Baromètre socio-économique 2014

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Baromètre
socio-économique 2014
2
Baromètre
socio-économique 2014
3
4
Table des matières
§ Avant-propos7
§ 1. Situations économique et sociale dégradées
9
1. La crise s’est installée 9
2.Une croissance trop faible ou négative
9
3. Des réponses inadéquates
10
4.Une situation sociale alarmante
11
5. Chomâge et précarité chez les jeunes
12
6.La pauvreté s’incruste
12
7. Certaines catégories de la population sont plus exposées que les autres
13
8.D’autres indicateurs ne trompent pas
15
9. Pourtant la Belgique est un pays où il y a de la richesse
16
10.Mais la richesse est mal répartie
16
11.La fiscalité ne corrige pas assez les inégalités de revenus
18
§ 2. Pourquoi est-on enlisés dans la crise ?
20
1. Les politiques d’austérité ne marchent pas
20
2.L’économie belge n’est pas assez compétitive
21
3. Les entreprises belges n’investissent pas assez dans la formation professionnelle
21
4.Une structure de production défaillante qui influence les exportations
22
5. L’autre tiers des coûts
24
6.Des politiques d’emploi inefficaces
27
5
§ 3. Des alternatives et des solutions existent…
28
1. Pouvoir d’achat et emploi de qualité
28
2.Pouvoir d’achat et fiscalité
29
3. Pouvoir d’achat et vieillissement
30
6
Avant-propos
Comme chaque année, la FGTB sort son “Baromètre socioéconomique”. L’idée de ce baromètre n’est pas de concurrencer
la Banque Nationale ou le Bureau du Plan, le Conseil Central de
l’Economie ou d’autres administrations beaucoup mieux outillées
que nous pour mesurer notre économie. Ce que nous voulons
faire avec cet opuscule, c’est reprendre de façon simple et
accessible à tous les données clés de notre économie et mettre
en lumière certains aspects qui nous semblent essentiels pour
analyser correctement la situation. Analyser pour comprendre.
Comprendre pour agir. Agir pour ne plus subir. Parce que nous
subissons depuis plus de cinq ans une crise économique profonde
dont on mesure tous les jours les conséquences et dont le monde
du travail est le premier à faire les frais.
La crise financière causée – on ne le répètera jamais assez – par le
comportement irresponsable du monde de la finance autorisé par
l’absence de toute régulation du marché, puis la crise des dettes
souveraines, ont placé les Etats dans une position délicate pour
ne pas dire de faiblesse. Les Etats confrontés à une économie
mondialisée peinent à reprendre les leviers en main et à jouer leur
rôle régulateur. Le manque de moyens financiers mangés par le
service de la dette réduit fortement leur marge de manœuvre.
L’organisation supranationale que nous avons mise en place en
bâtissant l’Europe ne fait pas mieux. Ce n’est pas le pouvoir qui
lui fait défaut, c’est d’abord la volonté politique. Chaque pays
membre campe sur sa souveraineté et espère s’en tirer mieux que
les autres en jouant la carte de la concurrence. Les principaux
leviers de l’économie sont ceux que personne ne veut partager ou
déléguer. Et cette concurrence s’avère suicidaire. Elle tire tout le
monde vers le bas.
Il faut ensuite incriminer l’idéologie libérale dominante qui refuse
d’admettre les défauts du marché et cherche à appliquer des
solutions conformes aux lois de ce marché ou en tout cas à une
interprétation intégriste de ces lois. Cela revient à combattre
le mal par le mal et ça ne marche pas forcément bien. Que du
contraire.
Les constats s’imposent à nous : depuis le déclenchement de la
crise, la situation sociale s’est fortement dégradée. Le chômage
n’est plus simplement endémique mais il est structurel et, surtout,
important. Inquiétant aussi dans la mesure où il frappe plus
durement les jeunes. La pauvreté s’est installée dans nos sociétés
comme une tache que nos systèmes de protection sociale
solidaires n’arrivent plus à effacer. Les inégalités se creusent
et, au-delà des considérations éthiques, cette inégalité ne fait
qu’alimenter la spéculation et de la financiarisation de l’économie.
Le retour de la croissance est sans cesse annoncé et sans cesse
repoussé. Les taux de croissance plus que faibles que l’on a
connus ces dernières années ne permettent pas de créer des
emplois en suffisance. C’est que les politiques d’austérité menées
ont saigné les populations, affaibli les systèmes de protection
sociale qui servent aussi d’amortisseur économique, réduit le
pouvoir d’achat et, en fin de compte, ont anémié l’économie.
7
Les politiques économiques supposées redynamiser l’appareil
productif ont misé sur la concurrence par les coûts en faisant
pression sur les salaires. Là encore, elles n’ont eu pour seul
résultat que d’accentuer la spirale vers le bas, pénaliser la
demande intérieure au point que l’on évoque aujourd’hui le risque
de la déflation.
On ne s’est pas attaqué au cœur du problème de cet appareil
productif, celui qui est le véritable responsable de la perte de
parts de marché de nos entreprises : le sous-investissement
dans la recherche, dans l’innovation, dans le développement. De
même que l’on tarde trop à prendre le virage du développement
durable potentiellement générateur de millions d’emplois mais
aussi d’économies d’énergie. Un virage que la solidarité avec les
générations futures nous commande de prendre franchement et
rapidement.
Les remèdes néolibéraux ont eu largement l’opportunité de
prouver leur efficacité. Ils ont échoué. Le malade ne va pas mieux.
Son état s’est aggravé. Il faut maintenant essayer le changement.
Réhabiliter la solidarité comme porteur de croissance. Remettre à
l’ordre du jour la réduction des inégalités par la redistribution des
richesses via une réforme fiscale ambitieuse et juste, plus efficace
pour stimuler l’économie que la superposition d’avantages fiscaux
qui déforcent et l’Etat et le dynamisme de l’économie.
