Étude des courbes algébriques planes

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Étude des courbes algébriques planes
GARBERI Mickaël et POURRIER Valentin
Mémoire de M1
Université Nice Sophia Antipolis
Directeur : Andreas Höring
1. Introduction
2. Vocabulaire
3. Nombre de singularités d'une courbe
4. Courbes polaires, courbes Hessiennes et nombre de points
d'inexion
5. Formules de Plücker
1
1 Introduction
Nous avons basé notre étude des courbes algébriques planes sur le livre
Plane Algebraic Curves, de Gerd Fischer.
Pour réaliser cette étude, nous considérons les courbes anes dans C2 ,
puis nous les étendons à des courbes dans le plan projectif P2 (C) pour simplier leur étude et en déduire quelques propriétés intéressantes grâce aux
formules de Plücker.
1.1. Dénition : Soit une courbe projective C de P2 (C). La courbe C est
une courbe de Plücker si elle vérie les deux propriétés suivantes :
1. La courbe C est irréductible et deg C ≥ 2.
2. Les points singuliers de C et de sa courbe duale C ∗ sont au plus des
points doubles simples et des cusps simples.
Toutes les notions utilisées seront dénies plus loin.
1.2. Théorème : Pour une courbe de Plücker C de P2 (C) de degré n et de
classe n*, on a les égalités suivantes :
1. n∗ = n(n − 1) − 2d − 3s
2. s∗ = 3n(n − 2) − 6d − 8s
3. n = n∗ (n∗ − 1) − 2d∗ − 3s∗
4. s = 3n∗ (n∗ − 2) − 6d∗ − 8s∗
où d est le nombre de points doubles simples de C, s le nombre de cusps
simples de C, d∗ le nombre de points doubles simples de C ∗ et s∗ le nombre
de cusps simples de C ∗ .
2 Vocabulaire
Notre premier but sera d'étudier le nombre de singularités d'une
ane.
courbe
2.1. Dénition : Une courbe ane C est un sous-ensemble de C2 tel qu'il
existe un polynôme f ∈ C[X1 , X2 ] tel que :
C = V (f ) = {(x1 , x2 ) ∈ C2 | f (x1 , x2 ) = 0}
Tout d'abord, il est indispensable de dénir ce qu'est une
ductible ainsi que son polynôme minimal.
2
courbe irré-
2.2. Dénition : Une courbe ane C est dite réductible s'il existe deux
courbes anes C1 et C2 telles que C1 6= C2 et C = C1 ∪ C2 . Une courbe est
donc irréductible si elle n'est pas réductible : s'il existe C1 et C2 telles que
C = C1 ∪ C2 , alors C1 = C2 .
Le polynôme minimal d'une courbe ane se dénit de la façon suivante.
2.3. Dénition : Si C=V(f), où f est un polynôme de C[X1 , X2 ], f peut
se décomposer de manière unique, à scalaire près, en facteurs irréductibles
{fi }i∈[[1,...,k]] de la forme f = f1 r1 ...fk rk avec les ri 6= 0 car C[X1 , X2 ] est un
anneau factoriel, puisque C est un corps. Alors le polynôme minimal de C
sera : f˜ = f1 . . . fk .
S'en suit la dénition de
degré d'une courbe ane.
2.4. Dénition : Pour une courbe ane C=V(f), avec f˜ le polynôme minimal de f, le degré de C est égal au degré de f˜ :
deg C = deg f˜
où le degré de f˜ est dénit par le degré de son monome de plus grand degré.
Pour étudier la courbe dans C2 , il est judicieux de l'étudier dans le plan
projectif P2 (C). Pour cela, il est important de dénir l'homogénisation
d'un polynôme et la manière dont nous l'utiliserons pour étudier la clotûre
projective d'une courbe.
2.5. Dénition : Un polynôme homogène P de degré n est un polynôme de
la forme
X
αi1 ,...,ik X1i1 . . . Xkik
P (X1 , . . . , Xk ) =
i1 +···+ik =n
où αi1 ,...,ik ∈ C.
