ASSURANCES ET MANAGEMENT DES RISQUES / SANTÉ, SOCIAL ET MÉDICO-SOCIAL Panorama du risque médical des établissements de santé Bilan des risques médicaux de l’année 2010 Édition 2011 SOMMAIRE Ce panorama est une réalisation exclusive Sham. Date de parution : novembre 2011 Crédit photos : Romain Étienne / Itemcorporate - gettyimages Création : Copyrights Sham® Imprimé sur du papier issu de forêt durablement gérées. 02 1.0 Les enjeux et évolutions de notre environnement 05 1.1 Les enjeux de notre environnement 1.2 Revue législative et jurisprudentielle 06 07 2.0 Le périmètre de l’étude 19 2.1 Notion de réclamation 2.2 Notion de coût des réclamations 2.3 Indice de fréquence 20 20 23 3.0 Les réclamations 2010 25 3.1 Réclamations liées à des préjudices corporels et matériels 3.2 Réclamations liées à des préjudices corporels par types de causes 3.3 Spécialités concernées par les réclamations liées à des accidents corporels de causes médicales 26 27 4.0 Le recours aux CRCI en 2010 33 4.1 Les saisines 4.2 Les avis CRCI 35 36 5.0 Les dossiers clos en 2010 39 5.1 Dossiers corporels et matériels clos 5.2 Dossiers corporels clos 5.3 Dossiers corporels et matériels clos ayant donné lieu à un règlement amiable ou judiciaire 5.4 Dossiers corporels clos ayant donné lieu à un règlement amiable ou judiciaire 5.5 Montants d’indemnisation des dossiers corporels et matériels clos 40 40 41 41 6.0 Bilan de l’activité contentieuse 43 6.1 Données générales 6.2 Décisions des juridictions administratives 6.3 Décisions des juridictions judiciaires 6.4 Classification par spécialité des décisions ayant retenu une responsabilité à l’encontre des établissements de santé 6.5 Origines des décisions par spécialité 44 45 47 7.0 Activité contentieuse - Focus sur quelques décisions 55 7.1 Chirurgie orthopédique 7.2 Chirurgie viscérale 7.3 Chirurgie gynécologique 7.4 Obstétrique 7.5 Psychiatrie 7.6 Oncologie – Hématologie 7.7 Hépato-gastro-entérologie 7.8 Urgences 56 57 59 59 61 62 63 64 8.0 Les visites de risques 69 9.0 La protection juridique 75 9.1 La protection du collaborateur 9.2 La défense pénale 9.3 Décisions rendues en 2010 76 78 81 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 30 41 48 49 ÉDITO Nous sommes fiers de présenter cette 7e édition du Panorama du risque médical des établissements de santé, car en plus du bilan de notre activité de gestion du risque et de l’indemnisation en responsabilité médicale en 2010, nous apportons le témoignage de l’engagement permanent de Sham auprès des établissements et professionnels de santé pour les accompagner dans leurs missions et dans la prévention de leurs risques. Sham est aujourd’hui le 1er assureur de responsabilité médicale en France. Les données présentées dans ce Panorama sont donc largement représentatives de la réalité du risque médical, des différentes procédures d’indemnisation et du coût du risque. Au-delà des informations présentées, qui recoupent, complètent ou éclairent celles publiées par les organismes institutionnels (Observatoire des risques médicaux, CNAMED1, ONIAM2…), Sham se présente, non pas comme un témoin, mais comme un acteur engagé dans la gestion du risque. Notre mission consiste à accompagner nos sociétaires dans le processus complexe qui suit la mise en cause de leur responsabilité médicale, à aider à « faire la lumière » sur les circonstances d’un accident, à les défendre et à piloter le processus d’indemnisation des victimes dans le respect de la déontologie et du droit de la responsabilité médicale. Quels sont les enseignements de ce Panorama 2010 ? Tout d’abord, les réclamations présentées à l’encontre des établissements de santé continuent d’augmenter. Mais attention, ce constat ne signifie pas que le nombre d’accidents progresse ou que la qualité de soins diminue ! En effet, dans le même temps, la proportion d’affaires mettant en jeu la responsabilité des établissements reste très stable, pour l’ensemble des voies de règlement utilisées (amiable, CRCI3, contentieuse…). Par ailleurs le recours des malades aux CRCI progresse, ce qui traduit l’évolution vers la maturité du système mis en place par la loi du 4 mars 2002 et une volonté des malades de faire valoir leurs droits en dehors du Tribunal. Le Panorama constitue également un baromètre de l’indemnisation du dommage corporel. Il reflète, en l’absence de référentiel indemnitaire, l’évolution de la jurisprudence sur le montant global des indemnités allouées aux victimes et aux organismes tiers payeurs. En 2010, le coût moyen des affaires jugées par les juridictions administratives se stabilise après la forte hausse constatée l’année précédente. Pour remplir pleinement notre mission de partenaire des établissements de santé, nous tirons les enseignements de la gestion des réclamations des malades, au service de la prévention et de la gestion des risques. Les erreurs et les dysfonctionnements relevés ayant entraîné la responsabilité d’un sociétaire, comme les bonnes pratiques observées qui ont contribué à sa mise hors de cause constituent autant d’arguments et de leviers pour agir, à un plus large niveau, dans le sens de l’amélioration des organisations et des pratiques. Le bilan de nos visites de risques témoigne de la variété et de la pertinence des recommandations faites sur le terrain par les équipes Sham au bénéfice des établissements de santé et des patients. Nous sommes en questionnement permanent sur les risques des organisations, des techniques et des pratiques, sur les risques émergents, sur les évolutions juridiques et sociétales. Dans ce contexte, le Panorama de Sham, dans la mesure où il permet des projections sur l’évolution de la nature et du coût des risques, constitue un outil de connaissance, d’analyse et de prévention des risques irremplaçable. “ [...] la proportion d’affaires mettant en jeu la responsabilité des établissements reste très stable [...] ” 1 - CNAMED : Commission nationale des accidents médicaux. 2 - ONIAM : Office national d’indemnisation des accidents médicaux. 3 - CRCI : Commissions régionales de conciliation et d’indemnisation. Dominique GODET Directeur Général PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 03 Les enjeux et évolutions de notre environnement PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 05 5 1.0 Les enjeux et évolutions de notre environnement 1.1 Les enjeux de notre environnement « Tirer les enseignements du passé pour mieux agir dans le présent et préparer l’avenir ». Ainsi pourrait être résumé l’objectif de ce Panorama des risques des établissements de santé, reflet d’une certaine réalité hospitalière, mais qui appartient déjà au passé. L’analyse de la sinistralité de 2010 ne fait pas apparaître de changements significatifs et se situe dans la continuité des constats effectués au cours des années précédentes. Mais l’univers des risques évolue peu à peu, tout comme la sensibilité des malades à la qualité des soins qui leur sont prodigués et la conception du juge de son rôle de régulateur social, dans une société marquée par l’aversion au risque. Le contexte médico-hospitalier est traversé par des tendances antagonistes pouvant impacter directement les risques : d’une part, l’inflation du coût des soins, dans une situation de contraintes budgétaires, s’ajoutant à une pénurie croissante de moyens humains, notamment médicaux, requiert des efforts d’organisation particuliers des structures hospitalières ; d’autre part le management de la qualité constitue une priorité et la Haute Autorité de Santé (HAS), chargée de promouvoir les bonnes pratiques et d’améliorer la qualité des soins, montre la voie à suivre. La loi Hôpital, Patients, Santé, Territoires (HPST) offre aux différents acteurs de la santé soumis à ces contraintes, de nouveaux outils de coopération ou d’intégration leur permettant de remplir leurs missions. Elle autorise la mise en œuvre d’organisations et de filières de soins sur les territoires, en lien avec la médecine de ville et le secteur médico-social. Les Agences Régionales de Santé (ARS) sont incitatives pour promouvoir ces nouvelles organisations, qui doivent renforcer l’efficience du système de santé et dont le malade est l’enjeu. À côté de cette vaste réorganisation, l’information des professionnels de santé, les modalités de développement de la concertation et de la collaboration de tous les acteurs est un souci constant des autorités de santé. Les missions confiées aux agences, les vigilances, les versions successives de la certification, les check-lists, la promotion et l’évaluation des bonnes pratiques professionnelles, les travaux des sociétés savantes, sont autant de facteurs agissant sur les risques et susceptibles de réduire la survenue d’événements indésirables et des sinistres. “ Tirer les enseignements du passé pour mieux agir dans le présent et préparer l’avenir. ” 06 En parallèle, les attentes des malades et des associations d’usagers sont toujours plus fortes et les exigences de transparence accrues. Le Ministre a déclaré « 2011, année des patients et de leurs droits » ouvrant une série de rencontres et de colloques au centre desquels la prévention, mais aussi la réparation des accidents médicaux sont des sujets récurrents. La déclaration des événements indésirables graves, l’annonce au malade d’un dommage associé aux soins, sont des thèmes d’actualité renforçant les obligations déjà inscrites dans la loi du 4 mars 2002. La nature des risques évolue également. Désormais, à côté de l’accident médical isolé, le développement des produits, des techniques et des pratiques favorise l’éventualité d’accidents sériels. La transfusion sanguine, l’hormone de croissance, le médicament, avec l’affaire du Mediator, les dispositifs médicaux, la radiothérapie, sont autant d’exemples qui démontrent que des accidents collectifs redoutables sont possibles. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 1.0 // LES ENJEUX ET ÉVOLUTIONS DE NOTRE ENVIRONNEMENT La responsabilité des autorités sanitaires et des agences compétentes en santé publique, prendra certainement de plus en plus d’importance, compte tenu de leurs larges pouvoirs d’organisation et de contrôle des acteurs. 1.2 Revue législative et jurisprudentielle (Janvier 2010 – août 2011) La présente revue a vocation à présenter les principales évolutions législatives, réglementaires ou jurisprudentielles survenues depuis la publication du dernier Panorama. Elle ne prétend à aucune exhaustivité. Les décisions commentées ne concernent pas que des sociétaires Sham. Parole d’expert Patrick FLAVIN Directeur juridique Près de 10 ans après la promulgation de la loi du 4 mars 2002, la Cour de Cassation et le Conseil d’État ont été amenés au cours de ces 18 derniers mois à prendre toute la mesure du régime légal de la responsabilité médicale. Ainsi, la Cour de Cassation a abandonné le fondement contractuel de la responsabilité médicale, issu de l’arrêt « Mercier », après 74 ans de bons et loyaux services, pour viser désormais dans ses décisions l’article L. 1142-1 du CSP (Cass.Civ. 1ère 14/10/2010). On sait désormais également que la reconnaissance d’un responsable en cas de perte de chance n’est pas incompatible avec une indemnisation par la Solidarité Nationale (Cass Civ 1ère 11/03/2010 et Conseil d’État 30/03/2011). Le régime d’indemnisation des infections nosocomiales suit toutefois des voies divergentes devant les deux Hautes Juridictions, puisque le Conseil d’État admet, à la différence de la Cour de Cassation, le caractère exonération de responsabilité de l’infection lorsque le germe est de nature endogène (CE 12/01/2011). Le Conseil d’État a également été amené à apprécier la portée de l’annulation des dispositions transitoires du dispositif anti-Perruche par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 11 juin 2010 (CE 13/05/2011). On n’oubliera pas non plus de signaler l’important revirement de jurisprudence opéré par la Cour de Cassation en matière de défaut d’information (Cass.1re Civ.3 juin 2010). Enfin le législateur semblait avoir trouvé la solution pour rassurer les professionnels de santé libéraux, inquiets depuis 2002 du risque de recours de l’ONIAM en cas d’épuisement des montant de leurs garantie d’assurance, en créant un fonds de garantie dans la proposition de loi Fourcade (art. 56) adoptée le 13 juillet 2011. Toutefois, cet article a été annulé par le Conseil Constitutionnel (04/08/2011) pour des raisons de forme. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 07 1.2.1 Actualité législative 04.08.11 Assurances des Professionnels de santé / Épuisement des Garanties / Dispositif de mutualisation des risques Décision Conseil Constitutionnel, 4 août 2011, n°2011-640 DC, relative à la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi 2009-879 du 21 juillet 2009, portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, article 56. Dans les suites des rapports de Gilles Johanet de juillet 2010 et janvier 2011, les pouvoirs publics s’étaient engagés à mettre en place un dispositif permettant de répondre aux inquiétudes des professionnels de santé, en ce qui concerne le risque d’un recours de l’ONIAM à leur encontre, en cas d’insuffisance des montants de leur garantie d’assurance responsabilité civile professionnelle ou en cas de réclamation postérieure à l’expiration de celle-ci, les dispositions instaurées à l’article L. 1142-21-1 du Code la Santé Publique par l’article 44 de la loi n°2009-1646 ayant été jugées insuffisantes. Le vote de la proposition de loi « Fourcade » a été l’occasion d’une nouvelle discussion sur le sujet et a conduit à l’élaboration d’un dispositif de mutualisation du risque. Le texte prévoyait dans son article 56 la mise en place d’un « Fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels de santé » destiné à intervenir après épuisement du plafond de la garantie d’assurance. Ce fonds, dont la gestion était confiée à la Caisse Centrale de Réassurance était financé par une contribution forfaitaire à la charge des professionnels de santé libéraux. Le montant de cette contribution pouvant être modulé selon la profession exercée, était perçu directement par les sociétés d’assurance. Ce dispositif de mutualisation devait être applicable aux accidents médicaux faisant l’objet d’une réclamation à compter du 1er janvier 2012. Les dispositions de l’article-L144-21-1 étaient également modifiées. Le champ de substitution de l’ONIAM aux praticiens exerçant dans un établissement de santé une spécialité chirurgicale, obstétricale ou d’anesthésieréanimation ou aux sages-femmes, en cas d’expiration de la garantie d’assurance subséquente de 10 ans prévu en cas de décès ou cessation d’activité jusqu’alors limité aux accidents de naissance était étendu à l’ensemble des accidents médicaux. Pour tenir compte du dispositif ainsi mis en place, il était également prévu, selon les déclarations du Ministre de la Santé, que les montants minimum de garantie des contrats d’assurance des professionnels de santé seraient portés à 8 millions d’euros. Le Ministre de la Santé s’était également engagé à augmenter l’aide de l’Assurance Maladie dont bénéficient les médecins pour le règlement de leur prime d’assurance. Dans sa décision du 4 août 2011 (n°2011-640), le Conseil Constitutionnel censure plusieurs dispositions de la loi « Fourcade » dont notamment le dispositif de mutualisation des risques encourus par certains professionnels de santé exerçant à titre libéral au titre de leur responsabilité civile professionnelle (article 56) aux motifs que ces dispositions n’avaient pas de lien, même indirect, avec la proposition de loi initiale (cavalier législatif). Prenant acte de la décision du Conseil Constitutionnel, les Pouvoirs Publics ont toutefois indiqué dans un communiqué de presse du même jour que les dispositions annulées seront à nouveau soumises au Parlement à l’occasion de l’examen des textes financiers de l’automne 2011 pour une application, comme prévu au 1er janvier 2012. 08 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 1.0 // LES ENJEUX ET ÉVOLUTIONS DE NOTRE ENVIRONNEMENT Conformément à l’engagement des pouvoirs publics, un dispositif favorisant l’indemnisation des victimes du benfluorex est mis en place. Ce dispositif, facultatif et gratuit pour les victimes, s’inspire de la procédure existante devant les CRCI en matière de réparation des accidents médicaux. Il fait l’objet d’une section spécifique dans le Code de la Santé Publique (article L1142-24-1 et suivants CSP). Ainsi, toute personne s’estimant victime d’un déficit fonctionnel imputable au benfluorex ou le cas échéant son représentant légal ou ses ayants droit, peut saisir l’ONIAM en vue d’obtenir la réparation de son préjudice. À cette occasion, la victime ou le fabricant peut rendre la procédure d’indemnisation opposable à toute personne. Les médecins prescripteurs pourront donc être mis en cause selon les souhaits de la victime ou du fabricant. Un collège d’experts, présidé par un magistrat, composé d’une personne qualifiée en réparation du dommage corporel, de médecins désignés par le Conseil national de l’ordre des médecins, par des associations d’usagers, par le fabricant et par l’ONIAM, est en charge de l’instruction du dossier. S’il constate l’existence d’un déficit fonctionnel, le collège émet un avis sur le dommage et la responsabilité des personnes mises en cause. L’avis du collège est émis dans un délai de 6 mois à compter de la saisine de l’ONIAM. Les personnes considérées comme responsables par le collège d’experts ou leurs assureurs ont un délai de 3 mois suivant l’avis pour faire une offre d’indemnisation. En cas d’offre manifestement insuffisante, le juge saisi par la victime peut condamner le responsable à une pénalité pouvant aller jusqu’à 30 % de l’indemnité qu’il alloue au bénéfice de l’ONIAM, sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime. En cas de silence ou de refus explicite du responsable ou de son assureur de faire une offre d’indemnisation, ou en cas d’offre manifestement insuffisante, l’ONIAM se substitue à la personne responsable pour faire une offre d’indemnisation. Ce dispositif est applicable au plus tard au 1er septembre 2011. À cette date, les demandes d’indemnisation dont les CRCI ont été saisies sont transférées à l’ONIAM. Les victimes qui ont engagé des actions devant les tribunaux peuvent également saisir l’ONIAM. 29.07.11 Médiator Régime d’indemnisation Loi n°2011-90 du 29 juillet 2011 de finances rectificatives pour 2011, article 57, décret n°2011-932 du 1er août 2011. 1.2.2 Actualité jurisprudentielle Les juridictions administratives Les parents d’un enfant dont le handicap congénital n’a pas été diagnostiqué au cours de la grossesse de sa mère en 1995, ont engagé une action en réparation. À cette occasion le Conseil d’État précise que le point de départ du délai de prescription quadriennale, en vue d’obtenir réparation tant pour la victime d’un dommage corporel, que pour ses parents des préjudices physiques ou moraux, prévu par la loi du 31 décembre 1968, est le premier jour de l’année suivant celle de la consolidation des infirmités liées à ce dommage, quel que soit le régime de responsabilité applicable. Peu importe, en l’espèce, la date de naissance de l’enfant ou celle où les parents ont été informés du syndrome dont leur enfant souffrait. Le Conseil d’État reprend le principe désormais posé à l’article L 1142-28 du Code de la Santé Publique (issu de la loi du 4 mars 2002), qui prévoit un délai de prescription de 10 ans pour les actions en responsabilité, engagées en raison d’un dommage causé par un acte de prévention, de diagnostic ou de soins à compter de la date de consolidation du dommage. Ce nouveau régime de prescription est applicable immédiatement aux demandes d’indemnités non prescrites à la date d’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 (CE 19/03/2003, avis n°251980). 01.06.11 Prescription quadriennale / point de départ Conseil d’État 1er juin 2011, n° 331225 : le point de départ de la prescription quadriennale dans le cadre d’une action en réparation d’un dommage corporel est la date de consolidation des infirmités liées à ce dommage. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 09 13.05.11 Diagnostic prénatal / Dispositif anti-Perruche / Application dans le temps / Notion de faute caractérisée Conseil d’État 13 mai 2011, n° 329290 et n° 317808 : précisions sur la date d’entrée en vigueur du dispositif anti-Perruche et sur la notion de faute caractérisée. Si dans sa décision du 11 juin 2010 (n° 2010-2 QPC), le Conseil Constitutionnel a validé le nouveau régime de responsabilité issu de l’article 1er de la loi du 4 mars 2002 (et codifié à l’article L.114-5 du code de l’action sociale et des familles) relatif à la réparation des préjudices subis du fait de la naissance d’un enfant handicapé en raison d’un diagnostic prénatal erroné, les dispositions relatives à l’application dans le temps de cet article, que le législateur avait voulu rendre applicable immédiatement, y compris aux instances en cours, avaient été en revanche déclarées anticonstitutionnelles et annulées. Le Conseil d’État vient préciser la portée qu’il convient de donner à la censure des dispositions transitoires de la loi par le juge constitutionnel. Le Conseil d’État estime que la censure ne porte que sur l’application immédiate du texte aux instances en cours. Dans ces conditions et au regard de l’intention du législateur à l’époque, le régime de responsabilité prévu par la loi du 4 mars 2002 en cas d’erreur de diagnostic prénatal a vocation à s’appliquer aux naissances antérieures à la date d’entrée en vigueur de la loi (le 7 mars 2002), dès lors qu’à cette date, aucune action indemnitaire n’avait été engagée par les parents. À ce titre, le Conseil d’État estime qu’une procédure en référé engagée antérieurement à la date d’entrée en vigueur de la loi, constitue une instance en cours en l’absence de forclusion ou de prescription de l’action en réparation. On rappellera que jusqu’à présent, la Cour de Cassation estime sur le fondement du droit européen que le dispositif anti-Perruche ne peut s’appliquer qu’aux naissances postérieures à la date d’entrée en vigueur de la loi (Cass.1ère civ. 8/07/2008, n° 07-12-159). Le Conseil d’État confirme également son appréciation de la faute « caractérisée » comme une faute d’une certaine évidence compte tenu de son intensité. Le Conseil d’État maintient ainsi son interprétation fondée sur la gravité de la faute, alors que le Conseil Constitutionnel, pour valider le dispositif, avait précisé que la faute caractérisée était celle qui ne pouvait être présumée, mais qu’elle ne se confondait pas avec la faute lourde. 30.03.11 Indemnisation par la Solidarité Nationale / Caractère non subsidiaire / Partage aléa/faute Conseil d’État 30 mars 2011, n° 327669 : la responsabilité d’un établissement de santé n’exclut pas l’intervention de l’ONIAM au titre de la Solidarité Nationale pour la part des dommages liés à un accident médical non fautif. 10 Rejoignant la position de la Cour de Cassation (Cass. 1ère civ. 11/03/2010, n° 09-11.270), le Conseil d’État affirme à l’occasion de cette décision, que le caractère subsidiaire de l’intervention de la Solidarité Nationale pour la réparation d’un accident médical, n’empêche pas l’ONIAM d’avoir à prendre en charge la part des dommages relevant d’un accident non fautif dès lors que la responsabilité du centre hospitalier n’a été retenue qu’en raison de la perte de chance d’éviter le dommage. On soulignera également qu’à cette occasion, il est confirmé que l’indemnisation par la Solidarité Nationale ne concerne que les préjudices du patient et seulement, en cas de décès, ceux des ayants-droit. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 1.0 // LES ENJEUX ET ÉVOLUTIONS DE NOTRE ENVIRONNEMENT Le Conseil d’État estime sur le fondement de l’article L.1142-21 du Code de la Santé Publique qu’il appartient à la juridiction du fond, quand bien même le requérant ne recherche que la responsabilité de l’établissement de santé, d’appeler en cause l’ONIAM, au besoin d’office, si elle considère que le dommage invoqué remplit les conditions pour être indemnisé par la Solidarité Nationale ; puis de mettre à sa charge la réparation qui lui incombe, sans préjudice de l’éventuelle condamnation de la personne initialement poursuivie à réparer la part du dommage dont elle serait responsable. Il est précisé que ce moyen est d’ordre public. 30.03.11 Le Conseil d’État précise pour la première fois le mécanisme d’indemnisation des dommages consécutifs à une infection nosocomiale tel qu’il résulte des dispositions combinées des lois des 4 mars et 30 décembre 2002. 21.03.11 Si l’article L.1142-1 du Code de la Santé Publique, fait peser un régime de responsabilité sans faute sur les établissements de santé dont ils ne peuvent s’exonérer qu’en rapportant la preuve d’une cause étrangère, la loi du 30 décembre 2002 est venue superposer à ce régime de responsabilité un régime de garantie par la Solidarité Nationale pour l’indemnisation des infections nosocomiales les plus graves. En vertu des articles L.1142-1-1, L.1142-17 et L.1142-21, il revient à l’ONIAM d’indemniser les infections nosocomiales entraînant une incapacité permanente partielle supérieure à 25 % ou le décès du patient, sous réserve d’un recours contre l’établissement en cas de faute à l’origine du dommage et notamment « d’un manquement caractérisé aux obligations posées par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales ». Ce dispositif est applicable aux infections nosocomiales survenues à compter du 1er janvier 2003 (CE 13 juillet 2007n° 293196). Indemnisation par la Solidarité Nationale / Mise en cause de l’ONIAM Conseil d’État 30 mars 2011, n° 320581 : de l’obligation pour le juge d’appeler en cause l’ONIAM, au besoin d’office, dès lors que le dommage peut être indemnisé par la Solidarité Nationale. Infection nosocomiale / Conditions de prise en charge par la Solidarité Nationale Conseil d’État 21 mars 2011 n°334501 : des conditions de prise en charge par l’ONIAM des infections nosocomiale. Dans la présente décision, le Conseil d’État précise que dès lors que les conditions de gravité prévues par l’article L.1142-1-1 sont remplies, l’ONIAM est seul tenu d’indemniser la victime. L’ONIAM peut néanmoins se retourner contre l’établissement de santé, y compris dans le cadre de la procédure contentieuse engagée par la victime. Toutefois, la responsabilité de l’établissement de santé ne pourra être engagée qu’en cas de faute établie à l’origine du dommage. Par ces deux décisions, le Conseil d’État maintient sa jurisprudence en matière d’infection nosocomiale. Le caractère endogène du germe constitue une cause exonératoire de responsabilité pour l’établissement hospitalier (CE 12/01/2011). Toutefois encore faut-il que le caractère endogène du germe soit certain. Ainsi le fait que l’expert considère que les germes à l’origine de l’infection sont « vraisemblablement endogènes », ne peut permettre de tenir le caractère endogène comme certain et n’est pas de nature à exonérer l’établissement hospitalier de sa responsabilité (CE 2/02/2011). On soulignera toutefois que le Conseil d’État ne s’est jusqu’à présent prononcé que sur des cas d’infection antérieure au 5 septembre 2001, date d’entrée en vigueur des dispositions de l’article L.1142-1 du Code de la Santé Publique (issu de la loi du 4 mars 2002), qui pose désormais le principe d’un régime de responsabilité sans faute. S’inspirant de la position de la Cour de Cassation qui a toujours refusé d’opérer une distinction selon la nature de l’infection (Cass. 1ère civ. 04/04/2006 n°0417491), certaines Cours Administratives d’Appel tendent aujourd’hui à remettre en cause cette position. Le Conseil d’État sera donc prochainement appelé à repréciser la notion de cause étrangère exonératoire de responsabilité pour l’établissement hospitalier, en matière d’infection nosocomiale sur le fondement de l’article L.1142-1 CSP. 12.01.11 - 02.02.11 Infection nosocomiale / Germe endogène / Cause étrangère Conseil d’État 12 janvier 2011 n°311639 et 2 février 2011 n°320052 : Dès lors qu’il est établi avec certitude, le caractère endogène du germe constitue une cause étrangère, exonératoire de responsabilité. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 11 04.10.10 RC du fait des produits de santé / Directive européenne du 25/07/1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux Conseil d’État 4 octobre 2010 n°327449 : des interrogations sur la compatibilité du régime jurisprudentiel de responsabilité sans faute de l’hôpital avec le droit européen. Le Conseil d’État interroge la Cour de Justice de l’Union européenne sur la compatibilité de sa jurisprudence, qui met à la charge des établissements hospitaliers un régime de responsabilité sans faute en raison des dommages causés par la défaillance des produits et matériels utilisés (CE 9/07/2003 n°220437), avec la directive européenne 85/374/CEE du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux. La Cour de Justice de l’Union européenne considère en effet, que les dispositions de la directive s’opposent, à ce que d’une part, les États maintiennent un régime de responsabilité différent de celui prévu par la directive au moment de sa notification (CJCE 25/04/2002 n° C-52/00, C-183/00) et d’autre part, à ce que le fournisseur du produit puisse se voir opposer le régime de responsabilité sans faute pesant sur le producteur du produit (CJCE 10/01/2006, aff. C 402/03). Au regard de la position de la Cour de Justice de l’Union européenne, les juridictions administratives étaient divisées sur le point de savoir si la responsabilité d’un établissement hospitalier pouvait dès lors être engagée sans faute en raison de la défectuosité d’un matériel ou d’un produit fourni ou utilisé au cours des soins (pour : CAA Bordeaux 06/03/2007 n°04BX011284 ; contre : CAA Lyon 23/03/2010 n°06LY01195). Devant ces interrogations, le Conseil d’État a donc décidé de saisir le juge européen de deux questions préjudicielles, portant notamment sur la possibilité pour les États de définir le régime de responsabilité des personnes qui utilisent des appareils ou produits défectueux dans le cadre d’une prestation de service et qui causent de ce fait des dommages au bénéficiaire de la prestation. Le Conseil d’État entend ainsi opérer une distinction entre la qualité de fournisseur et celle d’utilisateur dans le cadre d’une prestation de soins. 04.10.10 Procédure d’expertise CRCI Opposabilité du rapport d’expertise devant une juridiction administrative Conseil d’État 4 octobre 2010, n° 332836 : de l’opposabilité d’une expertise diligentée par une commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CRCI) devant la juridiction administrative. 26.05.10 Prescription quadriennale / Interruption / Action directe contre l’assureur Conseil d’État 26 mai 2010 n° 306617 : la prescription quadriennale est interrompue par l’action directe de la victime contre l’assureur de l’établissement responsable. 12 Dans le cadre d’une procédure en référé expertise, le Conseil d’État estime qu’il appartient au juge des référés, saisi d’une demande d’expertise dans le cadre d’une action en responsabilité du fait des conséquences d’un acte dommageable d’un acte médical, d’apprécier son utilité au vu des pièces du dossier, notamment du rapport de l’expertise prescrite par la commission régionale de conciliation et d’indemnisation et des motifs de droit et de fait qui justifient, selon le demandeur, la mesure sollicitée. Le Conseil d’État retient que la Cour Administrative d’Appel n’a pas dénaturé les faits, en estimant que, compte tenu des conditions dans lesquelles s’étaient déroulées les opérations d’expertise devant la commission et du contenu du rapport des experts, la mesure sollicitée par les requérants ne présentait pas de caractère utile. La Cour de Cassation reconnaît également pour sa part le caractère opposable d’un rapport d’expertise CRCI sous réserve de circonstances particulières qui en affecteraient la validité ou d’éléments nouveaux (cf. Cass.civ.2e 14/01/2010 n°09-10521). Sur le fondement de l’article 2 de loi du 31/12/1968, le Conseil d’État juge que lorsque dans le cadre d’une action en responsabilité, la victime exerce devant le juge judiciaire l’action directe qui lui est ouverte par l’article L.124-3 du Code des Assurances, à l’encontre de l’assureur du responsable, cette action doit être regardée comme relative au fait générateur de la créance de la victime sur le responsable du dommage. Alors même que la juridiction judiciaire n’est pas compétente pour apprécier la responsabilité encourue par l’assuré et que ce dernier n’est pas partie à cette instance, un tel recours interrompt le cours de la prescription de la créance de la victime sur le responsable du dommage. [...] 1.0 // LES ENJEUX ET ÉVOLUTIONS DE NOTRE ENVIRONNEMENT Cette solution est le prolongement de la position adoptée par le Conseil d’État dans un arrêt du 27/10/2006 (n° 247076) selon laquelle une plainte contre X devant le juge pénal, avec constitution de partie civile, pour obtenir la réparation d’un dommage subi dans un établissement hospitalier, interrompt le cours de la prescription quadriennale alors même que l’hôpital n’a pas été mis en cause. À l’occasion d’une action engagée par un patient, en raison du retard dans les soins prodigués et en raison des conditions de l’organisation de son transfert du service des urgences vers un service spécialisé d’un autre établissement de santé, le Conseil d’État retient la responsabilité solidaire des établissements hospitaliers vis-à-vis du malade. 18.02.10 Pour le Conseil d’État, au regard de la collaboration étroite que les dispositions du Code de la Santé Publique organisent entre le SAMU, le SMUR et les services des urgences, « la victime d’une faute commise à l’occasion du transfert d’un patient d’un établissement de santé vers un autre peut, lorsque les services impliqués dépendent d’établissements différents, rechercher la responsabilité de l’un seulement de ces établissements ou leur responsabilité solidaire, sans préjudice des appels en garantie que peuvent former l’un contre l’autre les établissements ayant participé à la prise en charge du patient ». L’objectif du Conseil d’État est de faciliter la mise en cause des établissements hospitaliers dans des circonstances où il peut être difficile pour la victime de déterminer l’établissement responsable du dommage. La responsabilité effective de chacun des établissements sera examinée dans un second temps, dans le cadre d’éventuels appels en garantie. Conseil d’Etat 18 février 2010 n° 318891 : les établissements hospitaliers sont solidairement responsables à l’égard du patient en cas de faute commise dans l’organisation de son transfert. Le Conseil d’État fixe le régime de la responsabilité des établissements publics de santé, en raison de la contamination d’un patient à l’occasion d’une transplantation d’organe. Le Conseil d’État juge « qu’en cas de contamination du bénéficiaire d’une greffe par un agent pathogène dont le donneur était porteur, la responsabilité du ou des hôpitaux qui ont prélevé l’organe et procédé à la transplantation n’est susceptible d’être engagée que s’ils ont manqué aux obligations qui leur incombaient afin d’éviter un tel accident ». Ce faisant, le Conseil d’État refuse d’assimiler un greffon à un produit défectueux relevant d’un régime de responsabilité sans faute (CE 9/07/2003 n° 220437). 27.01.10 Transfert du patient / SAMU-SMUR / Responsabilité solidaire Greffon contaminé / Régime de responsabilité Conseil d’État 27 janvier 2010, n° 313568 et 313712 : la responsabilité d’un établissement hospitalier qui a prélevé un organe contaminé ou qui a procédé à sa transplantation peut être engagée uniquement en cas de faute. Les juridictions civiles Peu de temps après avoir rappelé le principe selon lequel la responsabilité d’un médecin ne peut être engagée qu’en cas de faute prouvée (Cass. Civ. 6/01/2011 n°09-66.994), la Cour de Cassation estime sur le fondement de l’article L.1142-1 I du Code de la Santé Publique, que le juge ne peut débouter un patient de son action en responsabilité contre le praticien qui l’a opéré, au motif qu’aucune faute ne peut être reprochée à ce dernier, l’intervention ayant été réalisée conformément aux règles de bonnes pratiques et que le préjudice relevait d’un aléa thérapeutique sans constater la survenance d’un risque accidentel inhérent à l’acte médical qui ne pouvait être maîtrisé. En matière de gestes techniques, la Cour de Cassation a une position extrêmement sévère. [...] 20.01.11 Geste technique Responsabilité / Aléa thérapeutique / Exonération Cour de Cassation, 1ère civ. 20 janvier 2011 n°10-17.357 : le juge ne peut reconnaître l’existence d’un aléa thérapeutique sans constater la survenance d’un risque accidentel inhérent à l’acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 13 Elle considère que la responsabilité du médecin peut être engagée dès lors que l’atteinte d’un organe n’était pas inévitable notamment en l’absence de prédisposition du patient ou de fragilité de l’organe atteint (Cass. 1ère civ. 17/06/2010 n°09-67.671). On est ainsi très proche de la présomption de faute. Dès lors, la reconnaissance d’un aléa thérapeutique, exonératoire de responsabilité pour le médecin, ne peut simplement se déduire du simple respect des règles de bonnes pratiques. Encore faut-il que soit démontré, que le risque est inhérent à l’acte médical et ne pouvait être empêché, notamment en raison d’une prédisposition du patient (Cass.1ère civ. 28/10/2010 n°09-16.187). 25.11.10 Compétence professionnelle / Faute Cour de Cassation, 1ère civ. 25 novembre 2010 n°09-68.631 : engage sa responsabilité le médecin qui entreprend des soins qui dépassent ses compétences. 14.10.10 Lien de causalité / Perte de chance de survie / Appréciation / Nature de la responsabilité médicale Cour de Cassation, 1ère civ. 14 octobre 2010, n° 09-69.195 : la perte de chance présente un caractère direct et certain, chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable. Au visa de l’article 70 du code de déontologie (désormais R. 4127-70 du CSP), la Cour de Cassation annule l’arrêt d’une Cour d’Appel qui avait considéré que le médecin généraliste, exerçant dans un service des urgences, n’avait commis aucune faute en raison de l’absence de diagnostic d’une fracture complexe du bras. La Cour de Cassation estime que la Cour d’Appel ne pouvait se fonder sur le fait que le médecin généraliste n’avait pas la qualité de médecin urgentiste, pour l’exonérer de sa responsabilité, alors qu’il est fait déontologiquement obligation à tout praticien de s’abstenir, sauf circonstances exceptionnelles, d’entreprendre, de poursuivre des soins, ou de formuler des prescriptions dans des domaines qui dépassent ses connaissances, son expérience et les moyens dont il dispose. La Cour de Cassation consacre une interprétation extensive de la perte de chance de survie ou de guérison. Selon une analyse traditionnelle, la perte de chance n’est pas un mode d’appréciation du lien causal mais un préjudice spécifique, consistant dans la disparition certaine d’une éventualité favorable (Cass.1ère 21/11/2006, n°0515.674). Cela supposait en principe que soit rapportée la preuve que la chance perdue ait réellement existé. Dans la présente décision, une femme est décédée des suites des complications d’une grippe maligne. La faute du médecin, consistant dans un retard dans l’hospitalisation du patient est admise. Toutefois, les juges du fond estiment qu’il n’est pas possible de retenir que la faute du praticien a fait perdre une chance de survie à la patiente dans la mesure où il est extrêmement difficile de dire si l’évolution de la pathologie aurait été différente si l’hospitalisation était survenue plus tôt. De plus, si l’administration de l’antibiothérapie aurait été certes avancée, aucun élément médical ne permettait de dire que cela aurait évité la dégradation brutale de son état de santé et son décès puisque le syndrome respiratoire aigu dont elle est décédée n’a pu être déterminé. L’arrêt est cassé par la Cour de Cassation. Celle-ci énonce, que la perte de chance présente un caractère direct et certain, chaque fois qu’est constatée la disparition d’une éventualité favorable. Cela signifie que ni l’incertitude relative à la pathologie, ni l’indétermination de la cause du syndrome respiratoire ayant entra né le décès, n’étaient de nature à faire écarter le lien de causalité entre la faute commise par le médecin et la perte d’une chance de survie pour la patiente. Désormais, la Cour de Cassation se contente d’une simple probabilité de la disparition d’une éventualité favorable. [...] 14 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 1.0 // LES ENJEUX ET ÉVOLUTIONS DE NOTRE ENVIRONNEMENT Cet arrêt peut être rapproché d’une précédente décision du 28 janvier 2010 n°08-20.755. On peut noter la même évolution devant les juridictions administratives (Conseil d’État 26/05/2010 n°306354, 29/09/2010 n°323148, 17/01/2011 n°327429). On soulignera enfin que la Cour de Cassation abandonne dans cette décision le fondement contractuel de la responsabilité médicale (article 1147 C. civ.) issu de l’arrêt « Mercier » du 20/05/1936 pour se référer aux dispositions de l’article L 1142-1 I du Code de la Santé Publique, donnant ainsi une nature légale au régime de responsabilité médicale. Comme le souligne le rapport de la Cour de Cassation, la teneur de l’obligation du médecin n’en est pas modifiée. On se trouve toujours dans un régime de responsabilité pour faute, qui sera apprécié désormais au regard des dispositions de l’article L 1110-5 du Code de la Santé Publique. La Cour de Cassation juge que lorsque la preuve d’une infection nosocomiale est apportée, mais que celle-ci est susceptible d’avoir été contractée dans plusieurs établissements de santé, il appartient à chacun des établissements dont la responsabilité est recherchée, d’établir pour s’exonérer de sa responsabilité qu’il n’est pas à l’origine de l’infection. La victime qui rapporte la preuve d’une infection nosocomiale peut donc rechercher la responsabilité solidaire des établissements dans lesquelles elle a été hospitalisée. Il appartient à chacun de ces derniers de démontrer que l’infection n’a pas été contractée au cours de l’hospitalisation chez lui. À défaut, la répartition de l’indemnisation se fera entre l’ensemble des établissements qui n’auront pu s’exonérer de leur responsabilité. Par cet arrêt, la Cour de Cassation procède à un double revirement de jurisprudence en matière de réparation du dommage, résultant de la violation par le médecin de son obligation d’information. Jusqu’à lors, la Cour de Cassation estimait sur le fondement du contrat de soins passé avec le patient (article 1147 du Code Civil), que le défaut d’information du médecin ne pouvait donner lieu à l’indemnisation du patient, que s’il en résultait pour lui un préjudice consistant en la perte de chance d’éviter le risque qui s’est finalement réalisé (Cass. 1ère Civ. 7/02/1990 n°88-14797, Cass.1ère civ. 6/12/2007 n°06-19.301). Le patient ne pouvait pas obtenir d’indemnisation, s’il était établi qu’il n’existait pas d’autre alternative thérapeutique et que l’intervention était nécessaire. Cette solution écartait en outre l’indemnisation d’un préjudice moral d’impréparation. 17.06.10 Infection nosocomiale / Hospitalisation dans plusieurs établissements / Preuve / Moyens d’exonération Cour de Cassation, 1ère civ. 17 juin 2010 n°09-67.011 : lorsque la preuve de l’infection nosocomiale est rapportée, il appartient à chacun des établissements mis en cause de démontrer qu’il n’est pas l’origine de l’infection. 03.06.10 Obligation d’information / Obligation de réparation / Nature de la faute Cour de Cassation 1ère civ. 3 juin 2010 n°09-15591 : le non-respect de l’obligation d’information cause nécessairement au patient un préjudice que le juge ne peut légalement laisser sans réparation. Désormais, sur le fondement de l’article 16-3 du Code Civil (obligation légale de respecter l’être humain) et de l’article 1382 du Code Civil (responsabilité extra-contractuelle), la Cour de Cassation estime que « le non-respect du devoir d’information cause à celui auquel l’information était légalement due, un préjudice, qu’en vertu du dernier des textes susvisés (article 1382 C. Civ.), le juge ne peut laisser sans réparation ». Il en résulte que lorsqu’il est établi, le défaut d’information conduit systématiquement à l’indemnisation du patient au titre de la violation de ce droit. On soulignera que pour sa part, le Conseil d’État, qui indemnise le défaut d’information sur la base d’une perte de chance (CE 5/01/2000 n°181899), n’a jusqu’à présent pas fait évoluer sa jurisprudence (CE 2/07/2010 n°323885). PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 15 11.03.10 Indemnisation par la Solidarité Nationale / Caractère non subsidiaire / Partage aléa / Faute Cour de Cassation, 1ère civ. 11 mars 2010 n°09-11.270 : la reconnaissance d’une faute médicale n’exclut pas du bénéfice de la réparation au titre de la Solidarité Nationale, les préjudices ayant pour seule origine un accident médical non fautif. La Cour de Cassation juge qu’il résulte des dispositions combinées des articles L.1142-1 et L.1142-18 du CSP que ne peuvent être exclus du bénéfice de la réparation au titre de la Solidarité Nationale, les préjudices non indemnisés, ayant pour seule origine un accident non fautif. Ainsi, une Cour d’Appel ne pouvait rejeter la demande dirigée contre l’ONIAM et mettre celui-ci hors de cause en considérant que dès lors qu’une faute, quelle qu’elle soit, a été retenue à l’encontre d’un médecin, l’indemnisation doit rester à sa charge, l’obligation d’indemnisation au titre de la Solidarité Nationale n’étant que subsidiaire. La solution permet ainsi aux victimes d’être intégralement indemnisées lorsqu’une faute et un accident médical non fautif ont concouru au dommage du patient. Tel est le cas lorsque le défaut d’information a fait perdre au patient une chance d’éviter l’accident médical non fautif, qui est finalement survenu. Le Conseil d’État a également repris cette solution dans un arrêt du 30 mars 2011 (n°327669). Les juridictions pénales 03.11.10 Homicide involontaire / Lien de causalité / Perte de chance Cour de Cassation, Crim. 3 novembre 2010 n° 09-87.375 : la reconnaissance d’une perte de chance ne permet pas d’établir l’infraction d’homicide involontaire en l’absence d’un lien de causalité certain mais justifie civilement la réparation des préjudices subis 18.05.10 Mise en danger de la vie d’autrui / Non-respect des règles de sécurité Cour de Cassation, Crim. 18 mai 2010 n°09-83.032 et 29 juin 2010 n° 09-81.661 : de l’infraction de mise en danger dans la pratique des soins La Chambre Criminelle rappelle que des médecins ne peuvent pénalement être condamnés pour homicide involontaire, s’il n’est pas établi un lien de causalité certain entre les fautes qui leur sont reprochées et le décès du patient. La reconnaissance par les experts du fait que la faute a fait perdre une chance de survie au patient ne permet pas d’établir le caractère certain du lien de causalité. Toutefois, cette circonstance ne fait pas obstacle à ce que les ayants droit du patient soient indemnisés civilement, sur le fondement de l’article 470-1 du code de procédure pénale en raison de la disparition de cette éventualité favorable (cf. Cass.crim. 20/03/1996 n° 95-81168). L’article 223-1 du Code Pénal sanctionne d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende « le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures graves, par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou par le règlement ». Pour être constituée, cette infraction présente la particularité de ne pas impliquer la réalisation d’un préjudice corporel pour le plaignant. Cette incrimination implique en droit de la santé, d’apprécier l’objet et la portée des dispositions légales et réglementaires, notamment celles issues du Code de la Santé Publique, imposant aux praticiens le respect de certaines obligations. Jusqu’à présent, les juges étaient relativement réticents à reconnaître la qualification d’obligation particulière de sécurité, notamment s’agissant de certaines obligations déontologiques (Cass. Crim. 18/03/2008 n°07-83.067). Cette qualification est toutefois retenue dans les deux présentes affaires : l’une à l’encontre d’un chirurgien esthétique qui pratiquait ses interventions sans avoir recours à du personnel qualifié, au sens des dispositions de l’article 12 du décret du 11 février 2002 (désormais article R 4311-11 CSP), qui impose le recours à un infirmier titulaire du Diplôme d’État de bloc opératoire ; l’autre, à l’encontre d’un médecin qui réalisait des assistances médicales à la procréation, sans évaluation préalable d’une équipe pluridisciplinaire et sans un bilan clinique complet en contradiction avec les dispositions de l’article L.2141-1 du Code de la Santé Publique. 16 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 1.0 // LES ENJEUX ET ÉVOLUTIONS DE NOTRE ENVIRONNEMENT La Chambre Criminelle juge que la défaillance dans l’organisation du service des urgences d’un centre hospitalier, résultant de l’absence momentanée pour raison de santé d’un médecin sénior, en infraction avec le règlement intérieur de l’établissement qui impose la présence d’un médecin sénior dans chaque unité fonctionnelle de ce service, entretient un lien de causalité certain avec le décès d’une patiente qui n’a pu bénéficier d’un examen par ce médecin au cours de son hospitalisation. La présente décision est susceptible d’impacter le risque pénal des établissements de santé pour défaut d’organisation du service, jusqu’alors relativement épargnés. La Cour de Cassation confirme sa jurisprudence selon laquelle la responsabilité pénale de la personne morale n’est pas subordonnée à la caractérisation et à l’identification de la faute commise par « ses organes ou représentants », s’éloignant un peu plus du texte et de l’esprit de l’article L.121-2 du Code Pénal. 09.03.10 Responsabilité pénale des personnes morales / Faute commise par un organe ou représentant / Absence de médecin sénior aux urgences Cour de Cassation, Crim. 9 mars 2010, n°09-80543 : l’absence effective d’un médecin sénior au sein d’un service d’urgences, en infraction avec le règlement intérieur, engage la responsabilité pénale de l’établissement. S’agissant d’une personne morale, une faute simple suffit à engager la responsabilité pénale de l’établissement que celui-ci ait la qualité d’auteur direct ou indirect de l’infraction. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 17 Le périmètre de l’étude PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 19 2.0 Le périmètre de l’étude 2.1 Notion de réclamation En matière de Responsabilité Civile Médicale, les conditions de mise en œuvre de la garantie d’assurance sont définies par l’article L. 251-2 du Code des Assurances. Au titre de cet article, tout contrat d’assurance de Responsabilité Civile Médicale doit garantir l’assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres pour lesquels la première réclamation est formulée pendant la période de validité du contrat ou pendant une période subséquente. La garantie d’assurance est ainsi déclenchée par la réclamation de la victime quelle que soit la date du fait dommageable. La réclamation est légalement définie comme « toute demande en réparation amiable ou contentieuse et adressée à l’assuré ou à son assureur ». En cas de sinistre sériel, c’est-à-dire de faits dommageables successifs ayant la même cause technique (par exemple le dysfonctionnement d’un dispositif médical), les réclamations des victimes sont considérées par le Code des Assurances comme un sinistre unique qui sera imputé sur l’année de la première réclamation présentée par l’une des victimes. Dans le cadre du présent Panorama, seules ont été prises en compte, les réclamations de malades ou de leurs ayants droit mettant en cause la Responsabilité Civile Médicale des établissements de santé Sociétaires Sham et présentées au cours de l’exercice 2010, à l’exclusion de toutes déclarations d’incidents effectuées à titre conservatoire, c’est-à-dire celles adressées à Sham par un Sociétaire en l’absence de réclamation d’un patient. 2.2 Notion de coût des réclamations 2.2.1 Un délai important pour connaître le coût définitif d’une réclamation Il existe un décalage dans le temps entre la réclamation émanant d’un patient ou de ses ayants droit et le paiement de l’indemnisation du préjudice, si cette réclamation est juridiquement fondée. Un délai est nécessaire pour déterminer la responsabilité de l’établissement de santé. Une réclamation, lorsqu’elle est liée à un préjudice corporel, fait l’objet d’une expertise médicale qui doit répondre aux questions fondamentales de causalité, de faute et d’imputabilité des dommages : L’état du patient résulte-t-il des soins (médicaux ou infirmiers) qui lui ont été prodigués ? S’il existe un lien de causalité, les soins ont-ils été prodigués dans les règles de l’art ? Si oui, les dommages causés au patient relèvent-ils de l’aléa thérapeutique ? Dans le cas contraire, sont-ils liés à une faute ? S’il existe une faute dans les soins, quelle est la part des préjudices directement imputable à cette faute ? Quelle est la part relevant de l’état antérieur du patient ? La réponse à ces questions peut s’avérer extrêmement complexe et nécessiter des délais importants. [...] 20 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 2.0 // LE PÉRIMÈTRE DE L’ÉTUDE Un délai est nécessaire pour évaluer l’étendue des préjudices subis. Même lorsque la responsabilité de l’établissement de santé est établie, le montant de l’indemnisation ne peut être déterminé tant que l’état de la victime n’est pas consolidé. Par exemple, dans le cas d’une souffrance fœtale ayant entraîné des séquelles neurologiques graves sur un nouveau-né, le juge définit une indemnisation de l’enfant pendant la minorité et réserve la décision d’indemnisation définitive de la victime à sa majorité (indemnisation qui prendra la forme d’une rente viagère dans l’exemple cité). Pour Sham, il peut donc s’écouler, dans les cas les plus graves, une vingtaine d’années entre la connaissance du sinistre et la détermination précise de son coût. Même si les délais d’indemnisation des réclamations en Responsabilité Civile Médicale sont longs, l’engagement financier de l’assureur face à chaque nouvelle réclamation est bien réel et doit faire l’objet d’une évaluation. Cette évaluation se matérialise pour la mutuelle par la constitution dans ses comptes d’une provision pour sinistre à payer. 