Conditionnement et indépendance

publicité
Conditionnement et indépendance
Patrick Soubeyrand
18 mars 2010
Exercice
1. Une urne contient 2 boules blanches et 2 boules noires.
On tire au hasard successivement et sans remise 2 boules et on aimerait connaître
la probabilité de l’événement :
E :« La première boule tirée est blanche et la deuxième est noire. »
Un élève propose le raisonnement suivant :
1
"Il y a 4 possibilités : BB, |{z}
BN , NB et NN. Donc p(E) = ."
4
E
Qu’en pensez-vous, et pourquoi ?
2. L’urne contient à présent 36 boules blanches et 14 boules noires. On recommence l’expérience précédente. Que vaut alors p(E) ?
Solution:
1. C’est faux ! En effet, si on numérote les boules et qu’on les désigne par B1 , B2 , N1
et N2 , on constate alors que le nombre de tirages possibles est
] Ω = 4 × 3 = 12,
et que l’événement E est réalisé uniquement par les issues B1 N1 , B1 N2 , B2 N1
et B2 N2 . Donc le nombre d’éléments de E est ]E = 4. D’où :
p(E) =
4
1
= .
12
3
- Pourquoi est-ce faux ? Parce que la réponse de l’élève ne prend pas en compte
le nombre de boules ! Par exemple, avec 100 boules blanches et 2 boules noires,
1
il trouve encore p(E) = ! ! !
4
1
2. En dénombrant, on trouve : ] Ω = 50 × 49 et ]E = 36 × 14. D’où :
p(E) =
36 × 14
.
50 × 49
Nous allons voir maintenant qu’on aurait pu donner directement p(E) sous la
forme :
36 14
p(E) =
× .
50 49
1
Probabilités conditionnelles
1.1 Introduction
Ω
Soit A un événement de probabilité non nulle. On
suppose que l’événement A est réalisé. Si on considère un autre événement, noté B, quelle est alors sa
probabilité ?
A
Comme elle dépend de la réalisation de A, on va la noter p (B) .
A
Examinons d’abord deux cas particuliers :
- Cas où A ∩ B = ∅.
Ω
A
Les événements A et B étant disjoints, si A est réalisé, alors B ne peut pas l’être. D’où :
B
p (B) = 0.
A
- Cas où A ⊂ B.
Ω
A
B
Puisque A est contenu dans B et que A est réalisé,
forcément B est réalisé ! Donc
p (B) = 1.
A
À présent revenons au cas général.
Ω
A
B
L’idée c’est de se restreindre à A, i.e. de prendre A
comme nouvel univers. On a alors envie de prendre
p(A ∩ B) pour valeur de p (B).
A
2
Mais, comme A ∩ B ⊂ A et que p est une application croissante, il en résulte
0 ≤ p(A ∩ B) ≤ p(A),
et si p(A) < 1 alors p(A ∩ B) ne peut pas atteindre la valeur 1, ce qui n’est pas le
cas de p (B).
A
Pour résoudre ce problème, on normalise en divisant par p(A), ce qui nous donne :
0≤
p(A ∩ B)
≤ 1.
p(A)
↑
Et voici la valeur de p (B).
A
1.2 Définition
Définition 1.1 Soit A un événement de probabilité non nulle. On définit sur Ω une
nouvelle probabilité, notée p , en posant, pour tout événement B :
A
p (B) =
A
p(A ∩ B)
.
p(A)
La probabilité p est appelée probabilité conditionnelle sachant que A est réaA
lisé, et le nombre réel p (B), probabilité de B sachant A.
A
1.3 Exemples
Exemple 1 On jette un dé. Quelle est la probabilité que le résultat soit un 6 sachant que c’est un nombre pair ?
Soit A :« Le résultat est un nombre pair » et B :« Le résultat est un 6 ».
1
On demande p (B) et il est clair que p (B) = .
A
A
3
p(A ∩ B)
1
Vérifions que
= :
p(A)
3
On a p(A ∩ B) = p(A) =
1
1
p(A ∩ B)
1/6
1
et p(B) = donc
=
= .
6
2
p(A)
1/2
3
Exemple 2 Dans une classe de 40 élèves on
a la répartition ci-contre, en fonction du sexe,
d’une part, et de la première langue, d’autre part
(A=anglais, D= allemand) :
3
G
F
A 13
9
D 8
10
On interroge au hasard un élève de cette classe.
a) Quelle est la probabilité qu’il étudie l’anglais sachant que c’est un garçon ?
b) Quelle est la probabilité que ce soit un garçon sachant qu’il étudie l’anglais ?
