de l'action organisée. Il constitue une véritable critique de la raison collective.
Michel Crozier et Erhard Friedberg définissent ce livre comme un manuel, non pas de sociologie des organisations, mais de sociologie de l’action organisée. Cette
méthode, basée sur l’analyse stratégique, se positionne sur le plan des relations de pouvoir entre acteurs et des règles implicites qui gouvernent leurs interactions, et
qui sont appelées ici « jeux ». L’analyse stratégique utilise les attitudes comme « un outil de recherche commode et imparfait » pour découvrir ces jeux. (p. 471).
L’organisation est vue ici comme « le royaume des relations de pouvoir, de l’influence, du marchandage et du calcul » et comme « un construit humain qui n’a pas
de sens en dehors des rapports de ses membres ». (p. 50)
Le pouvoir est défini comme une relation structurante caractérisée par le déséquilibre d’une relation qui est réciproque, et par la possibilité de certains individus ou
groupes d’agir sur d’autres individus ou groupes. Dans ces relations de pouvoir les contraintes cohabitent avec une part de liberté qui est à défendre, à gagner, à
élargir au moyen de la négociation. La négociation comme stratégie de construction avec ce qu’elle contient de frustrations et de satisfactions. (p. 113)
Les actions individuelles construisent une capacité collective propre, c’est à dire irréductible à celle de ses membres, au moyen de l’apprentissage à domestiquer les
conflits et phénomènes de pouvoir au lieu de les étouffer, ce que Michel Crozier et Erhard Friedberg appellent un système d’action concret.« Un système d’action
concret est un ensemble humain structuré qui coordonne les actions de ses participants par des mécanismes de jeux relativement stables et qui maintien sa structure,
c’est à dire la stabilité de ses jeux et les rapports entre ceux-ci, par des mécanismes de régulation qui constituent d’autres jeux ». (p. 286)
Cette vision souligne l’importance des choix et de la décision et donc des outils de compréhension de ces mécanismes, en traitant notamment du rapport entre la
rationalité du décideur et la rationalité du système pour passer à la rationalité de l’acteur : la rationalité limitée, par opposition à une rationalité réductrice et en
tenant compte des rationalités conflictuelles. Il s’agit d’orienter les décisions par la définition du problème plus que par une lutte sur les coûts et avantages, et de
prendre conscience de l’importance de la pertinence de l’information sur laquelle repose les choix. (p. 402) Michel Crozier et Erhard Friedberg attirent notamment
l’attention sur la relativité des outils et concepts souvent utilisés pour faire un diagnostic, ceux-ci renvoyant trop souvent à la microculture du décideur (p. 361),
alors que tout repose justement sur un bon diagnostic, et sur la nécessité de connaissance des systèmes (p. 409).