La tendance à la concentration des entreprises remet-elle en cause le fonctionnement des économies de marché ? Vous avez un dossier documentaire de 9 documents. Vous en utiliserez au moins 6 de votre choix pour suivre le plan suivant : I) Oui la concentration remet en cause le fonctionnement idéalisé de la CPP II) Mais la concentration permet aussi de nombreux avantages Document 1 Document 2 Dans certains secteurs, les nombreuses-fusions acquisitions ont entraîné un accroissement sensible du degré de concentration, qui peut faire craindre pour le processus de concurrence. (…) Les fusions-acquisitions contribuent au processus de recomposition des secteurs productifs et tendent à favoriser la concurrence dans la mesure où elles accélèrent la sortie de certaines entreprises des secteurs mûrs et l’entrée de nouveaux acteurs dans les secteurs en développement. Les fusions acquisitions accélèrent aussi le processus d’internationalisation et donc la pénétration des marchés étrangers. Une perspective historique souligne l’intérêt de cette approche selon laquelle l’innovation et la concurrence limitent ou annulent les effets de la concentration. F Sachwald, « Les fusions-acquisitions, instruments de la destruction créatrice », dans Ifri Ramses, Dunod, 2001 Le 28 janvier 2005 Procter&Gamble annonçait le rachat de Gillette pour un montant de 57.23 milliards de dollars. Le nouveau groupe alignera 21 marques mondiales dépassant 1 milliard de dollars de chiffre d’affaires annuel : Pampers, Ariel, Hugo Boss, Always, Pantène, Duracell, Gillette. En plus de leur potentiel de recherche, les deux entreprises attendent beaucoup de leurs complémentarités en marketing. Pour sa seule branche soins capillaires P&g interroge chaque année 10 000 femmes sur leurs habitudes. Ses bases de données recensent aussi les comportements concernant le ménage ou l’hygiène corporelle. De son côté Gillette détient un savoir équivalent sur l’homme. Sur le plan commercial le nouveau groupe sera un acteur encore plus lourd du grand rayon beauté et cosmétiques. Déjà 20% des consommateurs en Europe et 35% aux Etats-Unis. Isabelle Mas, « Procter-Gillette, maître du monde des marques » L’Expansion, mars 2005, n°695 Document qui souligne le paradoxe du phénomène de concentration qui élimine à la fois des concurrents surtout dans la concentration horizontale mais la favorise également en permettant à des grandes firmes de pénétrer sur de nouveaux marchés Un exemple de concentration des entreprises qui peut permettre de mettre en évidence des avantages pour la firme ( qu’il faudra concilier avec l’intérêt général) et les limites de la concurrence puisque des marques concurrentes peuvent être sous le contrôle du même groupe. Document 3 Le pouvoir de marché créé par ces concentrations est en général considéré comme un danger pour les consommateurs, car les producteurs peuvent vendre plus cher que lorsqu’il y a davantage de concurrence. Il y a cependant là un paradoxe, en ce sens que certains des marchés les plus concentrés au monde sont aussi les plus concurrentiels. Par exemple la bataille féroce qui oppose depuis plusieurs dizaine d’années Coke et Pepsi, non seulement par des baisses de prix, mais aussi par des campagnes promotionnelles et des luttes pour les réseaux de distribution. Et cependant Coca-Cola détient 50% du marché mondial des boissons non alcoolisées et Pepsico 13%. De même (…) dans le domaine des détergents, Unilever et Procter&Gamble se livrent sur tous les continents à une guerre larvée dont, selon le coprésident d’Unilever, Nial Fitzgerald, le consommateur est le premier bénéficiaire en termes de prix et d’innovations. J Williams, Financial Times, 23 juillet 1998 traduit et présenté dans Problèmes économiques n°2591-2592 La concentration si elle réduit la concurrence est dangereuse pour les consommateurs car les prix flambent pour permettre de juteux profits pour les entreprises. Mais on peut aussi voir de nouvelles formes de concurrence sur des marchés oligopolistiques qui peut profiter aux consommateurs. Document 4 La concentration est censée apporter des gains de productivité en permettant de produire davantage de biens ou de services, tout en utilisant moins de travail et de capital. La mise en commun réduit les coûts fixes (un seul siège social ou un seul système informatique) : on parle d’économies d’échelle ou de taille. (…) Une position de leader confère un pouvoir de marché à l’entreprise, c'est-à-dire