Amphitryon - ACB Scène Nationale

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théâtre dès 15 ans
Amphitryon
de Molière
mise en scène Guy Pierre Couleau
jeudi 17 novembre
14h et 20h30
acb, 20 rue Theuriet Bar-le-Duc
www.acbscene.com
03 29 79 73 47
Amphitryon de Molière
mise en scène Guy-Pierre Couleau
assistante à la mise en scène Carolina Pecheny
avec
Cléanthis Isabelle Cagnat
amphitryon Frédéric Cherboeuf
sosie Luc-Antoine Diquéro
Mercure Kristof Langromme
Jupiter Nils Öhlund
La nuit Jessica Vedel
alcmène Clémentine Verdier
lumières Laurent Schneegans
costumes laurianne Scimemi assistée de Blandine Gustin
maquillage Kuno Schlegelmilch
durée 1h45 environ
Nathalie HAMEN
Professeur de Lettres
Professeur-relais auprès de l’acb
BAR-LE-DUC
FICHE DÉCOUVERTE
Amphitryon
de Molière
mise en scène Guy Pierre Couleau
I LE TEXTE
1) L' auteur et l'écriture d'Amphitryon
Molière, dont les grandes pièces avaient été attaquées violemment par la censure (Dom Juan en
1665 et Tartuffe en 1667), se tourne vers des comédies plus légères: il écrit et met en scène en
1668, Amphitryon (en janvier), Georges Dandin (en juillet) et L'Avare (en septembre).
Amphitryon connut un grand succès jusqu'à Pâques et Molière tenait lui-même le rôle de Sosie.
Succès mitigé par la suite (mais quel succès dans la postérité à travers les nombreuses réécritures
de la pièce pour ne citer que celle de Heinrich von Kleist qui écrit en 1807 : Amphitryon, une comédie
d'après Molière !)
Le sujet mythologique, rare chez Molière, était très prisé au 17 ème siècle (Louis XIV lui-même
aimait se faire représenter en Jupiter, roi des dieux, cf. image en annexe) et favorisait le recours
à la machinerie qui plaisait beaucoup au public (les machines sont utilisées dans le Prologue
où l 'on voit La Nuit apparaître sur son char et Mercure sur un nuage (cf. image en annexe) et lors
du dénouement par un "deus ex machina" puisque Jupiter vient résoudre l'affaire en apparaissant
"dans une nue").
Molière s'est très clairement inspiré de l'Amphitryon de Plaute (254-184 avant J.-C.), auteur de
comédies latines qu'il réutilisera la même année pour son Avare imité de l'Aulularia, ainsi que de
la comédie de Jean Rotrou, Les Sosies (1636), reprise en 1650 dans une spectaculaire comédieballet intitulée alors La Naissance d'Hercule.
2) Le titre
Le titre, un simple nom propre, renvoie au mythe d'Amphitryon, très présent dans la littérature
grecque: dans la poésie épique avec Homère et Hésiode , lyrique avec Pindare ainsi que chez les
Tragiques (Eschyle, Sophocle, Euripide ) dont les pièces sur ce mythe ont été, hélas, perdues.
Ce mythe raconte comment Amphithryon, valeureux général des Thébains, a été doublé, dans le
lit de son épouse aimante et fidèle par Zeus, éternel coureur de jupons, ce qui a engendré une
double naissance, celles des jumeaux Héraclès et Iphiclès (cf. en annexe, un extrait d'Hésiode
racontant la légende ainsi que l'argument II de la pièce de Plaute)
Le mythe d'Amphitryon est donc le récit de la naissance d'Hercule, ce qui n'est pas rien !
L'autre particulatité de ce titre est la figure de l'antonomase puisque ce nom propre d'Amphitryon
a donné naissance à un nom commun, référencé dans le dictionnaire :
amphitryon, nom masculin, 1752, provenant du vers pronnoncé par Sosie: " Le véritable
Amphitryon / Est L'Amphitryon où l'on dîne" ; hôte qui offre à dîner.