Anne DEMELENNE
Secrétaire générale
8
Rudy DE LEEUW
Président
1 Situations économique et sociale
dégradées
Evolution de la dette publique depuis 2002 en Belgique et les pays voisins
§ 1. La crise s’est installée
Voilà maintenant cinq ans que la crise financière a
plongé l’économie réelle dans le coma.
La dette publique qui était en voie de résorption
jusqu’en 2007 a fait un bond suite à l’intervention
des Etats pour sauver les banques.
110%
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
< Belgique < Allemagne < France < Pays-Bas
Source : Commission Européenne & Comptes nationaux.
§ 2. Une croissance trop faible ou négative
Les taux de croissance enregistrés depuis 2008
restent trop faibles pour résorber le chômage et ils
sont même descendus entre 2012 et 2013 sous la
barre du zéro avec les conséquences sociales que
l’on verra plus loin.
Moyenne de croissance annuelle du PIB en % 2003-2007 vs 2008-2014
5%
4,58
4%
3%
2,3
2%
1%
0,47
1,7
2
0,81
0,20
0,04
-0,07
France
Luxembourg
Pays-Bas
0%
-1%
Belgique
2,36
Allemagne
< 2008-2014 < 2003-2007
Source : The tax Policy Landschape five years after the crisis, OCDE, 2013.
9
Evolution du PIB de 2007 à 2012 (2008=100)
Le PIB en 2012 est au même niveau qu’en 2007.
Le creux de 2008-2009 a été moins marqué chez
nous grâce aux stabilisateurs automatiques que sont
le chômage économique et l’indexation automatique
des salaires. Ces mécanismes ont amorti le choc.
Mais on observe une rechute en 2012 qui coïncide
avec la modération salariale et l’austérité budgétaire
renforcée.
103%
102%
101%
100%
99%
98%
97%
96%
95%
94%
93%
2007
2008
2009
2010
2011
2012
< Belgique < Allemagne < France < Pays-Bas < €zone
Source : Commission Européenne – Comptes nationaux, 2013.
§ 3. Des réponses inadéquates
Les réponses apportées à cette crise se sont centrées, d’une part, sur le rétablissement des finances publiques hypothéquées par le
sauvetage des banques, en réduisant les budgets publics et les transferts sociaux et, d’autre part, sur le rétablissement des taux de profit
et la baisse des coûts salariaux afin d’améliorer la compétitivité des entreprises dans l’espoir d’une relance des exportations.
Ces politiques ont été accompagnées de « réformes structurelles » du marché du travail (dégressivité des allocations de chômage,
réforme des systèmes de sortie anticipée du marché du travail et des systèmes d’aménagement du temps de travail), destinées,
en théorie, à relever le taux d’activité.
L’effort budgétaire sur les budgets 2012 à 2014 s’élève au montant considérable de 51 milliards d’euros dont 24,4 sur les dépenses (soit
48%) et 15,7 de recettes nouvelles (soit 24%).
Avec quels résultats ? Un déficit courant en voie de réduction (équilibre prévu en 2015) mais une dette publique toujours égale à 100%
du PIB, un recul de la consommation des ménages et une croissance très faible. Par contre, la facture sociale est alarmante.
10
§ 4. Une situation sociale alarmante
Total en termes (de taux) de création d’emplois et (de taux) de destruction d’emploi*
Un chômage toujours aussi élevé
Création
d’emplois
Période
2012 et 2013 ont connu une vague de faillites,
de restructurations et de licenciements collectifs
principalement dans les secteurs industriels (Ford Genk,
Caterpillar, Arcelor-Mittal, Duferco). L’emploi a été fortement
affecté.
n
Destruction d’emplois
%
n
%
2012-2013
2011-2012
186.996
4,9
201.494
5,2
Evolution nette
de l’empoi
n
%
-25.389
-0,7
-14.498
-0,4
Source : Analyse DynaM, décembre 2013 (collaboration ONSS, HIVA-KU Leuven et Federgon).
Selon l’ONSS, 25.000 emplois ont été perdus entre juin 2012
et juin 2013.
* Les données 2012-2013 sont des estimations ONSS car les chiffres pour la création
et destruction d’emplois ne sont pas encore disponibles.
Evolution régionale du chômage
(en personnes, variations par rapport au mois correspondant de l’année précédente)
Chômage complet
80.000
Toutes catégories confondues, c’est-à-dire chômeurs
complets demandeurs d’emploi mais aussi les chômeurs
âgés, les prépensionnés et les chômeurs dispensés pour
raisons sociales ou familiales, on dénombrait 665.000
chômeurs indemnisés au dernier trimestre 2013, soit
6.400 de plus que l’année précédente.
60.000
40.000
20.000
0
-20.000
-40.000
2009
2010
2011
2012
2013
< Région flamande < Région wallonne < Région de Bruxelles Capitale
Source : Rapport Conseil Supérieur de l’Emploi, 2013.
11
§ 5. Chomâge et précarité chez les jeunes
Alors que le taux de chômage des jeunes est élevé,
la limitation à trois ans de l’allocation d’insertion entrée en
vigueur au 01/01/2012 risque d’accentuer la précarité de leur
situation compte tenu de la faiblesse des offres d’emplois.
Celles-ci sont en recul constant si bien que les politiques
restrictives en matière de chômage et de sortie anticipée du
marché de l’emploi sont inopérantes. Selon nos estimations,
55.000 jeunes risquent l’exclusion au 1er janvier 2015.
Chômage et précarité chez les jeunes
Année 2012
BE
DE
FR
NL
7,8%
21,8%
7,1%
Age
Taux de chômage
20-24 ans
18,4%
Part des chômeurs > 1 an
15-24 ans
29,3%
23,3%
28,4%
13,8%
Proportion des salariés
en contrat temporaire
15-24 ans
31,4%
53,6%
55,5%
51,2%
25-64 ans
6,0%
8,7%
11,0%
12,8%
Source : ICN, Calcul CCE.