Soit A :« L’élève étudie l’anglais. » et G :« L’élève est un garçon. »
a) On demande p (A) et parmi les 21 garçons il y en a 13 qui étudient l’anglais.
G
13
p(G ∩ A)
13/40
13
Donc p (A) = . On peut vérifier que
=
= .
G
21
p(G)
21/40
21
b) On demande p (G) et parmi les 22 élèves qui étudient l’anglais il y a 13 garA
13
p(A ∩ G)
13/40
13
çons. Donc p (G) = . On peut vérifier que
=
= .
A
22
p(A)
22/40
22
1.4 Probabilité d’une intersection
1. Si p(A) 6= 0, il est clair alors que : p(A ∩ B) = p(A) × p (B) .
A
Exemple: Une urne contient 2 boules blanches et 2 boules noires. On tire au
hasard successivement et sans remise 2 boules. Quelle est la probabilité de l’événement E :« La première boule tirée est blanche et la deuxième est noire. »
Soit A :« La 1re est blanche. » et B :« La 2me est noire. » Alors E = A ∩ B et
donc :
2 2
p(E) = p(A ∩ B) = p(A) × p (B) = × ,
A
4 3
puisque, si A est réalisé, il reste 1 boule blanche et 2 boules noires dans l’urne.
1
D’où : p(E) = (cf. l’exercice d’introduction).
3
2. Si p(B) est aussi 6= 0, alors on peut écrire que :
p(A ∩ B) = p(A) × p (B) = p(B) × p (A)
A
B
|
{z
}
Donc si on en connaît 3
on peut calculer la 4me .
Exemple: Lors d’une épidémie de grippe, on apprend qu’une personne sur 4 est
vaccinée contre la grippe. De plus, parmi les grippés il y a 10 % de vaccinés et
parmi les vaccinés il y a 2 % de grippés. Quel est le pourcentage de grippés ?
On considère une personne au hasard.
Soit V :« La personne est vaccinée. » et G :« La personne est grippée. » On cherche
p(G).
4
1
Traduisons les données : p(V ) = , p (V ) = 0, 10 et p (G) = 0, 02.
V
4 G
Écrivons la probabilité de V ∩ G :
p(V ∩ G) = p(V ) × p (G) = p(G) × p (V ) .
| {z } |V {z }
|G{z }
1/4
On en déduit :
p(G) =
0,02
0,10
1/4 × 0, 02
1
=
= 0, 05.
0, 10
20
Il y a donc 5 % de grippés.
1.5 Formule des probabilités totales
1.5.1 Cas de deux événements
Ω
A
A
B
Si on connaît p(A ∩ B) et p(A ∩ B), peut-on en
déduire p(B) ?
Comme B = (A ∩ B) ∪ (A ∩ B) avec A ∩ B et A ∩ B disjoints, on trouve :
p(B) = p(A ∩ B) + p(A ∩ B) .
1.5.2 Cas général
Ω
b
b
A3 A2
B
b
A1
An
Si A1 , A2 , . . . , An constituent une partition de Ω
(i.e. si ce sont des parties non vides, deux à deux
disjointes, dont la réunion est Ω), alors :
p(B) = p(A1 ∩ B) + p(A2 ∩ B) + · · · + p(An ∩ B) .
Exemple: Les employés d’une entreprise se divisent en trois catégories : les syndicalistes (la moitié), les indifférents (le tiers) et les hostiles au syndicalisme (le
reste, i.e. 1 sur 6).
Pendant une grève on trouve :
- 80 % de grévistes parmi les syndicalistes,
- 50 % parmi les indifférents au syndicalisme,
- 10 % parmi les hostiles au syndicalisme.
5
On prend un employé au hasard dans cette entreprise. Quelle est la probabilité
qu’il soit gréviste ?
Désignons par S, I, H et G les événements considérés.
Ω
I
S
G
H
D’après la formule des probabilités totales :
p(G) = p(S ∩ G) + p(I ∩ G) + p(H ∩ G).
Donc : p(G) = p(S) × p (G) + p(I) × p (G) + p(H) × p (G)
S
I
H
1
1
1
7
= × 0, 80 + × 0, 50 + × 0, 10 = .
2
3
6
12
2
Indépendance
2.1 Événéments indépendants
Deux événements sont indépendants si la réalisation de l’un n’influe pas sur la
réalisation de l’autre. Il est donc naturel de prendre comme définition :
Définition 2.1 Un événement B est indépendant d’un événement A si
p (B) = p(B) .