2.2.2 L es provisions sont une estimation du coût définitif des réclamations Sham, comme tout assureur, doit réglementairement évaluer le coût probable de toute nouvelle réclamation. Cette évaluation prend la forme d’une provision qui constitue une charge dans l’année où elle est constatée. Cette provision peut se traduire comme une comptabilisation « par anticipation » des engagements de paiement d’indemnités pour les années qui suivent la réclamation. Dans cette logique, les provisions constituées figurent au passif du bilan de Sham au même titre qu’une dette vis-à-vis d’un tiers. L’inscription des provisions dans les comptes des assureurs permet de garantir leur solvabilité vis-à-vis des assurés et des tiers, même si les indemnités sont allouées plusieurs années après la réclamation. Le coût de chaque réclamation est estimé dès l’enregistrement du dossier et connaît une évaluation de plus en plus exacte au fur et à mesure que les données médico-légales liées à cette réclamation (étendue de la responsabilité de l’établissement de santé, gravité du dommage) sont connues de la mutuelle. Sham, qui enregistre plusieurs milliers de réclamations chaque année, pallie l’imprécision de l’évaluation initiale de chaque dossier pris séparément par une mutualisation de l’ensemble des réclamations. L’évaluation globale des engagements au moment où les réclamations sont présentées doit alors être suffisante pour honorer les indemnisations à verser. Pour 100 réclamations en Responsabilité Civile Médicale présentées à Sham, 20 à 30 font l’objet d’une indemnisation alors que toutes ont été initialement évaluées. En revanche, les 20 à 30 % des réclamations qui, après instruction, donneront finalement lieu à indemnisation, auront un coût très supérieur à celui qui avait été initialement prévu. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 21 2.2.3 Les différentes catégories de provisions Les provisions pour sinistres à payer L’évaluation du coût des sinistres à payer comprend le montant des provisions calculées « dossier par dossier » pour tous les sinistres déclarés : Les provisions pour sinistres restant à payer : ces provisions sont une estimation des indemnités qui seront payées à l’issue de la procédure d’indemnisation (par voie amiable ou judiciaire). Les provisions pour des condamnations : ces provisions représentent les indemnités à verser suite à une condamnation en justice. Il s’agit principalement de l’évaluation des indemnisations à verser « à vie » aux victimes d’accidents médicaux les plus gravement touchées. L’analyse des réclamations de 2010 porte sur le nombre et le coût de ces réclamations. Le coût est composé des règlements déjà effectués et des provisions pour sinistres à payer. Les provisions réglementaires et prudentielles Sham constitue, en outre, pour chaque exercice, des provisions réglementaires et prudentielles destinées à faire face au risque que l’évaluation actuelle des sinistres se révèlent insuffisante dans le futur (évolutions jurisprudentielles…) ou représentant ses engagements dans la prise en charge des réclamations à venir au-delà de la durée contractuelle de ses contrats de Responsabilité Civile Médicale. Ces provisions servent notamment à couvrir les engagements de Sham sur la garantie subséquente de 5 années accordée après la résiliation du contrat de l’établissement de santé. Ces provisions ne sont pas incluses dans le coût des réclamations 2010. De l’évaluation initiale du dommage à son indemnisation 1 Au moment de la réclamation, le coût du sinistre est évalué forfaitairement sous forme de provisions. 100 réclamations (réclamations évaluées forfaitairement) 2 La somme des évaluations forfaitaires de chaque réclamation constitue l’évaluation des engagements de Sham par rapport aux bénéficiaires potentiels des indemnités à verser. 3 La connaissance par Sham du coût définitif de chaque sinistre s’établit suite à l’étude médicolégale de la réclamation, à la consolidation des préjudices et à la décision des juges (le cas échéant). Les préjudices les plus graves nécessitent un délai de plusieurs années. 5 Au final, sur 100 réclamations, 20 à 30 font l’objet d’une indemnisation avec un coût qui peut être largement supérieur à l’évaluation faite au moment de la réclamation. Les autres réclamations sont sans suite indemnitaire avec un coût limité aux frais d’expertise et de défense. 22 Évaluation des engagements au moment des réclamations Gestion des sinistres • Étude médico-légale • Faute, préjudice, lien de causalité • Procédure (amiable, contentieuse, CRCI) • Consolidation du préjudice corporel Connaissance du coût définitif des sinistres Sinistres indemnisés 20 à 30 sinistres PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 Réclamations sans suite indemnitaire 4 Même si l’anticipation du devenir de chaque réclamation est impossible, l’évaluation globale du coût des réclamations d’une année doit être suffisante pour honorer les indemnisations futures. 2.0 // LE PÉRIMÈTRE DE L’ÉTUDE Parole d’expert 2.3 Indice de fréquence Sabri BOUDRAMA Responsable Département Études et Actuariat Créé par Sham en 2005, l’indice de fréquence permet de mesurer l’évolution du nombre de réclamations en Responsabilité Civile Médicale. Cet indice permet, par un suivi semestriel, d’identifier les tendances de fond de l’évolution du risque médical. « Calculé selon l’indice Sham, la fréquence des réclamations continue de progresser à un rythme significatif. La montée en puissance du risk management dans les structures de santé, la sophistication croissante des interventions médicales, l’exigence de résultats chez les patients, les incitations des pouvoirs publics sont autant de facteurs déterminants dans l’évolution future de la fréquence des réclamations ». 2.3.1 Les caractéristiques de l’indice L’indice de fréquence mesure l’évolution du nombre des réclamations en Responsabilité Civile Médicale des établissements de santé MCO (Médecine Chirurgie Obstétrique) assurés par Sham. Il s’appuie sur les réclamations relatives aux sinistres corporels excluant les sinistres non significatifs en termes de coûts (chutes…) et constitue un historique sur plusieurs années. Cet indice est calculé à périmètre constant car les variations de la structure du sociétariat de Sham n’ont pas d’incidence sur l’évolution annuelle de l’indice. 2.3.2 Un contrôle indépendant de l’indice Afin que l’indice serve de référence en matière d’évolution du nombre des réclamations de Responsabilité Civile Médicale, il est analysé par un organisme indépendant de Sham, le cabinet PricewaterhouseCoopers. Ce cabinet 168 passe en revue la méthode de construction de l’indice, contrôle la construction des données utilisées, les calculs effectués pour chaque mise à jour de154 150 147 148 la valeur de l’indice et publie conjointement 141 à l’indice un rapport synthétique 142 139 138 134 des travaux réalisés. 127 162 162 154 156 155 165 150 125 118 118 113 109 180 2.3.3 La 104valeur 102 de l’indice 100 180 168 150 138 118 11 10 in ju dé 20 10 c. 20 09 20 20 n c. dé ju i 08 09 ju in 20 08 dé c. 20 07 ju in 20 07 dé c. 20 06 ju in 20 06 dé c. 20 05 ju in 20 05 dé c. 20 04 ju in 20 04 dé c. 20 03 20 20 in c. dé ju 02 03 ju in 20 02 dé c. 20 01 ju in 20 01 dé c. 20 00 in ju dé 20 00 c. 20 99 20 n c. dé ju i 99 98 ju in 19 98 19 19 c. in dé ju 165 102 19 104 100 148 139 162 154 156 125 118 113 109 150 147 141 142 134 127 162 154 155 11 10 ju in 20 10 dé c. 20 in ju 20 09 dé c. 20 08 09 20 in ju 08 dé c. 20 07 20 in ju 07 dé c. 20 06 20 in ju 06 dé c. 20 05 20 in ju 05 dé c. 20 04 20 in ju 04 dé c. 20 in ju 20 03 dé c. 20 02 03 20 in ju 02 dé c. 20 01 20 in ju 01 dé c. 20 00 20 in ju 00 dé c. 20 99 20 in ju 99 dé c. 19 98 19 ju in 19 c. dé ju in 19 98 Sur la période de juin 1998 à juin 2011, l’indice a augmenté de 80 points. Succédant à une courte période de stabilisation sur les années 2008 et 2009, l’indice montre que nous sommes de nouveau entrés dans une phase d’inflation du nombre des réclamations depuis 2010. La valeur enregistrée en juin 2011 (180) est le point haut atteint par l’indice. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 23 Les réclamations 2010 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 25 3.0 Les réclamations 2010 Cette étude dresse le tableau des réclamations présentées par les malades ou leurs ayants droit avant une éventuelle requalification médicale et/ou légale. 3.1 Réclamations liées à des préjudices corporels et matériels Nombre de réclamations Coût des réclamations Préjudices corporels 5 242 199,6 Me Préjudices matériels 6 965 2,4 Me Total dont MCO 12 207 10 218 202 Me 191 Me Répartition en nombre Parole d’expert Marie-Noëlle BOULLY Responsable Support Process Prestations « L’année 2010 confirme les tendances inflationnistes de l’assurance de Répartition en coût Préjudices matériels 57 % Préjudices matériels 1% Préjudices corporels 43 % Préjudices corporels 99 % Même si les réclamations pour préjudices matériels représentent une part importante des réclamations (57 %), elles ne représentent qu’une part minime des coûts (1 %). Les réclamations liées à des préjudices corporels constituent l’essentiel du risque financier des établissements de santé. Répartition en nombre par catégorie d’établissements Répartition en coût par catégorie d’établissements Non MCO 16 % Non MCO 5% MCO 84 % MCO 95 % responsabilité médicale engagées depuis plusieurs années. Sur le périmètre analysé dans ce Panorama, jamais auparavant le nombre total de réclamations enregistrées par Sham sur un an n’a été aussi élevé que ce soit en termes de fréquence ou en termes de coûts. » 26 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 3.0 // LES RÉCLAMATIONS 2010 3.2 R éclamations liées à des préjudices corporels par types de causes Nombre de réclamations Coût total des réclamations Causes médicales 4 695 189 Me Dispositifs médicaux et produits de santé 100 3,2 Me Vie hospitalière 447 7,4 Me Total 5 242 199,6 Me Répartition en nombre Répartition en coût Dispositifs médicaux et produits de santé 2 % Dispositifs médicaux et produits de santé 1 % Vie hospitalière 8 % Vie hospitalière 4 % Causes médicales 90 % Causes médicales 95 % La part des réclamations liées à des préjudices ayant une cause médicale (c’est-à-dire les réclamations consécutives à un acte de prescription, de diagnostic ou de soins) demeure toujours prépondérante dans la sinistralité 2010. Les réclamations mettant en cause un défaut imputable à des produits de santé (hors utilisation défectueuse d’un dispositif médical, ni prescription ou administration erronée d’un médicament) ou liées à des accidents de vie hospitalière (catégorie qui regroupe l’ensemble des réclamations liées à l’activité hospitalière autre que médicale) demeurent quant à elles, stables. 3.2.1 R éclamations mettant en cause des dispositifs médicaux ou des produits de santé Nombre de réclamations Dispositifs médicaux 46 Sang et dérivés sanguins 22 Autres produits de santé 32 Total 100 Répartition en nombre Sang et dérivés sanguins 22 % Autres produits de santé 32 % Dispositifs médicaux 46 % PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 27 Les réclamations consécutives à un dysfonctionnement ou un vice d’un dispositif médical tel que bistouri électrique, matériel de stérilisation, prothèse ou cathéter représentent la cause principale des préjudices de cette catégorie (46 %) pour la 2ème année consécutive. Les réclamations liées aux effets indésirables de médicaments ou d’autres produits de santé devancent pour la première fois en 2010 (32 %) les réclamations liées à des produits sanguins (22 %), hors celles imputables aux activités des centres de transfusion sanguine dont les établissements avaient anciennement la gestion. En 2009, les réclamations mettant en cause des produits de santé étaient au nombre de 132. En 2010, ce chiffre est passé à 100. Cela s’explique par le fait que l’année écoulée a vu les réclamations mettant en cause des produits de santé, sang et dérivés sanguins diminuer de plus de moitié. Il faut attribuer ce constat, notamment au décret 2010-251 du 11 mars 2010 pris pour l’application de l’art. 67 de la loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2009, qui a transféré l’indemnisation des victimes d’hépatites C transfusionelles de l’Établissement Français du Sang à l’ONIAM. 3.2.2 Réclamations liées à des accidents de vie hospitalière Nombre de réclamations “ Les chutes représentent la part la plus importante des réclamations : 68 %. ” 28 Répartition en nombre Erreurs administratives 5% Suicides ou tentatives 4% Chutes 304 Accidents de la vie courante 37 Fugues, évasions 3% Installations 23 Installations 5% Erreurs administratives 22 Suicides (ou tentatives) Accidents de la vie courante 8% 15 Fugues, évasions 15 Autres 31 Total 447 Chutes 68 % Autres 7% Les chutes qui représentent la plus grosse part des réclamations recouvrent des situations différentes telles que des levers intempestifs des patients, des glissades sur sol mouillé avec ou sans signalisation… Une étude plus approfondie permet de mettre en évidence, que plus de la moitié des réclamations concernent des patients âgés de moins de 40 ans. Par ailleurs, les fugues, suicides et tentatives de suicide concernent en grande majorité les services de psychiatrie. Il en va de même pour les erreurs administratives qui résultent essentiellement d’un non-respect du formalisme des hospitalisations sur demande d’un tiers. Enfin, il faut entendre par « installations » les accidents résultant de défauts d’entretien et de réparation des immeubles, tels que la défectuosité des ascenseurs… PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 3.0 // LES RÉCLAMATIONS 2010 3.2.3 Réclamations liées à des accidents corporels de causes médicales Nombre de réclamations Répartition en nombre Divers 1% Information / Consentement 1% Soins 51 % Infection 19 % Soins 2 414 Infection 902 Intubation 464 Erreur ou retard de diagnostic 448 Intubation 10 % Procréation / Obstétrique 187 Anesthésie 2% Anesthésie 110 Examen de diagnostic 46 Information / Consentement 44 Prescription 26 Divers 54 Total 4 695 Prescription 1% Examen de diagnostic 1% L’erreur dans les soins regroupe les erreurs chirurgicales, médicales et para-médicales. Procréation / Obstétrique 4% Diagnostic 10 % La répartition de ces réclamations par type de cause est stable par rapport à 2009. Ce sont les réclamations mettant en cause la réalisation des soins infirmiers, médicaux et chirurgicaux qui sont les plus importants. La proportion des réclamations consécutives à une infection nosocomiale (19 %) est comparable à 2009. Il en va de même pour celles relatives à une intubation qui représentent 10 % des réclamations enregistrées. Les réclamations consécutives à des actes d’obstétrique représentent 4 % des réclamations, comme les années précédentes, mais pèsent lourdement sur la charge de la sinistralité. En effet, un enfant lourdement handicapé à la suite d’une faute médicale devra bénéficier d’une prise en charge importante tout au long de sa vie, et par voie de conséquence, onéreuse. Les réclamations liées à des accidents de causes médicales représentent 89 % de l’ensemble des réclamations liées à des préjudices corporels. Elles constituent le cœur de la sinistralité en Responsabilité Civile Médicale. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 29 3.3 Spécialités concernées par les réclamations liées à des accidents corporels de causes médicales Les spécialités chirurgicales sont toujours les premières disciplines mises en cause avec 67 % des réclamations. Spécialité Nombre de réclamations Services de chirurgie 3 159 Services d'urgences 599 Services de médecine 530 Services de réanimation 100 Autres services 93 Non communiqué 214 Total 4 695 Répartition en nombre Services de médecine 11 % Services de réanimation 2% Services d’urgences 13 % Autres services 7% Services de chirurgie 67 % Comme en 2009, les réclamations mettant en cause les services médicaux d’urgences et de réanimation (13 et 2 %) sont plus nombreuses que celles concernant les spécialités médicales (11 %). Ce constat s’explique aisément dans la mesure où les services d’urgences, souvent appelés « la porte », enregistrent un nombre de passages journaliers important. Le nombre d’admissions dans ces services est de ce fait supérieur aux autres services. Le Panorama de l’année 2009 a consacré un dossier complet sur l’étude de la sinistralité de cette spécialité. Les autres services représentent 7 % des réclamations. Ils ne seront pas étudiés dans le cadre de ce Panorama. 3.3.1 Services d’urgences et de réanimation 30 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 Répartition en nombre Spécialité Nombre de réclamations Urgences 587 Réanimation 13 % Réanimation 90 SAMU-SMUR 2% SAMU-SMUR 13 Réanimation néonatale 9 Réanimation néonatale 1% Total 699 Urgences 84 % 3.0 // LES RÉCLAMATIONS 2010 3.3.2 Services de médecine Spécialité Nombre de réclamations Répartition en nombre Autres 41 % Psychatrie 8% Hépato-gastroentérologie 66 Cardiologie 59 Cancérologie ou oncologie 57 Pédiatrie et néonatologie 9% Pédiatrie et néonatologie 49 Hépato-gastroentérologie 12 % Neurologie 43 Psychiatrie 40 Autres* 216 Total 530 Cardiologie 11 % Neurologie 8% L’ensemble des répartitions entre les différentes spécialités est comparable aux années précédentes. Cancérologie ou oncologie 11 % * Par autres services de médecine, il faut entendre notamment : les services de pneumologie, de médecine interne, de gériatrie, d’hématologie, de rééducation fonctionnelle. 3.3.3 Services de chirurgie Spécialité Nombre de réclamations Orthopédie 1 152 Chirurgie viscérale 309 Obstétrique 291 Gynécologie 240 Neurochirurgie 202 Cardio-chirurgie (chirurgie thoracique) 122 Autres* 843 Total 3 159 Répartition en nombre Obstétrique 9% Chirurgie viscérale 10 % Gynécologie 8% Neurochirurgie 6% Orthopédie 36 % Cardio-chirurgie (chirurgie thoracique) 4% Autres 27 % * Par autres services de chirurgie, il faut entendre notamment : la chirurgie générale, les services d’ophtalmologie, d’ORL, les services d’urologie… L’orthopédie est toujours la première spécialité mise en cause et représente 36 % des réclamations. En effet, cette spécialité a, par nature et malgré une politique active de lutte contre les infections, un risque infectieux important dû notamment aux poses et déposes de matériels. Cela ne signifie pas pour autant que l’origine nosocomiale de l’infection soit retenue in fine. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 31 4.0 Le recours aux CRCI* en 2010 * Commissions Régionales de Conciliation et d’Indemnisation PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 33 4.0 Le recours aux CRCI en 2010 Les Commissions Régionales de Conciliation et d’Indemnisation (CRCI) constituent un apport important de la loi du 4 mars 2002 dans leur formation en indemnisation où elles font la preuve de leur efficacité. Regroupées sur le plan administratif en pôles inter-régionaux, les CRCI sont présidées par un magistrat et sont composées de : représentants des usagers du système de santé, représentants des professionnels de santé, représentants d’établissements de santé, représentants de l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM), représentants des entreprises d’assurances, personnes qualifiées en matière de responsabilité civile ou de réparation du préjudice corporel. Les CRCI peuvent être saisies par toute personne qui s’estime victime d’un accident médical sous réserve que les préjudices invoqués dépassent un certain seuil de gravité fixé par voie réglementaire (art. D.1142-1 du Code de la Santé Publique modifié par le décret du 19 janvier 2011), c’est-à-dire : une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieure à 24 %, ou, un arrêt temporaire des activités professionnelles pendant une durée au moins égale à 6 mois consécutifs, ou à 6 mois non consécutifs sur une période de 12 mois, ou, sur la même période, des gênes temporaires constitutives d’un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %, à titre exceptionnel, lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l’activité professionnelle qu’elle exerçait avant la survenue de l’accident médical, ou lorsque celui-ci occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans ses conditions d’existence. Le système mis en place a pour objet de parvenir, le cas échéant, à une indemnisation rapide du malade : Les CRCI disposent de 6 mois à compter de leur saisine pour rendre un avis sur les circonstances, les causes, l’étendue ainsi que sur le régime d’indemnisation applicable (prise en charge par l’assureur du professionnel ou de l’établissement de santé en cas de reconnaissance de sa responsabilité, ou par l’ONIAM en cas d’aléa) ; en cas de mise en jeu de la responsabilité du professionnel ou de l’établissement de santé, l’assureur dispose d’un délai de 4 mois pour faire une proposition d’indemnisation à la victime. L’acceptation de l’offre par la victime vaut transaction. En cas d’offre manifestement insuffisante, le juge, saisi par la victime, peut condamner l’assureur à verser à l’ONIAM une pénalité pouvant aller jusqu’à 15 % de l’indemnité allouée ; en cas de silence ou de refus explicite de l’assureur de faire une offre d’indemnisation, l’ONIAM se substituera à lui pour indemniser la victime. Dans le cadre du recours de l’ONIAM contre l’assureur, le juge compétent pourra condamner ce dernier à une pénalité pouvant aller jusqu’à 15 % de l’indemnité qu’il fixe, s’il estime que le refus d’indemnisation de l’assureur était injustifié. 34 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 4.0 // LA GESTION PAR LES CRCI EN 2010 4.1 Les saisines Parole d’expert Évolution du nombre de réclamations CRCI pour les établissements de santé assurés par Sham Sur l’exercice 2010, 2 172 saisines CRCI ont concerné un assuré Sham, en augmentation de plus de 20 % par rapport à 2009, qui avait marqué une stabilisation du nombre annuel de saisines CRCI sur les trois précédents exercices. Ces données peuvent être rapprochées de celles fournies par l’ONIAM dans son rapport d’activité 2010 qui mentionne pour l’exercice un total de 4 117 dossiers entrés, en augmentation de 14 % après trois années de relative stagnation. La comparaison des données publiées par l’ONIAM et celles de Sham, sous réserve que les critères de comptabilisation soient identiques, met également en évidence que plus d’un dossier géré par l’ONIAM sur deux impliquerait un assuré Sham. Déclaration de sinistres corporels suite à la saisine d’une CRCI 2010 « Plus du tiers des sinistres corporels déclarés par les assurés Sham en 2010 est issu de la saisine d’une CRCI par un malade ou un ayant droit. Ce constat confirme, s’il fallait encore le démontrer, la place essentielle prise depuis quelques années par cette voie originale de résolution des conflits en matière de dommages corporels subis par les patients. » 2 172 2009 1 782 2008 1 789 2007 1 799 2006 1 279 2005 1 425 2004 1 347 2003 2002 Michel GERMOND Directeur 496 3 Nombre de saisines CRCI Évolution de la part des saisines CRCI dans les réclamations En 2010, le dispositif CRCI draine près de 4 demandes indemnitaires sur 10 (38 %) présentées par des malades ou par leurs ayants droit aux établissements de santé assurés par Sham. Jamais cette proportion n’avait été aussi élevée. Peu à peu les CRCI s’affirment comme une voie normale pour régler les accidents de responsabilité médicale. Sans devenir pour autant le vecteur privilégié de l’indemnisation des accidents médicaux, le passage croissant en CRCI contredit ceux qui relèvent depuis plusieurs années une « judiciarisation » de la responsabilité médicale. Mais, le recours aux CRCI ne met pas nécessairement le juge en dehors du débat, les juridictions compétentes pouvant toujours être saisies, notamment après que les CRCI aient rendu leurs avis. “ Peu à peu les CRCI s’affirment comme une voie normale pour régler les accidents de responsabilité médicale. ” Part relative des saisines CRCI pour l’ensemble des sinistres corporels déclarés à Sham 2010 2009 38 % 35 % 2008 32 % 2007 32 % 2006 26 % 62 % 65 % 68 % 68 % 74 % Autres voies de réclamation Saisines CRCI PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 35 4.2 Les avis CRCI Les avis rendus par les CRCI font le plus souvent suite à une expertise médicale, collégiale ou non, mais toujours contradictoire, lors de laquelle toutes les parties concernées ont pu présenter aux experts leur point de vue et leurs arguments. La discussion peut ensuite se poursuivre lors de la réunion de la CRCI, le malade, le professionnel de santé ou l’établissement concerné pouvant être présents ou représentés, notamment pour répondre aux éventuelles questions des membres de la CRCI. Dans les deux graphiques qui suivent, nous retraçons volontairement le résultat de l’activité des CRCI sous l’angle de vision de l’établissement concerné et de Sham qui l’assure en RC, et non de l’indemnisation de la victime. Ils montrent l’évolution du nombre total d’avis rendus par les CRCI au cours de l’année 2010, impliquant un assuré Sham, et la part de ceux qui ont conclu à la responsabilité de ce dernier. Au cours de l’année dernière, 1 838 avis concernant un assuré Sham ont été rendus, contre 1 892 au cours de l’exercice précédent, soit une légère diminution. Ces avis concernent des dossiers ouverts tant en 2010 qu’au cours des années précédentes. Répartition des avis en fonction de la responsabilité des établissements assurés par Sham 2010 2009 2008 2007 2006 1 533 305 1 624 268 1 307 232 230 203 2010 2009 2008 979 932 Absence de responsabilité Responsabilité La part des avis mettant une indemnisation (ou une partie de l’indemnisation) à la charge de Sham est de 17 % en 2010. Répartition en % des avis favorables et défavorables aux assurés Sham 17 % 14 % 15 % 2007 19 % 2006 18 % 83 % 86 % 85 % 81 % 82 % Avis favorables aux assurés Sham Avis défavorables aux assurés Sham La proportion d’avis mettant une indemnisation à la charge de Sham est très stable dans le temps. Il s’agit des affaires dans lesquelles la responsabilité de l’établissement de santé est engagée en raison d’une faute (ou d’infections nosocomiales n’ayant pas entraîné le décès de la victime ou une incapacité permanente supérieure à 25 %). Fondement des avis rendus par les CRCI en 2010 Absence de faute ou d’aléa 36 % Sham 13 % Partage RC 4% ONIAM 15 % Rejet (incompétence ou irrecevabilité) 26 % 36 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 Autres 6% Au-delà du constat ci-dessus qui pourrait hâtivement conduire à la conclusion que peu de victimes sont indemnisées, il convient de rechercher, avec le fondement des avis rendus, comment se répartissent en 2010 les avis rendus par les CRCI impliquant les assurés de Sham. 4.0 // LA GESTION PAR LES CRCI EN 2010 Tout d’abord, pour 26 % de ces avis, la demande d’indemnisation a été déclarée irrecevable. Deux raisons sont à distinguer : s oit l’accident médical en cause portait sur un acte de prévention, de diagnostic ou de soins antérieur au 5 septembre 2001, point de départ de l’application du dispositif issu de la loi du 4 mars 2002 ; s oit le seuil de gravité du préjudice définissant la compétence de la CRCI n’était pas atteint (cas les plus nombreux). Cette irrecevabilité n’implique pas une absence d’indemnisation définitive du malade, celui-ci pouvant faire valoir sa réclamation à l’amiable, ou devant la juridiction compétente. Dans 36 % des avis, la demande d’indemnisation a fait l’objet d’un rejet par la CRCI, car le dommage allégué, bien que dépassant le seuil de gravité : e mettait pas en cause la responsabilité civile de l’établissement de santé n (absence de faute) et donc de son assureur ; e constituait pas pour autant, en l’absence de responsabilité de l’établisn sement, un accident thérapeutique au sens de la loi, le préjudice allégué résultant de l’évolution prévisible de l’état de santé du patient ou d’une complication possible de l’affection ou de son traitement. Au total, 32 % de ces avis ont statué en faveur de l’indemnisation du demandeur (contre 30 % en 2009), se répartissant ainsi : 7 % à la charge de Sham (contre 14 % en 2009), soit en raison d’une respon1 sabilité civile totale de l’établissement de santé (13 % des avis), soit d’une responsabilité partagée avec un autre acteur de santé, soit en concours avec l’ONIAM au titre d’un accident ayant pour partie un caractère aléatoire (4 % des avis) ; “ Dans 36 % des avis, la demande d’indemnisation a fait l’objet d’un rejet au fond par la CRCI. ” 5 % à la charge exclusive de l’ONIAM, c’est-à-dire de la Solidarité Nationale 1 (contre 16 % en 2009), au titre d’un accident médical non fautif au sens de l’article 1142-1-II du Code de la Santé Publique (aléa thérapeutique), ou d’une infection nosocomiale ayant entraîné le décès de la victime ou une incapacité permanente supérieure à 25 %. Enfin, 6 % des avis portaient sur une autre décision : désignation d’un nouvel expert, demande de complément d’expertise, etc. Sur les 305 avis reçus par Sham en 2010 concluant à la mise en jeu de la responsabilité de ses assurés, plus de 75 % ont donné lieu à une offre indemnitaire aux patients victimes. Dans les autres cas Sham n’a pas proposé d’indemnisation, sa position étant le plus souvent justifiée : ar le fait que la CRCI n’avait pas suivi l’avis de son ou ses experts dont p les conclusions du rapport étaient pourtant favorables à l’établissement assuré ; n raison d’un désaccord formel de l’établissement ou de Sham sur les e mesures expertales, portant sur la responsabilité de l’accident ou sur le préjudice corporel imputable à l’acte litigieux. “ Plus de 75 % des avis CRCI reçus par Sham en 2010 concluant à la responsabilité de ses assurés ont donné lieu à une offre indemnitaire aux patients victimes. ” En cas d’absence d’offre indemnitaire, Sham en informe la CRCI concernée et l’ONIAM pour lui permettre de se substituer éventuellement à elle auprès du malade. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 37 5.0 Les dossiers clos en 2010 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 39 5.0 Les dossiers clos en 2010 Parole d’expert Françoise PEREZ Responsable Support Indemnitaire et Réassurance « Sham continue de privilégier la Sont considérés comme dossiers clos, les dossiers ayant fait l’objet au cours de l’exercice : soit d’un règlement par voie judiciaire retenant ou rejetant la responsabilité de l’établissement, soit d’un règlement amiable, soit d’une réclamation amiable non admise ou d’une absence de poursuite de la part du plaignant. voie amiable pour gérer les réclamations qui lui sont présentées. Dans plus de 9 dossiers sur 10 Les dossiers clos en 2010 peuvent être issus de réclamations présentées en 2010 ou au cours d’exercices antérieurs. la position défendue par Sham (règlement amiable, absence de responsabilité de l’assuré…) se trouve confirmée à l’issue de la gestion du sinistre. » 5.1 Dossiers corporels et matériels clos Répartition en nombre : 11 700 Réclamation amiable, non admise, absence de poursuite 56 % Contentieux sans responsabilité 4% Contentieux avec responsabilité 3% Règlements amiables 37 % Au cours de l’exercice 2010, 11 700 dossiers corporels et matériels ont été clôturés, en diminution de 0,5 % par rapport à 2009. Dans 56 % des cas, les dossiers n’ont donné lieu à aucune suite indemnitaire. 37 % des dossiers ont été clôturés à la suite d’un règlement amiable. Le recours à la voie contentieuse a concerné 7 % des dossiers clôturés, en diminution de 22 % par rapport à 2009. 5.2 Dossiers corporels clos Répartition en nombre : 4 896 Réclamation amiable non admise, absence de poursuite 69 % Contentieux sans responsabilité 10 % Contentieux avec responsabilité 8% Règlements amiables 13 % 40 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 4 896 dossiers corporels ont été clôturés au cours de l’année. Dans 69 % des cas, les dossiers n’ont donné lieu à aucune suite, le plaignant ayant abandonné sa réclamation au cours de l’instruction de celle-ci ou n’ayant donné aucune suite judiciaire au refus de prise en charge notifié par Sham. Dans 10 % des cas, la demande d’indemnisation a été rejetée par la juridiction saisie par le requérant. Au final, 21 % des dossiers ont donné lieu à indemnisation, 13 % à la suite d’un règlement amiable et 8 % par la voie contentieuse. 5.3 Dossiers corporels et matériels clos ayant donné lieu à un règlement amiable ou judiciaire Répartition en nombre : 5 170 Règlements amiables 82,6 % Contentieux sans responsabilité 9,6 % Contentieux avec responsabilité 7,8 % “ Parmi les 5 170 dossiers corporels et matériels qui ont fait l’objet d’une issue amiable ou judiciaire, près de 83 % d’entre eux ont été réglés par voie amiable et 17,4 % par voie contentieuse. 83 % des dossiers ont été réglés par voie amiable en 2010. ” 5.4 Dossiers corporels clos ayant donné lieu à un règlement amiable ou judiciaire Répartition en nombre : 1 533 Règlements amiables 41,4 % Contentieux sans responsabilité 32,2 % Contentieux avec responsabilité 26,4 % Au cours de l’exercice, 1 533 dossiers corporels ont fait l’objet d’une issue amiable ou judiciaire. Les règlements par voie amiable représentent 41,4 % du total, contre 58,6 % par la voie contentieuse. 5.5 Montants d’indemnisation des dossiers corporels et matériels clos 4 199 indemnisations inférieures 476 indemnisations supérieures à 15 000 € à 15 000 € Règlements amiables 98 % Règlements amiables 29 % Contentieux avec responsabilité 2% Contentieux avec responsabilité 71 % PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 41 41 6.0 Bilan de l’activité contentieuse PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 43 6.0 Bilan de l’activité contentieuse Parole d’expert 6.1 Données générales Patrick FLAVIN Directeur juridique « Après le pic observé en 2009, le nombre de décisions constatées au cours de l’exercice 2010 revient à un niveau plus habituel, même s’il demeure toujours très important. La proportion entre les décisions retenant la responsabi- Au cours de l’année 2010, Sham a recensé 898 décisions des juridictions administratives et judicaires statuant sur le droit à indemnisation du requérant. Ce nombre est en baisse par rapport à 2009 (- 12 %) mais démontre une activité judiciaire toujours soutenue. La répartition entre les décisions, juridictions administratives et civiles confondues, retenant la responsabilité de nos sociétaires (45 %) et celles les mettant hors de cause (55 %), demeure stable. Évolution du nombre de décisions des juridictions administratives et judiciaires Répartition des décisions des juridictions administratives et judiciaires : 898 lité de nos Sociétaires et celles les mettant hors de cause demeure 2010 stable. Le niveau des indemnisa- 2009 tions allouées reste très élevé. » 2008 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 2000 1999 404 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 898 553 356 1 021 468 447 803 449 876 427 470 899 429 387 367 754 370 398 768 349 654 305 284 487 203 214 382 168 201 359 158 184 326 142 Absence de responsabilité Responsabilité 44 494 Responsabilité 45 % Absence de responsabilité 55 % 6.0 // BILAN DE L’ACTIVITÉ CONTENTIEUSE 6.2 Décisions des juridictions administratives 6.2.1 Évolution Évolution du nombre de décisions des juridictions administratives 2010 2009 2008 2007 2006 2005 2004 2003 2002 2001 2000 1999 424 770 346 495 898 403 389 682 293 393 726 333 423 796 373 343 637 294 332 330 662 325 571 246 258 426 168 190 333 143 184 316 132 164 296 132 Absence de responsabilité Responsabilité Après avoir atteint un niveau record en 2009 (898 décisions), le nombre de décisions rendues par les juridictions administratives, bien qu’en baisse (770 décisions, soit une diminution de 14 %), demeure néanmoins à un niveau important. Évolution du coût moyen (en euros) des condamnations des juridictions administratives au 31 décembre de l’année de décision 2010 194 010 2009 232 439 2008 178 600 2007 179 000 2006 2005 2004 2003 Répartition des décisions des juridictions administratives : 770 Responsabilité 45 % 218 200 180 800 133 000 146 200 Absence de responsabilité 55 % Le coût moyen des indemnités allouées par les juridictions administratives reste élevé (194 010 €). La variation du coût moyen des affaires jugées chaque année illustre la grande volatilité de l’assurance de responsabilité médicale dont le résultat d’un exercice dépend souvent de l’issue de quelques dossiers lourds, comportant des condamnations pécuniaires importantes. La répartition des décisions entre celles retenant la responsabilité des établissements hospitaliers (45 %) et celles n’en retenant pas (55 %) est similaire aux années précédentes. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 45 6.2.2 F ondement des décisions Décisions n’ayant pas retenu la responsabilité de l’établissement public de santé sociétaire Motif Nombre de décisions 349 Absence de faute médicale ou d’organisation du service Irrecevabilité de la requête ou incompétence de la juridiction administrative 27 Désistement du requérant, en général, à la suite d’un rapport d’expertise favorable à l’établissement hospitalier 27 Forclusion du délai de recours 11 Prescription de l’action en responsabilité* * Il s’agit pour la plupart des cas d’actions déjà atteintes par la prescription quadriennale lors de la publication de la loi du 4 mars 2002. Désormais, l’article L 1142-28 C.S.P prévoit un délai de prescription de 10 ans à compter de la consolidation du dommage pour les actions mettant en cause un acte de prévention, de diagnostic ou de soins. 10 Total 424 Décisions ayant retenu la responsabilité de l’établissement public sociétaire Motif Nombre de décisions Existence d’une faute dans les soins (faute de diagnostic, technique, défaut d’information du patient,…) 206 Responsabilité sans faute* * Il s’agit essentiellement de décisions retenant la responsabilité de l’établissement en raison de la survenue d’une infection nosocomiale et dans une moindre proportion de dommages consécutifs à un vice ou à l’utilisation d’un dispositif ou produit de santé. Pour quelques décisions, il s’agit des derniers cas d’application de la jurisprudence « Bianchi » qui admettait la responsabilité sans faute d’un hôpital en cas de survenance d’un risque exceptionnel au cours des soins entraînant un préjudice d’une extrême gravité. 70 Défaut d’organisation du service (retard dans les soins, manque de coordination entre les services, défaut de surveillance du patient…) 59 Autres cas 11 Total 346 6.2.3 R ecours engagés Au cours de l’année, on recense 326 recours engagés à l’encontre des décisions rendues par les juridictions administratives. Nombre de recours Recours Engagés par les requérants n’ayant pas obtenu satisfaction, soit sur le principe de la responsabilité, soit sur l’évaluation de leur préjudice Engagés par Sham Total 1 2 46 Appels devant une Cour Administrative d’Appel Pourvois en Cassation devant le Conseil d’État PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 Dont Appels1 Pourvois2 249 228 21 77 67 10 326 295 31 6.0 // BILAN DE L’ACTIVITÉ CONTENTIEUSE 6.3 Décisions des juridictions judiciaires Les données mentionnées au titre du présent paragraphe concernent l’ensemble des établissements de santé privés, à but non lucratif ou commerciaux, sociétaires Sham. Le coût moyen des décisions des juridictions judiciaires et son évolution dans le temps ne sont pas présentés ici. En effet, un tel indicateur souffrirait de deux critiques essentielles : d’une part, les décisions des juridictions judiciaires recouvrent des situations très différentes selon qu’elles concernent des cliniques (dans lesquelles les médecins exercent principalement à titre libéral, et sont personnellement responsables de leurs actes) ou des établissements privés à but non lucratif (dans lesquels les médecins sont en grande majorité des salariés et dont les actes engagent la responsabilité de l’établissement) : le coût moyen calculé dans ce cas est fortement perturbé par la structure du portefeuille assuré par Sham ; d’autre part, une large part du portefeuille Sham dans ces secteurs est encore récente. Cela se traduit par un nombre non représentatif de sinistres enregistrés et par un manque de recul sur les dossiers relevant de ces juridictions au regard des délais importants inhérents à l’assurance de la Responsabilité Civile Médicale. 6.3.1 Évolution Évolution du nombre de décisions des juridictions judiciaires 70 128 58 58 65 123 58 65 123 56 94 2010 2009 2008 2007 47 2006 2005 2002 26 2001 24 25 1999 68 24 2003 59 35 Responsabilité 45 % 150 103 73 38 2004 2000 56 44 Répartition des décisions des juridictions judiciaires : 128 117 106 Absence de responsabilité 55 % 83 61 49 17 10 26 43 20 30 Absence de responsabilité Responsabilité En 2010, le nombre de décisions rendues par les juridictions civiles concernant des établissements sociétaires (128) est quasi identique à celui de 2009 (123). La part des décisions retenant la responsabilité d’un établissement est en baisse (45 %) notamment en raison de la diminution du nombre des condamnations retenant l’existence d’une faute de l’établissement. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 47 6.3.2 Fondement des décisions Décisions n’ayant pas retenu la responsabilité de l’établissement de santé privé sociétaire Motif Nombre de décisions 62 Absence de faute Désistement 4 Prescription 1 Incompétence 1 Autres cas 2 Total 70 Décisions ayant retenu la responsabilité de l’établissement de santé privé sociétaire Motif Nombre de décisions Décision reconnaissant l’existence d’une faute dans les soins (contre 38 en 2009) 17 Décision retenant la responsabilité sans faute d’un établissement de santé, essentiellement en raison de la survenue d’une infection nosocomiale 33 Total 50 6.4 Classification par spécialité des décisions ayant retenu une responsabilité à l’encontre des établissements de santé Nombre de décisions Coût Chirurgie 220 25,9 Me Médecine 68 19,5 Me Urgences-Samu 68 7,9 Me Obstétrique 43 45,5 Me 5 0,1 Me 404 98,9 Me Autres Total 48 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 6.0 // BILAN DE L’ACTIVITÉ CONTENTIEUSE Nombre de décisions par spécialité Coût des décisions par spécialité Chirurgie 54,5 % Médecine 16,8 % Obstétrique 10,7 % Obstétrique 46 % Urgences - SAMU Réanimation 8% Autres 0,1 % Urgences - SAMU 16,8 % Chirurgie 26,2 % Autres 1,2 % Médecine 19,7 % 6.5 Origine des décisions par spécialité 6.5.1 Chirurgie Origines des condamnations Nombre de décisions Infection nosocomiale 49 Faute médicale 36 Chirurgie orthopédique Défaut d’organisation 8 Défaut d’information 1 Faute médicale Chirurgie viscérale Infection nosocomiale Défaut d’organisation (oubli de compresse) Faute médicale Infection nosocomiale Chirurgie gynécologique Défaut d’organisation (oubli de de corps étranger) Défaut d’information Responsabilité sans faute (problème de transfusion) 94 22 6 30 2 16 4 3 27 2 2 Infection nosocomiale 9 Faute médicale 6 Défaut d’organisation 2 Défaut d’information 2 Neurochirurgie 19 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 49 Origines des condamnations Nombre de décisions Infection nosocomiale 6 Faute médicale 3 Défaut d’organisation 2 12 Chirurgie cardiothoracique Responsabilité sans faute (problème de transfusion) Chirurgie urologique Infection nosocomiale 4 Faute médicale 4 Défaut d’organisation (dont une chute + un oubli de compresse) Faute médicale (dont une erreur de technique opératoire) Chirurgie ORL 4 1 Défaut d’organisation 1 Défaut d’organisation 1 (suicide) Infection nosocomiale et défaut d’information 1 Infection nosocomiale 4 Défaut d’information 1 Infection nosocomiale 3 Chirurgie ophtalmologique Faute médicale (dont 1 erreur de diagnostic anatomopathologique) 2 Infection nosocomiale 2 Malposition opératoire 1 Faute médicale 1 Infection nosocomiale 1 Défaut d’information 1 Chirurgie esthétique Chirurgie stomatologique Chirurgie pédiatrique Faute médicale 1 (résultat inesthétique) Total 50 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 6 3 (erreur et retard de diagnostic) Chirurgie vasculaire 10 2 Infection nosocomiale Faute médicale Chirurgie générale 1 5 5 5 3 3 1 220 6.0 // BILAN DE L’ACTIVITÉ CONTENTIEUSE Origines des infections nosocomiales de la chirurgie orthopédique 1 réinsertion de la coiffe des rotateurs 1 fracture de l’épaule 1 mise en place d’une butée d’épaule 9 prothèse totale de hanche 2 fracture du coude 1 prothèse du col du fémur 2 fracture du poignet 1 arthrodèse du doigt 2 fracture du fémur 2 ligamentoplastie du genou 1 arthrotomie du genou 2 fracture du genou 6 prothèse totale du genou 1 arthroscopie du genou 1 arthrodèse du tibia 1 aponévrotomie du tibia 5 fracture du tibia 1 ostéotomie de valgisation sur tibia 3 intervention pour hallux valgus 4 fracture de la cheville 1 fracture du métatarse 1 arthrodèse du pied Total 49 6.5.2 Obstétrique Origines des condamnations Nombre de décisions Suivi de la grossesse (absence de diagnostic d’une malformation…) Faute médicale 24 Accouchement (réalisation de l’épisiotomie, lésion de l’enfant lors de l’utilisation de forceps, oubli de restes placentaires) Retard de césarienne Défaut d’organisation Survenue de dystocie des épaules 19 Oubli de corps étranger Total 43 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 51 6.5.3 Médecine Spécialités Origines des condamnations Annulation d’une mesure d’hospitalisation d’office ou sur demande d’un tiers Psychatrie Défaut de surveillance (suicide, agression, incendie) Faute médicale (dont 1 au titre d’une atteinte au secret professionnel) Nombre de décisions 8 4 3 1 Pédo-psychiatrie Pédiatrie et Néonatologie Oncologie Hématologie Faute médicale 4 Infection nosocomiale 3 Défaut d’organisation 2 Faute médicale 4 Extravasation de produit de chimiothérapie 4 Faute médicale (erreur ou retard de diagnostic) 5 Défaut d’organisation du service 1 Neurologie Hépato gastroentérologie Réanimation néonatale Unité de soins intensifs Cardiologie Faute médicale 3 Défaut d’organisation 1 Infection nosocomiale 1 Infection nosocomiale 2 Retard de diagnostic 1 Défaut d’organisation (dans la délivrance d’un Défaut d’organisation (dont un problème Néphrologie 52 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 8 6 matériel) 2 Défaut d’information 1 Infection nosocomiale 1 Accident de dialyse par désadaptation de l’aiguille 1 Faute médicale 1 Défaut d’organisation 1 Faute médicale 5 4 1 Médecine générale Médecine interne 9 5 médicament) Radiologie 15 3 2 2 2 6.0 // BILAN DE L’ACTIVITÉ CONTENTIEUSE Spécialités Origines des condamnations Nombre de décisions Dermatologie Faute médicale 1 Établissement de cure thermale Faute médicale 1 Labo anapath Faute médicale 1 Maison de convalescence Faute médicale 1 Pneumologie Faute médicale 1 Rhumatologie Faute médicale 1 Total 68 6.5.4 Urgences et SAMU Spécialités Origines des condamnations Nombre de décisions Faute médicale Urgences médicales, chirurgicales et pédiatriques SAMU SMUR 59 Défaut d'organisation 3 Infection nosocomiale 2 Responsabilité sans faute (suite à une contamination) 1 Retard d'intervention dû à une erreur d'évaluation du patient lors de la régulation 1 Interrogatoire insuffisant et défaut de conseil du médecin régulateur 1 Total 65 2 67 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 53 Activité contentieuse Focus sur quelques décisions PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 55 7.0 Activité contentieuse Focus sur quelques décisions En tant que partenaire des acteurs de la santé et du médicosocial nous avons souhaité développer un chapitre avec des cas concrets pour étudier l’origine des risques. Nous détaillerons ainsi l’origine des risques, leurs caractéristiques ainsi que la suite judiciaire des réclamations. De nombreuses décisions évoquées dans ce chapitre ne sont pas définitives et font l’objet de recours en appel ou d’un pourvoi en cassation. 7.1 Chirurgie orthopédique Un retard de prise en charge Mademoiselle R souffre depuis la naissance d’une déformation congénitale des membres inférieurs et notamment d’une torsion tibiale interne. Elle bénéficie de deux interventions correctrices les 5 et 12 mai 2000. Après la seconde intervention, des douleurs ainsi qu’un déficit de motricité des orteils surviennent. Une aponévrotomie de décharge suite au diagnostic de syndrome des loges est réalisée le 14 mai 2000. Il ressort du rapport d’expertise que dans la soirée suivant l’opération du 12 mai la patiente s’est plainte de douleurs importantes. Les infirmières ont également relevé une impossibilité de mobilisation des orteils et un pied gauche chaud. Pendant la journée du 13 mai, en dépit du découpage du plâtre, les douleurs ont persisté et un œdème est apparu. Pendant la nuit les douleurs ont été calmées par des antalgiques mais ont réapparues le 14 au matin. Le diagnostic de dysfonctionnement du système neuro-vasculaire a alors été évoqué mais la décision d’aponévrotomie n’est prise qu’en fin de soirée, alors qu’un tel traitement doit être réalisé dans les six heures qui suivent le début des signes cliniques afin d’éviter des lésions irréversibles. Parole d’expert Catherine STEPHANBERTHIER juriste « Ces zooms sur une décision nous permettent, en nous appuyant sur notre expertise tant juridique qu’en matière de gestion des risques, d’affirmer que bon nombre de sinistres ont un caractère évitable. Les commentaires que nous apportons abondent dans le sens de la dynamique de Sham, à savoir, prévenir les risques avant qu’ils ne se réalisent. » 56 Le Tribunal Administratif conclut que le diagnostic tardif du syndrome des loges, résultant d’appréciations erronées des symptômes de la patiente, en particulier des douleurs inhabituelles et persistantes, à comparer notamment aux suites de l’intervention du 5 mai 2000, est constitutif d’une faute de nature à engager la responsabilité du CHU. Des erreurs liées à l’acte chirurgical Un choix de prothèse inadapté Madame C est opérée, au sein d’un CH le 9 novembre 2001, en vue de la pose d’une prothèse totale de la hanche droite. Le 12 août, une reprise chirurgicale est réalisée en clinique pour remplacer cette prothèse dont la taille est inadaptée. La patiente souffre à ce jour d’une paralysie du nerf fibulaire. Il ressort du rapport d’expertise que la nécessité d’une reprise chirurgicale le 12 août 2002 a pour origine l’implantation d’une cupule cotyloïdienne de trop gros diamètre et d’une pièce fémorale de trop gros calibre lors de l’intervention du 9 novembre. Ceci a provoqué un effet d’allongement du membre inférieur avec un déséquilibre du bassin, une abduction de la hanche et une gêne fonctionnelle. [...] PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 7.0 // ACTIVITÉ CONTENTIEUSE - FOCUS SUR QUELQUES DÉCISIONS Le Tribunal Administratif conclut que le choix d’une prothèse de dimension inadaptée au besoin du patient, constitue une faute médicale de nature à engager la responsabilité du CH. Une erreur sur la localisation de l’intervention Monsieur G présente une maladie de Kienböck suite à un discret arrachement du semi-lunaire gauche consécutif à la chute d’un pot de peinture sur son poignet. Il bénéficie d’une ostéotomie d’allongement de la styloïde cubitale pour pouvoir enrayer ou retarder l’évolution de la maladie vers la nécrose. Un examen radiologique permet de constater une aggravation de la nécrose avec densification semi-lunaire et aplatissement dans un plan fronto-sagittal. L’examen clinique met en évidence une douleur importante, une flexion limitée à 30° et une extension correcte mais douloureuse. Il est décidé alors de pratiquer une résection de la première rangée des os du carpe. Le 2 septembre 2003, l’intervention est réalisée mais le praticien excise non pas la première rangée mais la deuxième rangée des os du carpe. Le 14 janvier, il est réalisé une arthrodèse en utilisant un important greffon prélevé sur la crête iliaque du patient. Les 10 mai 2004, 5 juillet et 14 octobre 2005, il est procédé plusieurs interventions pour l’ablation du matériel d’ostéosynthèse. Il ressort du rapport d’expertise que le chirurgien n’a pas réalisé qu’il procédait en réalité à l’excision du grand os, du trapézoïde et de l’os crochu. Cette erreur a eu pour conséquence de déstabiliser la base des métacarpiens sans traiter la maladie de Kienböch. D’une part le poignet gauche ne présentait pas une anatomie locale inhabituelle et d’autre part, le chirurgien avait la possibilité per-opératoire d’examiner le poignet sous amplificateur de brillance et de faire des repérages extrêmement précis à l’aide de ses instruments ou d’aiguilles pour connaître le niveau exact où il devait intervenir. La résection du semi-lunaire, du scaphoïde et du pyramidal se fait généralement sans grande difficulté alors que l’exérèse du grand os, du trapézoïde et de l’os crochu est une opération extrêmement lourde, agressive et qui ne peut qu’alerter le chirurgien au cours de son intervention. Le Tribunal retient qu’en procédant à tort, sans justification technique ni indication thérapeutique, à la résection de la deuxième rangée des os du carpe, le CH a commis une faute médicale de nature à engager sa responsabilité. 7.2 Chirurgie viscérale Zoom sur un dossier Une erreur de technique opératoire Monsieur Y, né en 1976, est hospitalisé le 2 octobre 1991 au sein d’un CH à la suite d’un coup reçu au niveau de l’abdomen lors d’un match de football. Le bilan fait suspecter un kyste hydatique rompu avec un épanchement intrapéritonéal. Il est transféré le 3 octobre 1991 au sein d’un CHU où il bénéficie d’une périkystectomie le jour même. Lors de l’intervention, compte tenu de la diffusion du liquide parasitaire, la cavité péritonéale est nettoyée avec du formol. Les suites immédiates sont marquées par un collapsus, un état respiratoire médiocre avec une acidose importante. Devant l’aggravation de l’état du patient, une deuxième intervention a lieu le lendemain. Au cours de celle-ci, l’intestin grêle apparaît violacé et moucheté, avec des lésions ischémiques. L’évolution de l’état de santé de Monsieur Y est marquée par une suite de complications qui ont nécessité 26 interventions entre 1991 et 2007 dont deux transplantations de foie et de grêle et une transplantation rénale. Il décède le 28 août 2007. [...] PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 57 Sa famille décide alors de rechercher la responsabilité du CHU et engage ainsi une action devant le Tribunal Administratif . Cette juridiction ordonne la mise en place d’opérations d’expertise. L’expert indique que « le seul élément pouvant porter à discussion dans l’intervention du 3 octobre 1991 est l’utilisation de formol. Après une relecture exhaustive de la littérature existante, il ressort que le formol était utilisé jusque dans les années 70 mais qu’ultérieurement son utilisation avait fortement été remise en cause. Il apparaît que le dosage recommandé antérieurement était de 2 à 7 % selon les auteurs. La lecture du dossier du CHU montre que la dilution utilisée fut de 10 %.