§ 6. La pauvreté s’incruste
Même si la Belgique fait mieux que pas mal de pays
européens en matière de lutte contre la pauvreté
principalement grâce à la sécurité sociale, le nombre
de personnes présentant un risque de pauvreté (revenu
inférieur à 60% du revenu national médian) n’a pas diminué
depuis 2004, il a même légèrement augmenté. Ce risque
concerne environ 1,5 million de personnes. Si, au niveau
européen, on se situe dans le milieu du classement, nous
avons le taux le plus élevé par rapport à nos pays voisins
(France, Luxembourg Allemagne, Pays-Bas).
Risque de pauvreté de la population belge (évolution depuis 2004)
15,4
15,2
15
14,8
14,6
14,4
14,2
14
13,8
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Source : SPP Intégration Sociale – baromètre interfédéral de la pauvreté, 2013.
12
§ 7. Certaines catégories de la population sont plus exposées que les autres
Les femmes
Le risque de pauvreté est plus élevé chez les femmes (16% pour les femmes et 14% pour les hommes).
En cause, tout d’abord l’écart salarial entre hommes et femmes. Il était de 28% en 1999. On constate que depuis le début de nos
campagnes « Equal Pay Day » l’écart se réduit progressivement mais il reste trop important en raison du temps partiel qui touche
principalement l’emploi féminin.
Risque de pauvreté des familles monoparentales en %
Ecart salarial entre femmes et hommes
Salaire brut mensuel moyen (€)
1999
2004
2010
Femmes
1.639
2.003
2.405
Hommes
2.283
2.677
3.071
Ecart
28%
25%
22%
Source : SPF Economie, 2013.
40%
38%
36%
34%
32%
30%
28%
26%
24%
22%
20%
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Source : SPP Intégration Sociale - baromètre interfédéral de la pauvreté, 2013.
D’autre part, les familles monoparentales courent un risque accru de précarité. Ce sont principalement les femmes seules avec enfants
qui sont concernées. Ce risque est aggravé par la combinaison de différents facteurs. Ces facteurs sont eux-mêmes des conséquences
directes ou indirectes de la situation de monoparentalité (travail à temps partiel, problème de garde d’enfants, accès au logement,
versement des pensions alimentaires, ...).
13
Les chômeurs
Le taux de pauvreté augmente depuis 2004 parmi les
chômeurs, ce qui coïncide avec la mise en œuvre du système
de contrôle de disponibilité et de sanctions. La dégressivité
accélérée mise en œuvre fin 2012 qui prévoit la réduction au
forfait pour toutes les catégories de chômeurs en 3e période
risque d’aggraver leur situation.
Risque de pauvreté chez les chômeurs
40%
38%
36%
34%
32%
30%
28%
26%
24%
22%
20%
Risque de pauvreté chez les 65 ans et plus
30%
25%
25
24
21,4
20%
19,4
20,2
2010
2011
15%
10%
5%
0%
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
Source : SPP Intégration Sociale - baromètre interfédéral
de la pauvreté, 2013.
14
Par contre, la liaison au bien-être des allocations sociales a contribué
à la réduction du risque de pauvreté chez les personnes âgées de
65 ans et plus.
2011
1996
2000
2005
Source : Eurostat, 2013.
§ 8. D’autres indicateurs ne trompent pas
Les reports de soins de santé
Le pourcentage de personnes qui vivent dans un ménage
dont un des membres a dû reporter ou annuler des soins de
santé au cours de l’année écoulée pour raisons financières
est en constante augmentation. Ce pourcentage a doublé
entre 2010 et 2011.
Report ou annulation de soins de santé pour raisons financières
(en % de la population totale 2007-2011)
6%
5,10%
5%
4,30%
4%
3%
3%
2,70%
2,30%
2%
2,40%
2,50%
2009
2010
1,20%
1%
0%
2004
2005
2006
2007
2008
2011
Source : SPP Intégration Sociale – Baromètre interfédéral de la pauvreté, 2013.
Endettement des ménages
L’endettement des ménages
Le pourcentage des ménages avec au moins deux arriérés
pour un ou plusieurs besoins de base (factures pour
l’électricité, l’eau, le gaz, le loyer, l’emprunt hypothécaire,
les soins de santé) augmente depuis 2007.
6,60%
7%
6%
5,90%
6%
5,70%
5,70%
5,80%
5,70%
2008
2009
2010
4,80%
5%
4%
3%
2%
1%
0%
2004
2005
2006
2007
2011
Source : SPP Intégration Sociale – Baromètre interfédéral de la pauvreté, 2013.
15
§
9. Pourtant la Belgique est un pays où il y a de la richesse
On entend souvent dire que les Belges sont riches. Globalement c’est vrai, si on
prend le PIB par habitant ou si on divise le patrimoine total par le nombre de
ménages. Les Belges sont aussi riches que les Allemands, notamment parce que
dans cette estimation, on tient compte de la propriété et du fait que plus de 70%
des Belges possèdent leur maison.
Pour effectuer cette comparaison, on ne mesure pas la richesse en unités
monétaires mais en unités de pouvoir d’achat pour tenir compte de la différence
du coût de la vie dans les différents pays.
PIB par habitant en standard de pouvoir d’achat 2012
(index EU28 = 100)
Pays-Bas
129
Luxembourg
272
France
108
Allemagne
122
119
Belgique
100
EU (28)
0
50
100
150
200
250
300
Source : Eurostat, 2013.
§ 10. Mais la richesse est mal répartie
Répartition de la fortune en Belgique
En Belgique, la répartition des fortunes est inconnue à cause de l’absence de
transparence sur le patrimoine détenu par les citoyens belges et sur les revenus
qu’ils en retirent.