Notons que la version de Plaute - puis dans son sillon, celles de Rotrou et de Molière - a donné
naissance à un personnage hautement comique, celui de Sosie, l'esclave poltron et insolent, qui
va se retrouver devant un autre lui-même, id est Mercure transformé en Sosie ; ce nouveau
personnage est à l'origine d'une deuxième antonomase puisque Sosie va produire, dans l'usage
et le dictionnaire, un nom commun :
Sosie, nom masculin ; 1638, répandu à partir de 1668 ; de Sosie, nom de l'esclave d'Amphitryon
dont Mercure prend l'aspect. Personne qui a une parfaite ressemblance avec une autre. Etre le
sosie de quelqu'un.
Amphitryon de Molière a donc donné naissance à deux noms communs.
Amphitryon est le personnage éponyme de la pièce, celui qui lui donne son titre. Deux
remarques s'imposent : on ne garde de lui, non pas sa dimension héroïque de chef de guerre victorieux
mais sa pénible mésaventure conjugale ! par ailleurs, il n'est pas non plus le protagoniste principal
de la pièce, de sa pièce ! Il est peu présent quantitativement (alors que Georges Dandin, qui est
aussi un mari trompé, est très présent dans la pièce à qui il donne son nom) et son personnage
est assez monolithique et négatif : violent avec son valet, impatient avec sa femme même si son
amour pour elle n'est jamais mis en doute.
Le titre renvoie donc à l'épure du mythe grec d'Amphitryon et l'horizon d'attente du spectateur
semble être celui de l'adultère divin et des mortels joués !
3) La liste des personnages
Elle est composée de noms grecs (Amphithryon, Alcmène, Cléanthis et les noms grecs des 4
capitaines thébains) - et indique un ancrage géographique grec (Thèbes) - mêlés à des noms
latins : Molière a donc suivi Plaute qui avait écrit une comoedia palliata, la comédie en pallium,
ainsi appelée parce que le sujet est grec et que les acteurs portent un manteau d'origine grecque
mais Plaute a utilisé l'actualité, pour lui, des noms de dieux grecs romanisés, à savoir Jupiter et
Mercure (et non pas Zeus et Hermès).
Si Plaute a crée le personnage comique de Sosie, Molière lui a donné une femme en inventant
le personnage de Cléanthis. Molière a également introduit le personnage allégorique de la Nuit,
femme élégante et mondaine, pour donner la réplique à Mercure dans le Prologue.
Peu de femmes dans cette liste des personnages (Alcmène et Cléanthis) et trois personnages
relevant de l'univers merveilleux de la mythologie (La Nuit, Mercure et Jupiter).
Deux couples légitimes, maris et femmes : Amphitryon / Alcmène et Sosie / Cléanthis.
Deux couples maîtres/valets, relevant de la thémathique traditionnelle de la comédie.
(En effet, si Sosie est missionné par son maître Amphitryon, Mercure l'est également par son père
Jupiter, maître des dieux).
La liste des personnages annonce la thématique du travestissement, ressort de la comédie, en
indiquant: "sous la forme de".
Le rapport de force, en nombre de personnages, est en faveur d'Amphitryon, puisque tous les
personnages mortels appartiennent à sa maison ou sont ses amis capitaines thébains. Mais que
pourra Amphitryon contre des dieux capables de se métamorphoser ?
4) Structure et forme
La pièce de Molière est en trois actes (contre 5 pour Plaute). Il a simplifié l'action en laissant de
côté la naissance gémellaire d'Hercule et d'Iphiclès (il se contente d' annoncer, par la voix de Jupiter,
la naissance d'Hercule au vers 1916, 1917 : "Chez toi doit naître un fils qui, sous le nom d'Hercule,
Remplira de ses faits tout le vaste univers") .
