen
d’expression quelque chose de différent »
De mendacio, 395
« De cela vient que l’on peut dire le faux
sans mentir, si l’on pense que les choses
sont telles que nous les disons, même s’il
n’en est rien, et que l’on peut dire le vrai en
mentant, si l’on pense que c’est faux et
qu’on l’affirme à la place du vrai, bien
qu’en réalité les choses soient telles que
nous les disons »
Principe fondamental
Pour Augustin, on ne doit jamais mentir
Même pour sauver une vie, car la vie de
l’âme vaut plus que la vie du corps
Il vaut mieux supporter le mal qu’en être le
complice à travers le mensonge, il faudra
donc utiliser la ruse et le silence pour éviter
le mensonge
Classification des mensonges
Convertir quelqu’un
Faire du mal tout court
Jouir d’une tromperie
Faire plaisir à quelqu’un en nuisant à d’autres
Faire un plaisir sans nuire à personne
Raviver la conversation
Sauver un vie
Éviter à quelqu’un de subir un outrage impur
De mendacio, 395
Mensonge et folie
Érasme, dans son Éloge de la folie, (1511),
affirme que la véracité n’existe que chez les
« fous », personnages qui commentaient les
faits sans aucune réserve. Les signes de la
folie leurs permettaient de ne pas être jugé
comme les autres, et, en particulier de na
pas être exécuté, même lorsqu’ils
proclament des vérités déplaisantes
• « Moi je n’emploie aucun fard
et je ne suis pas une simulatrice
qui montre une chose sur son
visage et en cache une autre
dans son cœur »
Mensonge et politique
« C'est donc aux gouvernants de l’État qu’il
appartient, comme personne au monde, de
recourir à la fausseté, en vue de tromper soit
les ennemis, soit leurs concitoyens, dans
l’intérêt de l’État; toucher à pareille matière
ne doit appartenir à personne d’autre »
Platon, République
Machiavel, Prince, 1532
La piété, la foi, l’intégrité, l’humanité, la religion
sont les cinq dons que le prince doit faire
apparaître dans ces gestes publics
Pourtant sa seule finalité est son maintien au
pouvoir et pour cela il est nécessaire qu’il soit
« un grand simulateur et dissimulateur : et les
hommes sont si simples, et ils obéissent si bien
aux nécessités présentes, que celui qui trompe
trouvera toujours quelqu’un pour se laisser
tromper »
Le mensonge de « second degré »
« Il est vrai qu’Hitler, comme tous ceux qui
ont été chefs de gouvernements totalitaires, a
publiquement annoncé son programme
d’action. Mais il l’a fait précisément parce
qu’il savait qu’il n’aurait pas été cru par les
« autres » (…) c’était précisément en leur
disant la vérité qu’il était sûr de tromper et
confondre ses adversaires »
Kant, Sur un prétendu droit de
mentir par humanité, 1797
La vérité est due en toutes circonstances
L’usage du mensonge ne se justifie ni au niveau
des principes ni en termes d’efficacité
Sans la vérité comme devoir, on ne pourrait même
pas envisager de société possible puisqu’on ne
pourrait plus accorder à aucun contrat la moindre
valeur
Par contre, il n’est pas nécessaire de dévoiler la
vérité toute entière. La réserve s’impose parfois,
sans que cela nuise à la sincérité de ce qui est dit
Deux types d’éthiques
L’éthique déontologique
C’est le principe moral d’une action et le respect du devoir qui
importe. Recherche du Bien
un héritage kantien, l’homme doit faire son devoir, il se construit
lui-même, principe d’autonomie.
L’éthique téléologique
Le juste surgit d'une évaluation morale qui se fonde sur l'équité. Le
caractère propre de l'équité est de discerner le juste là où une règle
générale ne suffit plus
Héritage aristotélicien où l’homme reçoit les Normes en dehors de
lui-même. Principe d’hétéronomie
Le mensonge chez l’enfant
Entre 4 et 7 ans, l’enfant fabule, raconte des
histoires….