Toutefois, pour la première fois depuis longtemps, la BNB s’est penchée sur la
question, et sur base d’un échantillon limité, on apprend que la richesse des Belges
est inégalement répartie et concentrée au sein d’un nombre relativement faible de
ménages. La Banque nationale confirme la répartition inégale des richesses et la
concentration du patrimoine (mobilier et immobilier) au sein d’un nombre relativement faible de ménages :
?
• les 20% des Belges les plus riches détiennent 61,2% du patrimoine ;
• les 20% les plus pauvres ne détiennent que 0,2% du patrimoine total des ménages belges ;
• au niveau européen, les 20% les plus riches détiennent 70% du patrimoine.
En Belgique, un ménage « médian » (c-à-d. qui se trouve juste entre les deux moitiés de la population divisée en deux parts égales) a un
patrimoine net de 206.200 euros. Si on prend la richesse de tous les habitants et qu’on la divise par leur nombre, on obtient le patrimoine
moyen. Le patrimoine net moyen est de 338.600 euros.
Ce patrimoine moyen est plus élevé que le patrimoine médian parce que lorsque que l’on divise la population en deux parties égales, la
partie qui représente les revenus bas et moyens dispose de moins de richesses que la moitié de la population aisée et riche qui tire la
moyenne vers le haut.
16
Répartition des revenus et des patrimoines en Belgique
selon les classes de revenus
70%
Répartition des revenus et des patrimoines en Belgique
Si on divise la population en cinq catégories de revenus (quintiles), on constate
l’énorme différence entre le premier (revenus bas et pas de patrimoine) et le
5e qui a un revenu dix fois supérieur et un patrimoine très important.
Cette inégalité de répartition se marque aussi dans la répartition des revenus
entre le travail et le capital.
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
I
II
III
IV
V
< Revenus < Patrimoine
Source : Banque Nationale, 2013.
Cette baisse tendancielle de la part des
salaires est due au fait que les gains de
productivité n’ont pas été équitablement
répartis entre travail et capital. On notera
toutefois que la Belgique fait mieux que
le reste de la zone euro en raison de la
présence de stabilisateurs automatiques
dont l’indexation automatique des salaires
qui a empêché une plus forte dégradation
de la part du travail.
18%
68%
67%
16%
66%
14%
65%
12%
64%
10%
63%
8%
62%
6%
61%
4%
60%
59%
2%
58%
0%
Part du capital en % PIB
La part des salaires dans le PIB par rapport
aux revenus du capital a fortement baissé
depuis 30 ans.
Part des revenus du capital et part des salaires dans le PIB
Part des salaires en % PIB
Part des salaires dans le PIB par rapport
aux revenus du capital
1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011
< Part du capital < Part des salaires
Source : M. Husson, 2012.
17
§ 11. La fiscalité ne corrige pas assez
Répartition des recettes fiscales de l’Etat
les inégalités de revenus
Recettes non-fiscales
21 Mia €
Notre système fiscal ne corrige pas assez la répartition inéquitable de la
richesse nationale. Son caractère redistributif est atténué par les réformes
fiscales successives qui ont favorisé les hauts revenus et les revenus du
capital et de la propriété (déglobalisation, niches fiscales, notionnels, etc.).
16%
Impôts sur les autres revenus
et le patrimoine
14 Mia €
11%
Taxes sur la consommation
40 Mia €
Les recettes fiscales de l’Etat fédéral reposent pour les 2/3 sur le travail,
à travers l’impôt des personnes physiques (IPP), et les taxes sur la
consommation.
31%
Impôts des sociétés
11 Mia €
8,50%
Impôts sur le travail (IPP)
42 Mia €
L’impôt des sociétés et les impôts sur les autres revenus mobiliers et du
patrimoine ne représentent ensemble que 19,5% des recettes.
33%
0%
10%
20%
30%
40%
Source : BNB, comptes nationaux, 2013.
Niveau de taxation
60%
L’impôt progressif sur le revenu
vise essentiellement les revenus
du travail. La progressivité
démarre trop fort et est plafonnée
à 50% pour les revenus élevés.
50%
Salaire moyen
3.192 €
40%
Salaire minimum
1.559 €
30%
20%
18
< Revenu annuel net imposable
Source : Barème IPP, 2014.
95000
90000
85000
80000
75000
70000
65000
60000
55000
50000
45000
40000
35000
30000
25000
20000
15000
10000
0%
5000
10%
0
Les recettes non fiscales comprennent les
revenus de la propriété appartenant à l’Etat
et les cotisations sociales imputées. Elles
comprennent aussi les transferts courants et
en capital provenant des autres secteurs et
ventes de biens et de services produits, en ce
compris notamment les rémunérations des
garanties octroyées par l’Etat sur les dépôts
des particuliers et sur les prêts interbancaires.
Taux d’imposition implicite
Les bénéfices des sociétés sont par contre trop faiblement taxés notamment à cause
des avantages fiscaux et à l’ingénierie fiscale. Peu nombreuses sont les sociétés taxées
au taux facial de 33,99%.
Belgique
2000
2005
2009
2010
2011
24,4%
21,8%
16,4%
15,3%
17,0%
Source : Eurostat, 2013.
Le taux de l’impôt des sociétés en Belgique a trois
visages :
• Le taux facial, tel que défini par la loi : 33,99%.
Il sert principalement à étayer les lamentations et
les comparaisons internationales peu flatteuses.
C’est généralement celui-là que paient les
petites entreprises mais pas les grandes et les
multinationales.
• Le taux implicite, mesure le taux de l’impôt prélevé
au titre de l’ISOC par rapport à l’ensemble macroéconomique de la base imposable. C’est-à-dire
des résultats des entreprises, qu’ils soient positifs
ou négatifs, donc après déductions fiscales (type
intérêts notionnels) ou pertes: 17% en 2011.