Molière se concentre sur l'une des aventures amoureuses du dieu des dieux, et sur le procédé
dont Jupiter use pour duper Alcmène, arriver dans sa couche conjugale et faire d'Amphitryon un
mari trompé. Le motif du travestissement de Jupiter, dupliqué par Mercure produit évidemment
des scènes de quiproquos et de malentendus qui sont redoublées, comme si, après un séisme
comique, on avait sa réplique !
Traditionnellement, comédies et tragédies comportaient 5 actes. La formule en trois actes tente de
plus en plus Molière qui innove encore en écrivant en vers libres. Il mélange les alexandrins et les
octosyllabes qu'il met dans la bouche des personnages de condition élevée (Jupiter, Mercure et
Amphitryon, Alcmène) ; mais il lui arrive aussi d'user de décasyllabes et d'heptasyllabes. Un seul
vers peut être partagé entre plusieurs personnages lui donnant la souplesse et la vivacité de la
prose. Enfin, il utilise les trois sortes de rimes, suivies, croisées ou embrassées.
5) La question du genre
Plaute, dans le prologue de son Amphitryon, fait annoncer à Mercure le nouveau genre de sa pièce :
une tragi-comédie! " Je ferai donc en sorte que la pièce soit mixte, qu'elle soit une tragi-comédie ; car
développer dans le genre comique, d'un bout à l'autre, une pièce où interviennent rois et divinités, cela
ne me paraît pas convenable. Alors, que faire ? Puisqu'un esclave joue aussi un rôle dans cette
pièce, j'en ferai, comme je l'ai dit, une tragi-comédie."
Molière écrit, avec Amphitryon, un divertissement complet qui joue sur tous les registres de la
comédie. Certaines scènes relèvent de la farce (les bastonnades, les allusions grivoises, le valet
gourmand et poltron, le thème du cocu...), d'autres vers de la comédie plus fine (les quiproquos
et les malentendus, les phrases à double sens), même de la comédie galante fortement teintée
de préciosité, très en vogue au 17 ème (cf. Jupiter / Alcmène, I,3) ; pointons la parodie de récit
héroïque de bataille que Sosie vole à son maître Amphitryon qu'il dépouille de ses faits d'armes
glorieux en inventant un récit fictif qu'il débite à une lanterne ! Divertissement complet et comédie
baroque également puisque cette scène du récit à la lanterne, répétition d'un discours qui ne sera
jamais pronnoncé devant Alcmène, est une scène de théâtre dans le théâtre ; baroque aussi ces
jeux de miroir et de travestissements, ressorts de la pièce, ainsi que les machines volantes du
prologue.
6) Les rapports maîtres / valets
Ils sont importants dans cette pièce, d'abord parce qu'ils sont dupliqués : Mercure est missionné
par Jupiter, Sosie par Amphitryon, parce ce que c'est une question clivante au 17 ème (c'est une
des premières questions que pose Mercure à Sosie : "Es-tu maître ou valet ?" I,2), parce que Molière
a toujours fait la part belle aux valets et qu'il en fait, dans son Amphitryon, son personnage principal.
Sosie est omniprésent: il apparaît dès la première scène, est présent dans tout l'acte II, est
l'interlocuteur principal, dans le dénouement, de Mercure et de Jupiter et c'est lui qui a le mot de
la fin, donnant un ton sérieux à la comédie avec sa conclusion grave :
"le meilleur est de ne rien dire. " (On comprend le sous-entendu : dans cette histoire d'adultère spécieux
avec un dieu à la manoeuvre...) car Sosie est d'une lucidité féroce et a parfaitement intégré son
assujetissement à son maître et sa folie à y consentir ; il analyse fort bien cette dialectique maître/
esclave dans la scène 1 de l'acte I où il dit :
"Cependant notre âme insensée
S'acharne au vain honneur de demeurer près d'eux [...]
Leur vue a sur notre zèle
Un ascendant trop puissant ;
Et la moindre faveur d'un coup d'oeil caressant
Nous rengage de plus belle."
