Introduction générale
L’existence d’une multiplicité de taux d’intérêt est un fait patent de la réalité économique et finan-
cière. Taux du marché monétaire, interbancaire, obligataire, taux débiteurs, ... des centaines de
taux révèlent les relations complexes liant prêteurs et emprunteurs de capitaux.
Face à ce foisonnement du réel, la théorie économique met en avant un certain nombre de critères
permettant de classer les taux d’intérêt. Les critères les plus souvent évoqués sont : la durée du
prêt correspondant, son statut fiscal, la plus ou moins grande liquidité du titre support, le risque de
défaillance de l’emprunteur, et enfin les clauses de remboursement.
Chacun d’eux représente un facteur explicatif des taux d’intérêt, et a, en tant que tel, donné lieu à
une littérature spécifique. Toutefois, le critère de la durée a été largement privilégié, tout simple-
ment parce qu’il fait référence à ce qui fait «l’essence » du phénomène de l’intérêt : le temps.
L’étude de l’influence du facteur temps doit être menée sur la base de taux d’intérêt uniquement
différenciés par la durée du titre support. L’actif idéal en la matière est un bon sans coupon, sans
risque de défaut, et à valeur faciale normée à l’unité, c’est-à-dire un titre conférant à son détenteur
le droit de recevoir une unité monétaire au moment de son échéance. Ordonnant alors les taux
d’intérêt portés par ces titres en fonction de leur échéance, on obtient une structure par terme des
taux d’intérêt.1Bien entendu, « l’actif idéal » n’existe pas, et la structure des taux doit donc être
estimée à partir des prix de marché des actifs réellement disponibles, et, en particulier, des actifs
obligataires.2
Expliquer la forme courante de la structure des taux, ainsi que ses déformations au cours du temps,
constitue un problème crucial pour bon nombre d’acteurs économiques. Pour un État (et/ou une
autorité monétaire), il conditionne sa capacité à infléchir la hiérarchie des taux, au service d’une
politique économique donnée.3Pour une banque commerciale, il définit les conditions de l’activité
de transformation de terme. D’une manière générale, il intéresse tous les acteurs qui détiennent
des actifs, et doivent gérer un risque de taux d’intérêt.
1L’expression « structure à terme des taux d’intérêt » est parfois utilisée. Toutefois, les taux dont il est question sont
des taux au comptant et non des taux à terme. Cette appellation peut donc prêter à confusion.
2Les principales procédures d’estimation de « yield curves » ont été proposées par Carleton et Cooper [1976],
McCulloch [1971, 1975], Schaefer [1973] et Vasicek et Fong [1982]. Pour des études sur données françaises, voir par
exemple Bonnevile [1981], Bouvier, Brugiere, Coulibaly, Gudin de Vallerin et Phelouzat [1989], ou Artus, Belhomme,
Elalouf et Minczeles [1992].
3La plus célèbre tentative de torsion des taux a été menée en 1961 aux États-Unis. Cette politique, baptisée
« operation twist », avait pour objectif d’améliorer à la fois la balance des paiements (en augmentant les taux courts) et
l’investissement interne privé (en diminuant les taux longs).
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