• Le taux réel, également appelé le taux d’imposition
effectif, correspond à l’impôt effectivement dû
par les sociétés sur les seuls résultats comptables
positifs et sans prendre en compte les déductions
fiscales et autres spécificités fiscales. En 2011,
il était de 23%.
Taux effectif moyen de l’ISOC
40%
35%
34,6
34,9
34,1
30,5
30%
30,3
26,7
25,6
25%
20%
20,2
19,8
2008
2009
25,2
23
2010
2011
15%
10%
5%
0%
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
Source : SPF Finances, 2013.
En fait, le taux d’imposition des sociétés a été réduit
d’un tiers en 10 ans.
19
2 Pourquoi est-on enlisés dans la crise ?
Contribution à la croissance du PIB national (en points de pourcentage) en Belgique
§ 1. Les politiques d’austérité ne marchent pas
Demande
intérieure
Malgré des restrictions budgétaires importantes (51
milliards en trois ans) le déficit public a un peu diminué mais
on n’a pas pu réduire un tant soit peu la dette. L’activité
économique stagne et la demande intérieure est plombée
par la baisse du pouvoir d’achat et la perte de confiance
des ménages qui épargnent par précaution. Or, la demande
intérieure est un facteur important de croissance, plus même
que les exportations.
1992-2008
Exportations
nettes
Variation des
stocks
Croissance
du PIB (%)
1,7
0,3
0,1
2,1
2009
- 1,1
- 0,5
- 1,1
- 2,8
2010
1,3
0,7
0,3
2,4
2011
1,1
0,0
0,6
1,8
2012
- 0,4
0,4
- 0,2
- 0,2
2013
- 0,2
0,5
- 0,2
0,0
Source : OCDE, Spring Forecast, mai 2013.
L’impact de l’austérité sur la demande a
été très largement sous-estimé comme
l’admet une étude de la Commission
européennes “Fiscal consolidations and
spillovers in the Euro area periphery
and core » publiée en octobre 2013 dans
Economic Papers 506 par Jan in ‘t Veld.
Moyenne de croissance annuelle du PIB en% 2003-2007 vs 2008-2014 en Europe
10%
8%
6%
4%
2%
0%
-2%
-4%
< 2008-2014 < 2003-2007
Source : The tax Policy Landschape five years after the crisis, OCDE, 2013.
20
Grèce
Italie
Portugal
Espagne
Irlande
Finlande
Danemark
Hongrie
Pays-Bas
Islande
France
Estonie
Luxembourg
Tchèquie
Belgique
Autriche
Allemagne
-6%
§ 2. L’économie belge n’est pas assez compétitive
Nos entreprises perdent des parts de marché à l’exportation. On a beau jeu d’en rendre responsables la hauteur des coûts salariaux
belges. Cette explication dispense les entreprises d’une analyse plus approfondie de leurs forces et de leurs faiblesses. Elle est plus
qu’insuffisante pour expliquer les handicaps de notre appareil industriel.
Selon le Bureau du Plan (Compétitivité de la Belgique, défis et pistes de
croissance, H. Bogaert et C. Kegels, novembre 2012) les coûts – dont
les coûts salariaux ne représentent qu’une part, à côté par exemple des
coûts de l’énergie – n’interviennent que pour un tiers dans les problèmes
de compétitivité de nos entreprises. Le coût du travail corrigé par la
productivité (Unit Labour Cost), est, en Belgique, au même niveau que
celui des pays voisins.
Les deux autres tiers sont déterminés par d’autres facteurs structurels :
Coût du travail corrigé par la productivité
80,00
60,00
40,00
20,00
0,00
Belgique
Allemagne
France
Pays-Bas
Moyenne des
pays voisins
Source : Rapport du groupe d’experts, juillet, 2013.
• la structure des exportations belges ;
• la spécialisation des industries manufacturières belges dans des secteurs de faible croissance au niveau européen ;
• l’orientation géographique défavorable de nos exportations.
Investissements des entreprises
dans la formation des travailleurs
1999
§ 3. Les entreprises belges n’investissent pas assez dans la formation professionnelle
On peut constater que les efforts de formation des employeurs n’ont jamais atteint le 1,9% de la
masse salariale qu’ils sont supposés investir en vertu des Accords Interprofessionnels successifs.
1,30%
2005
1,06%
2006
1,08%
2007
1,13%
2008
1,15%
2009
1,06%
2010
1,02%
2011
1,05%
Source : Rapport technique CCE, 2013.
21
§ 4. Une structure de production défaillante qui influence les exportations
a. Des produits à trop faible valeur ajoutée
Exportations en fonction de leur niveau de technologie (en %)
2000
Belgique
Le problème est que les marchandises exportées ne comportent pas assez
de valeur ajoutée. Les entreprises belges sont spécialisées dans les produits
intermédiaires qui sont transformés en produits finis ailleurs. Ces produits
intermédiaires peuvent facilement être substitués, contrairement aux biens
d’équipement et high-tech. A l’inverse, nous exportons trop peu de produits à
haute et moyenne technologie (57% des exportations en 2011 chez nous contre
70% pour l’Allemagne).
Exemples :
Allemagne
France
• La Belgique produit du cuir de qualité mais il est transformé en produits de
maroquinerie de luxe à haute valeur ajoutée ailleurs que chez nous.
• Nous produisons des capsules absorbant l’humidité mais c’est hors de
Belgique que l’on fabrique les produits qui les intègrent (langes pour bébés,
etc.).
Pays-Bas
• Nous fabriquons quantités de pièces détachées pour l’industrie automobile
mais le montage final et la valeur ajoutée se font ailleurs et notre industrie
automobile a quasiment disparu.
