Concours blanc -Spé- Épreuve de français Durée : 4h. Résumez ce

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Concours blanc -SpéÉpreuve de français
Durée : 4h.
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Je partirai de cet a priori : comme la psychanalyse est une pratique de la parole et que celle-ci est
soutenue d’une éthique, tous lieux de parole devraient être intéressés par le discours analytique. Ce
qui ne veut pas dire qu’il faille instaurer un dispositif analytique dans ces lieux, mais que l’éthique
analytique peut grandement faciliter le travail de ceux et celles pour qui la parole est le principal outil
de travail, ce qui est le cas au Centre de crise. Si la parole constitue notre principal outil de travail,
n’est-il pas nécessaire de nous interroger sur ce qu’est au juste la parole ?
C’est avec Freud que le terme psychothérapie apparaît. Sans doute influencé par ce qu’il retient
de l’hypnose et du célèbre cas de son confrère Breuer (Anna O.), Freud opère ici un renversement
radical : ce n’est plus le médecin (ou le prêtre, le chaman, ...) qui détient le savoir, mais le patient luimême. La parole du patient recèle un savoir, mais ce savoir, le patient le méconnaît ; ce savoir, il ne
le sait pas ; c’est un savoir insu : l’inconscient.
L’inconscient freudien est donc un savoir, mais un savoir qui nous échappe, dont est coupé le
sujet qui le supporte ! Toutefois – c’est la découverte de Freud – la parole permet au sujet de
transformer le rapport qu’il entretient à ce savoir. De quelle façon ? Pour répondre à cette question il
faut tout d’abord se demander ce qu’est la parole.
Qu’est-ce que la parole ?
Les points de vue diffèrent selon le lieu d’où cette question est posée. On peut définir la parole
d’un angle physiologique. Abordée par ce biais, ne pourrions-nous pas dire que la parole c’est du
vent qui vient rencontrer des cordes vocales (d’où l’expression que l’on entend si souvent et qui a
une forme dépréciative : “ ventiler ” ; dans le cas où un patient n’a pas une grande capacité
d’introspection (?), on attend simplement de lui qu’il “ ventile ” !). Ce que nous retiendrons ici, c’est
que la parole a trait au corps et qu’elle s’origine de l’évidement d’air des poumons.
Généralement, en linguistique, la parole est étudiée d’un point de vue phénoménologique. On va
opposer la parole à la langue. La parole se référant à l’individuel et à l’intention ; la langue au social
(je demeure ici à un niveau très général sans entrer dans les subtilités qui mériteraient attention).
En psychologie, la parole se réduit au schème de la communication : il y a l’émetteur et le
récepteur, et le message est reçu 5/5, à moins qu’il y ait des parasites dans le circuit, auquel cas, il
n’y a qu’à les éliminer. L’école de Palo Alto repose principalement sur ce schéma, elle fait référence à
une logique de la communication où rien ne se perd.
Le psychanalyste, pour sa part, dira plutôt que l’on ne peut recevoir un message que 4/5, une
partie manque toujours. La contradiction et le malentendu des messages sont des faits de structure
et non des parasites pathogènes, ce que la vie quotidienne montre sans cesse.
En écho à la conception psychologique de la parole, disons, pour l’instant, que la fonction
première de la parole n’est pas de communiquer ; la communication n’étant qu’un effet de la parole.
Alors, quelle est cette fonction première de la parole ? Pour y répondre, faisons un bref retour à
Freud.
[…] La parole engage parce que son appel amène une réponse du sujet. Elle engage le sujet face à
l’Autre, mais aussi, elle engage le sujet face à sa parole : le sujet s’engage dans sa parole. Il y a, dans
l’acte de la parole, un engagement auquel se tient le sujet. Ne dit-on pas, à l’occasion, de quelqu’un
qu’il “ tient parole ”. À quoi se réfère cet engagement sinon à la vérité du sujet ; soit, la “ façon ”
(subjectivité) dont un sujet s’est introduit dans la champ de la parole, ou encore, la façon dont la
parole l’a rendu sujet.
Qu’est-ce qui fait “ tenir ” la parole d’un sujet ? Ou, a contrario , qu’est-ce qui fait que certaines
personnes ne tiennent pas parole ?
Faisons un pas en arrière. Pour que la parole tienne et pour qu’une subjectivité s’élabore, il faut
un lieu sur lequel elle puisse s’appuyer. Ce lieu prend historiquement la forme de ce que l’on appelle
dans nos sociétés le complexe d’Œdipe, c’est-à-dire, comme le rappelle Lacan, la modalité par
laquelle est introduite la fonction paternelle. Cette dernière pouvant se résumer par ce qui instaure
la Loi du désir chez le sujet. Sans entrer plus en détail sur cette question (qui concerne ce qui
structure le désir, la réalité et la sexuation d’un sujet), disons de ce lieu qu’il représente pour le sujet
le passage d’une aliénation nécessaire au désir de l’Autre (généralement incarné en premier lieu par
la mère) vers une séparation où il pourra inscrire subjectivement sa place vis-à-vis de l’Autre .
Mais le mouvement entre ces deux pôles n’est pas qu’historique, il est aussi logique ; on le
retrouve dans la structure interne de la parole : l’aliénation (se faire réponse à l’appel de l’Autre)
renvoie à la séparation (parler en son nom, par exemple, selon le désir du sujet), puis retour à
l’aliénation, car il ne peut y avoir de désir du sujet sans l’Autre, les signifiants auxquelles il se réfère
se retrouvant au lieu de l’Autre. Et ainsi de suite.
Entre ces deux pôles, il y a l’espace où se constitue la subjectivité, où il y a mobilisation du sujet.
Toutefois, certains éléments peuvent arrêter ce mouvement. Il y a alors fixation de la position du
sujet. Le destin de cette fixation est des plus varié, elle peut prendre la forme de crise (tel qu’on
l’emploie au Centre d’intervention de crise), de passage à l’acte, d’angoisse intense, s’enkyster dans
un symptôme, etc. Autant de raisons qui peut amener un sujet à faire une demande d’analyse.
Ces diverses considérations sur la structure de la parole et ses fonctions ne permettent pas
seulement un meilleur repérage des différentes structures cliniques, ni une élaboration d’une théorie
de la subjectivité plus juste, elles ont également des conséquences éthiques. Le sujet, avons-nous vu,
est un effet de discours, il est déterminé par le désir de l’Autre. Ce détour, quoique aliénant est
néanmoins nécessaire pour que le sujet assume une position désirante. Ainsi, malgré le fait que
notre position de sujet nous dépasse toujours, au sens où il provient d’un discours Autre, nous en
sommes responsables. Cautionner, par exemple, les déboires d’un sujet sur l’autre (l’extérieur, la
situation économique, la famille, etc.), même si cela fait partie de la réalité, va à l’encontre d’une
éthique du sujet de l’inconscient. Ainsi, comme sujet, nous sommes toujours responsables des effets
de notre parole, même si celle-ci, comme on dit souvent, dépasse notre pensée. À ne pas suivre cette
éthique, c’est vers une déshumanisation et un renforcement de son aliénation que l’on oriente le
sujet.
Martin Pigeon (psychanalyste) sur le site de L’Institut Européen de Psychanalyse et Travail Social
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