Les prestations de Mme Cantate - STA HealthCare Communications

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Tribune d’éthique
Me Michel T. Giroux
Me Michel T. Giroux est avocat
et docteur en philosophie.
Il enseigne la philosophie au
Campus Notre-Dame-de-Foy et
la bioéthique à des étudiants de
deuxième cycle en médecine à
l’Université Laval, Québec.
Consultant en bioéthique,
il est conseiller en éthique au
FRSQ et directeur de l’Institut de
consultation et de recherche en
éthique et en droit (ICRED).
Les prestations de Mme Cantate
Le Dr Clinicos visite régulièrement les résidents
d’un centre d’accueil. Cette activité professionnelle
lui est très agréable, notamment parce qu’il tient en
haute estime le personnel de l’établissement, qui
travaille à en faire un milieu de vie sain et agréable.
Le centre héberge une vingtaine de personnes
âgées. Comme c’est souvent le cas dans les milieux
d’hébergement, la plupart des pensionnaires sont
atteints de troubles cognitifs.
La patiente dont il est question ici, Mme Cantate,
est une dame de 80 ans atteinte d’une maladie
d’Alzheimer à composante vasculaire probable, étant
donné la détérioration de ses facultés intellectuelles.
Elle souffre aussi d’un diabète actuellement bien
contrôlé par la médication. Cette ancienne brillante
artiste d’opéra a toujours manifesté une forte
propension pour les sentiments exacerbés, particulièrement ceux qui s’expriment par des scènes dramatiques; ses deux filles confirment sans hésiter l’authenticité de ce trait de caractère chez leur mère.
L’évaluation médicale qui a précédé l’hébergement
de Mme Cantate au centre d’accueil a constaté la
présence d’un trouble anxieux comportant vraisemblablement des états de panique; ce trouble se greffe
au tempérament déjà particulier de la résidente.
Souvent, Mme Cantate devient très désorientée,
ce qui la rend anxieuse, alors qu’elle cherche et
cherche... un lieu? une personne? un public? ce qui
adviendra d’elle? Une attention personnalisée ramène rapidement son sourire; le fait d’avoir un public lui remet en voix ses anciens succès. L’effet est
cependant de courte durée, et Mme Cantate sollicite continuellement le personnel. Celui-ci en est
venu à tolérer difficilement l’expression souvent
théâtrale de ses demandes et, malgré une motivation indéfectible, il ne peut continuellement se permettre des rapports «un à un». On aimerait bien
que Mme Cantate reste tranquille deux minutes,
Un cas difficile?
Tout médecin se trouve un jour confronté à une situation difficile dans laquelle il devra
prendre position. Me Michel T. Giroux, avocat spécialisé en bioéthique, vous propose
d’éclaircir, aux termes de la loi et suivant l’éthique, certains cas dont vous nous
ferez part, afin d’en faire profiter vos collègues de la profession médicale.
Faites-nous parvenir vos cas d’éthique par télécopieur au (514) 695-8554,
ou téléphonez-nous au (514) 695-7623 et demandez Isabelle Gagnon ou Sylvie Lahaie.
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appréhender la démarche chancelante de la patiente
justifierait une immobilisation au fauteuil ou au lit.
Quelle devrait être la conduite du Dr Clinicos?
surtout la nuit! Quant aux enfants de la résidente,
leur demande est claire : «Faites n’importe quoi
pour que nous n’ayons plus à faire face à cette expression tourmentée qu’a notre mère lorsqu’elle
semble chercher quelque chose.»