Cette situation est liée à la faiblesse du niveau des
investissements en Recherche & Développement des
entreprises belges. A contrario, la bonne performance de
l’industrie pharmaceutique belge montre l’importance de
l’innovation dans le dynamisme des exportations.
On voit sur ce graphique que la Belgique est sous l’objectif
européen de 3% en matière de R&D.
14,1
18
Medium high tech
41,2
39,2
Medium low tech
19,9
24,2
Low tech
24,8
18,6
High tech
20,5
18,8
Medium high tech
49,9
50,5
Medium low tech
15,3
17,4
Low tech
14,3
13,3
High tech
31,5
26,2
Medium high tech
35,7
35,8
Medium low tech
14,7
18
Low tech
18,1
20,1
High tech
34,3
27,3
Medium high tech
26,2
28,4
Medium low tech
18,2
25,1
Low tech
21,4
19,2
Source : Commission Européenne, 2013.
Dépenses en R&D en % du PIB
4,5
4,0
3,5
3,0
2,5
2,0
1,5
1,0
0,5
0,0
Finlande
Suède
Danemark
Autriche
Allemagne
France
Belgique
Slovénie
EU (27)
Pays-Bas
Royaume Uni
Irlande
Estonie
Portugal
Luxembourg
République tchèque
Espagne
italie
Hongrie
Lituanie
Croatie
Pologne
Grèce
Malte
Slovaquie
Bulgarie
Lettonie
Chypre
Roumanie
b. Faiblesse de la R&D
Source : Eurostat, 2013.
22
2011
High tech
Destinations finales des exportations de valeur ajoutée de l’industrie
manufacturière belge (%, données de 2009)
c. Un marché essentiellement intracommunautaire
Cette structure de notre production – et sans doute des
faiblesses dans la prospection des marchés extérieurs –
limite la capacité d’exportation de notre pays.
Les principales destinations de nos exportations (en brun)
sont les pays limitrophes. Les économies émergentes
viennent loin derrière.
Moins de 0,5%
Entre 0,5% et 0,99%
Entre 1% et 4,99%
Entre 5% et 9,99%
Entre 10% et 15%
Source : L’économie belge dans les chaînes de valeur ajoutées mondiales, BNB, 2013.
23
§ 5. L’autre tiers des coûts
L’énergie
Les salaires
L’industrie belge progresse dans les gains d’efficacité énergétique,
elle est même au-dessus de la moyenne européenne. Et même
largement au dessus de l’Allemagne. Malgré ces efforts louables,
les coûts de l’énergie pèsent lourdement sur les coûts de production,
notamment en raison du poids de l’industrie lourde faute d’une
reconversion vers une industrie technologique à haute valeur
ajoutée moins énergivore. L’économie de la Belgique est 26% plus
énergivore par rapport à la moyenne européenne. Elle est aussi 41%
plus énergivore que celle de l’Allemagne.
Écart supposé et écart réel
Intensité en énergie de l’économie belge par
rapport aux pays voisins (en kg d’équivalent
pétrole par 1 000 € de PIB)
Pays
Intensité en énergie
de l’économie
En %
Belgique
181,9
France
143,4
Allemagne
128,9
+ 41%
Pays-Bas
146,7
+ 24%
UE 27
144,2
+ 26%
+ 26%
Source : Eurostat, 2012, données 2011.
24
La loi de sauvegarde de la compétitivité charge le Conseil
Central de l’Economie de mesurer chaque année l’écart salarial
entre la Belgique, la France, l’Allemagne et les Pays-Bas.
Le dernier rapport du CCE fait état d’un écart de 3,8% par
rapport à nos pays voisins. Mais c’est sans compter les
avantages accordés aux entreprises.
Si on prend en compte tous les subsides salariaux et les
avantages fiscaux en faveur des entreprises, l’écart mesuré
entre nos salaires et ceux de nos voisins est complètement
annulé.
Des entreprises assistées
Les deux grandes catégories d’aides aux
entreprises sont :
• les réductions de cotisations patronales
générales et ciblées ;
Evolution des subventions salariales, réductions de cotisations patronales et personnelles,
1996-2012, secteur privé (millions €)
Subventions salariales
Via Sécu
• les subventions salariales : au cours de
la période 1995-2012, elles ont adopté un
caractère plus général.
En 2012, les réductions du coût du travail s’élèvent
à plus de 11 milliards d’euros dont 6,1 seulement
sont considérés comme subventions salariales.
Les réductions de cotisations patronales
concernent les différents groupes cibles (premiers
engagements, demandeurs d’emploi de longue
durée, etc)
1996
2008
2009
2010
2011
2012
304
3375
4068
5157
5939
6108
3065
117
1860
2017
2432
3013
Activation
0
243
219
346
614
446
Titres-services
0
883
1051
1231
1424
1594
Maribel social
0
594
615
671
778
810
117
117
109
116
112
115
Maribel social alternatif
0
0
20
65
75
77
Bonus jeunes (non marchand)
0
24
4
3
11
24
0
1194
1712
2359
2540
2614
Contractuels en hôpitaux
Via la fiscalité fédérale
Subvention générale
0
206
470
890
935
968
Travail de nuit et en équipe
0
689
758
920
1002
1001
Les subsides salariaux reprennent l’ensemble des
subventions salariales :
Heures supplémentaires
0
86
87
114
123
125
R&D (hors universités)
0
131
300
324
360
399
• par le canal de la Sécurité Sociale
(activations, titres services, bonus jeunes
dans le « non profit », …) ;
Subventions spécifiques
0
83
97
110
121
120
• par le canal du précompte professionnel
(travail de nuit et en équipe, heures
supplémentaires, …). En d’autres termes,
cela signifie que les employeurs ne versent
pas la totalité des impôts retenus à la source
sur les salaires à l’Etat ;
• par le canal des Communautés et Régions
(prime à l’emploi, bonus pour travailleurs
âgés, …).
