Vers une parall´elisation par bandes en chimie quantique
Christophe Audouze
Laboratoire de Math´ematique, UMR CNRS 8628, Universit´e Paris-Sud
at 425 - 91405 Orsay cedex
Mots-clefs : chimie quantique mol´eculaire, diagonalisation d’op´erateurs Hamiltoniens, algo-
rithmes de recherche d’´el´ements propres en parall`ele, gradient conjugu´e non lin´eaire.
Introduction
Grˆace au d´eveloppement informatique de ces derni`eres ann´ees et `a l’essor du calcul parall`ele
intensif en particulier, la mod´elisation mol´eculaire est devenue un v´eritable enjeu. En effet
les syst`emes mol´eculaires qui sont amen´es `a ˆetre ´etudi´es tendent `a devenir de plus en plus
complexes. Cette complexit´e est bien-sˆur li´ee `a la taille des mol´ecules envisag´ees (plusieurs
centaines de milliers d’atomes pour les mol´ecules biologiques par exemple) ainsi qu’`a la structure
intrins`eque des atomes eux-mˆemes, mais aussi au degr´e de pr´ecision exig´e pour le calcul de
certaines grandeurs physiques.
Le centre d’´etudes du C.E.A. de Bruy`eres-le-Chˆatel (D.P.T.A.) a particip´e `a l’´elaboration d’un
code de calculs de chimie quantique, Ab-Init, en collaboration avec l’Universit´e de Louvain-la-
Neuve en Belgique.
Ce code de calculs qui fait maintenant partie du domaine public est une m´ethode ab-initio,
c’est-`a-dire s’appuyant sur les principes constitutifs de la chimie quantique. Plus pr´ecis´ement,
l’algorithme utilis´e dans Ab-Init cherche `a r´esoudre les ´equations Kohn-Sham, mod`ele approxi-
mant l’´equation de Schr¨odinger stationnaire. La r´esolution de ces ´equations permet d’acc´eder `a
l’´energie d’un syst`eme mol´eculaire dans son ´etat fondamental ainsi qu’`a sa densit´e ´electronique.
La strat´egie emploee dans Ab-Init repose sur la minimisation directe de la fonctionnelle d’´energie
par it´erations successives de gradient conjugu´e non lin´eaire ([1]).
La collaboration qui a ´et´e mise en place entre le C.E.A. et le laboratoire de Math´ematique
d’Orsay a pour objectif d’am´eliorer l’algorithme utilis´e dans Ab-Init afin de le rendre parallelis-
able.
1 Les ´equations Kohn-Sham
1.1 Rappels : les mod`eles Hartree-Fock et DFT
En m´ecanique quantique, l’´etat fondamental d’un syst`eme mol´eculaire poss´edant un nombre fini
de Knoyaux et un nombre fini de N´electrons est donn´e par le probl`eme variationnel - dit `a N
corps - suivant :
Inf ½< Hφ, φ >, Z3N|φ|2= 1, φ L2
a(R3N,C)¾,(1)
o`u :
Canum 2003 1
<. , . >est le produit scalaire dans L2(R3N,C),
φest une fonction d’onde antisym´etrique,
|φ(x1, ..., xN)|2est la densit´e de probabilit´e de pr´esence des ´electrons
(les xirepr´esentent la position des ´electrons dans l’espace),
Hl’op´erateur Hamiltonien s’´ecrivant
X
i
(xi+V(xi)) + VN=∆ + Vext({xi}) + VN({xi}),
V(x) =
K
X
k=1
Zke
|x¯xk|le potentiel ext´erieur repr´esentant les ineractions
´electrons/noyaux, noyaux ayant pour charge et position Zkeet ¯xk
respectivement,
VN(x) = 1
2
N
X
i,j=1
e2
|xixj|le potentiel li´e `a l’int´eraction entre les ´electrons.
Ainsi, l’´energie totale du syst`eme s’´ecrit : Z3N|∇φ|2+Z3N
(Vext +VN)|φ|2.
Notons que l’on a consid´er´e ici des particules non relativistes, et que le spin n’a pas ´et´e in-
troduit pour all´eger les notations. Par ailleurs, suivant l’approximation de Born-Oppenheimer,
les noyaux sont consid´er´es comme des particules classiques et les ´electrons comme des entit´es
quantiques. Enfin, on ne consid´erera pas l’optimisation g´eom´etrique des mol´ecules ; les positions
¯xkdes noyaux seront fix´ees dans l’espace.