Dans sa discussion avec le personnel pour identifier les comportements de la résidente, le
Dr Clinicos relève en priorité les appels et l’errance
nocturnes que ne peut assumer l’infirmière qui
assume seule la surveillance. Les interventions
choisies jusqu’à présent — une présence apaisante
ou une forte dose de benzodiazépines — ne sont pas
d’une efficacité optimale. Dans le premier cas, la
disponibilité ne peut être constante; dans le cas du
recours aux benzodiazépines, la chute que laisse alors
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Discussion
Aspect clinique. Le personnel du centre d’accueil
éprouve des difficultés à recevoir certains comportements de Mme Cantate et à offrir à la patiente
une réponse toujours attentive et personnalisée. À
la longue, les sollicitations constantes pour obtenir
l’attention d’un membre du personnel et la vitalité
nocturne de Mme Cantate risquent d’épuiser
même les meilleures volontés. Les enfants de la
patiente sont plutôt préoccupés par l’expression
tourmentée parfois observable chez leur mère et par
l’anxiété qu’elle éprouve vraisemblablement lorsqu’elle semble chercher.
Les interrogations cliniques soulevées par ce cas
se rapportent à un concept que l’on désigne par
l’appellation «comportement perturbateur». Cette
appellation est bien connue dans les milieux de
soins de longue durée; par contre, la nature des
réalités cliniques qu’elle désigne demeure, à ce jour,
mystérieuse et complexe.
La mission confiée aux milieux de soins de longue
durée depuis quelques années leur impose de dispenser des soins psychiatriques. Or, il se révèle très
difficile pour plusieurs milieux de soins de longue
durée de s’adapter à ce mandat, puisque la culture
gériatrique ne correspond pas à la culture psychiatrique. La gestion des divers types de comportements
n’a certainement pas fini de préoccuper les professionnels qui œuvrent en soins de longue durée.
Tribune d’éthique
Voyons comment une étude récente définit les
comportements perturbateurs :
«L’appellation “comportements perturbateurs”
désigne une grande variété de conduites agressives,
dysfonctionnelles ou déviantes; les attitudes et les
gestes qualifiés de perturbateurs ont pour effet de
compromettre la qualité du milieu de vie et de
nuire à la dispensation adéquate des soins. Les
comportements perturbateurs ne constituent pas
une maladie en eux-mêmes; ils sont plutôt l’expression d’une maladie ou d’une tension.
Les comportements perturbateurs prennent
l’une des trois formes suivantes : un comportement
agressif verbal et/ou physique, un comportement
non agressif verbal, un comportement non agressif
physique. Concrètement, les comportements perturbateurs les plus fréquemment observés sont
l’agressivité verbale, les cris, les gestes répétitifs, les
demandes persévérantes, l’errance, l’appropriation
de l’espace d’autrui, les conduites physiquement
agressives, les injures, les répétitions de phrases ou
de questions, les plaintes récurrentes, les sons, les
grognements et les pleurs plaintifs.»1
D’après cette définition, certains comportements
de Mme Cantate peuvent être qualifiés de perturbateurs : les demandes répétitives et persévérantes, la
quête incessante d’une attention exclusive et l’activité nocturne. Ces comportements sont perturbateurs parce qu’ils induisent du désordre, une irrégularité dans le milieu de vie. Ainsi, il est impossible
pour le personnel de maintenir un rapport de un à
un avec Mme Cantate sans diminuer les interventions auprès des autres résidents qui ont besoin de
soins et d’attention. Les demandes répétitives et
incessantes de Mme Cantate peuvent être considérées comme des comportements perturbateurs
parce qu’elles font obstacle à l’accomplissement de
ses tâches par le personnel et qu’elles provoquent
chez lui une lassitude compréhensible.
La description du cas mentionne le recours aux
benzodiazépines, dont l’effet est de nécessiter une
immobilisation au fauteuil ou au lit pour éliminer
les risques consécutifs à leur emploi. Cet aspect de
la situation nous place dans la nécessité de clarifier
le concept de la contention :
«Définie au sens large et courant, à la fois d’après
sa finalité et ses moyens, une contention est l’immobilisation totale ou partielle d’une personne par
divers moyens environnementaux, physiques ou chimiques. La contention peut aussi avoir pour finalité
l’atténuation de certains comportements inadaptés.
