La Lettre du Cardiologue - n° 349 - novembre 2001
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MISE AU POINT
–la présence d’anticoagulants circulants ou d’anticorps anticar-
diolipine dans le cadre du syndrome des antiphospholipides ;
–un élévation de la lipoprotéine (a), qui pourrait diminuer la fibri-
nolyse par compétition inhibitrice avec le plasminogène, au
moyen d’un dosage radio-immunologique sans isotopes ;
– un dosage de l’homocystéine.
La recherche d’un état d’hyperviscosité retrouve des anomalies
beaucoup plus fréquentes, dans la moitié des cas environ, mais
ces mesures sont difficiles à obtenir. On pourra rechercher une
élévation de la viscosité sanguine et plasmatique, du taux d’hé-
matocrite et du fibrinogène.
L’agrégation érythrocytaire, qui permet de mesurer l’affinité avec
laquelle les globules rouges forment des agrégats (comme l’in-
dex d’agrégation à 10 secondes) et la facilité avec laquelle les
agrégats ont tendance à se dissocier (comme le seuil de disso-
ciation partielle), semble être un élément important dans la patho-
génie des OVCR, mais elle est malheureusement plus difficile à
obtenir en laboratoire à l’heure actuelle.
D’autres étiologies plus rares peuvent être incriminées dans
l’OVCR ; leur diagnostic se fera essentiellement sur le contexte
clinique. On pourra retrouver des maladies comme le sida, la sar-
coïdose, la maladie de Behçet, la maladie de Crohn, les collagé-
noses, les drusen de la papille, la maladie de Basedow, la mala-
die de Wegener... Une OVCR a aussi été constatée lors de
certaines manifestations comme la mucoviscidose, le ménin-
giome, la migraine, le stress, la déshydratation, le jeûne, le séjour
en haute altitude (supérieure à 5 000 mètres). Parfois, on pourra
suspecter une malformation anatomique de la veine centrale en
arrière de la lame criblée, avec, par exemple, un trajet anormale-
ment sinueux ; cette hypothèse reste néanmoins un diagnostic
d’élimination.
Le bilan peut rester négatif. L’accident veineux rétinien pourrait
alors être considéré comme un accident inaugural de la maladie
vasculaire, dont les autres manifestations apparaîtraient plus tard
dans la vie.
TRAITEMENT DES OVCR
Au stade initial : urgence du traitement médical
Toute occlusion veineuse rétinienne vue précocement doit être
considérée comme une urgence et adressée dans un centre spé-
cialisé pour la mise en route, dans les meilleurs délais, d’un trai-
tement adapté apportant au patient le plus de chances possible de
conserver sa vision. Le traitement médical a plusieurs buts : trai-
ter et équilibrer les facteurs de risque, améliorer les conditions
circulatoires, lutter si possible contre l’obstacle veineux, et trai-
ter spécifiquement certains symptômes.
Le traitement du terrain semble avoir peu d’influence sur l’évo-
lution de l’occlusion veineuse rétinienne à partir du moment où
elle est constituée. Cependant, il peut être bénéfique dans la pré-
vention des rechutes ou d’une éventuelle bilatéralisation. L’arrêt
d’un traitement contraceptif estroprogestatif fait partie intégrante
du traitement de l’occlusion (5). Le traitement d’un glaucome
sous-jacent est également fondamental.
✔Le traitement anticoagulant. Dans les cas où il existe une ano-
malie de la coagulation, le traitement anticoagulant semble s’impo-
ser en premier choix : c’est le cas en présence d’anticoagulants cir-
culants, d’une résistance à la protéine C activée... Dans ces cas, le
traitement doit être institué après avis hématologique, car la conduite
thérapeutique dans ces étiologies n’est pas parfaitement codifiée pour
l’instant. En dehors de ces cas particuliers, l’efficacité du traitement
anticoagulant n’a pas été démontrée, que ce soit à titre curatif ou pré-
ventif. Les patients présentant un risque majeur (chirurgie récente,
accidents vasculaires cérébraux, hypertension maligne) seront éli-
minés ; le traitement sera également interrompu en cas de néovas-
cularisation oculaire, en raison du risque hémorragique.
✔Les antiagrégants plaquettaires. Ils sont d’utilisation aisée,
peu contraignants et peu coûteux. Ils n’ont pas prouvé leur effi-
cacité dans les OVCR au cours d’études rétrospectives mais peu-
vent avoir un rôle dans le traitement de l’artériosclérose. Ce trai-
tement est particulièrement indiqué en cas d’anomalie des
fonctions plaquettaires.
✔Les fibrinolytiques. Outre leur action de lyse du caillot, ils ont
un rôle rhéologique, car ils diminuent la viscosité sanguine en cou-
pant les ponts de fibrine. L’utilisation de ces traitements par voie
générale (urokinase, streptokinase, rt-PA) a montré des résultats
intéressants, mais ils ne sont pas recommandés, du fait du risque
hémorragique parfois fatal qu’ils induisent. L’administration
locale permet d’éviter les complications systémiques des fibrino-
lytiques. L’injection intravitréenne est simple, sans complications
ni contre-indications, mais ses résultats restent discutés.
✔Les correcteurs rhéologiques. À l’opposé des fibrinolytiques,
ils sont en général bien supportés, et de prescription aisée. Le trai-
tement par troxérutine (Veinamitol®) joue un rôle dans l’inhibi-
tion de l’agrégation érythrocytaire et plaquettaire, et dans l’aug-
mentation de la déformabilité érythrocytaire. Ce traitement a
montré des résultats encourageants à l’occasion d’une étude pilote
randomisée (8). Le traitement par pentoxifylline (Torental®) joue
également un rôle rhéologique par augmentation de la déforma-
bilité érythrocytaire.
✔L’hémodilution isovolémique. L’hémodilution est également
un traitement rhéologique qui permet d’abaisser de manière radi-
cale et transitoire la viscosité sanguine en abaissant le taux d’hé-
matocrite entre 30 et 38 % selon les protocoles (par soustraction
d’une certaine quantité de sang, compensée par la perfusion iso-
volémique de plasma autologue ou de substitut plasmatique). Ce
traitement médical est le seul à avoir montré son efficacité dans
les occlusions veineuses rétiniennes par une amélioration de
l’acuité visuelle se maintenant à long terme, une accélération des
temps circulatoires et la prévention des complications isché-
miques (9, 10). Ce traitement est bien supporté, simple, et il ne
présente pas d’effets secondaires dans le respect de ses contre-
indications (diabète, anémie, insuffisance coronarienne, antécé-
dent récent d’infarctus du myocarde, trouble du rythme cardiaque,
insuffisance respiratoire, drépanocytose, syndrome infectieux,
allergie aux substituts plasmatiques, âge supérieur à 70 ans envi-
ron, etc.). Il doit être proposé le plus rapidement possible après
le début de toute OVCR, car la précocité du traitement est un fac-
teur important du pronostic visuel (11).