Apport du Style Linguistique à la Modélisation Cognitive d

Apport du Style Linguistique à la Modélisation Cognitive
d'un Elève.
M.P. Daniel*, L. Nicaud **, V. Prince**
, M.P. Péry-Woodley***
*IUT, Orsay, France, **LIMSI, Orsay, France,***UMIST, Manchester, UK
Abstract. In the context of an intelligent tutoring system dedicated to defini-
tion control (these definitions had been already learnt by students from lectures),
this paper addresses more particularly the building of a cognitive profile, on
which a dialogue strategy between the system and the student will be based.
Among the elements involved in the cognitive profile building, we focus on the
information emerging from the linguistic form spontaneously adopted by the stu-
dent, while giving his/her definition in unconstrained natural language. From two
studies on real collected corpora, this contribution draws conclusions aboutthe re-
levant clues that will allow the system to choose a strategy adapted to the student.
“Le style est l’homme même”
Buffon
1 Introduction
TEDDI (tuteur d'enseignement de définitions individualisé) est un tuteur intelligent dont
l'objectif pédagogique est le suivant : contrôler la qualité et le niveau d'acquisition de
concepts abstraits grâce à un dialogue adapté au profil cognitif de l’apprenant. Il s'agit pour
l'élève d'apprendre à définir des concepts de façon satisfaisante, c'est-à-dire contenant des
informations exactes, mais présentant aussi un bon niveau d'abstraction et de
généralisation. `
Ce tuteur traite de connaissances magistrales, de type définitions de cours, préalablement
enseignées en classe par un professeur. Il ne propose pas de situation de résolution de
problèmes, ni de véritable situation d'enseignement. Dans TEDDI, le modèle de l'élève est
un élément central. L'utilisation du langage naturel écrit non contraint en est une
caractéristique principale, puisque l'hypothèse de base est que l'expression langagière de
l'apprenant est la trace des processus cognitifs sous-jacents.
Cette hypothèse principale repose sur l'idée suivante : il existe une analogie entre les
composants cognitifs et les composants langagiers, en conséquence, la forme linguistique
d'une réponse est un bon reflet de l'organisation des connaissances chez un élève [7]. Une
information sur cet “état cognitif” est importante car elle permet de guider le choix des
stratégies pédagogiques à employer par le système. C'est pourquoi, nous nous sommes
intéressées à cette organisation cognitive, faisant l'hypothèse que non seulement la façon de
définir un concept reflète la structure de ce concept dans l'esprit de l'élève, mais aussi
qu’elle met en évidence le “style cognitif” que celui-ci privilégie.
La question qui se pose alors est de savoir si l'expression langagière peut être un bon
indicateur de la façon dont un concept est structuré dans l'esprit d'un élève!: une
observation fréquente permet de constater que moins un élève domine un problème, plus il
a de difficultés à en exprimer les données mais l'expérience montre aussi que certains élèves
éprouvent des difficultés à exprimer une idée, par ailleurs correcte du point de vue de sa
représentation cognitive. Afin de renforcer nos intuitions, plusieurs études empiriques ont
été réalisées. Leur objectif était de déceler des régularités entre les formes des définitions
rédigées par les élèves et des traits décrivant leur profil cognitif.
Une première étude à caractère linguistique a permis de dégager une caractérisation de nature
analytique liée au début de la définition [9]. Afin d’approfondir les premières conclusions,
une deuxième étude, cette fois-ci psycho-linguistique, a été menée sur la première phrase de
chaque définition [1]. Une troisième étude est prévue sur l’ensemble de la définition, pour
affiner les résultats précédents. L’ensemble de ces études a pour objectif d’engendrer des
hypothèses de travail pour guider la réalisation du tuteur.
Dans cet article, nous présentons une synthèse des résultats des deux premières études.
Dans le chapitre 2, nous nous penchons sur le modèle de l’élève qui a inspiré en partie
l’étude psycho-linguistique : le modèle de Lamontagne; dans le chapitre 3, nous présentons
le modèle de l’élève particulier à notre tuteur, qui s’exprime davantage en terme de
contraintes computationnelles; enfin, dans le chapitre 4, nous décrivons les résultats des
études et la direction des recherches futures.
