relativement stables et qui maintient sa structure, c'est-à-dire la stabilité de ses jeux
et les rapports entre ceux-ci, par des mécanismes de régulation qui constituent
d'autres jeux" (1977: 246; ces mots sont soulignés par les auteurs).
Afin d'éviter le piège de la réification, Crozier et Friedberg définissent un
système d'action concret par une démarche inductive, partant de l'existence de
relations de pouvoir entre acteurs: ils en infèrent l'existence de stratégies
relativement stables, dont la configuration permet à son tour de "faire des
hypothèses sur les jeux par rapport auxquels elles sont rationnelles et sur le système
qui contient ces jeux" (213). "Le postulat implicite qui justifie notre raisonnement,
c'est qu'il ne peut y avoir pouvoir sans structuration et que structuration suppose
régulation, c'est-à-dire que nous devons nous trouver dans le cas d'un système
d'action" (214).
Qu'est-ce donc que le "pouvoir" ainsi conçu? C'est Pierre Rolle qui nous en
explique le sens. C'est la notion qui relie l'acteur et le système; le pouvoir est "le
dispositif qui oblige les comportements libres à se rencontrer et à se conjuguer, et
le résultat de leur rencontre, le système vu à travers le comportement et le
comportement reproduisant le système" (Rolle, 1980: 110). Cette conception du
pouvoir est une conception composite, qui "signifie à la fois la liberté et la
souveraineté individuelle, et leur disparition", qui "confond l'ampleur du résultat
(d'un rapport de force) avec la disproportion des ressources", qui "présente comme
une petite victoire celle qui est gagnée par une petite supériorité. Elle suppose que
la relation traduit et respecte une inégalité préalable, et qu'elle se conforme à la
distribution des ressources telle qu'on l'observe avant leur confrontation. Ce
schéma est plutôt celui de la pesée sur une balance que celui du conflit" (Rolle.
1980: 111-112).
Ceci nous amène à cette fameuse notion de "jeu" qui est fondamentale en
analyse stratégique. C'est au travers d'une critique du
fonctionnalisme que Crozier et Friedberg y parviennent: la théorie structuro-
fonctionnaliste reposerait sur un point essentiel et criticable: "les occupants d'un
rôle organisationnel donné se conforment naturellement aux attentes de leurs
partenaires de rôle" (85). Elle n'admettrait d'individus qu'aux conduites
adaptatives et passives. Selon Crozier et Friedberg, "pour pouvoir restituer aux
individus leur statut d'acteurs autonomes dont la conduite constitue la mise en
oeuvre d'une liberté, si minime soit-elle, il nous faut changer de problématique"
(97) et en fonder une nouvelle sur le concept de jeu.
Le jeu est "un mécanisme concret grâce auquel les hommes structurent
leurs relations de pouvoir et les régularisent tout en leur laissant-en se laissant-
leur liberté" (97). Chaque joueur cherche normalement à gagner, à satisfaire ses
propres intérêts, tout en acceptant pour ce faire les contraintes qui lui sont
imposées.
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