2.6. Dénition : Pour un polynôme f et
f (X1 , X2 ) = f0 (X1 , X2 ) + · · · + fn (X1 , X2 )
sa décomposition en polynômes homogènes, où fi est un polynôme homogène
de degré i, et n est le degré de f, on dénit son homogénisation par
F (X0 , X1 , X2 ) = X0n f0 (X1 , X2 ) + · · · + X00 fn (X1 , X2 )
On a alors les égalités :
F = X0n f (
X1 X2
,
) et f = F (1, X1 , X2 )
X0 X0
3
2.7. Dénition : La clôture projective d'une courbe C=V(f) est dénie par
C̄ = V (F ) ⊂ P2 (C) avec F l'homogénisation de f.
P2 (C) est le plan projectif dénit sur C, c'est-à-dire C3 \ {0} quotienté
par la relation d'équivalence "être colinéaire à" :
(x0 , x1 , x2 ) = λ(y0 , y1 , y2 ) ⇔ (x0 , x1 , x2 ) ∼ (y0 , y1 , y2 )
On notera (x0 : x1 : x2 ) un des représentants de cette classe. On dit que C̄
est une courbe projective.
2.8. Dénition : Une courbe projective K est un sous-ensemble de P2 (C)
tel qu'il existe un polynôme homogène F ∈ C[X0 , X1 , X2 ] tel que :
K = V (F ) et degF ≥ 1
Il est alors judicieux de s'intéresser aux intersections de deux courbes
non pas dans C2 , mais plutôt dans le plan projectif P2 (C) pour éviter des
distinctions de cas. La notion de multiplicité d'intersection nous permet
d'étudier plus en détail un point d'intersection entre deux courbes.
2.9. Dénition : Pour deux polynômes P (X) = p0 + p1 X + · · · + pn X n et
Q(X) = q0 + q1 X + · · · + qm X m de A[X], avec A un anneau commutatif
unitaire et les pi et qi des éléments de A, la résultante RP,Q de P et Q est
dénie par :
RP,Q
p0
= q
0
...
...
...
...
p0 . . . pn = det(MP,Q )
. . . . . . qm
...
...
q0 . . . . . . qm ...
pn
où la matrice MP,Q est une matrice carrée de taille m + n.
2.10. Dénition : Si C1 = V (F1 ) et C2 = V (F2 ) sont deux courbes projective de P2 (C) n'ayant aucune composante commune et ne passant pas par le
point q = (0 : 0 : 1), c'est-à-dire
F1 (0 : 0 : 1) 6= 0 et F2 (0 : 0 : 1) 6= 0
Si p = (p0 : p1 : p2 ) ∈ C1 ∩ C2 est un point d'intersection, alors on aura :
multp (C1 ∩ C2 ) = ordp0 (G) où G ∈ C[X0 , X1 ] est la résultante de F1 et F2 ,
p0 = (p0 : p1 ) et ordp0 (G) est l'ordre d'annulation de G en p'.
4
2.11. Dénition : Pour un polynôme P s'annulant en p, l'ordre d'annulation
de P en p correspond à la multiplicité de p en tant que racine de P.
2.12. Exemple : Prenons l'exemple du cercle d'équation
f (X1 , X2 ) = X1 (X1 + 1) + X22 = 0
et de la droite d'équation X1 = 0 dans C2 .
Notons F (X0 , X1 , X2 ) = X1 (X1 + X0 ) + X22 son homogénisation.
On a alors le système suivant :
(
X1 (X0 + X1 ) + X22 = 0
X1 = 0
On recherche donc l'ensemble des points d'intersection de ces deux courbes :
on obtient,
en remplaçant X1 = 0, le système suivant :
(
2
X2 = 0
X1 = 0
Ce qui nous donne un unique point d'intersection : le point p = (1 : 0 : 0).
Pour déterminer la multiplicité en p de l'intersection entre C et la droite
d'équation X1 = 0, nous allons calculer la résultante G correspondant à ce
système en considérant ces deux polynômes en tant qu'éléments de A[X1 ],
où A = C[X0 , X2 ] :
1 0
0
0 = X22
G(X0 , X2 ) = 0 1
1 X0 X22 On obtient donc que le point p̃ = (1 : 0) a un ordre d'annulation de 2, et
donc que le point p = (1 : 0 : 0) est de multiplicité 2 pour l'intersection.
