Hyperthyroïdies à l’amiodarone CORSICA MEDICINA Samedi 30 Octobre 2010 CALVI Plan de la présentation Synthèse des hormones thyroïdiennes, structure, apports iodé moyens Adaptation de la fonction thyroïdienne à la surcharge iodée, causes des surcharges et conséquences Fonction thyroïdienne et amiodarone Les hyperthyroïdies par surcharges iodées : type I et II Traitements Cas cliniques En pratiques Synthèse des hormones thyroïdiennes, structure et apports iodés moyens Synthèse des hormones thyroïdiennes Captage de l’Iodure Organification de l’Iode Formation et libération des hormones thyroïdiennes Élimination de l’Iodure Contrôle du métabolisme thyroïdien de l’iode Structure des hormones thyroïdiennes Apports iodés moyens Variables en Europe occidentale de 50 à 100 µg/j en moyenne Surcharge si > à 500 µg/j Causes : essentiellement iatrogènes Produits de contraste iodés pour examens radiologiques Antiseptiques Amiodarone iodés Adaptation de la fonction thyroïdienne à la surcharge iodée, causes des surcharges et conséquences Adaptation de la fonction thyroïdienne à la surcharge iodée Mécanismes d’adaptation permettant à la thyroïde de synthétiser les hormones T3 et T4 de manière normale malgré une grande variation des apports iodés selon les pays et l’alimentation Parfois pris en défaut : dysthyroïdies pouvant survenir sur thyroïde saine ou pathologique Principales sources de surcharge iodée Fonction thyroïdienne et amiodarone Conséquences d’une surcharge iodée par l’amiodarone Massive et prolongée Un comprimé de 200 mg d’amiodarone 75 mg d’iode 9 mg libérés = 90 fois la dose quotidienne moyenne consommée en France Accumulation de l’amiodarone dans le tissu adipeux, la thyroïde et le cœur Libération tissulaire lente ½ vie amiodarone : 40 + ou – 10 jours Conséquences d’une surcharge iodée par l’amiodarone Blocage transitoire de l’organification de l’iodure : « effet Wolff-Chaikoff » Puis adaptation en 48h : « échappement à l’effet Wolff-Chaikoff » Toxicité directe de l’amiodarone sur la cellule thyroïdienne (concentrations élevées d’iodure) : thyroïdite induite par l’iode Variations normales de la fonction thyroïdienne sous amiodarone Inhibition de la 5’désiodase périphérique qui convertit T4 en T3 diminution de la T3 Interpréter les dosages hormonaux avec prudence au cours d’un traitement par amiodarone Fonction thyroïdienne et amiodarone hypophyse T4 Tissus périphériques T3 T4 5’ désiodase type II T3 5’ désiodase type I AMIODARONE rT3 T2 T3 ; T4 ↑TSH ↑T4 ↓T3 ↑rT3 T3 ; T4 Modifications hormonales sous amiodarone 1 à 3 mois T3L T4L TSH > à 3 mois Diminuée ou Normale basse normale basse élevée Normale haute ou peu élevée augmentée normale Les hyperthyroïdies par surcharge iodée : type I et II Fréquence des dysthyroïdies sous amiodarone Zones de carence iodée : hyperthyroïdies plus fréquentes (10% vs 5%) Zones non carencées : hypothyroïdies plus fréquentes (22% vs 2%) Fréquence rapportée des dysthyroïdies sous amiodarone ≈ 2 à 24% Hyperthyroïdie par surcharge iodée Type I : pathologie thyroïdienne sous jacente (parfois latente) : iode « carburant » Type II : thyroïde indemne de pathologie sous jacente : « toxicité de l’iode » Biologie : TSH effondrée, T4L et T3L augmentées Hyperthyroïdie par surcharge iodée Type I Type II Maladie thyroïdienne préexistante oui non Goitre oui non Durée du traitement par amiodarone 1 à 2 ans > à 2 ans Biologie idem idem Auto-immunité + - Fixation iode 123 faible blanche Échographie pathologique normale Doppler augmentée Normal ou bas Hyperthyroïdie par surcharge iodée sur thyroïde saine (type II) Mécanisme : libération brutale des stocks accrus d’hormones thyroïdiennes Parfois phénomènes de nécrose et thyroïdite