UNE INSTITUTION AUJOURD’HUI REMISE EN QUESTION
qUne crise financière
Alors qu’il approchait l’équilibre jusquau milieu des années quatre-vingt, le solde du
régime général de la Sécuri sociale a connu un déficit de plus en plus important jusquen
1995. Laccroissement de ce déficit tient au décalage grandissant entre les recettes et les
dépenses. Le financement de la protection sociale repose en effet principalement sur les
revenus du travail sous forme de cotisations dont le montant dépend de lassiette et du taux
de plèvement. En ce qui concerne l’assiette, elle connt un ralentissement important
depuis le milieu des années quatre-vingt en raison, dune part, de la hausse du chômage,
dautre part, de la faible croissance des revenus salariaux. Du côté du taux de prélèvement,
les politiques de lemploi axées sur la recherche d’une baisse du coût du travail, par le biais
dune réduction des charges pesant sur les employeurs ont accent le phénomène.
Parallèlement à ces difficultés de financement, les dépenses ont explo. Cela est dû à
lévolution démographique (vieillissement) et économique (montée du chômage), ainsi quà
la prise en charge de nouveaux risques (pauvre, exclusion). Par ailleurs, les évolutions
culturelles (culte du bien-être, culte du corps et rejet de la mort) ont poussé à la hausse les
dépenses de santé. Du reste, le système de soins est lui-même générateur dune croissance
des dépenses : tout dabord, le progrès des techniques se traduit par la mise au point de
matériels très sophistiqués mais coûteux; ensuite, la quasi-gratuité et labsence de responsa-
bilisation des assurés sociaux accentuent la dépense, dans la mesure où le fait même dêtre
assuré modifie le comportement des acteurs et favorise une surconsommation médicale.
qUne crise d’efficacité
Les transferts sociaux aboutissent à une socialisation croissante des revenus (près du
tiers des revenus disponibles des ménages). Cependant, ils ne rendent pas compte de lef-
fet de l’État-providence sur la redistribution de la richesse, car une partie de cette redistri-
84
LES ENJEUX
DE LA PROTECTION SOCIALE
36
Avec le renouveau de l’idéologie libérale, la protection sociale française est
l’objet de vives critiques, notamment de la part des promoteurs du modèle
« américain », qui laisse aux marchés le soin d’organiser la protection des indi-
vidus. Le système de protection sociale est-il accessoire ?
DÉPENSES DE PROTECTION SOCIALE EN % DU PIB
UE à 25 26,9 27,1 27,1 28,0
UE à 15 28,4 28,4 27,5 27,2 27,5 27,7 28,3
Source : http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_OFFPUB/KS-NK-06-014/FR/KS-NK-06-014-FR.PDF ;
Eurostat - Statistiques en bref 14/2006.
1994 1996 1998 2000 2001 2002 2003
bution sexerce par le biais de la fourniture de biens et de services non marchands (éduca-
tion par exemple). Sur ce point, la redistribution nexerce pas des effets réducteurs d’igali-
tés, puisque les catégories sociales les plus élevées dans la hiérarchie sociale sont celles qui
profitent le plus des biens collectifs. Ainsi, les enfants de cadres et professions intermédiaires
sont-ils surreprésens dans les effectifs étudiants. De plus, les inégalités face à la mort font
que les membres des catégories défavorisées cotisent plus quils ne reçoivent, leur espé-
rance de vie étant réduite par rapport aux membres des catégories favories. Enfin, la pro-
tection sociale semble avoir des effets limis sur la pauvreté, alors que son éradication
justifiait la mise en place d’un tel système.
qUne crise de légitimité
La protection sociale, du fait de son coût éle, est accusée dêtre un handicap dans la
comtition internationale et dans lemploi, de velopper une mentali d’assis et de
décourager leffort individuel. Enfin, elle développerait une solidarité « administrative »
incitant chacun à renoncer à sintéresser au sort de son prochain.
UNE INSTITUTION ANMOINS FONDAMENTALE
qSur un plan strictement économique
La protection sociale sinscrit dans une logique keynésienne de régulation conjoncturelle
par un soutien à la demande, tout en contribuant à lentretien et à la reproduction de la force
de travail. Ainsi, elle a constitué un rouage essentiel de la dynamique fordiste pendant les
Trente Glorieuses en soutenant le pouvoir dachat. En outre, en améliorant létat sanitaire de
la population, ainsi que sa sécurité matérielle, elle participe à lessor des forces productives
et contribue à la hausse de la productivi. Enfin, elle contribue au développement de tout
un secteur économique (santé) et impulse les progrès techniques dans ce domaine.
qÀ la frontière entre l’économique et le social
La protection sociale cherche aussi à lutter contre les igalités par trop criantes et
contre la pauvreté. Elle est également catrice de lien social, puisquelle exprime une solida-
rité nationale et professionnelle qui se manifeste par une redistribution entre riches et
pauvres, entre familles et célibataires, entre générations, entre malades et bien-portants,
entre actifs occupés et chômeurs. Elle remplace donc les formes anciennes de solidarité
sexprimant au niveau de la famille et des communautés (villages, corporations de métiers).
85
PROTECTION SOCIALE ET PIB EN FRANCE
Taux de redistribution sociale
(prestations de protection sociale/PIB en %) 27,6 27,7 28,4 29,1 29,1
Taux de pression sociale
(cotisations sociales + imts et taxes)/ PIB en %) 25,5 26 26,1 26,4 25,3
Source : DREES, Comptes de la protection sociale; INSEE, Comptes nationaux; DREES, tudes et r sultats,
n° 435, octobre 2005.
2000 2001 2002 2003 2004
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