X2
X1
Figure 1 Exemple d'un cercle et de la droite X1 = 0
5
Il est indispensable pour la suite de dénir ce qu'est un
d'une courbe ane.
point singulier
2.13. Dénition : Pour une courbe ane C=V(f), un point p ∈ C est dit
singulier s'il vérie :
∂ f˜
∂ f˜
(p),
(p)) = (0, 0)
gradp (f˜) = (
∂X1
∂X2
où f˜ est le polynôme minimal de C. Dans le cas contraire, il est dit régulier.
D'où vient la question naturelle : peut on savoir combien de points singuliers possède une courbe ?
3 Nombre de singularités
Le théorème de Bézout nous permet d'obtenir une relation entre la multiplicité des points d'intersection entre deux courbes et le degré de celles-ci.
3.1. Théorème : Théorème de Bézout
Soient C1 et C2 deux courbes projectives quelconques de P2 (C) ne possédant aucune composante commune. On a alors l'égalité :
X
multp (C1 ∩ C2 ) = deg(C1 ) deg(C2 )
p∈C1 ∩C2
3.2. Exemple :
Considérons deux droites D1 = V (f ) et D2 = V (g) de C2 , avec
f (X1 , X2 ) = X1 et g(X1 , X2 ) = X1 − 1
Notons D̃1 = V (F ) et D̃2 = V (G) leurs clôtures projectives respectives dans
P2 (C), avec F l'homogénisation de f et G l'homogénisation de g :
F (X0 , X1 , X2 ) = X1 et G(X0 , X1 , X2 ) = X1 − X0
Le seul point d'intersection est donc le point : p = (0 : 0 : 1). Calculons la
résultante de F et G :
1
0 RF,G (X0 , X2 ) = = −X0
1 −X0 On obtient donc que le point p̃ = (0 : 1) de P1 (C) a un ordre d'annulation
de 1, et donc que le point p = (0 : 0 : 1) de P2 (C) est de multiplicité 1 pour
l'intersection.
6
Le théorème suivant nous permet d'avoir une borne inférieure de la multiplicité d'intersection en un point entre deux courbes :
3.3. Théorème : Soient C1 et C2 deux courbes anes de C2 ne possédant
aucune composante commune. On a alors l'inégalité suivante :
multp (C1 ∩ C2 ) ≥ multp (C1 )multp (C2 )
avec multp (C) la multiplicité de la courbe C=V(f) en p, c'est à dire l'ordre
d'annulation de f en p.
Pour déterminer le maximum de singularités qu'une courbe peut posséder,
il nous faudra montrer le lemme suivant :
3.4. Lemme : Soit n ∈ N et {Pi }i∈[[1,..., 21 n(n+3)]] une collection de points
dinstincts de P2 (C).
Alors il existe une courbe projective C de degré inférieur ou égal à n passant
par ces points.
Démonstration. Notons Vn le C-espace vectoriel des polynômes homogènes
de degré n en trois variables :
Vn = {f ∈ C[X0 , X1 , X2 ] | f (X0 , X1 , X2 ) =
X
αa,b,c X0a X1b X2c et αa,b,c ∈ C}
a+b+c=n
On a :
dim Vn =
n+3−1
n
1
= (n + 2)(n + 1)
2
car, en considérant les polynômes homogènes de degré n s'écrivant sous
la forme X0i A(X1 , X2 ) avec A(X1 , X2 ) un polynôme de C[X1 , X2 ] de degré
n − i et i ∈ [[0, . . . , n]], il y a exactement n − i + 1 façons diérentes d'écrire
A.
On a alors
dim Vn =
n
X
2
(n+1−j) = (n+1) −
j=0
n
X
j = (n+1)2 −
j=0
(n + 1)(n + 2)
n(n + 1)
=
2
2
On a donc : tout polynôme P ∈ C[X0 , X1 , X2 ] s'écrit sous la forme :
(n+1)(n+2)
2
P (X0 , X1 , X2 ) =
X
j=1
avec Mj un monome de degré n.
