de la civilité. Le masque permet la pure sociabilité, indépendant des sentiments
subjectifs de puissance, de gêne, etc., de ceux qui les portent » (cité par l’auteur,
p. 108).
Ensuite, pour préserver son intimité et ses idées, il faut éviter qu’en vertu de la
transparence l’on impose des vertus collectives auxquelles chacun doit se plier. De
manière plus pragmatique, le principe de transparence semble contradictoire avec
celui de notre identité. Le droit au secret préserve notre identité et notre altérité. Il
nous permet de penser librement et sans contrainte. Parce que nous sommes
opaques, non réductibles au regard d’autrui, notre intimité conserve son intégrité,
constitue notre personnalité.
Sous l’identité, il y a le langage. Nos paroles sont opaques et le sens d’un
propos dépend d’abord d’une culture, d’un contexte et d’une relation […]
Lorsque Stendhal déclarait que le langage avait été donné à l’homme pour
cacher sa pensée, il reconnaissait déjà qu’il lui interdisait aussi d’être
transparent (p. 107).
Pour l’auteur,
[u]n des dangers majeurs de la transparence généralisée réside en l’auto
surveillance qu’elle implique. Son argumentation est redoutable : la
transparence se situe du côté du bien, ceux qui la combattent préfèrent
l’opacité qui leur permet de continuer leur conduite suspecte. Le partisan de
l’opacité est présumé coupable (p.150).
Sur le plan économique, plus une entreprise est transparente, plus elle est sollicitée,
surveillée, questionnée, obligée de se commettre sur la place publique, traquée par
les médias, par les groupes d’intérêts, par des activistes aux intentions diverses. Aux
entreprises qui ont choisi le secret appartient la quiétude.
Sur le plan politique, l’auteur précise que sans rejoindre Alain Etchegoyen
(La démocratie malade du mensonge, François Bourin, 1993), qui affirme que «[ l]a
démocratie fonctionne grâce à la violence et au mensonge », force est de
reconnaître que « le principe même de l’Etat lui interdit la transparence » (p. 98
).
Sur le plan militaire, « l’art de la guerre est basé sur la duperie », expliquait Sun Tse,
qui conseillait au IV° siècle avant Jésus Christ de répandre de fausses informations
pour « faire connaître ce que vous voulez qu’on croie de vous ». C’est pourquoi la
désinformation est une arme destinée à leurrer l’ennemi dont l’importance est
souvent capitale pour la réussite d’une opération (p. 101).
Sur le plan des stratégies de communication, la rhétorique de la transparence incite à
penser que ceux qui en parlent le plus seraient ceux qui en feraient le moins.
Elément combinatoire d’une communication organisationnelle globale, la
transparence fonctionne comme si elle n’avait pas besoin d’être pratiquée pour
exister, comme si la communication sur la transparence tenait lieu de transparence. Il
cite à cet égard Etchegoyen qui écrivait dans son livre Vérité ou Liberté (Fayard,
2001) : « Notre société est en train de mélanger deux notions très différentes dont les
: tiré de Gérard Chaliand (1990), Anthologie mondiale de la stratégie, Paris, R. Laffont, p. 302