Molière s'offre même le plaisir d'une tentation saturnale et d'un renversement de pouvoir puisqu'à
la scène 2 de l'acte III, il laisse le maître Amphitryon tambouriner et tempêter à sa propre porte et
insulter son valet (qu'il croit être Sosie) qui l 'empêche d'entrer chez lui où sa femme est avec un
autre ! On retrouvera cette même scène dans Georges Dandin avec le même monologue marquant
l'impuissance du maître du logis !
7) Le motif du double et du miroir
Le motif du double est au coeur de l'histoire d'Amphitryon chez Plaute puis Molière puisque le duo
des dieux, Jupiter et Mercure, prend les traits du duo Amphitryon /Sosie et sera bien sûr la plus
grande source de comique chez le spectateur qui, lui, sait qui est qui.
A ces deux couples de doubles, Molière, en introduisant le personnage de Cléanthis, apporte sur
la scène, deux autres couples, maris et femmes, celui des maîtres, Alcmène et Amphitryon, et
celui des valets, Cléanthis et Sosie, ce qui va multiplier les combinaisons de rencontres et de
quiproquos comiques. Il y aura des scènes d'amour (Jupiter/Alcmène, I, 3) qui seront dupliquées
en version dégradées de dépit amoureux comme celle de Cléanthis avec Mercure qu'elle prend
pour Sosie ! I,4.
La succession des doubles auprès d'Alcmène, puis de Cléanthis, entraîne évidemment des
malentendus attendus et jouissifs pour le spectateur.
Le redoublement du dédoublement est le coup de génie de Molière dans sa version d'Amphitryon.
Le motif du double, principale source de comique, introduit aussi une dimension grave, presque
tragique puisqu'elle occasionne une crise identitaire, douloureuse chez Sosie et Amphitryon,
dépouillés de leur moi.
Je est un autre. Et qui suis-je si je ne suis pas moi ? Sosie est confronté à ce vertige et sa reddition
face à son double est plus angoissante que comique.
" Je ne puis m'anéantir pour toi " dit Sosie à Mercure (vers 424)
" Mais si tu l'es, dis-moi qui tu veux que je sois "
"Car encore faut-il bien que je sois quelque chose" Ces deux vers (511 et 512) ont des résonnances
quasi totalitaires, orwelliennes dans ce projet de dépersonnalisation que s'est choisi Mercure, un
dieu malin, un dieu méchant, un dieu pervers, un dieu humain pour jouer si bien ?
On est aux limites du fantastique (cf. Poe, Maupassant), on joue avec les codes de l'absurde (ceux
des couples beckettiens, perdus et sans repères), on pense à la psychiatrie et à la psychanalyse,
au clonage. Amphitryon offre au spectateur actuel des miroirs et des projections multiples qui rendent
cette pièce au sujet antique plutôt très moderne.
8) Une pièce sur le pouvoir absolu et la violence de ce pourvoir là
Jupiter se comporte en maître omnipotent et omnipuissant; il couche ("cubat" dans le texte de
Plaute) sans vergogne avec la femme d'un autre, annonçant le droit de cuissage féodal. Le mythe
d'Amphitryon est d'ailleurs réactivé au Moyen-Age dans la geste arthurienne où il est conté que
le roi Uter est amoureux de la belle Igerne, épouse fidéle, comme Alcmène, du duc de Tintagel.
Merlin lui fournira des herbes qui prêteront à Uter les traits du duc, le temps d'engrosser Igerne qui
donnera naissance à Arthur ! (cf. extrait en annexe)
Mercure, fils de Jupiter, et donc dieu lui aussi, prend un malin plaisir à se moquer de Sosie, à le
jouer, à le destabiliser... et à le frapper. Projet prémédité de se donner le théâtre d'un valet luttant
contre la folie, car il l'annonce :
"Et je vais m'égayer avec lui comme il faut
En lui volant son nom, avec sa ressemblance" I,2
Que signifie ce " comme il faut " ? Comme il faut, comme il convient quand on est un puissant face
à un inférieur ?