associés Plus fréquentes dans les régions de carence iodée Hyperthyroïdie par surcharge iodée sur pathologie thyroïdienne préexistante (type I) Pathologie nodulaire toxique Nodule Goitre unique toxique multihétéronodulaire toxique – Certains nodules profitent de la surcharge pour élaborer de grandes quantités d’hormones – Évolution vers la guérison une fois la surcharge éliminée : retour à l’état antérieur – Durée : plusieurs mois Maladie de Basedow Présentation clinique Antérieure à l’introduction de l’amiodarone Plus souvent pendant le traitement ou jusqu’à 9 à 12 mois après arrêt de l’amiodarone Risque maximal les 1000 premiers jours de traitement Étude randomisée prospective 612 hommes : amiodarone / sotalol / placebo pour FA : développement d’une hyperthyroïdie chez 5,3 % des patients sous amiodarone versus 2,4 % sous placebo Présentation clinique Thyréotoxicose forme typique Tableau trompeur du sujet âgé (PA) AEG, apathie, amaigrissement, anorexie, troubles dépressifs, décompensation d’une pathologie cardiaque sous-jacente (FA) ou de troubles cognitifs (démence) Chez les PA sous amiodarone : amaigrissement, AEG, décompensation d’une pathologie cardiaque ou neurologique dosage de TSH Traitements Traitement des hyperthyroïdies par ou avec surcharge iodée Antithyroïdiens de synthèse Corticothérapie Perchlorate de potassium Lithium Plasmaphérèses Chirurgie Arrêt de la surcharge iodée + ou – traitement par iode radioactif Traitement des hyperthyroïdies par ou avec surcharge iodée Éradication de la cause si possible Amiodarone : surcharge peut persister jusqu’à un an Arrêt à discuter en concertation avec le cardiologue Lithium peu utilisé Parfois simple trt BB / régression de l’hyperthyroïdie par élimination complète de la surcharge iodée Traitement des hyperthyroïdies par ou avec surcharge iodée : type II Gravité fonction : terrain, cardiopathie sous-jacente, degré de thyréotoxicose, taux de T3L BB PTU > autres ATS Corticothérapie : efficace mais utilisation limitée Perchlorate de potassium Chirurgie en semi-urgence Radio-iode impossible Traitement des hyperthyroïdies par ou avec surcharge iodée : type I PTU : à forte dose inhibe conversion périphérique de T4 en T3 Carbamizole Parfois radio-iode possible Rechute quasi certaine si réintroduction de l’amiodarone après guérison Discuter thyroïdectomie préventive ou radio-iode avant réintroduction De même pour le type 2 (30 % de récidive ?) Traitement des hyperthyroïdies par ou avec surcharge iodée Justification d’un traitement radio-isotopique après épisode initial d’hyperthyroïdie : Épisode documenté d’hyperthyroïdie antérieur Présence de TDR graves (TV) symptomatiques mettant en jeu le pronostic vital Efficacité démontrée de l’amiodarone sur l’arythmie du patient Résistance aux autres anti-arythmiques Cas cliniques Cas clinique 1 (2007) Monsieur X. 37 ans, IDM postérieur mai 2002, échec de thrombolyse, angioplastie Re-sténose intra-stent décembre 2002 Juillet 2004 : pose de Défibrillateur pour TV Récidives de TV en 2005 : plusieurs CEE Résistance de la TV au trt BB et Cordarone Trt par Cordarone de février à juillet 2006 Ablation chirurgicale de la TV en juillet 2006 Cas clinique 1 (biologie et échographie) Octobre 2006 : hyperthyroïdie de découverte biologique (TSH <0.01 mUI/L, FT4 : 26,4 pmol/l (<22,7 pmol/l) et FT3 : 7 pmol/l (<6,5 pmol/l), Ac anti TPO, anti TG et TRAK négatifs Échographie : petit goitre homogène discrètement hypoéchogène d’échostructure régulière et homogène peu vascularisée en doppler Cas clinique 1 (scintigraphie) Cas clinique 1 (diagnostic et traitement) Hyperthyroïdie à l’amiodarone de type II Traitement : – – – – Déjà sous BB Coradarone déjà arrêtée Mise