2 Le Modèle de l'Elève
Le modèle présenté dans ce chapitre a servi de guide pour l’étude psycho-linguistique
réalisée. Le modèle computationnel de l’élève est décrit dans le chapitre suivant et s’appuie
sur une instanciation aussi poussée que possible des fonctions décrites par Self [12].
2.1 Elaboration d'un Profil d'Apprentissage
Lamontagne [5] a élaboré des tests permettant d'établir le profil d'apprentissage d'un élève,
aussi bien dans le cadre scolaire qu'en formation d'adultes. D'emblée, le travail de l'auteur se
situe dans une perspective différentielle et insiste sur l'importance des caractéristiques
individuelles de l'apprentissage.
Le modèle proposé s’appuie sur deux composants essentiels, les principes d'apprentissage
(la façon d'apprendre d'un individu reflète sa façon de communiquer avec les autres)et les
variables du profil d’apprentissage (les déterminants culturels, les orientations symboliques
-l'élève peut avoir une ou plusieurs façons privilégiées de décoder l'information pour
apprendre-, les modes d'inférence -l'apprenant traite mentalement l'information qu'il décode
selon une démarche inductive ou déductive-). Nous nous attarderons sur la troisième
variable qui a plus particulièrement inspiré l’étude psycho-linguistique. L'élève plutôt
inductif se sent à l'aise dans une démarche de découverte, il procède volontiers des données
particulières et concrètes dont il ne connaît pas la probabilité vers des données dont il
connaît le niveau de probabilité. Trois classes viennent nuancer la catégorie inductive (de
type extensif , relationnel, ou différentiel ).
L'élève plutôt déductif est un démonstrateur, il se sent à l'aise dans une démarche
d'application de ce qui est déjà découvert. A l'inverse de l'élève inductif, il préfère
fonctionner dans un climat de certitude.
2.2 Implications Pédagogiques
Si les travaux de la psychologie différentielle [3,4,2,6] montrent qu'il existe des différences
individuelles dans les capacités de traitement et de manipulation de l'information, la notion
de style cognitif reste à approfondir. C’est pourquoi, la différence que Lamontagne relève
entre démarche de découverte (inductive) et démarche d’application (déductive) contient des
implications pédagogiques importantes qui ont retenu notre intérêt notamment par les
indications qu'il fournit dans le choix à opérer, selon le style d'apprentissage de l'élève,
entre pédagogie de la question ou de la réponse. Lors de la mise en place d'un module
d'enseignement, la question des stratégies de dialogue se pose avec une acuité particulière.
2.3 Pédagogie de la Question ou Pédagogie de la Réponse ?
Le problème qui se pose est de savoir s'il est préférable de susciter la question ou de donner
la réponse. La pédagogie de la question s'accommode volontiers d'un climat d'incertitude et
de probabilité, préférences de l'élève inductif : en effet celui-ci ne s'inscrit pas facilement
dans une démarche où on lui dénie d'emblée le droit au tâtonnement, à l'approximation. Il
se sentira plutôt à l'aise pour présenter son opinion sur une question plutôt que de répéter
celle des experts ou de l'enseignant. A l'inverse, l'apprenant déductif qui exige un climat de
certitude et de prévisibilité se sentira à l'aise confronté à une pédagogie de la réponse. Il
aime avoir des principes pour le guider dans ses activités ou qu'on lui fournisse un
programme bien défini d'étapes à franchir pour réaliser ses apprentissages. L'enseignement
doit lui fournir les modèles dont il a besoin.
Si les indices langagiers peuvent fournir des renseignements sur le style cognitif d'un
élève, alors on pourra en déduire un certain nombre d'orientations à prendre pour conduire
efficacement les stratégies de dialogue à engager avec cet élève, en appliquant de façon
adaptée soit une pédagogie de la question soit une pédagogie de la réponse.
3 Le Modèle de l'Elève dans TEDDI (MIEL)
MIEL (Modélisation Inductive de l'Elève selon son Langage) est un module s'intégrant
dans le tuteur intelligent TEDDI qui, en se fondant sur les propriétés du style linguistique
de la réponse faite en langage naturel par l'élève, en fournit une modélisation cognitive afin
de choisir une stratégie pédagogique adaptée. Cette modélisation cognitive tente de rendre
compte des idées développées précédemment.