(…) Si la rupture intrapéritonéale d’un kyste hydatique est considérée comme grave essentiellement par le risque de survenue d’un choc anaphylactique immédiat, ce qui n’a pas été le cas chez l’enfant, puis, secondairement par des récidives de kyste hydatique, il apparaît manifestement que l’utilisation de formol, dont le but est de réduire les tissus, ne pouvait aboutir qu’à cette conséquence ». Se basant sur le rapport d’expertise, le Tribunal considère que « contrairement à ce qu’indique le CHU, il ne résulte pas de l’instruction que le formol aurait été dilué à 3 % avant d’être employé pour rincer la cavité abdominale du patient » (…) « le recours à du formol à une telle concentration dans la cavité péritonéale ne pouvait qu’aboutir à une destruction de l’épithélium péritonéal et des tissus sous-jacents. Ainsi, à supposer même que l’usage du formol comme solution scolicide dans le traitement des kystes hydatiques de l’enfant n’avait pas encore été remis en cause en octobre 1991 et que les autres solutions scolicides alors envisageables comportaient également des risques, l’emploi du formol à une concentration excessive de 10 % constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’établissement public de santé ». Dans cette affaire, la juridiction a considéré que la non-dilution du formol constitue une faute. L’établissement a fait valoir qu’une dilution avait été réalisée. Toutefois, cette dernière n’a pas pu être démontrée au regard des éléments contenus dans le dossier médical. La réalisation d’une mesure d’expertise est un moment clef dans la défense d’une affaire. L’accédit repose en grande partie sur la qualité du contenu du dossier médical, lequel permet de prendre toute la mesure de la situation médicale et de valider les choix thérapeutiques arrêtés. C’est notamment en cela que la tenue et l’archivage du dossier médical sont des préoccupations primordiales. Rappelons que les juridictions ont clairement indiqué qu’ « en l’absence de dossier médical ou de pièce médicale de nature à justifier les soins prodigués, le juge tient pour établies les allégations du plaignant que l’établissement n’est pas en mesure de réfuter ». « De même, l’article L1142-12 du CSP dispose qu’en cas de carence des parties dans la transmission des documents demandés, la CRCI peut tirer toute conséquence du défaut de communication des documents ». En outre, rappelons que le dossier médical est composé par : les informations formalisées recueillies lors des consultations externes dispensées dans l’établissement, lors de l’accueil au service des urgences ou lors de l’admission, enfin au cours du séjour hospitalier ; les informations établies à la fin du séjour ; les informations recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant de tels tiers (à noter que ces informations ne sont pas communicables si le patient souhaite prendre connaissance de son dossier médical). [...] 2 58 1 CE 01/12/1978 TA Clermond Ferrand 27/02/1990 Par ailleurs, une fiche spécifique de recueil des choix du patient peut également figurer dans le dossier médical. Enfin, il faut savoir que le dossier doit être conservé dans l’établissement pendant un délai de 20 ans à compter du dernier passage dans l’établissement (et au minimum jusqu’aux 28 ans du patient, lorsque ce dernier est mineur). PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 7.0 // ACTIVITÉ CONTENTIEUSE - FOCUS SUR QUELQUES DÉCISIONS 7.3 Chirurgie gynécologique Une erreur liée à l’acte chirurgical : perforation utérine accompagnée de l’aspiration de l’appendice dans l’utérus Le 27 juin 2007, Madame C est prise en charge au sein du CH pour évacuation utérine par aspiration et curetage. À son réveil, elle souffre de douleurs intenses. Un scanner est réalisé et met en évidence des signes d’une perforation utérine compliquée. Toutefois, la patiente est invitée à retourner chez elle le 28 juin. Elle est de nouveau hospitalisée le 30 juin en raison de douleurs pelviennes, de nausées et de fièvre. Le 2 juillet, il est pratiqué une cœlioscopie, l’ablation de son appendice qui présentait un aspect nécrotique et le drainage d’un abcès pelvien. Il ressort du rapport d’expertise que la perforation utérine s’est accompagnée de l’aspiration de l’appendice dans l’utérus. Une telle complication est rare et révèle une maladresse technique caractérisée. Cette complication n’a pas été prise en charge immédiatement alors que le scanner, réalisé le jour même, la laissait largement entrevoir. Cela a eu pour conséquence que Madame C a développé une péritonite secondaire ayant nécessité un geste chirurgical. Le Tribunal considère que la survenance de cette complication et sa prise en charge tardive sont consécutives de fautes de nature à engager la responsabilité de l’établissement. 7.4 Obstétrique Un retard de césarienne Madame M, primipare, a été prise en charge pour déclenchement de son accouchement avant terme. Le déclenchement a été mis en œuvre le 15 avril après minuit. Alors que le travail avait peu évolué, il apparaît un épisode de bradycardie fœtale continue à 16H27. Une césarienne est alors réalisée en urgence. L’enfant naît en état de mort apparente mais est réanimé. Il présente à ce jour de très lourdes séquelles neurologiques. Il ressort du rapport de l’expert que compte tenu des dimensions du bassin de la patiente et du poids du fœtus, le choix de provoquer l’accouchement par voie basse n’était pas fautif mais nécessitait un suivi rapproché du travail déclenché. Selon les règles de l’art, le travail ne devait pas dépasser une durée de deux à trois heures suivant la rupture de la poche des eaux (…), compte tenu de la progression trop lente de la dilatation du col et surtout de la persistance d’absence de descente de la tête du fœtus. Le fait de ne pas avoir pris la décision de réaliser une césarienne, au plus tard à 15 heures, constitue une faute. Le Tribunal Administratif retient la responsabilité du Centre Hospitalier. En effet, il considère que si l’origine de la souffrance fœtale n’a pu être déterminée avec certitude, la décision tardive de pratiquer une césarienne a néanmoins privé l’enfant d’une chance d’abréger ou d’éviter cette souffrance fœtale et les préjudices qui en ont résultés. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 59 La survenue d’une dystocie des épaules Madame B a donné naissance à son fils en août 2006. Or, pendant l’accouchement, des difficultés sont apparues lors du dégagement des épaules. L’enfant présente une hypotonie du membre supérieur droit conduisant à un diagnostic de paralysie du plexus brachial. Les parents de l’enfant ont saisi le Tribunal Administratif afin de rechercher la responsabilité du Centre Hospitalier. Il ressort des conclusions expertales que Madame B n’a été prise en charge que par une sage-femme, à l’exclusion de tout autre personnel médical alors même que l’accouchement avait été programmé. Or, la dernière évaluation pondérale laissait présumer un enfant de 4,600 kg. Le fœtus était donc macrosome ce qui est un facteur favorisant la dystocie des épaules et impliquant la présence d’un obstétricien. L’expert relève également que la maternité n’avait pas, à l’époque des faits, de protocole précis pour l’accouchement de fœtus macrosomes. Par ailleurs, il indique que l’obstétricien gynécologue de garde était présent et qu’aucune circonstance d’extrême urgence ne faisait obstacle à ce que la sage-femme, qui avait immédiatement constaté des difficultés à extraire les épaules de l’enfant, ne l’appelle. La sage-femme a effectué seule les manœuvres destinées à dégager les épaules de l’enfant alors que les guides de bonnes pratiques recommandent qu’une sage-femme soit aidée d’au moins deux personnes. Se basant sur les termes du rapport d’expertise, le Tribunal retient la responsabilité du Centre Hospitalier. Il considère que la paralysie du plexus brachial est en lien direct avec la dystocie des épaules à l’accouchement. L’absence d’un médecin pour procéder à l’accouchement constitue une faute dans l’organisation et le fonctionnement du service. Zoom sur une décision Défaut d’organisation : une erreur de personne Madame I, née en 1982, accouche en 1998 d’un enfant décédé à l’âge de six mois d’une maladie respiratoire étiquetée maladie de Nieman-Pick. En 1999, elle donne naissance à une petite fille qui décède de cette même maladie en 2006. En 2002, elle met au monde un garçon non atteint de la maladie de Nieman-Pick mais présentant une aniridie et quelques malformations de type dysmorphie. Le 18 décembre 2007, Madame I est enceinte. Il est décidé la réalisation d’une biopsie du trophoblaste en raison de ses antécédents. Elle est donc hospitalisée pour la réalisation de la biopsie sous anesthésie générale. Le geste effectué, elle est reconduite dans sa chambre. Dans la chambre voisine de la sienne, se trouve sa cousine hospitalisée pour curetage sur grossesse arrêtée. Les deux femmes portent le même nom de famille et une erreur de personne se produit. Cette erreur est favorisée par Madame I qui répond positivement à la vérification orale de l’identité. Elle est emmenée (une deuxième fois) au bloc opératoire où il est procédé au curetage sous anesthésie générale. L’étude du prélèvement du trophoblaste communiquée à la famille en janvier 2008 met en évidence une positivité à la maladie de Nieman-Pick. Recherchant la responsabilité du CHU, la famille a saisi le Tribunal Administratif. Ce dernier a nommé un expert afin d’établir le déroulement des faits. L’expert indique « qu’il y a eu une erreur sur la personne pour deux raisons : l’homonymie, les deux patientes sont des cousines s’appelant toutes les deux Madame I ; la non-maîtrise de la langue française pour Madame I [...] 60 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 7.0 // ACTIVITÉ CONTENTIEUSE - FOCUS SUR QUELQUES DÉCISIONS (…) les résultats montrent que l’embryon était atteint de la maladie de Nieman-Pick (…) que le diagnostic prénatal aurait abouti à une interruption de grossesse. (…) Il n’en reste pas moins qu’il existe un préjudice moral dû à l’attente du résultat sachant que l’embryon avait été évacué alors qu’il pouvait être indemne de la maladie.» Le Tribunal Administratif considère que « l’interruption de grossesse a été la conséquence d’une confusion commise par le service entre Madame I et sa cousine, qui porte le même nom, et qui était hospitalisée dans la chambre voisine (…) cette confusion entre les deux patientes, à l’origine d’une interruption de grossesse non souhaitée, constitue une faute de nature à engager la responsabilité du CHU. (…) Monsieur et Madame I ont subi un préjudice moral durant la période d’incertitude qu’ils ont connue entre le 18 décembre 2007 et le 15 janvier 2008, date à laquelle les résultats de l’analyse ont été connus. Ce dernier sera évalué à la somme de 2 500 euros chacun ». Ce type d’affaire d’ « erreur de personne », n’est heureusement pas fréquent mais n’est toutefois pas unique. Il est primordial de procéder à une vérification stricte de l’identité des patients. Un simple contrôle oral ne saurait être suffisant. Il convient en effet que chaque patient ait un bracelet d’identification scellé qui permette de vérifier visuellement, en plus d’un interrogatoire oral, le nom du malade. Par ailleurs, la vérification doit être renouvelée à l’arrivée au bloc. La lecture du bracelet apporte des certitudes à plus forte raison si le patient présente des troubles de la conscience notamment sous l’effet de sédatifs. Précisons par ailleurs qu’au moment des faits la checklist HAS (Haute Autorité de Santé) n’existait pas et que cette dernière aurait probablement permis d’éviter cette confusion. 7.5 Psychiatrie Décision d’atteinte au secret professionnel L’enfant de Monsieur et Madame C, qui sont en procédure de divorce, est hospitalisé pour prise en charge d’une leucémie. À la demande de Madame C, la pédo-psychiatre, Madame O, a rédigé des attestations et un certificat relatifs aux trois enfants du couple. Ces documents ont été utilisés par l’avocat de Madame C afin de tenter de déchoir Monsieur C de ses droits à l’égard de ses enfants. Monsieur C a saisi le Tribunal Administratif afin de faire constater une violation du Code de déontologie mais également une faute professionnelle commise dans le cadre des fonctions de la pédo-psychiatre. Ne s’agissant pas d’une faute dans le cadre des soins dispensés, le Tribunal n’a pas eu besoin de diligenter des opérations d’expertise. En premier lieu, le Tribunal rappelle que la violation du Code de déontologie ne saurait engager la responsabilité du CHU. Puis, le Tribunal considère qu’ « il ressort des pièces du dossier que Madame O est intervenue à la demande de Madame C pour rédiger des conclusions sur le profil psychologique de Monsieur C sans avoir entendu l’intéressé et à partir des seuls témoignages de ses trois enfants, recueillis dans le cadre de ses fonctions. Ces écrits ont été transmis à l’avocat de Madame C afin que ces attestations soient utilisées dans le cadre de la procédure de divorce. [...] PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 61 À partir de ces témoignages qui relatent des évènements précis de la vie privée et familiale, Madame O s’est interrogée en conclusion sur le maintien du droit de visite de Monsieur C à l’égard de ses deux derniers enfants. Les témoignages des enfants peuvent paraître, a priori, sérieux et préoccupants. Ils n’ont toutefois pas été recueillis en vue d’un signalement au sens de l’article 226-14 du Code Pénal mais ont été transmis à l’avocat d’une partie dans un litige. Le Tribunal conclut qu’« en révélant, au profit d’un tiers, des informations dont elle avait connaissance dans l’exercice de ses fonctions, Madame O a manqué à son obligation de secret professionnel et a commis une faute de service de nature à engager la responsabilité du CHU ». L’article L 1110-4 du Code de la Santé Publique dispose que le secret couvre l’ensemble des informations venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements. Rappelons que la communication d’une information secrète est sanctionnée pénalement. En effet, l’article 226-13 du Code Pénal prévoit que « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». À noter qu’il s’agit là de peines maximales. Rappelons enfin qu’il existe des cas de levée du secret professionnel. Citons la dénonciation de maltraitance mais également les droits de la défense qui permettent à un professionnel ou un établissement de santé, de divulguer des éléments médicaux pour assurer leur propre défense. 7.6 Oncologie – Hématologie Zoom sur une décision Dossier de faute médicale Madame E, âgée de 58 ans est hospitalisée à compter du 12 octobre 2005 pour bénéficier d’une chirurgie sur hallux valgus bilatéral. Profitant de cette hospitalisation programmée l’hématologue, qui la suit dans le cadre d’une pancytopénie, demande la réalisation d’un myélogramme par ponction sternal. Il est effectué le 13 octobre. Lors du geste, Madame E se plaint d’une douleur brutale et présente ensuite un état de choc. Des examens complémentaires montrent une plaie du ventricule droit qui est suturée en urgence. Enfin, un pneumothorax droit est découvert en post-opératoire, et est drainé pendant 48 heures. La patiente regagne son domicile le 24 octobre avec un traitement antalgique et anti-inflammatoire. Considérant que le CHU a commis une faute lors de la réalisation du myélogramme, Madame E saisi le Tribunal Administratif, lequel met en place des opérations d’expertise. L’expert indique que les risques de perforation sternale au cours d’une ponction pour réalisation d’un myélogramme sont exceptionnels, inférieurs à un cas pour mille, mais peuvent avoir des conséquences gravissimes. C’est le ventricule droit qui a été touché. Il est situé derrière la partie inférieure du sternum, largement en-dessous du manubrium sternal qui est la zone de ponction habituelle. La ponction sternale n’a donc vraisemblablement pas été réalisée au meilleur site. « Ceci suggère fortement que l’opérateur était beaucoup moins entraîné et aguerri à ce type de procédure que l’on veut bien nous dire, il s’agissait d’un interne dont on nous dit qu’il était en fin d’internat et parfaitement compétent. [...] 62 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 7.0 // ACTIVITÉ CONTENTIEUSE - FOCUS SUR QUELQUES DÉCISIONS La majorité des services d’hématologie ont diminué les biopsies sternales et préfèrent les biopsies de crête iliaque ne comportant pas de risque vital. De plus, les rares indications qui persistent de ponctions sternales sont réalisées avec un matériel sécurisé disposant d’une garde qui lorsqu’elle est bien réglée évite les ponctions sternales transpariétales. A l’évidence, ce genre de matériel n’a pas été utilisé ». Le Tribunal Administratif se basant sur les termes du rapport d’expertise considère que « la plaie occasionnée au ventricule droit lors de l’opération est constitutive d’une maladresse dans l’exécution de l’acte médical. Cette maladresse a été provoquée par un défaut de maîtrise de cette technique opératoire par le praticien hospitalier, révélé par l’emplacement inopportun retenu pour la réalisation de la ponction. Enfin, cette maladresse a également été favorisée par le choix thérapeutique retenu et que, de surcroît, le service était insuffisamment équipé pour pratiquer une telle intervention. Ces manquements, qui ont un lien de causalité direct avec les préjudices dont se plaint la requérante, sont constitutifs d’une faute et suffisants à eux seuls pour engager la responsabilité du CHU ». Cette décision appelle quelques brefs commentaires L’interne est un praticien en formation qui n’exerce ses fonctions que « par délégation et sous la responsabilité du praticien dont il relève » (art R6153-2 et -3 du CSP). Par ailleurs, le Conseil d’État dans une décision du 5 mai 1995 a expressément indiqué que les médecins « ne peuvent régulièrement se décharger sur leurs internes de l’obligation qui leur incombe (...) d’accomplir personnellement les actes médicaux requis par l’état des malades que lorsqu’une telle délégation n’est pas exclue par la gravité de l’acte et qu’ils se sont, d’autre part, assurés au préalable, dans chaque cas et sous leur responsabilité, que l’autorisation exceptionnelle ainsi donnée à leurs collaborateurs n’est susceptible de porter aucune atteinte aux garanties médicales que les malades sont en droit d’attendre d’un service public hospitalier ». 7.7 Hépato-gastro-entérologie Zoom sur une décision Décision portant sur une erreur de prise en charge Madame P, 68 ans, souffrant de douleurs abdominales est admise aux urgences d’un hôpital dans la nuit du 22 au 23 avril 2005. Une pancréatite aigüe est diagnostiquée. La patiente est transférée et prise en charge dans le service d’hépato-gastro-entérologie. Elle est retrouvée morte dans sa chambre le 24 avril au matin. Dans le cadre d’une action en recherche de responsabilité intentée par la famille, le Tribunal Administratif a nommé un expert afin de déterminer les circonstances du décès de Madame P. Il ressort du rapport d’expertise que « le diagnostic de pancréatite aiguë a été porté d’emblée par le médecin des urgences. Dès l’admission en service d’hépatogastro-entérologie, un premier protocole de soins (administration d’antalgiques et de morphine) a été mis en place. Toutefois, les douleurs n’ont pas cessé. L’examen clinique et le bilan effectués dans la matinée du 23 avril révèlent un état stable, mais l’échographie abdominale montre une pancréatite de « stade E de Balthazar », soit le stade le plus grave sur cette échelle. Toutefois, aucun scanner abdominal n’est réalisé alors qu’il s’agit du seul examen permettant de lever les incertitudes sur l’état de la patiente devant les discordances entre les critères morphologiques et biologiques. [...] PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 63 L’absence de feuilles de suivi horaire et l’imprécision du carnet de soins ne permettent pas d’établir qu’une faute dans l’administration des soins a été commise, telle que notamment un surdosage en antalgique. Dans la nuit du 23 au 24 la patiente a été victime d’une hypotension orthostatique (...) qui nécessitait l’intervention d’un médecin afin d’évaluer précisément l’évolution de son état de santé. L’établissement peut être considéré comme responsable d’une erreur d’orientation de la patiente qui aurait dû être hospitalisée dans un service capable d’assurer une surveillance rigoureuse d’une maladie connue pour sa gravité potentielle et son risque de complication. » Se basant sur le rapport d’expertise, le Tribunal Administratif retient que « le diagnostic de pancréatite aigüe requiert une évaluation clinique pluri-quotidienne compte tenu du risque élevé de complication rapide. (…) Même si son état de santé ne nécessitait pas que la patiente soit admise en service de réanimation, elle aurait dû être hospitalisée dans un service capable d’assurer une surveillance rigoureuse d’une maladie connue pour sa gravité potentielle et son risque de complications. Dans ces conditions il doit être regardé comme établi qu’une prise en charge et une surveillance insuffisante ont fait perdre à Madame P une chance de guérison et de survie. Par suite, le CH a commis une faute dans la prise en charge de nature à engager sa responsabilité ». Dans ce dossier, comme dans le cas de chirurgie viscérale évoqué précédemment, l’absence de tenue irréprochable du dossier médical et notamment infirmier, représente un élément défavorable dans la recherche de la vérité et bien évidemment, dans la défense de l’établissement. Cette décision permet également d’évoquer la notion de perte de chance. Ce qui est réparé, ce n’est pas le dommage corporel survenu mais la perte de chance d’éviter ce dommage. Le Tribunal a évalué cette dernière à hauteur de 75 %. Pour déterminer ce taux, les juges ont pris en compte les données acquises de la science sur la pathologie et le taux de mortalité constaté selon les différents degrés de gravité de la maladie. Enfin, ce jugement illustre parfaitement le fait, reconnu en droit et en médecine, que lorsqu’il y a discordance entre la clinique et la biologie le doute doit bénéficier au patient. 7.8 Urgences Des retards ou erreurs de diagnostic Dans la nuit du 20 au 21 mars 2004, la jeune W, est amenée aux urgences en raison de douleurs abdominales avec vomissements. Jugée en bon état général, elle quitte l’hôpital vers 0 h 50 avec un traitement contre la constipation. Vers 4 heures, les douleurs reprennent et l’enfant est ramenée au service des urgences. L’examen clinique est décrit comme normal et l’enfant retourne chez elle à 8 heures. Dans la journée du 21, les douleurs continuent et s’intensifient vers 19 heures. La mère de W se rend dans un service d’urgences où il est prescrit une échographie abdomino-pelvienne qui montre un « problème ovarien ». Une intervention chirurgicale est rapidement décidée. Il est retrouvé un ovaire gauche hémorragique et nécrosé avec deux tours de spire au niveau de la trompe gauche. Il est réalisé une ovariectomie avec une annexectomie partielle gauche. Il ressort du rapport d’expertise « que le début des troubles de la torsion a vraisemblablement débuté le 20 mars 2004. [...] 