sous Néomercazole (peu efficace dans ce contexte) Diminution progressive de la FT4 et FT3, puis normalisation de la TSH (élimination de l’Iode) – Secondairement : ablation radio-isotopique à l’iode 131 – Hypothyroïdie définitive plus facile à gérer… Cas clinique 2 (2009) Monsieur X. 67 ans, découverte d’une hyperthyroïdie fruste dans les suites d’un AVC hémorragique Notion de TSH basse depuis 2008, non effondrée HTA sévère, hypercholestérolémie, tabagisme (>80 PA sevré en 1990) Athérome des TSAO Bronchite chronique post-tabagique Hérédité coronarienne Trt : Triatec 5 / Inipomp 20 Cas clinique 2 (HDM) Peu de signes cliniques d’hyperthyroïdie : - 2 Kg en 3 mois (suite AVC), nervosisme, tachycardie régulière à 80/mn Injection de PDCiodé 3 semaines auparavant pour TDM cérébral de contrôle A la palpation cervicale : petit goitre en partie plongeant, souple, multinodulaire Biologie : TSH : 0,04 mUI/l, FT4 : 13 pmol/l (N), FT3 : 4,4 pmol/l (N), ATPO, ATG, TRAK négatifs Schéma thyroïde Cas clinique 2 (scintigraphie) Cas clinique 2 (échographie et scintigraphie) Échographie : goitre de 40 cc (N<20), multinodulaire avec 4 nodules supra-centimétriques dont un à gauche de 24 mm hypervascularisé Scintigraphie au Tc 99m : nodule gauche hyperfixant pré-extinctif du reste du parenchyme thyroïdien Pas de traitement dans l’immédiat car FT3 non augmentée Consignes de surveillance et proposition de préparation médicamenteuse par ATS si recours à une autre injection de PDCiodée nécessaire Cas clinique 2 (prise en charge) SCA : coronarographie avril 2010 sans préparation médicamenteuse Bilan avril : TSH 0.01 mUI/L, FT4 : 15,2 ng/l (<14,80), FT3 : 6,5 pmol/l (< 5,9) Mise sous Néomercazole NFS/ semaines pdt 6 semaines (agranulocytose immuno-allergique) Bilan thyroïdien / mois Discussion de traitement radical : chirurgie si possible de préférence En pratique En pratique Mesure de TSH et T4L avant mise en route d’un traitement par amiodarone même en situation d’urgence Surveillance semestrielle de la TSH sous amiodarone Bilan biologique normal sous amiodarone : TSH normale ou peu élevée, T4L élevée, T3 libre basse ou normale En pratique Doser TSH, si basse : doser FT4 et FT3, ac anti TPO ±anti Tg et TRAK Echographie thyroïdienne Si besoin scintigraphie (Iode 123 > Tc 99m) Traitement complexe différent selon de type d’hyperthyroïdie, l’importance de la surcharge iodée et le terrain sous-jacent En pratique S’interroger sur le caractère indispensable ou non de l’amiodarone, avis cardiologue Interruption au moins temporaire souvent nécessaire en cas d’hyperthyroïdie Références bibliographiques Les maladies de la Thyroïde, Jean-Louis Wémeau, éditions MASSON. Wémeau J.-L et col. Hyperthyroïdie. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Endocrinologie-Nutrition, 10-003-A-10,2006. Laurence Leenhardt, André Aurengo. Dysthyroïdies sous amiodarone. Médecine Clinique Endocrinologie Diabète. Hors série Avril 2009, Médecine Diffusion. Hypothyroïdies sous amiodarone Prédomine dans les régions où l’apport iodé est suffisant Hypothyroïdies induites par l’iode : non échappement à l’effet Wolff-Chaikoff Guérissent spontanément après élimination de la surcharge iodée sauf si une autre cause d’hypothyroïdie est associée Survenue précoce les 10 premiers mois de traitement Hypothyroïdies sous amiodarone Plus fréquentes en cas de thyroïdite auto-immune sous-jacente ou d’antécédent d’hyperthyroïdie traitée par iode radioactif (prévalence élevée des ac anti TPO et anti TG) Rechercher les ac anti TPO et anti TG / guérison possible ou non ? Si surcharge iodée liée à un trt par amiodarone : pas nécessaire de l’interrompre, donner un traitement substitutif avec précautions d’usage