7
aj Mj (X0 , X1 , X2 )
si
La courbe C=V(P) passe donc par un point p = (p0 , p1 , p2 ) si et seulement
(n+1)(n+2)
2
0=
X
aj Mj (p0 , p1 , p2 )
j=1
D'où, C passe par d points ssi les coecients aj satisfont un système
linéaire homogène à d équations, et donc si d ≤ 21 (n+1)(n+2)−1 = 12 n(n+3),
l'espace des solutions a une dimension supérieure ou égale à 1 : il contient
un polynôme non nul P, et donc la courbe recherchée est C=V(P).
Ce lemme nous permettra de montrer le théorème suivant :
3.5. Théorème : Une courbe ane irréductible de degré n C de P2 (C) possède au plus γ(n) = 21 (n − 1)(n − 2) singularités.
Avant de démontrer ce théorème, nous allons considérer des exemples de
petit degré.
3.6. Exemples :
1. Cas n=1
Une courbe ane de degré 1 est une droite, qui est une courbe lisse,
donc elle n'admet aucune singularité. On retrouve : γ(1) = 0.
2. Cas n=2
De même, une courbe ane irréductible de degré 2 est une conique et
est une courbe lisse car γ(2) = 0.
En eet, supposons qu'il existe une conique irréductible C admet un
point p comme singularité. Si l'on prend q un point de la courbe en
lequel la courbe C est lisse, on considère la droite D passant par les
points p et q.
On a alors :
multp (C ∩ D) ≥ multp (C)multp (D) ≥ 2
d'après le théorème 3.3 car p est une singularité de C.
De même,
multq (C ∩ D) ≥ multq (C)multq (D) ≥ 1
et donc, d'après le théorème de Bézout :
X
multj (C ∩ D) = deg(C)deg(D) = 2
j∈C∩D
8
Or, on a :
X
multj (C ∩ D) ≥ multp (C ∩ D) + multq (C ∩ D) ≥ 2 + 1 = 3
j∈C∩D
ce qui contredit le théorème de Bézout.
D
q
C
p
Figure 2 Courbe de "degré 2" possédant un point singulier
3. Cas n=3
Pour n=3, on trouve : γ(3) = 1 : toute cubique irréductible contient
donc au plus une singularité.
Vérions qu'une cubique irréductible ne peuve posséder qu'un seul
point singulier.
On a : γ(3) = 1.
Supposons qu'il existe une cubique irréductible C possèdant deux singularités p1 et p2 : il existe alors une droite D passant par ces deux
points.
P1
D
P2
C
Figure 3 Courbe de "degré 3" possédant deux points singuliers
9
On a alors : multp1 (C ∩ D) ≥ 2 et multp2 (C ∩ D) ≥ 2 donc
multp1 (C ∩ D) + multp2 (C ∩ D) ≥ 4
De plus, C étant irréductible, D ne peut être une composante de C, et
donc, d'après le théorème de Bézout :
multp1 (C ∩ D) + multp1 (C ∩ D) = deg(C) × deg(D) = 3 × 1
ce qui contredit la première inégalité.
Démonstration. du Théorème 3.6 :
Supposons n ≥ 3, les résultats pour n=1 et n=2 étant connus.
Raisonnons par l'absurde en supposant qu'il existe γ(n) + 1 singularités.
On choisit alors n-3 points diérents et distincts deux à deux appartenant
à C, ce qui nous donne
1
1
γ(n) + 1 + n − 3 = (n − 1)(n − 2) + n − 2 = (n + 1)(n − 2)
2
2
points distincts.
D'après le lemme 3.3 il existe une courbe C' de degré m ≤ n − 2 passant
par chacun de ces 21 (n − 2)(n + 1) points.
On a donc : pour tout point p ∈ (C ∩ C 0 ) :
Si p est un des points singuliers de la courbe C :
multp (C ∩ C 0 ) ≥ multp (C) × multp (C 0 ) ≥ 2
car p est singulier pour a courbe C et appartient à la courbe C', donc
multp (C) ≥ 2 et multp (C 0 ) ≥ 1, et d'après le théorème 3.3.
Si p est un des autres points choisis :
multp (C ∩ C 0 ) ≥ multp (C) × multp (C 0 ) ≥ 1
car p appartient à la courbe C et à la courbe C', donc multp (C) ≥ 1
et multp (C 0 ) ≥ 1.
