P107 Cardiomyopathie du péri partum : A propos d’une observation K.REGEUIEG, H.CHAOUACHI, L. JLILI, S. BEKRI, R. BRIKI, BEN HMID R, D. EZGHAL, S. MAHJOUB Service de Gynécologie Obstétrique, CMNT Introduction/ Définition: Traitement: Le syndrome de Meadows ou la cardiomyopathie du péripartum (CMPP) est une pathologie rare et méconnue. Elle est définie comme une insuffisance cardiaque systolique survenant le dernier mois de la grossesse ou les 6 premiers mois du post-partum en l'absence d'étiologie connue ou de cardiopathie préexistante. Son incidence est de 1/1300 à 1/15 000 grossesses. . A partir d’une observation avec revue de la littérature on a précisé les hypothèses étiopathogéniques, les facteurs de risque, les moyens thérapeutiques et les mesures de prévention secondaire de cette maladie. Est celui de toute CMD d’autre étiologie. Son but est de diminuer la pré charge, la post charge et d’ augmenter la contractilité myocardique. Le meilleur traitement diminuant la post charge sont les inhibiteurs de l’enzyme de conversion qui sont contre indiqués au cours de la grossesse à cause de leurs effets indésirables sur le fœtus (oligoamnios,prématurité,malformations osseuses..). L’amlodipine ou l’association hydralazine-dérivés nitrés permettent de diminuer la post charge sans risque pour la mère ni pour le fœtus. La diminution de la pré charge peut être assuré par les dérivés nitrés et les diurétiques. Ces derniers doivent être utilisés avec précaution au cours de la grossesse à cause du risque de déshydratation. La digoxine a un effet inotrope positif mais elle est surtout utile comme anti rythmique supra ventriculaire. L’arythmie ventriculaire est le souvent grave associée à une lourde mortalité ce qui justifie le recours à un anti arythmique puissant qui a prouvé son efficacité tel que l’amiodarone bien qu’elle risque d’être toxique aussi bien pour la mère que pour le fœtus(hypothyroïdie, RCIU, mort périnatale) . Les bétabloquants ont prouvé leur efficacité dans l’amélioration du pronostic à long terme, mais doivent être utilisés avec précaution en prépartum car peuvent entrainer un RCIU. Observation: Nous rapportons le cas d’une patiente âgée de 21 ans, G1P1, sans antécédents pathologiques notables qui a accouché par césarienne pour SFA et qui a présenté en post opératoire immédiat une dyspnée et une tachycardie motivant son hospitalisation en réanimation. A son admission, la patiente était apyrétique et présentait les signes d’insuffisance cardiaque globale (dyspnée, orthopnée, tachycardie à 130 bpm, hypotension artérielle à 9/6). L’auscultation cardio-pulmonaire a objectivé des râles crépitents bilatéraux et un souffle d’insuffisance mitrale. La radiographie du thorax a montré une surcharge hilaire bilatérale et une rectitude du bord droit du cœur en rapport avec un cœur mitral. L’ECG a révélé une tachycardie sinusale. Un complément écho-cardiographique a montré un VG dilaté à fonction systolique effondrée, des cavités droites non dilatées, PAPS 37mmHg, sillon intra ventriculaire paradoxal. La patiente a été mise alors sous Lopril 25, Dobutrex. L’évolution était favorable avec l’amélioration de l’état respiratoire et la stabilité hémodynamique permettant le sevrage des drogues vasoactives. Une écho cardiographie pratiquée après 3 jours a montré une fonction systolique encore altérée, FE à 40%, amélioration de la cinétique du VG sauf pour le sillon intra ventriculaire qui restait paresseux. La patiente a été transférée en cardiologie sous Lasilix –Lopril. Un 3e contrôle écho cardiographique a montré une amélioration nette de la fonction systolique du VG jusqu’à disparition de toutes les anomalies écho cardiographiques. Après recul de 24 mois la patiente est en bon état de santé avec une échocardiographie normale. Etiologie: L’âge (sup à 30ans), la race noire, la multiparité et la grossesse gémellaire ont été décrits comme des facteurs de risque de la CMPP. De même, une étude récente a rapporté que la pré-éclampsie et les bêtamimétiques favorisent la survenue de cette entité clinique. Une autre étude incrimine le déficit en sélénium. Toutefois, l’étiopathogénie de la CMPP reste mal connue. L'étiologie de la CMPP est encore incertaine, la myocardite d'origine virale, auto-immune ou idiopathique est fortement suspectée. La relation entre la grossesse et la myocardite virale a été publiée pour la première fois 1968. Les modifications physiologiques et hémodynamiques liées à la grossesse seraient à l’origine d’une susceptibilité accrue aux myocardites virales (coxsakie,echovirus). Certaines études ont prouvé la présence chez les femmes enceintes en insuffisance cardiaque, d’un taux élevé d’auto anticorps anti protéines cardiaques, du facteur tumoral nécrotique, d’interleukine 6 et du facteur FAS solubles suggérant qu’une activité immunologique anormale est à l’origine de la myocardite. Diagnostic: Le tableau clinique de la CMPP n’est pas différent de celui de l’insuffisance cardiaque systolique en rapport avec une autre étiologie. Les signes fonctionnels sont à type de dyspnée d’effort, orthopnée, toux, asthénie, œdème des membres inférieurs. L’examen physique peut objectiver des signes d’insuffisance cardiaque gauche avec ou sans signes d’insuffisance cardiaque droite. Ces signes ne sont pas spécifiques et peuvent être rencontrés au cours de la grossesse normale. L’ECG montre habituellement une tachycardie sinusale. L’arythmie atriale n’est pas rare. Une hypertrophie du VG, une ischémie sous épicardique, une onde Q, des modifications du segment ST peuvent aussi se voir. La radiographie