64 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 7.0 // ACTIVITÉ CONTENTIEUSE - FOCUS SUR QUELQUES DÉCISIONS Si le diagnostic ne pouvait être facilement établi lors de la première consultation, la prise en charge lors de la seconde consultation n’a pas été conforme aux règles de l’art. En effet, la persistance des douleurs malgré la prescription d’antispasmodiques assortie de vomissements alors qu’un lavement colique avait été pratiqué aurait dû alerter les médecins relativement à l’erreur commise quant au diagnostic de constipation. L’hospitalisation de l’enfant aurait permis des investigations plus complètes et notamment la réalisation d’une échographie abdomino pelvienne, examen standard chez l’enfant présentant des douleurs abdominales dont l’origine est floue. L’anomalie aurait été visualisée et aurait permis une prise en charge plus précoce ». Se basant sur les termes du rapport d’expert, le Tribunal Administratif considère que « l’erreur de diagnostic et la délivrance d’un traitement médical non adapté constituent des fautes de nature à engager la responsabilité du Centre Hospitalier ». Mademoiselle D est admise au service des urgences gynécologiques et obstétricales, le 23 mars 2006 à 13 h 30, pour nausées, vomissements et douleurs épigastriques. Elle est appelée en salle d’attente à 14 h 30 mais avait déjà quitté l’établissement pour aller consulter son médecin. Ce dernier diagnostique une gatro-entérite aiguë. A 16 h 30 la patiente est de retour aux urgences du CHU. Elle est examinée par un interne qui diagnostique une hypoglycémie et des nausées du premier trimestre de grossesse, met en œuvre un re-sucrage et fait sortir la patiente sans autre avis notamment celui d’un médecin sénior. L’état de Mademoiselle D s’aggravant, elle se rend dans le service des urgences d’un autre établissement où il est décidé une salpingectomie droite en raison de la rupture de la trompe droite consécutive à une grossesse extra utérine tubaire. L’expert relève que le seul examen clinique dont la patiente a bénéficié dans le service des urgences gynécologiques n’était pas suffisant. Des examens paracliniques complémentaires auraient dû être pratiqués, en particulier une numération formule sanguine, une analyse des béta-HCG plasmatiques quantitatifs ainsi qu’une échographie. Le Tribunal Administratif conclut que « tous les examens nécessaires au regard des symptômes présentés n’ayant pas été réalisés (…) une erreur de diagnostic a été commise. Cette erreur est constitutive d’une faute médicale qui engage la responsabilité du CHU ». Le 14 novembre 2002 Madame L, née en 1960, est prise d’un malaise et souffre de céphalées, d’une sensation de déséquilibre et de troubles fonctionnels de la main gauche. Elle est conduite au service des urgences du CH où elle arrive à 15 h 30. Le diagnostic de spasmophilie est retenu et la patiente regagne son domicile vers 17 h . Vers 3 h elle ressent de nouveaux troubles dont une hémiplégie gauche. Elle est transportée aux urgences. Le diagnostic d’accident vasculaire cérébral est posé à 5 H. Un scanner est réalisé et un avis neurologique sollicité. À 10 h 20, il est confirmé la survenue d’un AVC sylvien ischémique. Malgré le traitement anticoagulant, l’état de la patiente se dégrade, elle est transférée en service de réanimation où elle décède à 21 h 30 d’un infarctus sylvien œdémateux. L’expert indique que « compte tenu des signes cliniques présentés lors de la première admission et des prédispositions à l’AVC de la patiente, malgré son âge, le diagnostic de spasmophilie est fautif. Il n’a pas alors été suspecté un AVC ni sollicité un avis neurologique. Aucune appréciation simple, comme la force de serrage des mains, l’épreuve de Barré, de Mingazzini n’est relevée. L’examen, de recherche de la sensibilité cutanée ne semble pas non plus avoir été recherché. [...] PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 65 L’observation ne fait pas état de constatation écrite d’éventuelles céphalées, ni de troubles moteurs au niveau du membre supérieur gauche. Le diagnostic n’a été posé que le lendemain à 5 h après une nouvelle admission aux urgences ». Le Tribunal Administratif retient la responsabilité du CH. Se basant sur les conclusions expertales, il considère que « le retard de diagnostic décrit, ainsi que le retard de prise en charge constituent une faute ». Des défauts d’organisation du service À la suite de la survenue d’un accident de la voie publique, Monsieur B est admis au service des urgences à 1 h 10. Il est diagnostiqué un traumatisme crânien pariétal gauche avec plaie du cuir chevelu et constaté une otorragie gauche ainsi qu’un saignement de la narine gauche. Le patient présente en outre une alcoolémie de 2,71 grammes par litre de sang. L’examen neurologique à l’admission est normal. Quelques heures plus tard apparaissent des alternances de phases de calme et d’agitation qui conduisent la décision de la réalisation d’un scanner. Le SAMU est contacté à 5 h 15 soit 4 heures après l’admission afin d’organiser le transfert vers un établissement disposant de l’équipement. Toutefois, l’état neurologique se dégrade fortement vers 8 h 30. Une mydriase bilatérale apparaît et Monsieur B tombe dans un coma gravissime. Il est transféré en hélicoptère pour la réalisation du scanner qui montre un hématome extradural gauche ainsi qu’un oedème cérébral traumatique avec atteinte du tronc cérébral et état végétatif. L’expert relève que « Monsieur B ne présentait pas, lors de son admission, de troubles neuro-moteurs permanents. Les saignements de la narine et de l’oreille gauche sont des signes classiques d’appel vers une lésion fracturaire du crâne, nonobstant la circonstance particulière que l’état d’ébriété dans lequel se trouvait la victime ait pu fausser le diagnostic. Seule la prescription en urgence d’examens complémentaires tels qu’un scanner ou une radiographie aurait permis de diagnostiquer l’hématome extradural. Les symptômes auraient dû conduire à faire pratiquer en urgence une scannographie et transférer le patient dans une structure disposant de l’équipement adéquat. Monsieur B admis à 1 h 10 y était encore présent à 8 h 30 alors que des signes neurologiques, apparus depuis plusieurs heures, avaient enfin conduit à décider son transfert ». Se basant sur les termes du rapport d’expertise, le Tribunal Administratif considère qu’« en n’organisant pas dans les meilleurs délais le transfert vers une structure au sein de laquelle aurait pu être réalisés des examens complémentaires, le CH a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ». Zoom sur une décision Une mauvaise organisation du service Le 26 décembre 2006, Monsieur M, âgé de 84 ans et qui a pour antécédent une résection endoscopique de la prostate, présente des difficultés mictionnelles avec des urines malodorantes. Le médecin de garde demande son admission au service des urgences. Le médecin urgentiste constate un globe vésical sous-ombilical probable. L’interne de garde de chirurgie, prend en charge le patient mais ne parvient pas à le sonder. Elle contacte alors l’urologue de garde qui pose l’indication de mise en place d’un cathéter de cystostomie sus-pubien. Une troisième tentative de sondage sera réalisée par l’interne en chirurgie avec l’accord du médecin urgentiste. Par la suite, plusieurs tentatives de mise en place du cathéter de cystostomie échouent sans que l’urologue ne soit informé des difficultés rencontrées. [...] 66 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 7.0 // ACTIVITÉ CONTENTIEUSE - FOCUS SUR QUELQUES DÉCISIONS C’est finalement un autre médecin urgentiste qui réalise le geste et évacue 1 litre 100 d’urines. Le patient est muté en service d’urologie sans traitement particulier ni voie veineuse. Il présente le lendemain matin de la fièvre. Une antibiothérapie est alors mise en place tardivement et l’état du patient continue de se dégrader. Il est placé sous ventilation artificielle et est muté en service de réanimation le 27 décembre. Le bilan bactériologique met en évidence des hémocultures positives à E.Coli. L’évolution n’est malheureusement pas favorable. Le 31 décembre, suivant l’avis médical, la famille décide de sursoir à tout traitement. Monsieur M décède le 31 décembre. La famille de Monsieur M a saisi le Tribunal Administratif, lequel a décidé la mise en place d’opérations d’expertise. L’expert retient que « Monsieur M a fait l’objet de deux tentatives infructueuses de sondage par un interne de garde en stage depuis deux mois (…) compte tenu des antécédents chirurgicaux du patient, une seule tentative de sondage aurait dû être faite par l’interne avant d’appeler l’urologue de garde. De même, eu égard aux traumatismes urétraux et abdominaux liés aux échecs de la mise en place du cathéter de cystostomie et du fort risque de complication infectieuse, le patient aurait dû être placé immédiatement sous antibiothérapie avec une surveillance adaptée (…). On peut s’interroger sur les capacités professionnelles de cet interne en chirurgie. Elle prenait la garde sous la responsabilité du chirurgien de garde qui était un chirurgien vasculaire mais en référait essentiellement au médecin des urgences au lieu de reprendre contact avec l’urologue ou son chirurgien responsable (…). Les traitements n’ont pas été réalisés conformément aux données acquises de la science et sont directement liés à l’origine du décès de Monsieur M ». Le Tribunal Administratif se basant sur les conclusions expertales considère qu’ « il résulte de l’expertise que la prise en charge de Monsieur M par les services du CH relève un mauvais fonctionnement et une mauvaise organisation de service, constitutifs de fautes de nature à engager sa responsabilité ». Cette affaire appelle plusieurs commentaires : I l est nécessaire de rappeler qu’il existe un « contrat moral » dans la relation entre l’interne et son sénior. Si le sénior est responsable des actes réalisés sous sa « délégation », l’interne doit également ne pas craindre de faire part des difficultés qu’il rencontre. Rappelons que ce dernier est, par définition, en cours de formation. Une vraie séniorisation implique un contact facilité matériellement et humainement entre le sénior et son interne. e dossier met en exergue la difficulté organisationnelle inhérente aux C gardes de nuit. En effet, il peut arriver que l’interne de garde et le sénior de garde ne se connaissent pas, ce qui induit une collaboration moins efficiente. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 67 Bilan des visites de risques 2010 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 69 8.0 Bilan des visites de risques 2010 Au cours de ces six dernières années, nous avons effectué 895 visites d’analyse de risques cliniques chez nos Sociétaires. En 2010, 60 établissements privés et 86 établissements publics ont reçu nos auditeurs. Parmi eux, nous avons analysé une partie des risques pour 13 centres hospitaliers universitaires ou régionaux (CHU – CHR). Type d’établissements Public 59 % Privé 41 % Les visites d’analyse de risques cliniques réalisées par Sham dans les établissements de santé permettent de diffuser les informations sur les risques et leur maîtrise. La mutualisation passe aussi par le partage de solutions pertinentes que certains de nos Sociétaires ont élaboré et expérimenté. Parole d’expert Pierre LEFRANC Médecin Chargé d’Études, Responsable Activité Audit « Les visites d’analyse de risques ont pour objectif de mieux définir le niveau de maîtrise des risques médicaux des établissements de santé. Elles permettent ainsi à Sham de proposer à ses sociétaires des recommandations de bonnes pratiques et un niveau de cotisation plus personnalisé. À côté de nos démarches de formation et de conseil, les visites de risques constituent la clé de voûte du partenariat que Sham souhaite tisser avec les établissements et les professionnels de santé dans le domaine de la prévention des risques. » 70 Nos visites sont désormais de plus en plus ciblées sur les risques pouvant être à l’origine de contentieux importants dans les spécialités chirurgicales et obstétricales tout en se basant sur les constats des précédentes visites. Sham, pour accomplir ces visites d’analyse de risques, dispose d’une équipe pluridisciplinaire : médecins, soignants, ingénieurs. Chaque auditeur élabore un planning de visites adapté en fonction de l’activité de l’établissement et de ses sinistres. Même si le socle de l’analyse reste le même, on distingue deux types de visites. La visite de souscription La visite d’analyse des risques cliniques effectuée en début de contrat permet à Sham de mieux connaître l’activité médicale et soignante de l’établissement et de lui proposer ainsi une cotisation adaptée à son activité. Cela permet surtout à la direction de l’établissement et à ses équipes de s’engager dans un partenariat avec leur assureur en responsabilité civile afin d’aboutir à une meilleure maîtrise des risques de contentieux. En 2010, 63 visites ont été réalisées dans ce cadre. La visite de suivi 85 visites de suivi ont été réalisées chez nos Sociétaires, elles permettent de vérifier la mise en œuvre des recommandations émises lors de la précédente visite, ainsi que le traitement de certains points par le biais d’actions correctives ciblées. 7 établissements ont fait l’objet d’un suivi sous forme de questionnaire. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 8.0 // BILAN DES VISITES DE RISQUES 2010 Un indicateur fort du partenariat engagé nous permet de constater lors de ces visites de suivi que 85 % des établissements avaient effectivement mis en œuvre les recommandations. Dans certains cas particuliers, les actions en cours ne permettaient pas de conclure sur l’ensemble des recommandations et un délai supplémentaire a permis à l’établissement de bénéficier d’une ristourne de 5 % sur sa cotisation. Suivi des recommandations Suivies 85 % Non suivies 15 % À titre d’exemple, voici quelques questions abordées lors de la visite concernant des points critiques : Les pratiques à risques sont-elles ma trisées et suivies ? Sont-elles harmonisées sur l’ensemble de l’établissement ? Des évaluations sont-elles faites régulièrement ? L’établissement disposet-il de ses propres indicateurs ? Ces données sont-elles utilisées comme des outils d’aide au pilotage ? Le retour d’expérience de ces six années de visites a permis à notre équipe d’auditeurs d’adapter l’analyse des risques à l’activité et à la taille de l’établissement visité. Le dossier du patient regroupe-t-il toutes les données lors de l’hospitalisation et est-il disponible facilement et rapidement ? Le suivi médical est-il tracé pour chaque acte, chaque examen ? L’archivage des dossiers est-il centralisé ? La gestion des accès informatiques au dossier du patient est-elle parfaitement maîtrisée et intégrée dans les pratiques professionnelles ? L’acte réalisé dans le cadre de l’activité libérale d’un praticien est-il inscrit dans le dossier du patient dès son admission ? Le formulaire de consentement est-il systématiquement présent ? L’activité opératoire est-elle formalisée ? Les règles de fonctionnement sont-elles respectées, y compris en urgence, le week-end et la nuit ? Les actes réalisés par les étudiants sont-ils toujours supervisés par un médecin senior ? Les horaires des actes médicaux, notamment en obstétrique, sont-ils enregistrés systématiquement et avec précision ? PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 71 Les recommandations pour l’année 2010 Secteurs opératoires 12 % Services d’urgences 16 % Dossier patient 12 % Obstétrique 19 % Gestion des risques 17 % Circuit du médicament 4% Information patient 5% Infections hospitalières 2% Gestion des plaintes 13 % 1 128 propositions d’amélioration ont été émises après visite par nos auditeurs. Elles touchent le plus souvent le domaine de la gestion des risques et la maîtrise des processus les plus sensibles. Si les structures de gestion des risques sont en général opérationnelles, l’identification des risques reste encore insuffisante, en particulier sur la surveillance et le dépistage de complications postopératoires graves. La pratique des évaluations en routine et de l’audit interne n’est pas non plus répandue. La mise en œuvre de comités de retour d’expérience dans les services à risque permettra certainement de mieux maîtriser les risques, comme par exemple, en radiothérapie. En obstétrique, l’évaluation de la réalisation de la césarienne en urgence reste difficile, même si l’identification de cet acte par un code couleur par exemple se développe. Il reste toutefois à quantifier avec exactitude les horaires. Dans certaines maternités la mesure du pH au cordon n’est pas la règle. Si l’informatisation des données relatives au patient se développe dans la plupart des établissements, cela n’est pas sans problème. Cette technique pose les questions de la maîtrise des accès, de la saisie au plus près du patient, de l’interphase avec le dossier papier encore en place, etc. Toutes les facilités offertes par l’informatique ne sont pas toujours exploitées. Le plus souvent, la saisie des données est faite a posteriori, entraînant un décalage horaire. L’information donnée au patient sur les risques avant un acte est la règle, mais le consentement du patient à la réalisation de cet acte est recueilli le plus souvent avant son hospitalisation et ne se retrouve pas toujours dans le dossier. Dans le domaine de la lutte contre les infections, on constate souvent l’absence des données relatives à l’antibioprophylaxie : produits, doses, horaires et éventuelles réinjections. La réévaluation de l’antibiothérapie au 3e jour fait parfois défaut. On note que souvent, l’activité privée des médecins hospitaliers est mal identifiée et que l’accord du patient pour la réalisation d’un acte dans le secteur privé n’est pas formalisé dans son dossier. 72 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 8.0 // BILAN DES VISITES DE RISQUES 2010 Propositions d’amélioration Infections hospitalières Circuit du médicament Information patient 20 40 60 Dossier patient 132 Secteurs opératoires 136 Gestion des plaintes Services d’urgences Gestion des risques Obstétrique 152 176 192 220 On observe enfin une complexité et une segmentation grandissante des organisations à travers la mise en place des réseaux de soins et des groupements de coopérations sanitaires public-privé. La formalisation des organisations dans le territoire de santé devient indispensable pour identifier clairement les responsabilités en cas de dysfonctionnement. La prise en charge des accidents vasculaires cérébraux avec la mise en œuvre des recommandations de 2009 de la Haute Autorité de Santé en est un exemple. La coordination doit être départementale ou régionale. Le Conseil Médical Sham Parole d’expert Sa composition Le Conseil Médical regroupe des experts de terrain, représentant les spécialités dites « à risques » issus de différents secteurs de la santé : Dr Jean-Claude DUCREUX (Président), Médecin Anesthésiste Réanimateur et Médecin Légiste, Roanne Dr André BOIBIEUX, Infectiologue, Lyon Dr Jean-Jacques LALAIN, Orthopédiste, Lyon Pr Jean-Nicolas MUNCK, Cancérologue, Saint-Cloud Dr Jacques RAGNI, Anesthésiste Réanimateur, Marseille Dr Georges VIGUIER, Gynécologue-Obstétricien, Aix-en-Provence ainsi que d’experts juristes et médecins de Sham : Dr Richard DEVIDAL, Dr Frédéric FUZ, Directeur du Pôle Services Marianne HUDRY, Juriste Sa mission Produire des informations et formuler des recommandations en matière de gestion des risques avec pour ambition de sécuriser les pratiques des établissements et des professionnels de santé. Dr Frédéric FUZ Directeur du Pôle Services « Cette année, les travaux du Conseil Médical ont été menés en collaboration avec les juristes Sham. Éditer un guide de la gestion des plaintes en établissement de santé, c’est tenter de répondre aux attentes des professionnels de santé, souvent démunis lorsqu’ils sont impliqués dans un contentieux. En effet, ce guide, qui se veut à la fois pratique et synthétique, doit permettre à tout personnel concerné de près ou de loin par une plainte d’un patient de mieux comprendre le contexte juridique dans lequel il évolue et, surtout, le rôle qu’il sera amené à jouer dans le cadre de procédures souvent complexes. » Les recommandations du Conseil Médical sont élaborées à partir : des constats réalisés lors des visites de risques menées par Sham de l’analyse des sinistres gérés par Sham de l’expertise de ses membres Retrouvez la publication 2011 du Conseil Médical « Guide pratique de la gestion des plaintes en établissements de santé » sur notre site internet www.sham.fr Depuis 2006, les travaux ont portés sur : l’obstétrique le bloc opératoire la chirurgie orthopédique les urgences Chaque année ces recommandations sont publiées dans le Panorama Sham... PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 73 La protection juridique PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 75 9.0 La protection juridique Parole d’expert Alex BERTHAIL Responsable Protection Juridique « À compter du moment où le professionnel de santé est convoqué pour s’expliquer devant le Juge d’Instruction (mise en examen ou témoin assisté), le risque de condamnation tiré des observations de ces cinq dernières années peut être estimé de 10 à 15 % maximum. Toutefois, de nombreuses décisions de justice débouchent sur une décision de non-lieu ou de relaxe malgré des erreurs ou manquements relevés par les experts, en l’absence de faute suffisamment caractérisée ou dont la relation de causalité avec le dommage ne peut être affirmée de manière certaine. Par ailleurs, la pratique des Juges d’Instruction reflète des poursuites pénales de plus en plus systématiques à l’encontre de la personne morale. Au regard de la durée d’un procès qui s’étire sur plusieurs années, le risque pénal est aussi et surtout celui du traumatisme causé au professionnel de santé par ce type de procédure. » Au titre de la branche Protection Juridique, Sham est appelée à assurer la défense des intérêts des professionnels de la santé et du secteur médico-social. D’une manière générale, tout établissement assuré par Sham en responsabilité civile bénéficie d’une couverture Protection Juridique à travers deux types de garanties : garantie « Protection des collaborateurs » en cas d’agression ou violences subies par les personnels dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonctions ; garantie « Défense pénale » des collaborateurs de l’établissement (y compris le Directeur) et de l’établissement lui-même en tant que personne morale. Dans le cadre d’un contrat d’assurance spécifique, Sham assure par ailleurs aux professionnels de santé (personnes morales et personnes physiques) une protection étendue couvrant un large éventail de litiges dans des domaines très variés : contentieux ordinaux ou disciplinaires, conflits du travail, litiges d’ordre contractuel en matière de prestations de service, de travaux et fourniture de biens, contentieux de la sécurité sociale, litiges en droit immobilier et de la construction, de copropriété, relations de voisinage, etc. Les garanties « Défense pénale » et « Protection des collaborateurs » consistent à prendre en charge, à hauteur de l’engagement contractuel, les frais et honoraires d’avocat exposés en justice par le professionnel de santé pour la défense de ses intérêts. Les données suivantes prennent en compte les déclarations enregistrées et les dossiers clos au cours de l’exercice 2010 sur ces deux garanties. 9.1 La protection du collaborateur 9.1.1 Les déclarations enregistrées en 2010 Évolution des faits de violence ayant donné lieu à un dépôt de plainte pénale 2010 248 2009 261 2008 210 2007 2006 201 164 En 2010, 248 agressions commises envers des professionnels de santé, ayant fait l’objet d’un dépôt de plainte pénale ont été enregistrées à titre de déclaration. Cela représente une augmentation de 51 % des déclarations sur 5 ans. 76 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 9.0 // LA PROTECTION JURIDIQUE Nature des infractions suivies d’un dépôt de plainte “ Infractions constatées Coût total des sinistres Violences physiques 69 % Violences physiques 173 Injures - Menaces 56 Agressions sexuelles 3% Agressions sexuelles 7 Injures - Menaces 23 % Atteintes aux biens 5 Autres infractions 3% Autres infractions 7 Atteintes aux biens 2% Total 248 [...] Les violences physiques déclarées en 2010 sont en diminution (69 % contre 80 % en 2009) [...] ” Les violences physiques déclarées en 2010 sont en diminution (69 % contre 80 % en 2009), suivies des injures ou menaces à l’encontre des personnels hospitaliers qui constituent 23 % des agressions. Fonction exercée par les victimes d’agression Soignant 65 % Fonction Nombre de victimes Soignant 160 Médecin 50 Administratif technique 9% Administratif technique 23 Autres 6% Autre 15 Médecin 20 % Total 248 Dans les mêmes proportions que les années précédentes, les personnels soignants placés au cœur de la prise en charge des patients, sont à 65 % les plus exposés aux agressions. 9.1.2 Issue des procédures engagées Nature des décisions rendues Nature de la décision Nombre de décisions Procédure en cours 63 % Procédure en cours 156 Pas de suite connue 14,6 % Condamnation 55 Pas de suite connue 36 Classement sans-suite / Alternative à poursuite 1 Relaxe 0 Total 248 Condamnation 22 % Classement sans suite Alternative à la poursuite 0,4 % PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 77 “ 85 % des plaintes sur les agressions déclarées en 2010 […] ont débouché sur des poursuites pénales dans l’année de leur commission. ” 85 % des plaintes sur les agressions déclarées en 2010 ont été traitées par les services du Parquet et ont débouché sur des poursuites pénales. Malgré une volonté accrue des pouvoirs publics de ne pas laisser impunies les violences exercées contre les personnes chargées d’une mission de service public et les professionnels de santé, 15 % des plaintes n’ont pas de suite connue à ce jour. 22 % des agressions déclarées ont donné lieu à une condamnation de l’auteur des faits par décision de justice définitive. 63 % des affaires sont toujours en cours de procédure après poursuites engagées par le Ministère Public, en raison notamment des délais nécessaires à la liquidation du préjudice subi par la victime. 9.2 La défense pénale 9.2.1 Les déclarations enregistrées en 2010 Évolution du nombre de sinistres déclarés assortis d’une enquête pénale 2010 118 157 2009 2008 134 2007 134 2006 112 En 2010, 118 déclarations ayant trait à la mise en œuvre d’une procédure pénale ont été enregistrées (enquête préliminaire, ouverture d’une information judiciaire ou citation directe), contre 157 en 2009. Il s’agit de la première baisse enregistrée ces 5 dernières années (près de 25 %). Sachant que la plupart de ces procédures sont initiées sous l’impulsion d’une plainte déposée par la victime ou par ses proches et que la voie pénale est nettement plus étroite que la voie indemnitaire, s’agit-il d’une simple accalmie ou d’une inflexion durable dans les choix des procédures que font les patients ou leur famille ? Nombre de dossiers ouverts par type d’infractions Type d’infractions Homicide involontaire 25 Non-assistance à personne en péril 7 Atteinte involontaire à l'intégrité physique 2 Indéterminé 84 Total 78 Nombre de dossiers PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 118 Homicide involontaire 21 % Atteinte involontaire à l’intégrité physique 2% Non-assistance à personne en péril 6% Indéterminé 71 % 9.0 // LA PROTECTION JURIDIQUE Le fondement juridique de l’infraction concernée n’est pas nécessairement défini à l’ouverture de l’enquête, mais les plaintes motivées par une atteinte involontaire à la vie ou à l’intégrité physique sont les plus courantes. Le nombre de personnes mises en cause est variable par dossier et ne pourra être précisé qu’au décours de la procédure si une information judiciaire est ouverte. Comme chaque année, il faut s’attendre à ce qu’un grand nombre ne connaisse pas de suite sur l’ensemble des dossiers ouverts en 2010. 9.2.2. Les dossiers clos en 2010 Les dossiers clos en 2010 se rapportent aux déclarations enregistrées au cours d’exercices antérieurs. En pratique, leur clôture intervient après de longues années de procédure (de 2 à 10 ans). 42 Dans le cadre de ces affaires pénales, 70 personnes ont été mises en examen ou impliquées dans la procédure en qualité de témoin assisté. affaires dans lesquelles des poursuites pénales furent exercées ont été jugées en 2010, comme pour l’année 2009. Nombre de personnes mises en cause par type d’infractions Type d’infractions Nombre de personnes mises en cause Homicide involontaire 51 Atteinte involontaire à l'intégrité physique 5 Non-assistance à personne en péril 1 Autres infractions Total Homicide involontaire 73 % Atteinte involontaire à l’intégrité physique 7% Non-assistance à personne en péril 1% Autres infractions 19 % 13 70 Dans leur majorité, les poursuites pénales sont fondées sur le délit d’homicide involontaire ou d’atteinte involontaire à l’intégrité physique. Ces deux délits représentent ensemble 80 % des infractions. Les poursuites pour non-assistance à personne en péril représentent une part infime et sont généralement impulsée par une plainte déposée directement par la famille de la victime chez le Juge d’Instruction. 