L’´equation d’Euler-Lagrange associ´ee au probl`eme variationnel (1), ou ´equation de Schr¨odinger
stationnaire, est lin´eaire :
(∆ + Vext +VN)φ=εφ. (2)
N´eanmoins on ne peut esp´erer simuler num´eriquement cette ´equation : les fonctions d’ondes
appartiennent en effet `a un espace de trop grande dimension 3N, qu’on ne peut ´evidemment
discr´etiser par aucune m´ethode classique (´el´ements finis ou autres ...). Les mod`eles de type
Hartree-Fock ou ceux issus de la Th´eorie de la Fonctionnelle de la Densit´e (DFT) donnent
la possibilit´e, via certaines approximations, d’un traitement num´erique et de simulations sur
ordinateur. Dans ces deux grandes classes de mod`eles, on optimise sur Nfonctions-tests de
L2(R3,C) dans le cas Hartree-Fock, et sur une fonction densit´e ´egalement d´efinie sur R3dans
le cas de la DFT.
Mod`ele Hartree-Fock :
Inf ½EHF (ϕ1, ..., ϕN) ; Z3
ϕiϕ
j=δij ,ϕiH1(R3)¾, (3)
Canum 2003 2
EHF (ϕ1, ..., ϕN) =
N
X
i=1 Z3|∇ϕi|2+V ϕ2
i
+1
2
N
X
i,j=1 ZZ 6
ϕ2
i(x)ϕ2
j(y)
|xy|dxdy
1
2
N
X
i,j=1 ZZ 6
ϕi(x)ϕi(y)ϕj(x)ϕj(y)
|xy|dxdy. (4)
La fonction d’onde antisym´etrique φest ensuite obtenue `a partir des orbitales mol´eculaires ϕi
par la relation :
φ(x1, ..., xN) = 1
N!det(ϕi(xj)).
Mod`ele de la DFT :
Inf ½E(ρ) ; Z3
ρ=N¾.(5)
La fonctionnelle Eest ´evalu´ee en la densit´e ρdu syst`eme. Il existe de nombreux mod`eles
(Thomas-Fermi, Thomas-Fermi-Dirac, Thomas-Fermi-Dirac-Von Weizs¨acker, etc...), o`u le choix
de la fonctionnelle Ed´epend essentiellement de celui du terme d’´echange-corr´elation des ´electrons.
A titre d’exemple Epeut s’´ecrire :
E(ρ, ρ) = Z3|∇(ρ)|2+Z3
V ρ +Z3
f(ρ) + 1
2ZZ 6
ρ(x)ρ(y)
|xy|dxdy,
Z3
f(ρ) repr´esentant la fonctionnelle d’´echange/corr´elation.
Les deux approches Hartree-Fock et DFT conduisent aux ´equations d’Euler-Lagrange non-
lin´eaires suivantes :
H
{ϕk}ϕi= (∆ + Vext +W(ϕ1, ..., ϕN)) ϕi=εiϕii= 1...N, (6)
avec
W({ϕj}) = ρ1
|x|+f0(ρ) dans les mod`eles issus de la DFT,
W({ϕj}) = ρ1
|x|³X
j
ϕiϕj1
|x|´dans le mod`ele Hartree-Fock.
L’obtention de l’´etat fondamental du syst`eme revient `a trouver les Nplus petites valeurs propres
εide l’op´erateur H
{ϕk}et les fonctions propres associ´ees. (P.-L.Lions a montr´e pour Hartree-
Fock que le probl`eme de minimisation, bien que non lin´eaire et non convexe, admet une solution
en calculant les points critiques de la fonctionnelle ´energie, voir [2]).
L’approximation suivante consiste maintenant `a transformer le probl`eme aux valeurs propres
(6) de dimension infinie en un probl`eme de dimension finie. Pour cela, les fonctions ϕisont
d´evelopp´ees dans une base de dimension finie {χj,j= 1...M}(en LCAO par exemple (Local
Combination of Atomic Orbitals) on d´eveloppe dans des bases d’orbitales atomiques). Num´eriquement
on est ainsi conduit `a r´esoudre le probl`eme
˜
Hϕi=εi˜
Sϕi, (7)
Canum 2003 3
probl`eme aux valeurs propres g´en´eralis´e de grande dimension (dimension de la base), non lin´eaire
(˜
H=˜
H({ϕk})), o`u :
˜
Hest la matrice associ´ee `a l’op´erateur H
{ϕk}du probl`eme (6) :
˜
Hij =< H
{ϕk}χi, χj>,
˜
Sest la matrice dite overlap :˜
Sij =< χi, χj>.