du thorax montre toujours une cardiomégalie avec ou sans signes de congestion pulmonaire. L’écho cardiographie transthoracique est l’examen clé qui objective la dilatation ventriculaire gauche et l’altération de la fonction contractile et d’autre part l’absence de cardiopathie sous jacente. Une ETT ,pratiquée trop précocement, peut objectiver de façon transitoire une hypertrophie du VG en rapport avec l’œdème pariétal sans dysfonction contractile. Dans ce cas une ETT de contrôle est indiquée pour ne pas récuser à tort le diagnostic de CMPP. A part la grossesse tout à fait normale, plusieurs situations peuvent simuler le tableau clinique de CMPP: prééclampsie,surcharge volumique, grossesse multiple, anémie profonde, embolie pulmonaire. Dans tous les cas l’échocardiographie permet de redresser le diagnostic . La dilatation des cavités cardiaques en l’absence de dysfonction systolique peut se voir au cours d’une grossesse normale et ne doit pas être considéré comme une CMPP. De même une dysfonction diastolique en rapport avec une cardiomyopathie hypertrophique n’entre pas dans le cadre de la CMPP. Aux derniers mois de la grossesse, l’extraction rapide du fœtus est souvent indiquée afin de faire bénéficier la mère d’une meilleure prise en charge. Si le bishop est favorable et l’état hémodynamique de la patiente le permet, la voie basse est autorisée. Dans le cas contraire, une césarienne est préférée. Dans l’intervalle séparant le diagnostic et l’extraction du fœtus, les dérivés nitrés et les diurétiques sont d’un grand secours. En situation d’urgence, on peut avoir recours au nitroprussiate de sodium, aux diurétiques et aux dérivés nitrés intraveineux afin de diminuer la pré charge et la post charge. La dobutamine, la dopamine ou la milrinone permettent d’augmenter la contractilité myocardique. Le rapport risque/bénéfice de la nitroprussiate de sodium doit être bien pesé car ses métabolites (thiocyanates,cyanide) peuvent s’accumuler chez le fœtus et être très délétères. L’aggravation de l’insuffisance cardiaque sous traitement médical justifie l’interruption de la grossesse. Les complications thromboemboliques sont assez fréquentes aux alentours de 50% justifiant une héparino-prophylaxie. Certains équipes recommandent l’anti coagulation systématique des femmes ayant une FE inférieure à 35%. Les AVK doivent être évités en prépartum à cause du risque hémorragique. Certains auteurs rapportent l’effet bénéfique des immunosuppresseurs chez des patientes symptomatiques malgré un traitement conventionnel optimal et chez qui la myocardite a été prouvée à la biopsie endomyocardique. La transplantation cardiaque est la dernière alternative chez les patientes qui demeurent symptomatiques (stade IV NYHA) malgré un traitement médical maximal. Dans l’attente d’un donneur , la contre pulsion par ballonnet intra aortique et l’assistance circulatoire peuvent être utiles. Pronostic: Les études anciennes ont rapporté une évolution défavorable de l’ordre de 50% avec persistance d’une fonction VG altérée et un taux de mortalité d’environ 85%. Les publications récentes rapportent un taux de mortalité de 30% ,et environ 75% des patientes récupèrent une fonction VG correcte, ces résultats sont dues probablement aux progrès thérapeutiques. Les femmes de race noire, âgées de plus de 30ans, les multipares, celles qui demeurent symptomatiques au-delà de 2 semaines en post partum et celles dont les symptômes apparaissent après l’accouchement semblent avoir un plus haut risque d’évolution défavorable. De même, une cardiomégalie qui persiste au-delà de six semaines et les troubles de la conduction à l’ECG ont été rattaché à une mortalité plus élevée. En comparant es patientes qui ont survécu à celles décédées par CMPP, le FE et DTDVG ressortent comme des facteurs de pronostic statistiquement significatifs: plus la FE est basse et le DTDVG est élevé plus le pronostic est mauvais. Within et al, ont démontré que les patientes ayant un DTDVG supérieur ou égal à 60mmHg et/ou FR inférieure ou égale à 21% ont peu de chance de récupérer une fonction VG correcte. Une fonction VG qui demeure altérée au-delà de 6 mois indique que la CMPP est irréversible. L’une des décisions les plus difficiles au cours de la CMPP est le conseil prénatal des femmes désirant une nouvelle grossesse. En effet, même la normalisation de la fonction VG ne garantit pas l’absence de risque de récidive, qui est de 50 à100% lors des grossesses ultérieures. De makis et al, ont rapporté que 25% des patientes qui ont récupéré une bonne fonction VG contre 50% des femmes chez qui la fraction d’éjection est restée basse, ont ré altéré leur fonction VG au cours d’une 2e grossesse. Tableau: répercussions de la CMPP sur les grossesses ultérieures Etude d’El khayem (2001) Récidive Au cours des grossesses ultérieures Mortalité Avortement Accouchement prématuré Groupe1: Fonction VG récupérée 21% 0% 4% 11% Groupe 2 la CMD a persisté 44% 19% 25% 37% De même, Judith et al ont démontré que malgré la guérison apparente à l’écho cardiaque de routine le cœur des patientes qui ont présenté une CMPP peut répondre anormalement à l’échocardiographie de stress permettant ainsi de prédire le risque de récidive. En attendant de mieux déterminer la place de l’échocardiographie de stress dans le conseil des femmes aux ATCD de CMPP, il parait logique d’interdire une nouvelle grossesse chez les femmes dont la fonction VG reste altérée. Les patientes, chez qui la fonction VG s’est normalisée, doivent bénéficier d’un contrôle rapproché, en effet le risque de récidive n’est pas nul.