A
Or on sait que p(A ∩ B) = p(A) × p (B).
A
Donc dans ce cas : p(A ∩ B) = p(A) × p(B). D’où
Définition 2.2 Deux événements A et B sont indépendants si
p(A ∩ B) = p(A) × p(B) .
Exemple: Une urne contient une boule bleue numérotée 1, deux boules vertes
numérotées 1 et 2, et trois boules rouges numérotées 1, 2 et 3.
On tire au hasard une boule de l’urne et on considère les événements suivants :
A :« La boule tirée porte le numéro 1. »
B :« La boule tirée porte le numéro 2. »
C :« La boule tirée est rouge. »
a) Les événements A et C sont-ils indépendants ?
b) Les événements B et C sont-ils indépendants ?
6
1
1
1
, p(A) =
et p(C) = . Donc p(A ∩ C) 6= p(A) × p(C).
2
2
6
D’où, les événements A et C ne sont pas indépendants.
1
1
1
b) p(B ∩ C) = , p(B) =
et p(C) = . Donc p(B ∩ C) = p(B) × p(C).
3
2
6
D’où, les événements B et C sont indépendants.
a) p(A ∩ C) =
Remarque: Il y a la même proportion de boules portant le numéro 2 dans l’urne,
que parmi les boules rouges. Ce qui explique l’indépendance de B et C.
2.2 Variables aléatoires indépendantes
Définition 2.3 Soit X et Y deux variables aléatoires définies sur le même univers
Ω. On suppose que :
- X prend les valeurs x1 , x2 , . . . , xn .
- Y prend les valeurs y1 , y2 , . . . , ym.
On dit que X et Y sont indépendantes si, pour tous i et j (1 ≤ i ≤ n et 1 ≤ j ≤
m), les événements (X = xi ) et (Y = yj ) sont indépendants.
Exemple: Deux variables aléatoires attachées à deux expériences aléatoires différentes
sont indépendantes.
Exercice 2.1 Un travail à effectuer nécessite la réalisation de deux tâches indépendantes et successives A et B.
La tâche A a une durée aléatoire, en jours, notée X, de loi de probabilité :
xi
pi
1
0,2
2
3
0,5 0,3
et la tâche B a une durée aléatoire, en jours, notée Y , de loi de probabilité :
yi
qi
1
0,2
2
3
4
0,3 0,4 0,1
Calculer la probabilité de chacun des événements suivants :
E :« La durée des travaux ne dépasse pas trois jours. »
F :« La durée des travaux est égale à 4 jours. »
Solution:
Les deux tâches étant indépendantes, les variables aléatoires X et Y sont indépendantes.
7
Calcul de p(E) : L’événement E est égal à :
E = [(X = 1) ∩ (Y = 1)] ∪ [(X = 2) ∩ (Y = 1)] ∪ [(X = 1) ∩ (Y = 2)].
La réunion étant constituée d’ensembles disjoints,
p(E) = p[(X = 1) ∩ (Y = 1)] + p[(X = 2) ∩ (Y = 1)] + p[(X = 1) ∩ (Y = 2)].
Puis, les variables aléatoires X et Y étant indépendantes,
p(E) = p(X = 1) × p(Y = 1) + p(X = 2) × p(Y = 1) + p(X = 1) × p(Y = 2),
i.e.
p(E) = 0, 04 + 0, 10 + 0, 06 = 0, 2.
Calcul de p(F ) : L’événement F est égal à :
E = [(X = 1) ∩ (Y = 3)] ∪ [(X = 2) ∩ (Y = 2)] ∪ [(X = 3) ∩ (Y = 1)].
D’où, comme pour le calcul de p(E) :
p(F ) = p(X = 1) × p(Y = 3) + p(X = 2) × p(Y = 2) + p(X = 3) × p(Y = 1),
i.e.
p(F ) = 0, 08 + 0, 15 + 0, 06 = 0, 29.
Remarque: On peut donner la loi de probabilité du couple (X, Y ).
Les variables aléatoires X et Y étant indépendantes, on remplit le tableau cidessous en faisant les multiplications case par case.
X
Y
1
3
2
4
Loi
de
X
1
0, 04 0, 06 0, 08 0, 02 0, 2
2
0, 10 0, 15 0, 20 0, 05 0, 5
3
0, 06 0, 09 0, 12 0, 03 0, 3
Loi de Y 0, 2
0, 3 0, 4 0, 1
8
1
2.3 Expériences indépendantes
On admet que :
Proposition 2.4 Pour des expériences indépendantes, la probabilité de la suite
des résultats est le produit des probabilités de chaque résultat.