lui donne la capacité d’imposer ses conditions à ses clients et à ses fournisseurs ainsi que les moyens de contenir les manœuvres de ses concurrents. (…) La préservation d’un leadership exige aussi de « capter » les innovations prometteuses. C’est pourquoi les grands groupes scrutent les petites et moyennes entreprises détentrices d’une compétence pointue sur une niche particulière. L Batsch, « Qui fusionne avec qui et pourquoi ? », Alternatives économiques n°246, avril 2006 Des avantages à la concentration qui peuvent bénéficier aux consommateurs : des gains de productivité permettent de baisser les coûts de production donc de vendre à des prix plus bas. Les firmes peuvent aussi profiter de leur situation monopolistique pour imposer leurs conditions/ Elles sont price maker au lieu d’être price taker Document 5 La concentration dans quelques secteurs d’activité en France En 2005 Part dans la production (en%) Des 4 premiers groupes Industrie pharmaceutiques Construction automobile Télécommunications Des 10 premiers groupes Part dans l’emploi (en%) Des 4 premiers groupes Des 10 premiers groupes 40.9 58.2 33.4 47.7 89.1 92.4 81.2 85.6 92.9 96.3 89.4 93 Source : Insee, 2005 Document 6 : Les 5 principaux groupes français de l’industrie et des services en 2006 Rang Société Chiffre d’affaires (en millions d’euros) 1 2 3 4 5 TOTAL CARREFOUR PSA Peugeot Citroen EDF FRANCE TELECOM 143 168 74 497 56 267 51 051 49 038 Résultat net (en millions d’euros) Effectifs Rang mondial 12 273 112 877 10 1 436 436 474 16 1 029 208 500 39 3 242 161560 44 5 709 203 000 47 Données L’Expansion, repris par l’INSEE, 2008 Ces deux documents permettent de « mesurer » l’importance de la concentration et de la taille des entreprises. L’atomicité n’est pas respectée. On peut aussi à l’aide du rang mondial montrer que nos poids lourds nationaux peuvent se retrouver à un rang plus modeste dans le classement mondial face à leurs concurrents étrangers. Grossir peut alors être indispensable pour améliorer sa compétitivité. Document 7 Dans un contexte d'hyperconcurrence, une façon de continuer à vendre cher est de mettre sur le marché des produits différents des autres. D'où l'intérêt d'innover en permanence. C'est ce que réussit Gillette depuis des années, sur le marché du rasoir, un bien de consommation courante, fabriqué en masse et, a priori, banal. Le Mach 3, dernier-né de la firme, a été lancé en 1998 à un prix 50 % plus élevé que l'ancien produit le plus cher de la gamme, le Sensor Excel. La différence de performances perçue par les clients a non seulement permis de justifier ce prix élevé, mais aussi de rafler des parts de marché : le Mach 3 s'est hissé en tête avec plus de 50 % des ventes aux Etats-Unis et dans plusieurs pays européens. Alternatives économiques, n° 187 (12/2000), Page 68, Daniel ARONSSOHN. L’innovation permet de vendre cher et surtout d’échapper à la concurrence car le consommateur ne peut pas réellement comparer le seul prix. L’homogénéité des produits est donc remise en cause. L’innovation permet aussi de proposer des produits plus performants pour mieux répondre aux besoins : le consommateur est séduit par ces innovations : l’offre répond à la demande ou est-ce l’offre qui crée une demande (filière inversée de Galbraith) Document 8 C’est écrit dans tous les manuels : pour que le marché fonctionne à l'avantage des consommateurs, il faut que la concurrence qui y règne soit pure et parfaite. (…) Grâce à cette liberté d'entrer et de sortir, les prix pratiqués attirent ou repoussent les investissements. Et la production s'adapte aux évolutions de la demande, sans qu'un producteur puisse bénéficier sur une longue période d'un surprofit ou, à l'inverse, soit enfermé dans une activité insuffisamment rentable sans possibilité d’en sortir, de crainte de tout perdre. II suffit d'observer la réalité pour s'apercevoir que nous sommes bien éloignés de ce monde de concurrence pure et parfaite. ( … ) Les besoins de capitaux : chacun sait que, pour produire, il faut investir. Mais une part croissante de l'investissement en question réside dans un lancement publicitaire ou dans la formation du personnel. En cas d'échec, on peut éventuellement revendre les machines et les ordinateurs achetés pour produire, mais les investissements commerciaux sont perdus. C'est parce qu'elles le savent que les firmes qui produisent des détergents font tellement de publicité (laquelle représente fréquemment