On a donc, d'un côté :
X
multp (C ∩ C 0 ) ≥ 2(γ(n) + 1) + n − 3 = n(n − 2) + 1
p∈C∩C 0
D'autre part, comme la courbe C est irréductible et deg C 0 < n, la courbe
C' ne peut être une composante de la courbe C.
D'où, d'après le théorème de Bézout :
X
multp (C ∩ C 0 ) = n × m ≤ n(n − 2)
p∈C∩C 0
ce qui contredit la première inégalité.
10
4 Courbes polaires, courbes Hessiennes et nombre
de points d'inexion
Nous avons désormais une borne supérieure du nombre de points singuliers. Cependant, ce ne sont pas les seuls points remarquables d'une courbe :
il y a les points d'inexion.
4.1. Dénition : Soit C une courbe ane de C2 et p ∈ C . Soit L une droite
passant par p.
L est une tangente à C en p si l'inégalité suivante est vériée :
ordp (C) < multp (C ∩ L)
4.2. Dénition : Soit C une courbe ane de C2 et p un point où la courbe
est lisse. Soit T la tangente à C en p.
Si multp (C ∩ T ) = 2, alors la droite T est une tangente simple.
Si multp (C ∩ T ) ≥ 3, alors la droite T est une tangente inexionelle.
Dans ce cas, p est appelé un point d'inexion.
Si multp (C ∩ T ) = 3, p est appelé un point d'inexion simple.
Si une droite T est tangente à C en au moins deux points lisses de C, T
est alors appelée une bitangente.
Il est intéressant de se demander s'il existe des tangentes à C passant par
un point arbitraire q, c'est là qu'intervient la dénition de courbe polaire.
4.3. Dénition : Soit C = V (f ) une courbe ane de P2 (C) et soit F son
polynôme minimal tel que deg(F ) ≥ 2. Soit q = (q0 : q1 : q2 ) un point de
P2 (C) arbitraire. Notons :
Dq F = q0
∂F
∂F
∂F
+ q1
+ q2
=< grad F, q >
∂X0
∂X1
∂X2
Si deg(Dq F ) ≥ 1, alors la courbe polaire de pole q de C, notée Pq F , est
la courbe donnée par Pq F = V (Dq F ).
4.4. Proposition : Soit C = V (f ) une courbe projective de P2 (C) et F son
polynôme minimal, soit q un point arbitraire de P2 (C). Supposons que F soit
de degré n. On a alors :
1. deg(Dq F ) = n − 1 si Dq F 6= 0.
2. C et Pq C ont une composante commune si et seulement si C contient
une ligne passant par q.
3. Si p ∈ P2 (C) est un point singulier, alors p ∈ Pq C .
11
Ces propriétés nous permettent d'en déduire un théorème plus précis :
4.5. Théorème : Soit C = V (F ) une courbe projective de P2 (C) de degré
n ≥ 2 ne contenant aucune ligne et soit q un point de P2 (C) arbitraire.
La courbe polaire Pq C est alors une courbe de degré ≤ n − 1 n'ayant
aucune composante commune avec C.
De plus, en tant que diviseur eectif, Pq C est de degré n-1.
Les points de l'intersection C ∩ Pq C sont exactement les points p de C
dont la tangente à C en p passent par q, ainsi que les singularités de C.
4.6. Dénition : Soit C une courbe ane de C2 . C peut s'écrire de la forme :
C=
d
X
ai C i
i=1
où ai est un entier non nulPet Ci une courbe ane irréductible de C2 .
On a alors : deg(C) = di=1 ai deg(Ci ) et les courbes anes ai Ci sont les
diviseurs eectifs de C.
Le théorème de Bézout nous permet donc d'armer qu'une courbe projective C de P2 (C) possède au plus n(n − 1) tangentes passant par un point
q de P2 (C). Cependant, nous avons besoin d'un autre outil pour obtenir les
points d'inexion d'une courbe projective C.