R&D (universités)
Via régions
0
0
0
0
0
0
187
320
340
366
386
429
23
Chômeurs âgés (Vlaams gewest)
0
12
17
24
23
Primes à l'emploi (Wallonie)
19
14
13
14
14
14
168
294
310
328
350
392
1306
4917
4722
4867
5001
4943
0
699
690
708
740
720
Postes protégés (communautés)
Réductions de cotisations patronales
Réductions de cotisations personnelles
Source : Rapport Technique, CCE, 2013.
25
Evolution en millions € des dividendes des entreprises non financières entre 1996 et 2011
30.000
Ce que les employeurs appellent un handicap salarial
et que nous nommons « écart salarial » n’empêche pas
les entreprises d’engranger des bénéfices croissants et
d’en redistribuer une part croissante elle aussi à leurs
actionnaires.
25.845,1
25.000
20.415,5
20.000
14.468,3
15.000
9.941,4
10.000
5.000
19.299,1
17.807,0
15.679,9
10.262,7
11.210,8
17.462,7
15.257,6
9.051,1
8.135,6
7.982,5
13.341,1
18.491,3
11
20
10
09
20
08
20
07
20
06
20
05
20
03
04
20
20
01
02
20
20
00
20
99
19
20
98
97
19
19
19
96
0
Source : BNB – Comptes Nationaux- Entreprises non financières.
Alors que les salaires augmentaient de 80% entre 1996 et 2011, les bénéfices
augmentaient de 96% et les dividendes distribués de 142%.
Les investissements en actifs immobilisés correspondent aux acquisitions moins
les cessions des actifs (terrain, software, machines,…). Les actifs sont utilisés
dans des processus de production pendant plus d’un an.
Les dividendes distribués nets représentent la différence entre les dividendes
reçus et distribués. Les dividendes constituent une forme de revenu de la
propriété auquel ont droit les détenteurs d’actions qui ont, par exemple, mis des
capitaux à la disposition d’une société.
26
Montants (en milliards €)
Evolution
1996
2011
Salaires
71,832
129,449
Résultat d’exploitation
19,620
38,371
+ 96%
Investissement en
actifs immobilisés
23,296
44,372
+ 90%
7,98
19,299
+ 142%
Dividendes distribués
(nets)
+ 80,21%
Source : BNB – Comptes Nationaux- Entreprises non financières.
§ 6. Des politiques d’emploi inefficaces
Ces dividendes ne sont pas une juste rémunération du capital à risque mais
révèlent plutôt un détournement des aides publiques. Sur cette même période
1996-2011, les réductions de cotisations patronales ont grimpé de 309% et les
subsides salariaux ont crevé tous les plafonds pour atteindre une croissance
de près de 2000% ! La hausse des dividendes distribués au détriment des
investissements est une conséquence de la financiarisation de l’économie et des
exigences croissantes des actionnaires.
Les fonds publics qui devaient en principe servir à l’emploi ont été captés par
les dividendes. Ainsi constate-t-on un parallélisme étonnant entre l’évolution
des dividendes pour une somme de 11 milliards et l’évolution des aides aux
entreprises pour près de 10 milliards d’euros. De quoi douter sérieusement de
l’efficacité des aides à l’emploi linéaires et sans condition.
Evolution des résultats des entreprises non financières
entre 1996 et 2011
Montants
(en milliards €)
Evolution
Différence
(en milliards €)
1996
2011
Dividendes
distribués
(nets)
7,980
19,299
+ 142%
+ 11,320
Réductions
de
cotisations
patronales
1,306
5,001
+ 283%
+ 3,695
Subsides
salariaux
0,300
+ 9,331
5,936
+ 1.879%
+ 5,636
Source : BNB - Comptes Nationaux - Entreprises non financières.
27
3 Des alternatives et des solutions
existent…
Les constats établis dans notre baromètre socio-économique et dénoncés depuis de nombreuses années par la FGTB restent donc
alarmants.
Mais pour la FGTB, ils ne sont pas une fatalité. Des alternatives et des solutions existent à de nombreux niveaux et il est urgent de les
mettre en œuvre. Il faut inverser la tendance et s’engager avec courage et détermination vers une société solidaire et plus égalitaire qui
tienne mieux compte des véritables besoins des travailleurs et des allocataires sociaux .
Dans ce cadre, les élections de mai 2014 marqueront un moment crucial puisqu’elles engageront les différents niveaux de pouvoir que
sont l’Union européenne, la Belgique fédérale et les Régions pour les prochaines années. Dans cette perspective, la FGTB fera entendre sa
voix et remettra en avant ses priorités dans le cadre d’un mémorandum.
Loin d’être un catalogue sans fin d’exigences irréalistes, le mémorandum de la FGTB se focalisera sur des priorités en lien avec le soutien
au pouvoir d’achat. Mais un pouvoir d’achat qui se distingue grandement de celui prôné par la droite et qui se limite à une approche
consumériste. Il s’agit au contraire d’un pouvoir d’achat solidaire !
§ 1. Pouvoir d’achat et emploi de qualité
Les atteintes portées ces dernières années aux salaires et aux allocations sociales doivent cesser. Il faut garantir le mécanisme
d’indexation, une réelle liberté de négociation des salaires et l’octroi de 100% de l’enveloppe de liaison au bien-être des allocations.
Dans le contexte actuel de pénurie d’emplois, les atteintes portées aux travailleurs sans emploi restent inacceptables : il faut une marche
arrière sur la dégressivité des allocations de chômage et l’exclusion des jeunes du bénéfice des allocations d’insertion (art. 36) dès
le 1er janvier 2015. La solution au chômage ne passe pas par une plus grande précarisation des victimes de la crise mais par la création de
réelles perspectives d’emplois de qualité, en particulier pour les jeunes.