La contention environnementale consiste en un
aménagement des lieux fréquentés par le résident,
par exemple l’installation d’une demi-porte ou de
barrières psychologiques.
La contention physique est obtenue par un équipement attaché ou adjacent au corps du malade.
Cet équipement limite les mouvements du patient
ou le maintient dans une position déterminée. Le
fauteuil gériatrique, les côtés de lits, les attaches ou
les bandes fixées aux membres, la ceinture abdominale et le gilet thoracique en sont des exemples.
La contention chimique est obtenue par le recours
à des substances pharmacologiques. Les substances
utilisées sont des sédatifs, des anxiolytiques, des tranquillisants majeurs, etc.»1
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La forte dose de benzodiazépines ayant pour but
de contrecarrer les activités nocturnes de la patiente
est une forme de contention. L’immobilisation de la
patiente au fauteuil ou au lit constitue, elle aussi, de
la contention. Dans notre cas, l’un des effets de la
contention chimique est de nécessiter l’application
de la contention physique. Cette situation n’est pas
singulière, car il arrive fréquemment que l’administration d’une forte dose de médicaments produise
un affaissement du patient, d’où la nécessité de protéger celui-ci par une contention supplémentaire.
Outre un affaissement et un risque de chute plus
élevé,2 la contention chimique peut entraîner, entre
autres effets indésirés, un ralentissement de la fonction intellectuelle, une augmentation de la dépendance et une privation sensorielle.
La finalité supposée justifier le recours aux deux
formes de contention appliquées à Mme Cantate
paraît se rapporter essentiellement à l’organisation
du milieu plutôt qu’au bien-être de la patiente.
Aspect juridique. À l’évidence, la maladie dont
souffre Mme Cantate en fait une personne inapte.
Cependant, rien dans l’état ou la conduite de la
patiente n’autorise à penser que son état mental
présente un danger quelconque pour elle-même ou
pour autrui. En conséquence, il n’y a pas lieu d’examiner ici les dispositions légales concernant les personnes dont l’état mental présente ce danger.
Puisque Mme Cantate n’est pas représentée par
un mandataire ou un curateur, les décisions la concernant ont constamment été prises par ses enfants;
cette pratique peut être continuée, car elle est conforme à l’article 15 du Code civil (C.c.).
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Même si elle est inapte, Mme Cantate continue
d’être une personne et de bénéficier des garanties
juridiques fondamentales quant à ses droits et libertés. La Charte des droits et libertés de la personne
contient diverses dispositions susceptibles de s’appliquer plus particulièrement à la situation de la
patiente. Par exemple, son article 1 énonce les
droits à la sûreté et à l’intégrité; de plus, il reconnaît
à tout être humain la personnalité juridique :
«Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu’à la
sûreté, à l’intégrité et à la liberté de sa personne. Il
possède également la personnalité juridique.»
Chaque intervention se rapportant à la santé appartient à la catégorie des soins au sens du C.c., ce
qui inclut les interventions dont Mme Cantate
pourrait être l’objet au centre d’accueil. L’encadrement destiné à la résidente et les médications prescrites font partie des soins. Les règles du C.c. concernant les soins s’appliquent donc à la situation de
Mme Cantate.
Suivant les articles 10 et 11 C.c., la dispensation
des soins suppose un consentement libre et éclairé
provenant du patient ou de la personne qui détient
le consentement substitué.
Lorsque l’équipe soignante doit intervenir à propos de comportements perturbateurs , elle peut être
tentée de soumettre la personne concernée à des
soins ayant pour objectif la tranquillité du milieu
plutôt que le bien-être de la personne. Dans l’hypothèse improbable où la personne concernée est
apte, cette personne peut consentir aux soins, alors
même que la finalité de ces soins est d’assurer la
tranquillité du milieu. Dans l’hypothèse plus
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probable où la personne concernée est inapte, cette
personne ne peut consentir aux soins. Il revient
donc au détenteur du consentement substitué de
consentir pour elle.