4.7. Dénition : Soit F un polynôme homogène de C[X0 , X1 , X2 ] de degré
≥ 2. La matrice Hessienne de F, notée HF est dénie par la matrice
symétrique suivante :
HF =
∂ 2F
∂Xi ∂Xj
0≤i,j≤2
Si F est un polynôme minimal la courbe projective C=V(f) de P2 (C),
et si deg(det HF ) ≥ 1, alors on dénit la courbe Hessienne de C par
H(C) = V (det (HF )).
Nous pouvons alors en déduire les propriétés suivantes :
4.8. Proposition : Soit C=V(f) une courbe projective de P2 (C), F son polynôme minimal et n le degré de F. On a alors :
1. Si det(HF ) 6= 0, alors deg(det HF ) = 3(n − 2).
2. La courbe Hessienne de C contient l'ensemble des points singuliers de
C.
12
D'où le théorème :
4.9. Théorème : Soit C=V(f) une courbe ane de P2 (C) ne contenant
aucune ligne et F son polynôme minimal. On a alors :
1. det HF 6= 0.
2. Un point lisse p de la courbe C est un point d'inexion si et seulement
si p ∈ H(C).
3. C et H(C) n'ont aucune composante commune.
4. Si p est un point d'inexion simple, alors multp (C ∩ H(C)) = 1.
Le théorème de Bézout nous permet donc d'obtenir un majorant du
nombre de points d'inexion :
4.10. Corollaire : Soit une courbe ane C=V(f) de P2 (C) ne contenant
aucune ligne.
Alors C possède au plus 3n(n-2) points d'inexion.
Avant de continuer, considérons la courbe cuspidale et appliquons le théorème.
4.11. Exemple : Soit C la courbe cuspidale de P2 (C) d'équation
f (X1 , X2 ) = X13 − X22 = 0
Notons F (X0 , X1 , X2 ) = X13 − X0 X22 l'homogénisation de f. On a :
0
0
2X2 0 = −24X1 X22
det HF = 0 6X1
2X2 0 −2X0 La courbe Hessienne H(C) de C est donc la courbe projective d'équation
G(X0 , X1 , X2 ) = X1 X22 = 0.
Les points d'intersection de H(C) et de C sont donc p = (0 : 0 : 1) et
q = (1 : 0 : 0).
On a :
grad(F ) = (−X02 : 3X12 : −2X0 X2 )
et donc, comme gradq (F ) = (0 : 0 : 0), le point q est un point singulier.
Comme gradp (F ) = (1 : 0 : 0) 6= (0 : 0 : 0), le point p est donc un point
lisse de la courbe C. Vérions que la multiplicité de p pour l'intersection
entre les courbes C et H(C) est bien égale à 1, et que p est bien un point
13
d'inexion simple pour la courbe C. Notons RF,G la résultante des polynômes
F et G. On a :
1
0
0 −X0 X22 X
0
0
0 RF,G (X0 , X2 ) = 2
= X0 X25
0
X
0
0
2
0
0 X2
0 On a donc : le point (0 :1) a un ordre d'annulation de 1 et donc le point
p = (0 : 0 : 1) est de multiplicité 1 pour l'intersection.
La tangente à la courbe C en p est la droite d'équation
T (X0 , X1 , X2 ) = X0 = 0
En notant RF,T la résultante des polynômes F et T, on a :
−X22 X13 = −X13
RF,T (X1 , X2 ) = 1
0
Donc T est une tangente inexionnelle, et comme l'ordre d'annulation
du point (0 :1) est de 3 pour la résultante, on obtient bien que le point
p = (0 : 0 : 1) est un point d'inexion simple.
X1
p = (0:0:1)
X2
X0
q = (1:0:0)
H(C)
C
Figure 4 Courbe cuspidale et sa courbe Hessienne
14
5 Formules de Plücker
Les formules de Plücker nécessitent de savoir ce qu'est la
d'une courbe projective.
courbe duale
5.1. Dénition : Soit C une courbe projective de P2 (C). On dénit C ∗ la
courbe duale de C par :
C ∗ = {L ∈ (P2 )∗ (C) | L est tangente à C en un certain point p ∈ C}
où (P2 )∗ (C) est déni de la manière suivante : à un point q = (q0 : q1 : q2 )
de (P2 )∗ (C) correspond une droite V (q0 X0 + q1 X1 + q2 X2 ) de P2 (C).