Il ne cherche pas vraiment ou rarement à tromper
volontairement
Le mensonge sert à l’apprentissage de la
différence entre la réalité et l’imaginaire chez le
petit enfant
Le « mensonge » de l’enfant peut cacher une
vérité difficile à exprimer autrement
Les mensonges « normaux »
Le pseudo mensonge du jeune enfant
Le mensonge social des enfants et des
adolescents
• L’hypocrite
Le menteur
• L’erreur
Les mensonges liés à
des troubles mentaux
Débilité mentale
• Psychopathie
• Paranoïa
• Perversion
La fabulation pathologique
• Confabulation
États confusionnels
Fabulation délirante
Troubles délirants
– L’hypomanie
La psychose de Korsakoff
La démence sénile
La mythomanie
La mythomanie est une forme de
déséquilibre psychique caractérisé par des
propos mensongers auxquels l'auteur croit
lui-même. (Le Petit Robert)
Tendance pathologique à la fabulation, à la
simulation par le mensonge
Psychopathologie et sincérité
Les troubles factices/la pathomimie
Le syndrome de Münchhausen
Le syndrome de Lasthénie de Ferjol
• L’hypochondrie
La sinistrose
La simulation
La pathomimie/Trouble factice
Production de symptômes physiques ou
psychiques sous le contrôle de la volonté et action
pour dissimuler le caractère artificiel de cette
induction
Absence de motifs extérieurs tels que gagner de
l’argent, être mieux soigné ou se sentir mieux
physiquement
But de ce comportement essentiellement
inconscient
Le syndrome de Münchhausen
Production de symptômes dramatiques et urgent
de maladies graves dont les symptômes ne
peuvent souvent pas être mis en évidence par
l’examen clinique
Origine factice de la maladie, produite
subrepticement par interférence avec des
techniques diagnostiques ou par automutilation
Attribution d’antécédents pathologiques lourds et
nombreux (cicatrices de laparotomie, trous de
trépan, etc.)
Le syndrome de Lasthénie de
Ferjol
Décrit par Jean Bernard en 1967, en relation
avec l’héroïne du roman Une histoire sans
nom de Barbey d’Aurevilly
Asthénie intense
• Anorexie
Anémie hypochrome ferriprive grave due à
des hémorragies volontairement provoquées
L’hypochondrie
L'hypocondrie est un trouble de nature anxieuse qui se
rapproche beaucoup du trouble obsessionnel-compulsif.
Le diagnostic d'hypocondrie est porté lorsque le thème
des obsessions (crainte de la maladie) ou des
compulsions (comportements de recherche de
réassurance) est exclusivement en rapport avec les
peurs ou l'idée d'avoir une ou des maladies sur la base
d'une mauvaise interprétation de symptômes physiques.
La sinistrose
Besoin morbide de faire valoir la réalité de
ses troubles subjectifs et de leurs
conséquences invalidantes, en multipliant
les revendications et les démonstrations de
ses difficultés (Grasset)
La simulation
Production intentionnelle de symptômes
physique ou psychiques faux ou
grossièrement exagérés motivés par des
raisons externes, tel que l’évitement des
obligations militaires, la recherche d’un
arrêt de travail, d’une compensation
financière ou d’une diminution de la
responsabilité pénale, etc.
On ne se trouve pas dans le champ de la
pathologie, mais dans celui de la moralité
Il s’agit de fraude, d’escroquerie
Quand suspecter une simulation?
Un contexte médico-légal
Une différence marquée entre les plaintes de
la personne et les constatations cliniques
Un manque de coopération durant
l’évaluation diagnostique et un manque de
compliance au traitement
La présence d’un trouble de la personnalité
antisociale
Doute que les étoiles soient du feu
Doute que le soleil soit immobile
Doute que la vérité soit un mensonge
Mais ne doute pas de mon amour
Shakespeare W., Hamlet, 1598-1601
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