19 % des autres poursuites pénales portent sur des infractions variées telles que : dénonciation calomnieuse, maltraitance, entrave syndicale, refus de déférer à réquisition de l’autorité publique, défaut de consentement à des essais thérapeutiques, infraction aux règles de sécurité de transport des déchets, harcèlement moral. “ [...] Les délits d’homicide involontaire ou d’atteinte involontaire à l’intégrité physique représentent ensemble 80 % des infractions [...] ” PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 79 Nombre de dossiers clos en fonction de la qualité du bénéficiaire de la garantie Qualité du bénéficiaire Nombre de personnes mises en cause Personnel soignant 6% Personnel médical 47 Personne morale 17 % Personne morale 12 Directeur 7% Directeur 5 Autres 3% Personnel soignant 4 Personnel médical 67 % Autres 2 Total 70 Les médecins sont toujours les plus exposés au risque pénal (67 %) tandis que le personnel soignant n’est visé que par 6 % des poursuites. Les 3 % de la rubrique « Autres » englobent le personnel administratif (y compris les permanenciers de centres d’appels d’urgence). Les directeurs d’établissement sont impliqués dans 24 % des affaires, en qualité de représentant de la personne morale (17 %) ou à titre personnel dans une moindre mesure (7 %). La mise en cause pénale de la personne morale intervient couramment sur des questions d’organisation générale, de prévision et gestion des moyens dédiés aux services de soins, de sécurité des équipements et installations, d’hygiène et de sécurité du travail. Cette année encore, on observe une augmentation des poursuites exercées à l’encontre de la personne morale avec le risque de voir s’opérer un glissement des responsabilités dans la mesure où une faute simple suffit, sous réserve toutefois qu’elle puisse être imputée à ses organes ou représentants. Les établissements de santé sont toujours plus nombreux à être poursuivis en tant que personne morale dans le cas d’accidents se rattachant à l’exécution directe des soins ou relevant du domaine de compétence propre de chefs de service de soins ou cadres techniques, auxquels la qualité d’organe ou représentant de l’établissement ne devrait toutefois pas être reconnue sur le plan juridique. “ Parmi les dossiers clos en 2010, 40 % des poursuites engagées ont fait l’objet d’un renvoi devant la juridiction de jugement, donnant lieu à 11 % de condamnations définitives. Nombre de personnes mises en cause par nature de décision Nombre de personnes mises en cause Relaxe 29 % Non-lieu 42 Condamnation 11 % Relaxe 20 Non-lieu 60 % Nature de la décision Condamnation ” 80 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 8 Total 70 9.0 // LA PROTECTION JURIDIQUE Dans les mêmes proportions qu’en 2009, 40 % des poursuites ont fait l’objet d’un renvoi devant la juridiction correctionnelle donnant lieu à 11 % de condamnations définitives contre 29 % de relaxes. Ainsi, en cas de convocation par le Juge d’Instruction pour mise en examen ou pour être entendu sous le statut de témoin assisté, le risque de condamnation pénale tiré des observations de ces 5 dernières années peut être estimé entre 10 et 15 % maximum. Comme les années précédentes, nous relevons qu’un bon nombre de décisions de justice débouchent sur une décision de non-lieu ou de relaxe, au bénéfice du professionnel en présence de manquements établis, mais dont la relation de causalité avec le dommage ne peut être affirmée de manière certaine, ou encore, en l’absence de faute suffisamment caractérisée de nature à exposer autrui à un risque d’une particulière gravité qui ne pouvait être ignorée au sens de l’article 121-3 du Code Pénal, lorsque cette faute n’est que la cause indirecte du dommage. 9.3 Décisions rendues en 2010 Pour faciliter la compréhension de ces décisions de justice, voici un petit rappel des critères légaux d’appréciation de la faute pénale en fonction la position de la personne mise en cause dans le processus de prise en charge du patient. Lorsque le professionnel de santé a lui-même directement causé le dommage au patient, il doit être établi qu’il a commis une maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité imposée par la loi ou par le règlement (article 221-6 du Code Pénal en matière d’atteinte involontaire à l’intégrité physique ou à la vie). Une faute, simple mais évidente, suffit pour retenir la qualification de faute pénale, autrement dit, la réalisation d’un acte non conforme aux données acquises de la science ou aux bonnes pratiques régissant l’exercice de la profession. Pour les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter, la faute consiste, soit en la violation d’une obligation de sécurité imposée par la loi ou le règlement, soit d’une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elles ne pouvaient ignorer (article 121-3 du Code Pénal). “ [...] Une faute, simple mais évidente, suffit pour retenir la qualification de faute pénale de l’auteur direct du dommage. ” S’agissant des personnes morales, elles sont responsables pénalement à condition que l’infraction poursuivie ait été commise, pour leur compte, par leurs organes ou représentants. Une faute simple suffit à engager la responsabilité pénale de la personne morale dans un rapport de causalité indirect à l’origine du dommage. À l’aulne de la jurisprudence dominante, la qualification de faute imputable aux organes ou représentants relève en principe des décisions ou mesures qu’ils sont juridiquement habilités à prendre. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 81 Décisions concernant des personnes physiques Décès d’une femme des suites d’un infarctus après arrivée au service des urgences sans intervention des secours mobiles Non-lieu pour non-assistance à personne en danger au bénéfice du médecin régulateur (TGI Valenciennes - 02.03.2010). Incapacité temporaire consécutive à une chute de brancard en salle de radiologie Relaxe du brancardier et du manipulateur radio (TGI Chartres - 16.05.2010). L’époux d’une femme prise d’un malaise à son domicile un jour de mai 2004 fait appel au 15 afin d’obtenir l’intervention du SAMU. Au cours de l’échange avec le médecin régulateur, il évoque une douleur thoracique et des palpitations en axant ses explications sur le stress de sa femme en lien avec un différend familial. Sur l’exposé circonstancié des symptômes décrits par le mari, le médecin régulateur lui demande de conduire son épouse aux urgences où elle décède deux heures après son arrivée des suites d’un infarctus aigu ayant entraîné un arrêt cardiaque. Estimant que l’absence d’intervention du SAMU avait privé son épouse de chances de survie, il dépose plainte avec constitution de partie civile auprès du Doyen des Juges d’Instruction pour non assistance à personne en danger. Tandis que le médecin régulateur pensait ne pas avoir fait d’erreur de diagnostic sur les informations portées à sa connaissance, qui l’ont conduit à considérer une urgence relative de 24 à 48 heures, l’expert judiciaire concluait que le service de régulation avait failli à sa mission en ne mobilisant pas les secours habituels malgré l’urgence de la situation qui semblait avoir été correctement perçue. Le Juge d’Instruction a rendu une ordonnance de non-lieu au motif qu’une erreur dans le diagnostic ne peut suffire à caractériser l’infraction de nonassistance à personne en danger en l’absence de conscience de la situation du danger dans laquelle se trouvait la patiente. Après avoir été transporté en salle de radiologie un jour d’avril 2004, le patient chute en essayant de se mouvoir seul malgré les consignes qui lui avaient été données par le brancardier et le manipulateur radio. Malgré ces consignes, et compte tenu des risques comportementaux à caractère psychiatrique de la victime, le Tribunal a estimé que la chute du patient n’avait été rendue possible qu’en raison d’un défaut de surveillance du brancardier et du manipulateur radio. Toutefois, les trois expertises ordonnées dans le cadre de l’instruction de l’affaire comportaient des conclusions divergentes sur la durée de l’incapacité totale de travail subie par le patient en relation directe et certaine avec l’accident, compte tenu de son état antérieur (myélite). Pour trancher cette question, le Tribunal a considéré que l’incapacité temporaire de plus de trois mois permettant de retenir la qualification de délit d’atteinte involontaire à l’intégrité physique devait s’apprécier de façon continue. En l’affaire, seule la durée d’incapacité temporaire d’un mois sans interruption à compter de l’accident jusqu’à la sortie d’hospitalisation du patient pouvait être retenue en relation directe et certaine avec cet accident. Par suite, le Tribunal a requalifié le délit d’atteinte à l’intégrité physique en contravention de 5e classe, s’agissant de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité temporaire inférieure ou égale à 3 mois. Or, en l’absence d’acte interruptif de la prescription intervenu au cours de l’instruction sur une période de plus de 2 ans (absence de tout acte de poursuite ou d’enquête à caractère formel), le Tribunal a estimé que les faits reprochés étaient couverts par la prescription de trois mois en matière de contraventions. En conséquence, le Tribunal n’a pu que constater l’extinction de l’action publique. 82 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 9.0 // LA PROTECTION JURIDIQUE Le patient d’une cinquantaine d’années était atteint d’une pathologie psychiatrique lourde de type schizophrénie paranoïde chronique avec troubles délirants depuis l’âge de 25 ans, nécessitant un traitement permanent sous neuroleptiques et de fréquents séjours en milieu spécialisé. En janvier 2003, au cours d’une nouvelle hospitalisation sous contrainte, motivée par une rechute majeure en rupture de traitement, le patient présente des troubles délirants emprunts d’agressivité et de violence qui nécessitent la mise en place d’une contention permanente y compris la nuit. Lors de la relève par l’équipe infirmière de jour à 6 h 30, la lecture des constantes qui avaient été relevées par l’infirmier en charge de la surveillance de nuit conduit tous les membres de l’équipe au chevet du patient. Il est retrouvé blême, inanimé et toute tentative de réanimation n’est plus envisageable. L’expertise judiciaire, réalisée après de multiples péripéties (dossier médical saisi égaré puis reconstitué, désistement successifs de plusieurs experts), concluait que le traitement médicamenteux associé à la mesure de contention pendant la nuit ne constituait pas en soi un risque pour l’intégrité physique du patient, sous réserve de l’application du protocole de surveillance : mesures régulières du pouls, de la tension, de l’état respiratoire et général apparent du malade, à charge de prévenir le médecin de garde en cas d’anomalie et d’accomplir les actes conservatoires relevant de l’urgence. En revanche, l’expertise révéla que les signes cliniques constatés à 7 heures du matin permettaient de dater la mort au plus tard à 4 heures et que le patient était déjà décédé lors du contrôle effectué par l’infirmier de nuit à 5 h 30. Après avoir rappelé les dispositions règlementaires relatives aux actes professionnels et à l’exercice de la profession d’infirmier, les juges ont relevé que l’infirmier de nuit s’était montré particulièrement négligent dans sa mission en se bornant à des examens superficiels, excluant tout réel contact physique, et à des relevés réguliers de tension dont il n’a pas été capable d’interpréter l’évolution inquiétante. Décès d’un patient sous contention en psychiatrie Condamnation de l’infirmier psychiatrique pour homicide involontaire (CA Paris - 22.03.2010). Le Tribunal Correctionnel puis la Cour d’Appel ont retenu la culpabilité de l’infirmier pour « faute caractérisée ayant exposé autrui à un risque d’une particulière gravité que le prévenu, qui exerçait la profession d’infirmier depuis 18 ans, ne pouvait ignorer ». Il a été condamné à 7 mois d’emprisonnement avec sursis, sa demande de non-inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire fût rejetée. Victime d’un accident de la circulation routière pour refus de priorité un jour de janvier 2005, la conductrice sans blessures apparentes se plaint de douleurs thoraciques et difficultés respiratoires. Elle est transportée par les pompiers aux urgences de l’hôpital. Une radiographie permet de déceler un traumatisme thoracique et une fracture non déplacée du sternum, mais pas de fracture costale. Un électrocardiogramme et une prise de sang sont aussi réalisés, puis un antalgique est prescrit avant de laisser la patiente rentrer chez elle. Deux jours plus tard, ne se sentant pas bien, la patiente consulte son médecin traitant qui lui prescrit de la morphine, un antibiotique et un fluidifiant au motif d’un début de surinfection bronchique sans fièvre. Le lendemain, elle retourne aux urgences en se plaignant de douleurs. De nouvelles radiographies sont réalisées, montrant une accentuation des opacités broncho-vasculaires péri-hilaires sans manifestation de troubles respiratoires. Il n’est pas jugé nécessaire de la garder en observation. Au quatrième jour, n’allant toujours pas mieux et souffrant de difficultés respiratoires lors de la visite de sa fille, SOS médecins intervient et prescrit une radio des poumons pour le lundi suivant, mais la victime sera découverte décédée à son domicile par la voisine le dimanche, soit le 5e jour suivant l’accident. Décès d’une femme à son domicile en raison d’une défaillance cardiorespiratoire cinq jours après un accident de la circulation routière Non-lieu d’homicide involontaire en l’absence de faute caractérisée dans la prise en charge médicale (TGI Brest 06.12.2010). PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 83 L’autopsie du corps révélera, outre une fracture du sternum, des lésions thoraciques importantes avec de multiples fractures de l’arc antérieur des côtes, côté droit et gauche. Elle conclut au décès résultant de l’association du traumatisme dû à l’accident et d’une infection pulmonaire contractée à titre de complication liée à une fragilité propre (bronchopathie obstructive pour cause de tabagisme). Suite à la plainte déposée par les enfants de la victime, le Ministère Public requiert l’ouverture d’une information judiciaire contre X dans le cadre de laquelle les médecins urgentistes et le radiologue sont entendus en position de témoin assisté. Une première expertise médicale sur pièces ordonnée par le Juge d’Instruction conclut que le décès est lié à une insuffisance cardio-respiratoire, déclenchée par la survenue d’un œdème pulmonaire sur un terrain fragilisé. Les deux experts ont noté qu’un volet thoracique important avait été méconnu et que la patiente aurait dû être hospitalisée lors du second passage aux urgences pour la garder en observation. Les médecins ont contesté ces conclusions au motif que les fractures (au nombre de 9) n’étaient absolument pas visibles sur les clichés radiographiques et que le décès était principalement dû à l’état pathologique de la victime. Les enquêteurs entendaient alors les professionnels du SAMU intervenus au domicile de la victime le jour de son décès : ils révélèrent qu’à leur arrivée, les pompiers étaient en train de pratiquer un massage cardiaque et que le médecin avait intubé la patiente décédée avant l’arrivée du SAMU. Le médecin légiste a donc remis un complément au rapport d’autopsie pour tenir compte de ces éléments nouveaux, notamment du massage cardiaque dont il n’avait pas été informé. Il déclara que les fractures costales pouvaient être dues à ce massage sans pouvoir déterminer si elles étaient ante ou post mortem. Une contre-expertise radiologique a ensuite été ordonnée. L’expert a conclu à l’absence de fracture récente ou séquellaire radiographiquement visible sur les actes costaux. L’accentuation des opacités broncho-vasculaires péri-hilaires était compatible avec le constat d’autopsie d’une broncho-pneumopathie chronique (état antérieur). Au terme de l’information judiciaire, le juge en a déduit que l’accident de la circulation n’avait pas entraîné de fractures costales multiples ni d’œdème pulmonaire. Le décès ne pouvait être imputé qu’à une conjonction de facteurs d’aggravation de la dépression respiratoire et de majoration de l’infection bronchique, à savoir : un traumatisme thoracique sans enfoncement de la cage, des difficultés respiratoires provoquées par les douleurs associées aux lésions infectieuses de broncho-pneumopathie et la prise d’antalgiques puissants qui ont encore réduit l’amplitude respiratoire. Aucune faute n’ayant été commise dans la prise en charge et les soins délivrés compte tenu des éléments cliniques, il n’existait aucune raison d’hospitaliser la patiente. En l’absence de faute caractérisée imputable à chaque médecin intervenu depuis l’accident de la patiente jusqu’à son décès, le Juge d’Instruction a rendu une ordonnance de non-lieu. 84 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 9.0 // LA PROTECTION JURIDIQUE L’affaire débute sur fond de conflit parental dans le cadre d’une procédure de divorce à la suite d’une ordonnance de non-conciliation rendue au printemps 2002 par le Juge aux Affaires Familiales. L’épouse dépose plainte contre son mari en raison de signes présentés par son fils (irritations anales), laissant croire qu’il avait subi des abus sexuels lorsqu’il revenait de chez son père. La justice rend un non-lieu fin 2006 sur les faits objets des poursuites. Plainte pour dénonciation calomnieuse d’abus sexuels Non-lieu (TGI Dijon - 04.11.2010). Début 2009, le père déposait à son tour plainte devant le Doyen des Juges d’Instruction pour dénonciation calomnieuse, reprochant à son ex-femme d’avoir dénoncé des faits qu’elle savait faux et orchestré une mise en scène en laissant l’enfant dans des conditions d’hygiène déplorable. Il dénonçait également le manque de réserve et de prudence des médecins pédiatres. L’épouse est mise en examen tandis que les deux médecins pédiatres et le psychologue impliqués sont entendus par le Juge d’Instruction sous le statut de témoin assisté. Lors de l’enquête, l’un des médecins confirmait avoir dit à la mère de l’enfant qu’un signalement serait effectué au vu des signes cliniques présentés par l’enfant. Le magistrat instructeur a rendu une ordonnance de non-lieu en ces termes : « Si [la mère] a déposé plainte après avoir reçu l’avis de médecins et s’il est évident que cette plainte avait pour toile de fond un conflit parental majeur autour de l’enfant, il n’en demeure pas moins qu’elle s’appuyait sur des éléments laissant supposer que l’enfant pouvait être victime d’abus sexuels. En outre, il n’est pas établi que l’appréciation des médecins ait été influencée par les propos de la mère, puisque les diagnostics ont pris en compte des données concrètes, lésions, paroles ou comportement de l’enfant, excluant toute idée de dénonciation calomnieuse. » Une jeune femme handicapée moteur cérébral présente un malaise avec perte de connaissance au domicile de ses parents en décembre 2006. Son père appelle le SAMU qui déclenche l’intervention des sapeurs-pompiers. Sur place, les pompiers la retrouvent consciente, ils effectuent un bilan médical et constatent une gêne respiratoire correspondant à une petite bronchite diagnostiquée une semaine plus tôt par son médecin traitant. Conduite dans une proche polyclinique, la patiente est placée sous monitoring et le médecin demande une radiographie qui révèle un cœur volumineux de forme normale et confirme que les bronches sont encombrées. Des antibiotiques et un aérosol sont alors prescrits avant d’autoriser le retour à domicile. Le soir-même, la patiente se met à trembler et perd à nouveau connaissance. Son père la place en position de sécurité et réalise des manœuvres de réanimation. Le SAMU est recontacté et envoie une nouvelle fois les pompiers qui transportent la patiente à l’hôpital public. Le médecin urgentiste effectue un premier examen médical et un électrocardiogramme, mais l’état de santé de la patiente se dégrade rapidement avec crises tonico-cloniques. Constatant une fibrillation ventriculaire, le médecin pratique un premier choc électrique auquel la patiente réagit, puis un second choc électrique est administré, mais elle sombre alors dans le coma. Les manœuvres de réanimation resteront vaines. Décès d’une jeune femme après son admission aux urgences Non-lieu d’homicide involontaire (CA Lyon - 01.07.2010). PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 85 Les parents déposent plainte reprochant au SAMU d’avoir refusé à deux reprises de se déplacer et l’absence d’électrocardiogramme lors de sa prise en charge à la polyclinique. Le médecin légiste conclut à une mort naturelle d’origine cardiaque probable. L’expertise anatomo-pathologique relève des lésions cardiaques compatibles avec une cardiopathie arythmogène et des lésions pulmonaires consécutives à l’arythmie ou aux tentatives de réanimation. Une nouvelle expertise ordonnée par le Juge d’Instruction conclut que le décès résulte d’une cardiomyopathie (ou dysplasie) arythmogène du ventricule droit, maladie rare caractérisée par des lésions cardiaques particulières associant une dilatation du ventricule droit et une infiltration graisseuse de la paroi. Il souligne la difficulté d’un tel diagnostic qu’un premier électrocardiogramme n’aurait pas permis de diagnostiquer à coup sûr par un médecin non spécialiste. En outre, même si la maladie avait été diagnostiquée, rien ne permettait d’affirmer que la patiente aurait pu être sauvée selon l’avis rendu par ce même expert. Dans ces conditions, le Juge d’Instruction a estimé qu’aucune faute pénale ne pouvait être imputée aux différents médecins intervenus dans la chaîne de prise en charge, en partant du médecin régulateur jusqu’à l’intervention du médecin de la polyclinique puis du médecin hospitalier, qu’il n’existait pas non plus de lien de causalité entre le décès , le défaut d’intervention du SAMU et l’absence d’électrocardiogramme en première intention. La partie civile a interjeté appel contre cette ordonnance de non-lieu reprochant au SAMU de ne pas s’être déplacé, aux médecins de la clinique et de l’hôpital d’avoir négligé les signes de cardiomégalie révélés par la radiographie effectuée à la polyclinique. La mère reprochait de plus au médecin du service des urgences de l’hôpital d’avoir méprisé ses explications lorsqu’elle lui a rapporté que sa fille était morte, qu’elle n’avait pas respiré pendant cinq minutes et avait été ramenée à la vie et de ne pas s’être interrogé sur la gravité de ce malaise plutôt que d’en plaisanter. La Chambre d’Instruction de la Cour d’Appel a confirmé l’ordonnance de nonlieu : à l’égard de l’opérateur du SAMU, au motif que « la patiente a été conduite sur un lieu de soins approprié en temps utile et que rien n’indique que le SMUR aurait pu prendre des mesures plus adaptées pendant le transport […] » ; à l’égard du médecin de la polyclinique au motif que l’électrocardiogramme de la patiente n’était pas nécessairement de nature à permettre le diagnostic et, qu’en tout état de cause, il n’aurait pu prévenir le décès ; à l’égard du médecin des urgences de l’hôpital, après avoir rappelé que « l’erreur de diagnostic n’est fautive au sens de l’article 221-6 du Code Pénal que si cette dernière est manifeste », la Chambre d’Instruction a estimé qu’en dépit du manque d’attention suffisante accordée aux propos de la mère de la patiente et de l’erreur d’appréciation de la pathologie de celle-ci, « l’erreur de diagnostic, compte tenu de la rareté de la maladie et de la difficulté à la diagnostiquer, ne [présentait] pas le caractère de gravité exigé par la loi […] ». 86 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 9.0 // LA PROTECTION JURIDIQUE Un jour de décembre 2004, le bébé de 17 mois attrape sur le rebord de la fenêtre une grande tasse de café bouillant qui se renverse sur son menton, son épaule gauche et le haut du thorax. Après son admission au service des urgences de l’hôpital, l’enfant est hospitalisé en service de pédiatrie générale, un pansement est posé, sa température atteint 40.1° puis redescend à 39.1°. Il ressort deux jours plus tard malgré une température élevée. Le 3e jour, l’enfant est pris de vomissements, diarrhées, sa température atteint 41° et ses parents font venir le médecin traitant qui leur conseille de l’emmener à nouveau aux urgences où il sera constaté un état de choc. Il est aussitôt admis en service de pédiatrie générale puis finalement, pris en charge par le responsable du SAMU pédiatrique qui constate un état de macération anormale sous le pansement. L’enfant est alors transféré en service de réanimation pédiatrique d’un autre hôpital, mais il décèdera au cours du transport. L’autopsie pratiquée révèle que le décès est consécutif à un choc septique avec sécrétion de toxines, provoqué par un staphylocoque aureus déjà présent sur la peau de l’enfant antérieurement à son entrée à l’hôpital. Suivant l’avis rendu par un premier collège d’experts, plusieurs manquements ont été relevés : Décès d’un bébé hospitalisé pour des brûlures provoquées par la chute d’un mug de café bouillant Condamnation du médecin pédiatre pour délit d’homicide involontaire (TGI Troyes - 09.02.2010). la prescription de NIFLURIL chez un enfant présentant des brûlures graves, sur une surface de peau évaluée à plus de 10 % avec un potentiel de surinfection et un état d’hyperthermie, n’était pas conforme aux données acquises de la science, dans la mesure où ce médicament était susceptible de réduire les défenses naturelles contre l’infection et d’en masquer les symptômes habituels ; la décision de faire sortir l’enfant au 2e jour, alors que la température restait élevée, avec un pansement facteur de risques de macération, n’était pas justifiée ; le démontage du pansement aurait dû intervenir plus tôt, compte tenu de la température de l’enfant et du risque de macération facilitant le développement des bactéries. Selon les conclusions d’une seconde expertise, confiée à un anesthésiste réanimateur spécialiste des brûlures, la brûlure représentait 4 à 5 % au maximum de la surface cutanée de l’enfant sans signe de gravité. L’expert précisait qu’une telle brûlure, voire même plus étendue, pouvait être responsable d’une élévation thermique contenue entre 0.5 à 1°. Il soulignait qu’il fallait distinguer l’infection qui était une complication fréquente des brûlures, du fait de la présence de germes en grande quantité dans les tissus vivants sous jacents, de la colonisation de la brûlure caractérisée par le développement asymptomatique de germes en surface. Au-delà de 39,8° de fièvre chez un bébé de cet âge, un syndrome toxinique devait être suspecté. Si la complication infectieuse gravissime présentée par l’enfant n’avait pas de lien direct avec la prise en charge médicale de l’enfant, l’expert a ainsi relevé plusieurs manquements constitutifs d’une perte de chance manifeste quant à l’issue fatale ultérieure : prescription « illogique et dangereuse » de NIFLURIL + ASPEGIC sans antibiotique, absence de démarche diagnostique pour rechercher l’étiologie de la fièvre, autorisation de sortie de l’enfant en l’absence de tout examen clinique malgré des signes évocateurs d’un syndrome toxinique et sans consultation d’un médecin pédiatre. Nonobstant l’existence d’une seconde prise en charge aux urgences inadaptée à l’état de l’enfant, qui était en état de choc (transfert en service de pédiatrie alors qu’un transfert vers un service de réanimation pédiatrique s’imposait), le Tribunal a estimé que le médecin du service de pédiatrie générale devait être reconnu coupable de fautes caractérisées et répétées ayant créé une situation d’une particulière gravité qui a entraîné, de manière certaine, le décès de l’enfant. Compte tenu de l’absence de condamnation antérieure portée à son casier judiciaire, une peine d’avertissement de 18 mois avec sursis a été prononcée. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 87 Décès d’un bébé des suites d’une opération d’une malformation cardiaque diagnostiquée tardivement Relaxe du pédiatre poursuivi pour homicide involontaire (TGI Rennes - 10.06.2010). À la naissance de l’enfant, le chef du service de pédiatrie de l’hôpital décide de faire pratiquer des radios pulmonaires avec électrocardiogramme et conclut à un souffle au cœur sans gravité en l’absence d’insuffisance cardiaque. Les radios sont remises aux parents. À partir du 3e mois, l’état général du nourrisson se dégrade : bronchiolite, gastro-entérites à répétition, infléchissement de la courbe de poids. Lors d’un nouvel épisode de gastro-entérite au 8e mois, les parents amènent leur enfant aux urgences pédiatriques où une radio pulmonaire révèlera une dextrocardie (situs inversus). À l’âge de 9 mois et demi, l’enfant subit en mars 2002 une opération de chirurgie cardiaque mais décèdera cinq jours plus tard des conséquences d’une cardiopathie complexe. Les parents déposent plainte avec constitution de partie civile devant le Doyen des Juges d’Instruction. Les différentes expertises réalisées dans le cadre de l’instruction ont permis de dégager les points suivants : le diagnostic prénatal de cette cardiopathie était accessible, mais la méconnaissance du diagnostic avant la naissance n’a pu aggraver l’évolution médicale, aucun traitement médical ou chirurgical n’étant indiqué avant plusieurs mois d’évolution néonatale ; l’interprétation de la radiographie du thorax réalisée à la naissance permettait d’aboutir à une suspicion de dextrocardie qui aurait dû déclencher immédiatement un bilan complémentaire, or le praticien a lu le cliché à l’envers, cette erreur étant établie par la mention manuscrite de la lettre D suivie d’une flèche inversée apposée sur la radio ; cependant, la nature très particulière et rare d’une cardiopathie complexe rend son diagnostic très difficile pour un non spécialiste en cardiologie, en l’absence de manifestation aisément décelable dans les premiers mois de la vie de l’enfant ; le caractère très aléatoire et incertain d’une inversion du processus mortel ne permet pas d’affirmer qu’une intervention plus précoce aurait permis d’enrayer l’évolution fatale. Le pédiatre est renvoyé par le Juge d’Instruction devant la juridiction de jugement. Le Tribunal Correctionnel a rappelé que l’ensemble des professionnels entendus ou sollicités dans cette affaire ont émis d’importantes réserves quant au pronostic vital et que rien ne permet de dire que l’enfant aurait pu être sauvé même en cas de détection précoce de sa pathologie. Dans ces conditions, la mise en cause du pédiatre ne pouvait se concevoir que comme celle d’un « auteur indirect », dont le comportement n’est pas à origine exclusive du décès, mais qui a « créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter » au visa de l’article 121-3 alinéa 4 du Code Pénal. En pareille circonstance, la loi exige l’établissement d’une faute caractérisée de nature à exposer autrui à un risque d’une particulière gravité qui ne pouvait être ignoré. Le Tribunal a estimé qu’en ne manipulant pas le cliché dans le bon sens, le médecin pédiatre a commis une faute d’inattention certaine que la routine peut vraisemblablement expliquer, sans que ce constat puisse constituer une excuse quelconque. En ce qui concerne l’absence de réaction immédiate face au constat de poumons chargés et à la vision d’un cœur de taille anormale, toujours difficile à lire sur les clichés radiographiques d’un nouveau-né, les différents avis rendus par les experts ne permettaient pas de qualifier cette défaillance de fautive en l’absence d’éléments produits permettant de vérifier la qualité de ces manquements par rapport aux normes en vigueur (recueil de bonnes pratiques, publications récentes). 88 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 9.0 // LA PROTECTION JURIDIQUE En raison de la particulière complexité de l’évolution de la pathologie de l’enfant, le Tribunal a jugé que l’accumulation de ces fautes ne permettait pas de retenir la qualification de faute caractérisée exposant autrui à un danger d’une particulière gravité qui ne pouvait être ignorée.Le médecin pédiatre a donc été relaxé des fins de la poursuite. Ancien toxicomane, le patient était suivi avant son incarcération par son médecin traitant qui lui avait prescrit du Subutex. Pendant son incarcération, il fait l’objet d’un suivi médical avec prescription de neuroleptiques, d’un anxiolytique et d’un somnifère. En décembre 2005, le médecin décide de substituer de la Méthadone au Subutex comme traitement de sevrage suivant le protocole de soins en vigueur. Cinq jours plus tard, il est retrouvé mort sur l’alerte donnée par son codétenu qui l’a vu s’agiter puis s’accroupir dans son lit, inerte. L’autopsie et les rapports toxicologiques concluent à un décès par surdose de Méthadone, potentialisée par la présence de nombreux dépresseurs du système nerveux central : du cannabis et également du Valium et du Tercian. Une information judiciaire est ouverte du chef d’homicide involontaire. Le rapport d’expertise ordonné par le magistrat instructeur confirme que la mort est bien d’origine toxique. L’expert relève que la prescription de Méthadone dépassait le dosage habituellement administré en tout début de traitement (60 mg au lieu de 20 à 30), mais il tempère ce constat par le fait que « la Méthadone est un produit dont le métabolisme est très variable d’un sujet à l’autre », ce qui est impossible à vérifier après le décès. Sur ce point, le praticien avait spécifiquement attiré l’attention du personnel infirmier du risque de surdosage de la Méthadone en mentionnant expressément sur la prescription : « Attention aux signes de surdosage, il prend beaucoup de psychotropes à côté ». Décès en milieu carcéral par intoxication d’un patient sous traitement de sevrage Relaxe du médecin prescripteur poursuivi pour homicide involontaire (TGI Lyon - 01.04.2010). Après décision de non-lieu rendue par le Juge d’Instruction, la Chambre d’Instruction, saisie de l’appel formé par la partie civile ordonne le renvoi du praticien devant le Tribunal Correctionnel. Le Tribunal a tout d’abord relevé que le lien de causalité entre la délivrance du traitement et le décès ne peut être qu’indirect car le décès n’est que la conséquence des complications survenues en raison des éléments potentialisateurs des autres médicaments et de la prise de cannabis ingéré peu avant par le détenu lui-même. Après avoir rappelé que « le médecin n’est tenu que d’une obligation de moyens et non de résultat, la survenance d’une complication ne permettant pas de présumer une faute médicale », le Tribunal n’a pas retenu de faute dans la prescription du traitement au motif que le dosage initial à 60 mg a été fixé en tenant compte de « l’ancienneté et l’importance de la toxicomanie du patient, le démarrage à une dose supérieure à celle préconisée par la conférence du consensus ayant pour seul objectif de pallier une crise de manque qui, à posologie moindre, risquait de toute évidence de survenir chez l’intéressé ». En outre, le personnel infirmier ayant été alerté sur les risques associés n’a perçu aucun signe de surdosage chez le patient, aucun manquement dans le suivi du traitement ne pouvait être relevé. Le Tribunal a prononcé la relaxe au bénéfice du praticien car il ne résultait pas des éléments d’information qu’il ait commis une faute caractérisée ayant exposé le patient à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 89 Décisions concernant des personnes morales Patient hospitalisé à la demande d’un tiers retrouvé sans vie sur son lit Condamnation de l’hôpital en tant que personne morale pour homicide involontaire (TGI Gap - 14.01.2010). Le patient âgé de 27 ans est tout d’abord admis fin novembre 2004 au centre hospitalier dans un état délirant après avoir ingéré, selon son entourage, une quantité importante de médicaments, mais il quitte l’établissement au bout de quelques heures contre avis médical. Quatre jours plus tard, il est de nouveau admis en établissement spécialisé, où il est placé sous le régime de l’hospitalisation à la demande d’un tiers sur diagnostic de délire paranoïaque à mécanisme interprétatif évoluant depuis plusieurs semaines, avec sensation délirante de l’existence d’un complot autour de lui. Consommateur habituel de stupéfiants depuis l’âge de 15 ans, il avait été suivi les mois précédents en prévention de toxicologie et avait bénéficié d’un traitement de substitution à la Méthadone, associé en fin de traitement à un antidépresseur. Il lui est alors prescrit 15 mg. d’Haldol et de la Méthadone, à raison de 30 mg. par jour suivant l’ordonnancier tenu au jour le jour. Un matin, quinze jours après son hospitalisation, un autre patient l’a remarqué en train de somnoler dans la salle de jeux. Dans l’après-midi, une psychomotricienne est venue le chercher pour participer aux activités de son groupe mais elle le trouvera en train de dormir et ne le réveillera pas, compte tenu de son habitude de faire la sieste. Au moment du repas vers 18 h 45, un infirmier va le chercher dans sa chambre et le retrouve sans vie, allongé sur son lit tout habillé avec des vomissures sur l’oreiller et le visage. L’autopsie pratiquée conclut au décès consécutif à une asphyxie par régurgitation gastrique et obstruction des voies respiratoires, ainsi qu’un encombrement de la partie terminale du tube digestif caractéristique d’une occlusion intestinale patente, vraisemblablement à l’origine des vomissements. Une information judiciaire contre l’établissement de santé est ouverte sur réquisitoire du Parquet concernant les données médicales, le séjour du patient et le fonctionnement de l’établissement psychiatrique. Une expertise et une contre-expertise toxicologique sont réalisées, suivies de deux expertises médicales générales. Suivant les témoignages, le patient avait été vu le jour même en train de consommer un joint de résine de cannabis dans sa chambre et une résine de ce produit y avait été retrouvée après son décès. Les avis d’expertise divergeaient sur les causes des vomissements, les uns les imputant aux effets vraisemblables d’une « occlusion intestinale patente », les autres retenant l’explication d’une « distension gastrique anormale pouvant être due à un remplissage abondant et anormal en rapport avec l’hyperphagie due au traitement… à des troubles comportementaux du patient… (ou encore) à une atonie gastrique en connexion avec les médicaments, en particulier la Méthadone que prenait le patient ». Une concentration importante de Méthadone (592 µg/1), objectivée par les analyses toxicologiques, indiquait un taux situé dans une zone plus toxique que thérapeutique, mais en l’absence de toute cause prouvée (prise clandestine ?), l’origine du décès ne pouvait être attribuée qu’à une asphyxie due à une régurgitation dans un état de sommeil alourdi par l’ingestion de psychotropes. Face à ces incertitudes, tous les experts s’accordaient néanmoins à conclure que le décès était survenu suite à une consommation de Méthadone, produit stupéfiant, associé à d’autres principes actifs ayant potentialisé l’effet dépresseur de la Méthadone sur le système nerveux central et respiratoire. En l’affaire, seul l’établissement spécialisé a été mis en examen en tant que personne morale et renvoyé par le Juge d’Instruction devant le Tribunal à l’issue de l’instruction. Toutefois, la partie civile a fait citer directement le médecin psychiatre et le cadre infirmier, le premier ayant été entendu par le Juge d’Instruction en position de témoin assisté, le second en tant que simple témoin. 90 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 9.0 // LA PROTECTION JURIDIQUE Le Tribunal a déclaré irrecevable l’action formée directement à l’encontre du médecin psychiatre, au motif qu’il avait bénéficié d’un non-lieu implicite au regard de son statut de témoin assisté lors de l’instruction et ne pouvait plus être poursuivi. À l’égard du cadre infirmier, le Tribunal a estimé qu’il a exercé ses fonctions dans le cadre d’une organisation mise en place par la direction et selon des protocoles, qu’il n’avait pas la qualité pour les modifier et qu’aucun élément du dossier ne permettait d’affirmer qu’il aurait eu conscience d’exposer le patient à un risque d’une particulière gravité en qualité d’auteur indirect. Sur la responsabilité de l’hôpital, le Tribunal a rappelé qu’une faute simple non intentionnelle (par opposition à une faute caractérisée), imputable à ses organes ou représentants, suffisait pour engager sa responsabilité pénale. Il a relevé tout particulièrement que le dossier de soins était mal tenu : ordonnances non jointes, peu de comptes rendus d’examens médicaux et peu d’écrits relatifs au suivi du patient (modes d’administration et doses des médicaments), défaut de traçabilité des soins et de la surveillance clinique en l’absence d’observations et d’instructions écrites, notamment à compter de l’administration de Méthadone. Contrairement à ce que soutenait l’établissement de santé sur l’absence de faute imputable aux organes ou au représentant de l’hôpital public, le Tribunal a estimé que « ces fautes dans l’organisation et la surveillance du service sont imputables au chef de service concerné et engagent, comme telles, la responsabilité de la personne morale ». Une peine de 20 000 euros d’amende a été prononcée à la charge de l’établissement de santé qui n’a pas souhaité faire appel de cette décision. L’enfant, âgé de 6 ans, avait subi trois jours plus tôt une opération de la hanche en chirurgie pédiatrique et était resté à l’hôpital dans l’attente de la livraison au domicile de ses parents d’un lit médicalisé compatible avec son plâtrage. Atteint d’une affection neurologique grave entraînant des crises d’épilepsie une dizaine de fois par jour, il ne parlait pas, ne pouvait se tenir assis seul, ni bouger la tête. Un traitement antiépileptique quotidien était observé et les infirmières chargées de sa surveillance le changeaient régulièrement de position en alternant décubitus ventral et dorsal afin d’éviter les escarres. Après le départ de la mère de l’enfant en fin d’après-midi, une infirmière passe dans la chambre et vérifie que tout va bien conformément au protocole en vigueur. Une demi-heure plus tard, il est retrouvé face contre le matelas, ne réagit pas et présente un état de mort apparente. La réalisation de manœuvres de réanimation et son placement en unité de réanimation sous assistance respiratoire ne pourront empêcher son décès. Infirmières et médecins s’accordaient à dire que l’enfant avait été placé sous surveillance classique « adaptée à son état », sa situation ne justifiant plus de surveillance permanente par un personnel de soins ni de monitoring, dont il avait bénéficié pendant 48 heures lors de la phase post-opératoire. Mais le médecin légiste concluait à une mort par asphyxie positionnelle avec la face dans la literie, la fixation de cette position étant la conséquence probable d’un état post-critique suite à une crise d’épilepsie. Il soulignait que, dans ce contexte, la position à elle seule pouvait suffire à entraîner une mort par asphyxie. Le médecin inspecteur régional de la santé, commis en qualité d’expert par le magistrat instructeur, considérait que la situation clinique de cet enfant aurait nécessité une adaptation du protocole au regard du risque encouru, que ce soit par une surveillance clinique particulière ou par l’installation d’un monitoring. Décès d’un enfant gravement handicapé par asphyxie positionnelle Relaxe de l’hôpital poursuivi en tant que personne morale (TGI Reims - 19.04.2010). PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 91 L’hôpital est poursuivi en tant que personne morale sur plainte des parents afin que les circonstances du décès soient éclaircies. Le Tribunal a prononcé la relaxe de l’établissement de santé aux motifs suivants : « Le personnel soignant ne peut être considéré comme un représentant de la personne morale dans la mesure où celle-ci n’est pas habilitée à prendre des mesures ou décisions résultant de la seule appréciation des médecins ou infirmiers dans le cadre de leurs compétences respectives. […] Le grief fait au centre hospitalier de n’avoir pas pris durant l’hospitalisation de l’enfant les mesures de sécurité rendues nécessaires par l’état neurologique connu chez ce patient ne ressort pas, en l’espèce, de la compétence de la personne morale qui a satisfait à son obligation de moyens, mais relève du diagnostic médical ». Décès consécutif à une embolie gazeuse causée par la fuite d’une sonde au cours d’une opération des varices Non-lieu d’homicide involontaire au bénéfice de l’établissement de santé poursuivi en tant que personne morale (CA Lyon - 28.10.2010). 92 L’intervention réalisée en janvier 2004 consistait en une exérèse des varices par introduction d’une sonde de cryo-éveinage et injection de protoxyde d’azote afin de congeler l’extrémité de la veine qui venait se coller et la retirer en même temps que la sonde. S’apercevant que la sonde ne colle pas, le chirurgien la retire et constate aussitôt une fuite de gaz à son extrémité. Dans le même temps, le patient présente une cyanose brutale de la partie supérieure du corps. L’intervention de l’anesthésiste et la réalisation d’une tentative de réanimation par massage cardiaque externe resteront vaines. L’autopsie a permis d’établir que le patient était décédé d’une embolie gazeuse ensuite d’une fuite de protoxyde et qu’il s’agissait d’un accident de matériel. Une information judiciaire est ouverte contre X avec audition sous le statut de témoins assistés du chirurgien et du directeur de la clinique en qualité de représentant de la personne morale. Aucune difficulté ne s’était jamais présentée avec ce type de sonde depuis 10 ans de pratique et plus de 5 000 interventions. L’ Agence de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) confirmait qu’aucun accident opératoire de même type n’avait été signalé depuis 1996. Au vu de son numéro de série, la sonde avait été achetée en 1993 et n’était soumise à aucune obligation de maintenance car il s’agissait d’un matériel inerte. De plus l’essentiel des incidents antérieurs s’étaient produits au niveau des raccords entre la sonde et le générateur. Ce type de problème entraînait systématiquement un retour pour révision au fournisseur. Le chirurgien indiquait qu’il effectuait une vérification d’usage avant chaque utilisation, portant la sonde sur le bout de ses gants pour détecter une éventuelle fuite entre le générateur et la sonde, car si la sonde collait bien au gant par effet de congélation, cela signifiait qu’il n’y avait pas de fuite. Il invoquait également qu’il ne pouvait être exclu que le morceau manquant à l’origine d’un trou microscopique soit parti dans le corps du malade après introduction de la sonde. L’instruction révéla que cet accident avait fait réagir le fournisseur, qui a fait parvenir un nouveau mode d’utilisation élaboré en 1998 pour de nouveaux modèles préconisant un contrôle par immersion dans l’eau stérile permettant de vérifier l’absence de fuite. Cependant, la sonde en cause avait été achetée en 1993 et il n’a pu être prouvé que la clinique avait été avertie du nouveau manuel d’utilisation qui était fourni avec les sondes achetées à compter de 1998. Le chirurgien comme le directeur de la clinique ont soutenu n’avoir jamais eu connaissance de ce nouveau mode d’emploi. PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 9.0 // LA PROTECTION JURIDIQUE L’expertise judiciaire ordonnée par le Juge d’Instruction a permis de confirmer l’hypothèse selon laquelle la rupture de la sonde pouvait parfaitement se produire après introduction dans le corps du patient sous l’impulsion du gaz, même après un essai satisfaisant. Pour rendre une ordonnance de non-lieu, le Juge d’Instruction s’est surtout attaché à vérifier si le protocole de matériovigilance avait bien été mis en place et s’il était systématiquement respecté sur les dix années antérieures à l’accident. Sur appel formé par la partie civile, la Chambre d’Instruction a confirmé que la rupture de la sonde pouvait se produire après introduction de celle-ci sous l’impulsion du gaz, même après un essai satisfaisant. En l’absence d’élément accréditant l’idée que la sonde était défaillante avant même son utilisation, aucune faute d’imprudence en lien direct avec le décès du patient ne pouvait être retenue à l’encontre du chirurgien. À l’égard de la clinique, la Chambre d’Instruction a relevé que le matériel incriminé n’était soumis à aucune disposition légale impliquant une vérification, seul étant concerné l’appareil générateur lui-même par un décret du 3 mars 2003. En outre, l’absence de traçabilité de l’utilisation de ce matériel au sein de la clinique ne permettait pas d’en déduire un défaut d’entretien alors qu’il a pu être vérifié, sur la même période, que les sondes présentant des défauts ont été régulièrement adressées au fabricant pour leur remise en état. L’ordonnance de non-lieu rendue par le Juge d’Instruction a été confirmée par la Chambre d’instruction en l’absence de charges suffisantes contre quiconque d’avoir commis le délit d’homicide involontaire Le lendemain de l’accouchement courant février 2006, l’enfant né avant terme en état d’immaturité hépatique est placé pendant deux jours à côté d’un autre nourrisson en traitement par photothérapie sous une rampe lumineuse classique au sein du service de maternité. Devant l’insuffisance de résultats, la mise en œuvre d’une séance de photothérapie intensive est décidée au moyen d’un appareil plus puissant équipé de tubes lumineux supplémentaires. L’auxiliaire puéricultrice requise pour sa mise en œuvre est alors chargée par le médecin pédiatre de rapporter l’appareil utilisé dans le service de néonatalogie. Ignorant tout de son utilisation et en l’absence de toute notice d’emploi disponible, elle recueille les renseignements pratiques et basiques pour le mettre en marche et y installer l’enfant. La mère du nourrisson qui s’était vue, de fait, confier la surveillance de son enfant durant les intervalles de passages de l’auxiliaire puéricultrice, constate au bout d’une heure que celui-ci, poussant des cris inhabituels, ne va pas bien et le signale au personnel soignant. Ignorant que l’appareil était équipé d’un indicateur de température, les deux auxiliaires puéricultrices présentes estiment que tout est normal. Les nouvelles inquiétudes exprimées par la mère, au vu de l’indicateur de température de l’appareil à 44,3 degrés, sont prises au sérieux après deux heures et demie d’exposition. L’enfant est sorti pour être transporté en état d’hyperthermie au service de néonatalogie où il décédera le lendemain des suites d’un choc hémodynamique et d’une entérocolite ulcéro-nécrosante avec septicémie secondaire. L’instruction a permis d’établir que la sage-femme, faisant fonction de responsable du service de maternité cette nuit-là, n’avait pas été informée par le pédiatre de l’importation et l’utilisation de l’appareil de photothérapie intensive. Décès d’un nouveau-né des suites d’une hyperthermie consécutive à un traitement par photothérapie intensive Condamnation pour homicide involontaire du médecin pédiatre et de l’hôpital en tant que personne morale (TGI Dijon - 18.10.2010). PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 93 En revanche, plusieurs manquements fautifs étaient reprochés au pédiatre et notamment : sa décision de transférer l’équipement vers le service de maternité plutôt que de confier temporairement le nouveau-né au service de pédiatrie pour les nécessités du traitement, sans avoir vérifié que l’équipe soignante chargée d’assurer la séance de photothérapie intensive avait été formée à son utilisation ; l’inobservation du protocole clinique, régissant la mise en œuvre dans le cadre du service de pédiatrie auquel il aurait alors été soumis s’il avait décidé du transfert temporaire de l’enfant dans ce service pour l’exécution de cette photothérapie intensive, comportant l’utilisation d’un moniteur cardio-respiratoire et surveillance de la température en continu avec un moniteur muni d’alarmes hautes et basses ; l’absence de prescriptions écrites et de consignes particulières adaptées au niveau de connaissances, de compétences et d’expériences du personnel soignant pour l’utilisation de l’appareil, contrairement aux dispositions de l’article R 4127-34 du Code de la Santé Publique, suivant lequel le médecin doit formuler ses prescriptions avec toute la clarté indispensable, veiller à leur compréhension par leurs destinataires et s’efforcer d’en obtenir la bonne exécution. Contrairement à ce que le pédiatre soutenait, les juges ont souligné que son statut de simple « consultant » médical à l’égard du service de maternité de l’hôpital, « ne le dispensait nullement d’édicter à l’usage de l’équipe soignante des consignes en rapport aux conditions de l’acte de soins qu’il venait de prescrire ». Le Tribunal a donc estimé que l’ensemble de ces manquements a constitué une négligence ayant concouru à la survenue du décès. Le médecin pédiatre a été reconnu coupable d’homicide involontaire et condamné à une peine d’amende de 15 000 euros avec sursis. Le juge s’est également employé à rechercher si l’établissement de santé avait rempli son obligation de fournir un matériel technique et des locaux pleinement adaptés aux exigences de sa mission. Or, plusieurs carences ont été mises en évidence par l’instruction : indisponibilité pour cause de travaux de la pièce habituellement destinée aux séances de photothérapie, au sein du service maternité ayant conduit à l’installation de l’appareil (rampe en tunnel) dans un local de repli, qualifié de « petite nurserie » dont la vitre de séparation avec la pièce contigüe était obstruée par divers affichages rendant malaisée une surveillance à distance ; absence de système de climatisation ou de régulation de la température ambiante en état de fonctionnement dans ce local exigu, seulement doté d’un mode de chauffage ressortant à un radiateur fonctionnant en tout ou rien, ce qui n’a pu que favoriser par rétroaction l’échauffement excessif de l’appareil de photothérapie en tunnel mis en place ; absence de thermomètre en état de marche dans la pièce pour assurer le contrôle de la température ambiante ; enfin, un manque de précaution pour défaut d’élaboration d’une procédure de sortie du service de néonatalogie de l’appareil de photothérapie, avec la mise en œuvre de la formation nécessaire tenant à sa potentielle dangerosité en l’absence de tout dispositif d’alarme. Le Tribunal a estimé que ces fautes de degrés variables ont concouru au décès de l’enfant. Le Tribunal a retenu la personne morale dans les liens de la prévention, prononçant une peine d’amende de 50 000 euros assortie du sursis. 94 PANORAMA DU RISQUE MÉDICAL Sham I ÉDITION 2011 ASSURANCES ET MANAGEMENT DES RISQUES / SANTé, SoCIAl ET MéDICo-SoCIAl Partageons plus que l’assurance Depuis plus de 80 ans, nous sommes fidèles à notre pacte fondateur : proposer aux professionnels de la santé, du social et du médico-social des solutions optimales d’assurance et de management des risques. Aujourd’hui, plus que jamais, nous souhaitons partager avec nos clients-sociétaires bien plus que l’assurance. Plus de connaissance de leurs enjeux, plus de conseils, plus de services, plus de proximité au quotidien... pour sécuriser leur activité et les accompagner dans le pilotage de leurs risques. Pour en savoir plus : www.sham.fr Sham, l’assureur spécialiste du secteur et des acteurs de la santé, du social et du médico-social. Sham accompagne les acteurs de la santé, du social et du médico-social depuis plus de 80 ans. Par son approche globale, Sham offre à ses sociétaires des solutions d’assurance et de management des risques adaptées à leurs besoins et spécificités. Sham 18 rue Édouard Rochet - 69372 LYON Cedex 08 Tél. : +33 (0)4 72 75 50 25 - Fax : +33 (0)4 72 74 22 32 www.sham.fr Sham est certifiée ISO 9001 pour ses prestations (assurance, formation, gestion des risques) délivrées aux acteurs de la santé, du social et du médico-social. Entreprise régie par le Code des Assurances.