Or, suivant l’article 12 C.c., celui qui consent à
des soins pour autrui ou qui les refuse a le devoir de
ne considérer que l’intérêt de la personne pour
laquelle il exprime une volonté. Par ailleurs, le
détenteur du consentement substitué doit s’assurer
du caractère bénéfique des soins pour le patient,
malgré la gravité et la permanence de certains effets
indésirés :
«Celui qui consent à des soins pour autrui ou
qui les refuse est tenu d’agir dans le seul intérêt de
cette personne en tenant compte, dans la mesure
du possible, des volontés que cette dernière a pu
manifester.
S’il exprime un consentement, il doit s’assurer
que les soins seront bénéfiques, malgré la gravité et
la permanence de certains de leurs effets, qu’ils sont
opportuns dans les circonstances et que les risques
présentés ne sont pas hors de proportion avec le
bienfait qu’on en espère.»
La double contention dont Mme Cantate fait
l’objet respecte-t-elle les conditions de légalité posées par l’article 12 C.c.? Puisque l’objectif poursuivi ici par la contention est de favoriser la tranquillité du milieu et que la personne qui détient le
consentement substitué ne doit agir que dans l’intérêt exclusif du patient, la légalité du consentement donné à la contention est douteuse à ce
titre. De plus, le caractère bénéfique de la double
contention appliquée à Mme Cantate est loin
d’être démontré. Plus particulièrement, la nécessité de recourir à une contention physique pour
limiter les risques de la contention chimique
révèle certains effets indésirés de la contention
chimique.
Les enfants de Mme Cantate ont exprimé une
inquiétude en demandant à l’équipe soignante de
faire n’importe quoi pour ne plus avoir à observer
l’expression tourmentée que prend parfois le visage
de leur mère. En fait, l’équipe soignante doit prendre les moyens scientifiquement valides pour diminuer, à défaut d’éliminer, la souffrance de la patiente. Toutefois, on ne pourrait pas traiter la
patiente en ayant comme unique objectif de provoquer chez elle un état qui serait tolérable pour ses
enfants.
Deux dispositions du Code de déontologie rappellent que le médecin n’est pas autorisé à agir contrairement à l’intérêt de son patient et que les
ordonnances doivent être justitifées par des motifs
médicaux. Suivant l’article 2.03.21, «Le médecin
ne doit fournir un soin ou donner une ordonnance
de médicaments ou de traitement que si ceux-ci
sont médicalement nécessaires.» L’article 2.03.23
énonce que «Le médecin doit refuser sa collaboration ou sa participation à tout acte médical qui irait
à l’encontre de l’intérêt du patient.»
Aspect éthique. Tout comme le droit reconnaît à
la patiente le statut juridique de personne, la morale reconnaît en Mme Cantate la présence d’une
personne humaine qui doit être traitée dans le
respect de sa dignité. Cette position de principe ne
pose aucun empêchement à la nécessité de tenir
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compte de la maladie sévère qui affecte
Mme Cantate.
Autonomie. Évidemment, la condition neurologique de Mme Cantate lui interdit d’exercer son
autonomie dans sa totalité. Il reste cependant à la
patiente une autonomie fonctionnelle résiduelle
qui lui permet de se déplacer, d’exercer une présence dans le monde et d’adopter des comportements distinctifs et même conformes à ce qu’elle a
été toute sa vie. Le principe d’autonomie trouve application dans de telles circonstances en ce qu’il requiert que l’on s’efforce de respecter ce qu’il en reste du point de vue fonctionnel. Même si elle prend
une forme partielle ou résiduelle, l’autonomie continue d’être valorisée, car elle concourt au bien-être
du patient. On tiendra compte des préférences du
résident pour l’organisation de sa vie quotidienne,
mais en cas de conflit entre son autonomie résiduelle et sa sécurité, on privilégiera sa sécurité. Du
point de vue de l’autonomie, des mesures comportant une diminution de la liberté d’action du patient devraient être utilisées après que les autres
interventions possibles aient été considérées ou expérimentées.