Pour la suite, on admettra le théorème suivant :
5.2. Théorème : Soit C une courbe projective de P2 (C) n'ayant comme
composante aucune ligne. On a alors :
1. La courbe duale C ∗ de C est une courbe projective de (P2 )∗ (C).
2. Si la courbe projective C est irréductible, alors sa courbe duale C ∗ est
irréductible et deg C ∗ ≥ 2.
3. On a l'égalité suivante : C ∗∗ = C .
Les formules de Plücker faisant intervenir les courbes de Plücker, les
points doubles simples et les cusps simples, voici leurs dénitions.
5.3. Dénition : Soit une courbe ane C=V(f) de C2 possédant un point
singulier p tel que multp (C) = 2 et f˜ son polynôme minimal. On a alors, en
décomposant f˜ en polynômes homogènes :
f˜ = f˜2 + f˜3 + · · · + f˜n
avec f˜2 (X1 , X2 ) = aX12 + bX1 X2 + cX22 et a, b, c ∈ C.
Deux cas sont alors possibles :
1. Soit b2 − 4ac 6= 0 :
Alors f˜ se factorise en un produit de deux polynomes homogènes de
degré 1 distincts, décrivant chacun une droite tangente à C en p.
Si multp (C ∩ D) = 3, pour chacune des deux droites D tangente à C
en p, le point p est appelé un point double simple.
2. Soit b2 − 4ab = 0 :
Alors f˜ se factorise en un polynome homogène de degré 1 au carré,
décrivant une droite tangente D à C en p.
Si multp (C ∩ D) = 3, le point p est appelé un cusp simple.
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On utilisera alors les notations utilisées dans le théorème 1.2.
5.4. Dénition : Soit C une courbe algébrique de P2 (C) et soit C ∗ sa courbe
duale. La classe de C, notée n∗ , correspond au degré de la courbe C ∗ .
5.5. Remarque : Soit C une courbe algébrique de P2 (C). On a :
d∗ =#{bitangentes de C}, s∗ =#{points d'inexion de C},
d=#{bitangentes de C ∗ } et s=#{points d'inexion de C ∗ }.
Nous avons ainsi tous les outils en mains pour comprendre et utiliser les
formules de Plücker :
5.6. Théorème : Pour une courbe de Plücker C de P2 (C) de degré n et de
classe n*, on a les égalités suivantes :
1. n∗ = n(n − 1) − 2d − 3s
2. s∗ = 3n(n − 2) − 6d − 8s
3. n = n∗ (n∗ − 1) − 2d∗ − 3s∗
4. s = 3n∗ (n∗ − 2) − 6d∗ − 8s∗
avec les notations précédentes.
Nous allons vérier ces formules pour une quadrique irréductible de P2 (C).
5.7. Exemple : Soit C une quadrique irréductible de P2 (C).
La courbe C est alors une courbe de Plücker, puisqu'elle n'admet aucun
point singulier d'après le théorème 3.6.
D'après le théorème 5.2, sa courbe duale C ∗ est irréductible et est de
degré ≥ 2, donc sa classe n∗ est ≥ 2.
D'après les formules de Plücker, on a aussi :
n∗ = n(n − 1) − 2d − 3s = 2 − 2d − 3s
avec d ≥ 0 et s ≥ 0, donc n∗ ≤ 2, d'où n∗ = 2.
On a de même :
s∗ = 3n(n − 2) − 6s − 8s = −6d − 8s
et s∗ ≥ 0, donc s∗ = 0.
De plus, on a :
s = 0 = 3n∗ (n∗ − 2) − 6d∗ − 8s∗
donc d∗ = 0.
On trouve donc : n∗ = n = 2, s = d = 0 : c'est évident puisque la courbe
C ne possède aucun point singulier, et s∗ = d∗ = 0, ce qui est aussi évident
puisque la courbe duale C ∗ est de degré 2 et est irréductible, donc n'a aucun
point singulier.
On obtient donc que les courbes C et C ∗ n'ont ni bitangente, ni point
d'inexion.
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Références
[1] Gerd Fischer, traduit de l'allemand par Leslie Kay, Plane Algebraic
Curves, publié par la Société Mathématique Américaine (AMS), 2001.
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