3.1 Modélisation de l’Apprenant
La modélisation de l'apprenant comporte deux axes essentiels :
1) L'axe d'évaluation de la réponse : il porte d'une part sur l'évaluation de la validité et de la
complétude de la définition donnée [10], d'autre part sur le niveau d'abstraction lexicale
atteint par l'élève [8]. Nous définissons l’abstraction lexicale comme une “distance” entre
les concepts présents dans la définition de l’élève et les concepts de référence.
2) L'axe cognitif, principalement fondé sur une interprétation des indices langagiers fournis
par les réponses de l'élève. Cet axe doit fournir deux types de renseignements : d'une part
une évaluation de l'abstraction langagière, d'autre part une interprétation permettant de créer
un profil cognitif. L’abstraction langagière est définie comme l’état de généralisation
dégagée par le texte produit par l’élève. Elle se distingue de l’abstraction lexicale en ce sens
qu’elle relève d’un processus textuel, alors que l’abstraction lexicale est en relation avec un
niveau conceptuel. Le profil cognitif est défini comme un ensemble de traits relatifs à la
relation entre l’apprenant et ses connaissances à un instant donné. Il sera exclusivement
utilisé dans des buts communicatifs et non évaluatifs. L'axe cognitif permet de nuancer et
enrichir les informations issues de l'axe d'évaluation.
3.2 Profil(s) Cognitif(s)
MIEL a pour tâche de déterminer la nature du profil cognitif chez l'élève, sur la base des
informations d'ordre syntaxique et sémantique issues de l'analyse des définitions fournies
par cet élève. Une première phase va permettre de constituer un profil de départ que nous
nommons profil cognitif spontané (celui établi à partir de l’attitude langagière privilégiée
par l’apprenant). Au fur et à mesure des interactions, il est possible (et probable) que ce
profil évolue. Nous pensons que cela est lié à l’adhésion de l’élève à la stratégie de
dialogue. Une interaction entre la mise à jour de l’état des connaissances et de modélisation
cognitive se déroule de la manière suivante :
- mise à jour du niveau de connaissance de l'élève
- MIEL détermine les caractéristiques cognitives de l'intervention en cours
- MIEL met à jour le profil cognitif (renforcer/atténuer les tendances décelées au cours
d’interactions précédentes)
- rétroaction sur le niveau de connaissance.
Le travail que nous présentons ici correspond à la première phase de l’élaboration du profil
cognitif. Nous nous plaçons dans les conditions l’apprenant n’est pas encore connu du
système. L’objectif est de constituer le profil cognitif spontané, c’est-à-dire qu’aucune
intervention du système n’a pu influencer le comportement langagier de l’élève.
Le “dialogue” actuel ne comporte donc que deux interventions qui sont une interrogation du
sytème de la forme Qu’est ce que <concept à définir> ? et la réponse de l’apprenant sous
forme d’une définition en langue naturelle non contrainte.
4 Une Approche Linguistique
Il est clair que le langage naturel est trop riche pour que nous puissions envisager de
réaliser une analyse linguistique exhaustive de la définition. C'est pourquoi, dans un
premier temps, nous avons recherché les indices langagiers sur lesquels fonder une
typologie des définitions fournies par les élèves. Nous avons ainsi dégagé des structures-
types reflétant différents niveaux d'abstraction langagière.
Rappelons que le niveau d'abstraction langagière est lié à la forme textuelle utilisée par
l'élève tandis que le niveau d'abstraction lexicale permet d'avoir des indices sur les
possibilités de généralisation ou de spécification en s'appuyant sur des indices de
vocabulaire. La linguistique du texte, qui cherche à expliquer les choix au niveau de la
phrase (syntaxe, ordre des mots) en terme de cohérence textuelle, fournit le cadre de travail
approprié et permet d’approcher l’analyse de textes avec les notions de thème et de relations
entre propositions. Trouver “ce dont on veut de parler” (le thème) et créer des liens entre
des propositions sont les processus fondamentaux dans la construction de textes, et ces
processus laissent des traces de “surface” dans les textes ainsi créés. Ces traces sont les
marqueurs qui servent aux lecteurs à construire un modèle de la structure du texte. Ce ne
sont pas seulement des formes lexicales spécifiques comme les connecteurs et les mots-
indice, mais aussi des configurations de formes syntaxiques et de ponctuation. Ces
configurations peuvent avoir un sens textuel précis, dans un type de texte particulier.