Les salaires ne sont pas le problème ! Plutôt que de pratiquer des politiques d’austérité salariale, il faut au contraire prendre des mesures
pour soutenir notre économie et assurer sa transition vers un autre modèle éco-solidaire. Notre modèle de production doit devenir plus
innovant et tourné vers des marchés en développement.
Pour cela, il faut notamment conditionner les aides publiques octroyées aux entreprises pour s’assurer de leur efficacité en termes de
création d’emplois de qualité et assurer des investissements en recherche et développement, innovation, formation. Il faut également
mener une politique de soutien aux investissements dans l’économie réelle et aux projets créateurs d’emplois de qualité (mobilisation
des réserves des 2e pilier et création d’un instrument public d’investissements). Il faudra aussi adopter urgemment une feuille de route
ambitieuse pour une transition juste vers une société bas carbone.
28
Au niveau européen, il faut en finir avec les politiques d’austérité et les dictats imposés par la Commission européenne et mettre en
œuvre le Plan d’investissements européen adopté au niveau de la CES. En injectant annuellement 2% du PIB. Ce plan vise à établir une
nouvelle base industrielle et à créer des emplois de qualités.
L’Europe a aussi un rôle important à jouer dans la lutte contre le dumping social. La FGTB refuse que des emplois précaires ou
bon marché se substituent à l’emploi de qualité. La directive sur le détachement doit être améliorée pour lutter réellement
contre l’utilisation abusive de ce statut. Il faut instaurer un principe du juste échange en incluant le respect des normes sociales et
environnementales dans les accords de libre-échange.
Même si la situation s’améliore depuis quelques années, l’écart salarial entre hommes et femmes reste un phénomène persistant.
La Loi visant à lutter contre cet écart salarial doit enfin être effective et permettre la mise en œuvre de plans d’actions sectoriels et
d’entreprises.
§ 2. Pouvoir d’achat et fiscalité
La FGTB s’oppose à une 7e réforme de l’Etat qui viserait à mettre à mal la solidarité entre les travailleurs des trois régions que ce soit
sur le plan fiscal, de la sécurité sociale ou des conditions de travail ou de rémunération.
La FGTB maintient ses revendications en ce qui concerne la mise en œuvre d’une fiscalité plus juste par le biais d’une grande réforme.
Il s’impose de rééquilibrer la fiscalité sur le travail avec celle sur les autres sources de revenus et de renforcer le caractère progressif
de l’imposition. Le préalable reste évidemment la transparence fiscale qui doit être mise en œuvre via un échange automatique des
données (Global Tax On Web) et d’autres mesures permettant de lutter efficacement contre les phénomènes d’évasion et de fraude.
Enfin, la FGTB rappelle sa revendication de supprimer la technique des intérêts notionnels et de faire toute la transparence sur les
niches fiscales existantes au profit des entreprises afin d’en évaluer l’impact réel.
L’Europe a aussi un rôle essentiel à jouer vis-à-vis des systèmes fiscaux nationaux. La politique européenne doit mettre fin à la
concurrence fiscale entre les Etats membres qui a comme conséquences néfastes de mettre à mal la solidarité, les finances publiques
et de creuser les inégalités. L’Union européenne doit également prendre les mesures nécessaires à la définition d’un cadre européen
pour instaurer une taxe ambitieuse sur les transactions financières, permettre une lutte efficace contre les paradis fiscaux (internes et
externes à l’UE) et mettre en place une transparence des revenus perçus au sein de l’UE.
La FGTB veut remettre les services publics au devant des priorités politiques car ils sont notre bien commun et des outils essentiels de
redistribution, d’intégration et de bien-être pour tous. Ils sont aussi essentiels pour le pouvoir d’achat en permettant l’accès de tous à des
services de qualité.
29
§ 3. Pouvoir d’achat et vieillissement
Pour la FGTB, il est temps d’imprimer une vision plus positive de l’enjeu du vieillissement. Plus question pour nous que ce défi soit
l’occasion de peser encore plus sur nos pensions, de remettre en question les périodes assimilées ou de reculer encore l’âge de la pension.
Il doit au contraire être vu positivement dans la mesure où de nouveaux besoins créeront de nouveaux emplois.
En matière de pension, au lieu d’encourager des systèmes de 2e pilier, le régime légal de pension doit rester la priorité. Sa revalorisation
est nécessaire dans le contexte actuel du vieillissement. La proposition de la FGTB pour atteindre un taux de remplacement de 75% pour
tous les pensionnés doit être mise en œuvre notamment par le biais de la suppression des avantages fiscaux sur le 3e pilier.
Par ailleurs, nous exigeons le maintien des possibilités de départ anticipé des travailleurs qui ont exercé un travail pénible ou qui ont
une carrière longue. Nous nous opposerons à toute velléité de relèvement de l’âge légal de la pension et des départs anticipés en
particulier dans le contexte actuel de chômage important. C’est sur la création d’emplois de qualité, en particulier pour les jeunes, qu’il
faut porter les efforts.
Pour cela, les employeurs doivent être plus fortement responsabilisés pour le maintien à l’emploi de leurs travailleurs tout au long de
leur carrière et l’engagement de travailleurs sans discrimination d’âge, de sexe ou d’origine. Il est important que l’organisation du travail
soit durable et tienne mieux compte de l’âge, de la pénibilité et des conditions de travail au sens large.
30
31
Pour plus d’infos:
FGTB
Rue Haute 42 | 1000 Bruxelles
Tel. +32 2 506 82 11 | Fax +32 2 506 82 29
[email protected] | www.fgtb.be
Toute reprise ou reproduction totale ou partielle du texte de cette brochure n’est autorisée que moyennant mention explicite des sources.
Editeur responsable : Rudy De Leeuw © janvier 2014
Deze brochure is ook beschikbaar in het Nederlands www.abvv.be/brochures
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