La plupart des algorithmes utilis´es pour r´esoudre (7) reposent sur le principe de base suivant
(algorithmes SCF, Self Consistent Field) :
{ϕ0
i}vecteurs initiaux
d´ebut de la mi `e me boucle SCF
assemblage de la matrice ˜
H{ϕm
j}
diagonalisation, i.e. trouver les Nplus petites valeurs propres t.q.
˜
Hϕm+1
i=εm+1
i˜
Sϕm+1
i
fin de la mi `eme boucle SCF
test de convergence
1.2 Le mod`ele Kohn-Sham
Il s’agit d’un mod`ele “hybride” o`u l’on consid`ere les N´electrons du syst`eme comme ´etant
ind´ependants. Il existe, selon la th´eorie de Hohenberg-Kohn, un unique potentiel Vdans lequel
N´electrons ind´ependants ont une densit´e `a l’´etat fondamental ´egale `a celle de N´electrons en
ineraction. Ce potentiel Vva donc d´ependre non plus de Nfonctions ϕimais d’une seule
fonction inconnue, la densit´e ρ.
Sous ces hypoth`eses le syst`eme des ´equations Kohn-Sham s’´ecrit alors :
(∆ + V(ρ)) ϕi=εiϕii= 1...N,
ρ(x) =
N
X
i=1 |ϕi(x)|2,
< ϕi, ϕj>=δij
(8)
avec
Canum 2003 4
V(ρ) = Vext +Vint(ρ) + VX C (ρ),
Vext : potentiel li´e aux ineractions noyaux/´electrons,
Vint(ρ)(x) = Z3
ρ(x0)
|xx0|dx : potentiel coulombien du aux ´electrons,
VXC (ρ) : potentiel d’´echange-corr´elation.
Ce mod`ele s’apparente ainsi `a une m´ethode de type Hartree-Fock (contrainte d’orthogonalit´e sur
les ϕi), `a la diff´erence notable pr`es que le potentiel est fonction de la densit´e et que les fonctions
ϕine repr´esentent plus les orbitales mol´eculaires.
Le C.E.A. a d´evelopp´e un code de calculs qui r´esout les ´equations Kohn-Sham, et ce par la
minimisation directe de la fonctionnelle d’´energie associ´ee au probl`eme (8). L’algorithme utilis´e
est un algorithme it´eratif self-consistant bas´e sur une technique de gradient conjugu´e (voir [1]).
2 L’algorithme de Ab-Init
2.1 Principe
Dans l’algorithme qui est utilis´e (voir [1]), on cherche `a minimiser le probl`eme suivant :
Inf (N
X
i=1
< ψi|H|ψi>;< ψi, ψj>=δij ),(9)
o`u Hd´esigne l’op´erateur Hamiltonien du probl`eme (8).
On cherche `a obtenir le minimum de l’´energie totale en effectuant des it´erations de gradient con-
jugu´e `a chaque boucle SCF. Les fonctions (ou bandes) ψiconsid´er´ees ici ne sont pas les fonctions
ϕidu probl`eme (8), mais `a convergence on doit avoir Vect(ψ1, ..., ψN) = Vect(ϕ1, ..., ϕN).
Au cours d’une boucle SCF, la densit´e ρest fix´ee ; on r´ealise plusieurs it´erations de gradient
conjugu´e (3 ou 4 dans la pratique) pour chaque bande ψiafin de faire d´ecroitre l’´energie. Les
fonctions ψisont alors reorthogonalis´ees entre elles, et permettent de r´eactualiser la densit´e et
l’Hamiltonien. Les boucles SCF se poursuivent jusqu’`a convergence de l’´energie.
Plus pr´ecis´ement, une boucle SCF comporte les ´etapes suivantes :
Soit {ψm
1, ..., ψm
N}Nbandes orthogonales entre elles de norme 1. Pour chaque bande ψm
ion
r´ealise quelques it´erations de gradient conjugu´e, c’est `a dire :
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