La contention, particulièrement la contention
physique et chimique, présente des inconvénients
sérieux que connaît l’équipe soignante. Ainsi, le recours à la contention physique ou chimique ne facilite pas les démarches pour parvenir à un développement maximal du potentiel de fonctionnement.
Les détenteurs du consentement substitué doivent
être adéquatement informés de ces inconvénients.
Il leur revient par la suite d’évaluer la balance des
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avantages et des inconvénients que représente l’intervention proposée.
De par sa nature, la contention présente comme
modalité une restriction quelconque de la liberté de
mouvement. Pour de nombreuses personnes, la contention évoque la violence irréfléchie et l’arbitraire
d’interventions punitives, excessives et humiliantes :
«Le terme “contention” est souvent perçu d’une
façon péjorative, sans doute à cause des formes
d’interventions brutales et dépassées auxquelles il
est associé. On pense ici à des moyens comme la
camisole et la médication lourde utilisées comme
premiers moyens d’intervention. Même si ces perceptions péjoratives ne correspondent plus au réel,
il faudra tenir compte de leur existence, notamment parmi les proches des résidents.»1
L’opportunité de la contention est susceptible
d’être d’abord envisagée par les proches avec suspicion ou antagonisme, surtout s’ils sont insuffisamment renseignés. Il faut cependant reconnaître que
la méfiance spontanée à l’égard des limitations à la
liberté de mouvement est une méfiance saine. De
bons échanges entre le médecin traitant et les proches du patient préviendront les situations inattendues qui engendrent des confusions et des incompréhensions.
Bienfaisance, non-malfaisance. La bienfaisance
ordonne au professionnel de la santé d’agir lorsqu’il
sait comment contribuer au bien de son patient et
qu’il se trouve effectivement en mesure de poser le
geste approprié. Il faut insister sur ce premier commandement de la bienfaisance en ce que le bien
qu’elle privilégie est celui du patient. Suivant le
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principe de bienfaisance, la contention devrait être
utilisée pour favoriser le bien-être du patient. La
contention peut aussi avoir pour effet d’améliorer
la qualité du milieu de vie; si tel est le cas, tant
mieux, mais la qualité du milieu de vie ne doit pas
être la considération qui justifie la contention.
La non-malfaisance prescrit l’abstention de poser tout acte qui serait un mal pour le patient,
«mal» étant entendu au sens le plus large et non
seulement en termes cliniques. Le principe de nonmalfaisance impose qu’on prenne certaines précautions dans la pratique de la contention. Voici ces
précautions :
«1° la contention doit être utilisée lorsque les interventions non contraignantes ont échoué;
2° la contention doit être exercée pour une période
aussi courte que possible;
3° la contention doit comporter la contrainte la
plus légère et la plus éloignée de la personne du sujet;
4° la mise en œuvre de la contention doit comporter des mesures de surveillance garantissant l’entière sécurité du résident.»1
Justice. Suivant le principe de justice, tous les
résidents d’un centre d’hébergement ont droit à des
soins de qualité dispensés suivant l’état physique,
intellectuel et psychologique de chacun. L’existence
de ce droit implique-t-elle qu’on soit autorisé à appliquer une forme de contention au résident qui
dérange le personnel ou les autres résidents? Si la
conduite du résident a pour effet de compromettre
sa sécurité ou celle d’autrui, l’établissement a l’obligation juridique et morale d’intervenir, par des mesures de contention s’il le faut.