Exemple: On lance 10 fois une pièce de monnaie. Quelle est la probabilité de
l’événement :
A :« On obtient au moins une fois pile. »
Utilisons l’événement contraire de A :
A :« On obtient 0 fois pile, donc 10 fois face. »
Les lancers étant indépendants, la probabilité de la suite des résultats est le produit des probabilités de chaque résultat. Donc :
1
1
p(A) = × · · · × =
|2 {z 2}
10
Il en résulte :
3
10
1
.
2
facteurs
10
1
.
p(A) = 1 − p(A) = 1 −
2
Utilisation d’arbres pondérés
Les lettres A, B, C, ... désignent des événements.
racine
A
D
B
E
C
H
La branche qui relie la racine à la lettre A représente l’événement A. Il en est de
même pour B et C. Le chemin 1 qui relie la racine à D représente l’événement
A ∩ D. De même, le chemin qui relie la racine à E représente l’événement A ∩ E.
1. Un chemin est une suite de branches qui part toujours de la racine.
9
Remarque: On peut considérer la racine comme l’univers Ω.
On peut pondérer cet arbre en plaçant sur les différentes branches les probabilités
correspondantes.
Par exemple, à côté de la branche qui relie la racine à la lettre A, on écrit p(A).
Idem pour p(B) et p(C).
Par contre, la branche qui relie la lettre A à la lettre D ne représente pas un événement. Mais, si on est sur cette branche, cela signifie que l’événement A est réalisé.
On écrit donc, à côté de cette branche, p (D). Idem pour p (E) et p (H).
A
A
C
Ce qui donne l’arbre pondéré suivant :
racine
p(A)
p(B)
A
p (D)
A
D
p(C)
B
C
p (E)
p (H)
A
C
E
H
Pour les arbres pondérés, on dispose des règles de calcul suivantes :
Règle 1. La somme des probabilités inscrites sur les branches issues d’un même
nœud est toujours égale à 1.
Exemples: p(A) + p(B) + p(C) = 1,
p (D) + p (E) = 1.
A
A
Règle 2. La probabilité d’un chemin est le produit des probabilités inscrites à
côté des branches de ce chemin.
Exemple: p(C ∩ H) = p(C) × p (H). (On retrouve la probabilité d’une interC
section.)
Règle 3. La probabilité d’un événement est la somme des probabilités des chemins
qui le réalisent, i.e. qui mènent à cet événement.
Exemple de base : avec deux événements A et B.
10
Considérons l’arbre pondéré suivant :
p(A)
p(A)
A
A
p (B)
p (B)
A
B
A
B
B
B
Il y a deux chemins qui mènent à l’événement B : un qui passe par A, et un autre
qui passe par A. On peut donc calculer p(B) de la façon suivante :
p(B) = p(A) × p (B) + p(A) × p (B).
A
Ω
A
En fait :
A
A
B
p(B) = p(A ∩ B) + p(A ∩ B),
et on retrouve la formule des probabilités totales.
Exercice : Une urne contient 2 boules blanches et 2 boules noires.
On tire au hasard successivement et sans remise 2 boules et on désigne par E et
F les événements :
E :« La première boule tirée est blanche et la deuxième est noire. »
F :« La deuxième est noire. »
Calculer p(E) et p(F ).
Désignons par Xi l’événement : « la ième boule tirée est de la couleur X. »
L’événement E est donc l’événement B1 ∩ N2 , et F est l’événement N2 .
1
Il est clair que p(B1 ) = p(N1 ) = .
2
Ensuite, si B1 est réalisé, il reste 1 boule blanche et 2 boules noires dans l’urne, si
2
1
bien que p (B2 ) = et p (N2 ) = .
B
B1
1
3
3
De la même façon, si N1 est réalisé, il reste 2 boules blanches et 1 boule noire
2
1
dans l’urne, si bien que p (B2 ) = et p (N2 ) = .
N1
N1
3
3
11
Ce qui nous donne l’arbre pondéré suivant :
1/2
1/2
B1
1/3
B2
N1
2/3
2/3
N2
1/3
B2
On obtient alors :
p(E) = p(B1 ∩ N2 ) =
N2
1 2
1
× = ,
2 3
3
et
p(F ) = p(N2 ) = p(B1 ∩ N2 ) + p(N1 ∩ N2 ) =
12
1
1 2 1 1
× + × = .
2 3 2 3
2
Téléchargement