Revue de presse critique |Mai 2013 | 5
Cette revue de presse est disponible sur les sites Internet du RRASMQ (www.rrasmq.com) et l’AGIDD-SMQ (www.agidd.org ).
réalistes.
Une amie qui bataillait ferme avec la boule d’angoisse la tenaillant depuis des mois s’est fait prescrire en
quelques minutes des anxiolytiques par sa généraliste. Résultat : trois mois sans dormir, aucune
amélioration (évidemment, quand on ne dort pas…) et le sevrage du médicament est long. On n’arrête
pas la drogue comme on veut. Pour le même problème, et après avoir potassé dans quelques bouquins
spécialisés en troubles de l’humeur féminine (lire : hormonaux), je me suis débarrassée de la boule en
question à l’aide d’un complexe de vitamine B acheté en grande surface. C’était même écrit « Calme »
sur le flacon. À la portée de la première névrosée qui sait lire.
Du jour au lendemain, deux gélules roses, une génuflexion et un Notre Père Lacroix : partie, l’anxiété. Je
n’oserais conseiller aux médecins de faire pousser de la valériane sur le toit vert de leur clinique, mais y a
des ordonnances qui gagneraient à être soupesées. Les femmes sont peut-être folles d’être si peu
étudiées. Ou écoutées. Ou soutenues.
Paranos normaux
Au rythme où les bombes explosent et où les attentats terroristes sont déjoués, nous risquons tous de
succomber à la paranoïa normale du citoyen fataliste, civils civilisés rongés par l’anxiété. L’âge de la
tranquillité est terminé. Gelés par une pharmacopée bien chimique, nous supporterons mieux la
perspective de terminer culs-de-jatte au dernier kilomètre. Et notre horreur de la cruauté doublée d’une
once de folie (le fou se prend souvent pour Dieu), n’a d’égale que la possibilité que nous joignions nous
aussi les rangs des déjantés. On a tous une craque qui pourrait devenir un nid-de-poule printanier.
Un psychanalyste me confiait récemment que nous hébergeons tous un « Guy Turcotte » au fond de
nous. Il suffit de réunir les circonstances « favorables » pour le réveiller. Je ne suis pas sûre d’y croire ; ça
vaut mieux pour ma santé mentale..
« Comme d’autres avant lui, Freud considérait que personne n’est entièrement normal. C’est ainsi que
nous serions tous habités par une pulsion de mort qui pousse l’humanité à s’entredéchirer », écrit St-
Onge dans son essai lapidaire sur notre société dopée, pusher de médicaments produits par l’industrie
pharmaceutique qui « invente » aussi des maladies, semble-t-il. Mais les profits, eux, ne s’inventent pas.
Même la timidité se soigne. Et le cas des enfants - cette nouvelle clientèle docile - est assez troublant
pour ne pas faire frémir tous les parents. Les enseignants travaillent désormais main dans la main avec
l’industrie pour dépister les cas de TDAH dans leurs rangs : 2,9 millions d’ordonnances pour cette
maladie inespérée en 2009 au Canada, une augmentation de 55 % en quatre ans. Où en sommes-nous
quatre ans plus tard ?
Et personne ne connaît les causes (génétiques, sociales, chimiques, environnementales ?) de la maladie
mentale. On évalue les symptômes et on navigue à vue.