un quart du coût de production) : il n'est pas très compliqué de fabriquer des détergents, mais le ticket d'entrée sur un marché dominé par une demi-douzaine de firmes est très coûteux et risqué, puisque, pour parvenir à se faire connaître par les consommateurs, il faut investir des sommes colossales dans la publicité. ( …) Cette solution, pourtant, n'était pas sans poser de problèmes : elle signifiait que, sans pouvoir de tutelle, le marché n'était pas une instance capable d'autorégulation. ( … ) SOURCE : D.Clerc , Une concurrence ni pure ni parfaite , Problèmes économiques n°2572 , juin 1998 Le document évoque le monde merveilleux de la CPP qui est supposé profitable au consommateur qui est le roi. La situation actuelle des marchés ne permet pas une réelle concurrence et la libre entrée est quasi impossible compte tenu des capitaux énormes qu’il faudrait investir (publicité) avec un risque important de non rentabilité. Dans ce cas si ce monde merveilleux n’existe pas, notre consommateur est-il toujours le roi ? Document 9 Les politiques de la concurrence constituent (…) la réponse institutionnelle à l’accroissement de la concentration. Les autorités responsables de la politique de la concurrence enquêtent sur les conséquences prévisibles des fusions-acquisitions. La Commission européenne a ainsi interdit à Volvo et à Scania de fusionner car le nouvel ensemble aurait menacé la concurrence dans le secteur des poids lourds en Scandinavie. En juin 2000, les autorités américaines se sont opposées à la fusion de deux des trois grandes compagnies de télécommunications World Com et Sprint, au nom de la préservation de la concurrence et de la stimulation de l’innovation. Source : F Sachwald « Les fusions-acquisitions, instruments de la destruction créatrice" » Dunod, 2001 L’action de l’Etat permet de justifier que les phénomènes de concentration peuvent être dangereux pour l’économie de marché. Les institutions doivent alors intervenir pour les interdire. On peut aussi supposer que lorsqu’elles se réalisent, c’est qu’elles ne sont pas considérées comme néfastes Un exemple de plan détaillé Adam Smith avait parlé de main invisible pour expliquer comment la recherche de profit conduisait à l’intérêt général. Les néoclassiques à la fin du 19ème ont élaboré le modèle de la CPP, basé sur les critères d’atomicité, d’homogénéité du produit, de libre entrée, de transparence et de mobilité des facteurs de production pour démontrer tous les avantages d’une autorégulation des marchés. Pourtant les mécanismes de la concurrence éliminent les moins performants et les plus efficaces ont tendance à s’agrandir, y gagnant même des avantages pour améliorer leur compétitivité. Ce processus de concentration des entreprises qui peut prendre différentes formes (horizontale, verticale ou conglomérale) ne risque –t-il pas de menacer l’efficacité de l’économie de marché ? Nous verrons d’abord en quoi elle remet en cause le modèle de CPP puis nous présenterons les avantages de la concentration pour l’intérêt général. I) La concentration remet en cause la CPP A) des critères non respectés l’atomicité l’homogénéité des produits la libre entrée B) Une régulation modifiée position dominante = price takers / price makers producteur roi / consommateur roi Les opérations de concentration peuvent être refusées par les institutions La concentration risque donc de compromettre l’intérêt général car la position monopolistique est destinée à accroître leurs profits (et à devenir les maîtres du monde ?) II) mais la concentration a aussi des avantages pour l’intérêt général A) De nouvelles formes de concurrence concurrence internationalisée entre des grands groupes concurrence au niveau des produits par l’innovation les consommateurs peuvent alors disposer d’un plus grand choix et de prix plus bas en raison de la compétition entre les grandes firmes multinationales (exemple de l’automobile) B) les atouts d’une production à grande échelle des économies d’échelle des moyens financiers plus importants pour innover Les grandes entreprises peuvent ainsi produire à moindre coût contrairement aux PME donc d’abaisser le prix de vente pour les consommateurs. Les critères de la CPP qui condamnent les entreprises à rester de petite taille ne seraient pas vraiment un modèle idéal pour le consommateur. Au contraire la concentration des entreprises peut permettre d’accroître la consommation et donc satisfaire plus de besoins.