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Dans un cas où le comportement de la personne
concernée a pour effet de déranger les résidents et
le personnel, ce comportement, même permanent,
justifie-t-il la contention? Les inconvénients occasionnés par le comportement de la personne concernée ne sont nullement d’une gravité comparable
à celle des effets néfastes de la contention. Pour
cette raison, le principe de justice n’autorise pas le
recours à la contention, si ce n’est pas dans l’intérêt
thérapeutique de la personne concernée.
Conduite à tenir
En ce qui concerne le concept de comportement
perturbateur, le Dr Clinicos se rappellera qu’on
doit l’utiliser avec précaution à cause de la part
considérable de subjectivité qu’il comporte et parce
que la détermination de ce qui est normal, convenable ou moral ne relève pas que de la science
médicale seule.
Tribune d’éthique
Toutes les interventions auprès de Mme Cantate
ne doivent avoir pour objet que le bien-être de la
patiente. Le soulagement de ses proches peut être
pris en considération s’il suppose le recours à des
moyens conformes au bien-être de la patiente.
Le Dr Clinicos se livrera à un examen approfondi de la patiente. De plus, il obtiendra la coopération de toute l’équipe soignante pour réaliser une
démarche d’observation de la patiente, observation
qui pourrait permettre d’identifier les causes de ses
comportements perturbateurs.
On s’efforcera de préserver l’autonomie fonctionnelle résiduelle dont dispose la patiente. Les
interventions comportant une forme de contention
thérapeutique devraient être utilisées après que les
autres interventions possibles auront été considérées ou expérimentées, notamment les interventions relevant de l’approche comportementale.
Dans ses échanges avec les enfants de Mme
Cantate, le Dr Clinicos établira clairement la différence entre le soulagement de leurs inquiétudes et
des interventions propices au bien-être de leur mère.
Références
1. Comité d’éthique du Centre d’hébergement et de santé de Portneuf :
Éléments de réflexion sur l’approche éthique des comportements
perturbateurs, avril 1998.
2. Sur les facteurs de risque quant aux chutes, voir Roberge, RF : Les
chutes en gériatrie. Le Clinicien 12(2):82, 1997.
Principes fondamentaux de la bioéthique
La bienfaisance, la non-malfaisance
Ce principe prescrit deux devoirs moraux assez évidents par eux-mêmes: faire le bien et éviter le mal. Ces devoirs du
médecin apparaissaient déjà dans le Serment d’Hippocrate. La bienfaisance prescrit l’action lorsque le médecin sait
comment contribuer au bien de son patient et qu’il est effectivement en mesure de poser le geste approprié. La bienfaisance
fonde la pratique médicale en tant que relation d’aide par laquelle un professionnel agit dans l’intérêt de son patient.
La non-malfaisance prescrit l’abstention de poser tout acte qui serait un mal pour le patient, «mal» étant entendu au sens
le plus large et non seulement en termes strictement cliniques. Le devoir de non-malfaisance ne vise pas seulement un tort
clinique, mais toute forme de tort, qu’il provienne de l’ignorance inavouée, d’une intention ou d’une négligence, qu’il soit
physique, psychologique ou social.
L’autonomie
L’autonomie désigne la capacité de se diriger d’après sa propre volonté. Ce principe établit que la personne est maîtresse
d’elle-même et qu’il lui revient de décider par elle-même de ce qui lui convient. La reconnaissance de l’autonomie apporte
une protection contre toute intrusion dans la sphère privée de la personne, qui doit disposer librement de son être.
L’application du principe d’autonomie implique le consentement libre et éclairé aux soins et à l’expérimentation.
La justice
La philosophie définit la justice comme la vertu morale qui fait rendre à chacun son dû. La justice implique d’abord
l’égalité des citoyens entre eux. La justice appelée «distributive» a pour objet la répartition du bien commun; elle fixe
un partage proportionné et un usage adéquat des ressources. Enfin, la justice protège les groupes de personnes
faibles ou démunies dans les obligations qu’on voudrait leur imposer au nom de la solidarité sociale (par exemple,
pour favoriser la recherche scientifique).
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