Il faut partir d’une approche inductive pour déterminer ce qui constituera les marqueurs pour
un type de texte particulier. L’adéquation de tels marqueurs intervenant dans la construction
de texte avec une modélisation cognitive a été étudiée dans [11] en particulier pour ce qui
concerne le niveau d’abstraction d’un apprenant. L’étude [9] a dégagé deux mécanismes
textuels importants dans la description de la définition : l'attaque et la structure. L’attaque
correspond à la façon dont est organisée le début de la définition, tandis que la structure est
en relation avec l’articulation des propositions entre elles. Ce dernier point fera partie de la
troisième phase de notre étude.
Le problème linguistique qui se pose est de trouver des marqueurs fiables et détectables
automatiquement qui soient significatifs de l’organisation cognitive et de la manipulation
des connaissances de l’apprenant.
4.1 L'Attaque des Définitions
Cette étude montre que l'attaque d'une définition donne une indication sur l'abstraction
générale de la définition. Les résultats qui sont présentés proviennent de l’analyse d’un
corpus de 300 définitions rédigées en français. Ces définitions concernent des concepts
abstraits dans les domaines de la psychologie, de l’informatique et de la gestion. Plusieurs
types de recueil ont été faits : sur clavier (traitement de texte) vs à la main ; réflexion
préalable en temps limité (5 minutes) vs en temps libre ; avec information sur le type de
traitement :analyse automatique vs analyse manuelle. Nous n’avons pas constaté de
différences fondamentales pour les différentes variables dans la mesure la consigne
limitait le nombre de phrases. Pour les sous-corpus intra-individuels (plusieurs définitions
par le même sujet au cours de la même session)!nous n’avons pas constaté à première vue
de variations majeures. Cette étude sera approfondie ultérieurement.
Quatre types d'attaque ont ainsi été dégagés : l'histoire (le concept est raconté comme une
histoire), l'action (prédicat d'action verbal), le mot-action (prédicat d'action nominal) et le
mot-concept (nominalisation totale). Ces quatre types d’attaque décrivent quatre stades dans
le continuum concret/processus--->!abstrait/concept. Les résultats sont fournis Fig. 1.
L’histoire a en fait comme “sujet de départ” n’importe quel référent sauf le concept à
définir. Pour tous les autres types, c’est le concept à définir qui apparaît (implicitement ou
explicitement) comme “le sujet de départ”. On remarque également que les attaques vont
d’une prédominance verbale à une prédominance nominale.
Voici des exemples extraits du corpus qui illustrent chacun des quatre types d’attaque!:
Histoire : Après extinction et une période de repos, on présente de nouveau le stimulus
conditionnel à l’animal, on constate de nouveau la réaction conditionnelle.
Action!: ordonner un ensemble d’éléments donné selon un ordre précis.
Mot action!: Un tri est un mécanisme qui permet d’ordonner un ensemble d’éléments de
même type suivant un critère donné.
Mot-concept!: Réapparition d’une réponse conditionnelle, ayant subi une extinction, sans
renforcement.
PROCESSUS <-------------------------------------------------------------> CONCEPT
1.Histoire 2.Action 3.Mot Action 4. Mot Concept
par défaut (V+Prep+)Inf N + Rel N + PrepP
(i.e. absence N+Vcop N + Prep + Inf N + AdjP
de marqueurs) N + V-ant
________________________________________________________________________
Légende : Rel : Clause relative V: verbe N: nom
-ant : participe présent cop: copule Inf: Infinitif Prep : préposition
prepP syntagme prépositionnel AdjP syntagme adjectival
Fig. 1. Les différentes attaques
Il faut noter que ces marqueurs sont spécifiques du type de texte étudié savoir des
définitions de concepts), mais qu’en revanche ils semblent être indépendants du domaine des
concepts définis. Les configurations sont simples à mettre en œuvre et donc
l’implémentation, qui a été réalisée, n’a pas posé de problème majeur.
4.2 Les Classes de Définitions
L’attaque donne une première indication sur le niveau d’abstraction. Cet indice pourra être
affiné par une investigation complémentaire, qui portera sur la première phrase de
définition. Après avoir étudié le corpus, quatre classes principales ont été retenues
présentées ici en ordre décroissant par rapport au niveau d'abstraction langagière atteint:
- NOMINAL : aucun verbe dans la définition, qui ne comporte qu’une proposition, mais
1 / 8 100%

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