DI, Université de Sherbrooke Rapport Technique No. 11
2. La représentation de la connaissance
Si on s'intéresse à l'éducation et à l'enseignement, et qu'on a l'ambition de doter un
système artificiel de compétences dans ces domaines, il n'est pas possible d'ignorer
tout ce qui touche à l'apprentissage, à la cognition et à la mémoire humaine. Plutôt
que d’être un simple dispositif matériel de conservation de données (comme dans
le cas des ordinateurs), la principale caractéristique de cette mémoire est la mise en
jeu de processus de catégorisation, de généralisation et d’abstraction [Gagné et al.,
1992]. Toutefois, si la mémoire humaine possède de prodigieuses facultés, il nous
arrive pourtant d'avoir des défaillances et d'oublier. Cette défaillance survient
lorsque l'information n'a pas subi le traitement approprié [Baddeley, 1990]. En
effet, le processus d'organisation est essentiel pour le succès du mécanisme de
rappel. En d’autres termes, les chances de retrouver une information ou un souvenir
dans la mémoire dépendent de la qualité avec laquelle il a été étiqueté et de la
spécificité des éléments auxquels il a été associé [Rosenfield, 1989]. Si les faits et
les souvenirs qui leurs sont associés sont des connaissances qui peuvent être
acquises explicitement et correspondent donc à une mémoire dite explicite, nos
habitudes et notre savoir-faire sont largement implicites et sont acquis par
l’exercice répétitif plutôt que consciemment. Ils correspondent à une mémoire dite
implicite.
La mémoire explicite réfère à la capacité d’accéder intentionnellement à
une information qui fait partie d’un souvenir, alors que la mémoire implicite réfère
à l’accès involontaire à l’information. Grâce à leurs expérimentations sur des
amnésiques antérogrades2, Graf, Squire et Mandler [1984] (1) soulignent la
différence entre les mécanismes de la mémoire implicite (qui sont conservés par les
sujets) et ceux de la mémoire explicite (qui sont perdus) et (2) déduisent que les
connaissances implicites ne peuvent être volontairement examinées par la
personne. Par conséquent, elles ne peuvent être l’objet de souvenirs utilisables pour
effectuer une tâche ou élaborer un raisonnement. D’ailleurs, les expériences
réalisées par Phelps [1989] montrent également que les amnésiques sont capables
d’apprendre des connaissances procédurales qui n’exigent pas de se souvenir des
évènements antérieurs. Une habileté peut donc être acquise si elle peut être créée à
partir de l’information directement accessible dans l’environnement ou dans la
mémoire de travail d’un sujet amnésique. Une lecture des expériences mettant en
relief la dissociation entre la mémoire explicite et celle implicite indique, d’un côté,
que lorsqu’un sujet prend connaissance explicitement de l’information de la
mémoire à long terme pour accomplir une tâche, ces informations sont utilisées par
le centre de l’attention pour réaliser cette tâche et montre, d’un autre côté, que les
mécanismes de la mémoire implicite permettent d’accomplir les tâches routinières
2 Les amnésiques antérogrades sont ceux qui, à la suite d’un accident neurologique, ne peuvent plus acquérir de
nouveaux souvenirs.
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