Sosie connaît parfaitement ce rapport de force maître / valet et renvoie ironiquement cette vérité à
son maître Amphitryon :
" Parlerai-je, Monsieur, selon ma conscience,
Ou comme auprès des grands on le voit usité ?
Faut-il dire la vérité,
Ou bien user de complaisance ? " II,1
On notera le silence éloquent d'Amphitryon, celui d'un homme blessé, celui d'un homme muselé,
à la fin de la pièce lorsque Jupiter se dévoile, III,10
Il observe le silence conseillé par Sosie, sorte de morale qui clôt la pièce :
" Sur telles affaires, toujours
Le meilleur est de ne rien dire "
" telles affaires " signifie affaires avec les puissants ! Sosie est lucide et sait sa servitude, Sosie
quoi que lucide et insolent n'est pas encore un Figaro.
II LA MISE EN SCÈNE de Guy Pierre Couleau
Note d’intention sur l’espace et la scénographie
Amphitryon a été créé comme un divertissement, à une époque où les scénographies se sont vues
profondément et durablement enrichies des inventions de Torelli.
Amphitryon, pièce à machine
Dans le prologue de sa pièce, Molière indique la présence d'un nuage sur lequel Mercure repose,
puis au fil des huit didascalies de la pièce, des vols, des disparitions et des apparitions qui nécessitent
des machineries complexes et propres à créer des effets de magie pour le spectateur.
Cette dimension de "pièce à machine" me paraît passionnante pour aujourd'hui et je me propose
de la restituer avec nos moyens et outils modernes. Je ne souhaite pas faire de reconstitution mais
bien au contraire, d'utiliser les technologies actuelles pour produire cette magie, par l'image et le son.
Un espace de jeu épuré et symboliste
Comme souvent chez Molière, l'espace de jeu lui-même sera simple, et représentera ce dialogue
entre terre et ciel. C'est la dualité dieux/humains qui sera signifiée d'une façon épurée et non figurative.
Le symbole et la suggestion seront mes outils principaux.
L'histoire à raconter se suffisant à elle-même, grâce à la puissance de l'écriture et la versification,
ce sont les personnages qui auront toute la place sur scène. Avec eux, les acteurs et leurs corps,
dans un jeu physique et burlesque. Les costumes seront contemporains et je penserai à ce que
Brecht fit des personnages divins dans, pour imaginer la présence sur terre de Jupiter et Mercure
parmi les humains. La pièce pourrait se passer aujourd'hui selon moi et les choix de costumes le
signifieront clairement. Un travail de maquillage aura sa place dans la création de ces personnages
mi-dieux mi-hommes, et leur présence magique parmi les humains, leur caractère d'invisibilité parfois, seront questionnés par le recours aux techniques de la métamorphose.
Le dialogue interne de la pièce se fonde sur l'opposition, parfois violente mais toujours drolatique,
entre mortels et immortels. C'est cette dualité dramaturgique incontournable que je souhaiterai
restituer par la juxtaposition des corps humains bien réels avec les images très virtuelles des cieux
et des limbes.
Guy Pierre Couleau, juin 2014
III PISTES PÉDAGOGIQUES
1 Choix de Guy Pierre Couleau
- En quoi la scénographie évoque-t-elle une pièce à machine (cf partie II)
- Comment les costumes prennent-ils en charge la question du double, du travestissement, de la
métamorphose… ?
2 Sujet de réflexion et de débat
" Le monde comique est le monde du plaisir. Il n'a pas figure pédante et n'est point fait pour enseigner.
Le poète crée pour plaire." René Bray, Molière homme de théâtre, 1954. Discutez cette affirmation
en la confrontant à Amphitryon.
Pièce de divertissement, sujet plus léger après censure du Tartuffe, la veine comique exploitée
sous de multiples aspects (farce, parodie héroïque, comédie galante...) / pièce sur la malignité des
dieux, le pouvoir absolu et la cruauté des puissants, le droit de cuissage féodal, silence d'Amphitryon
à la fin, morale finale de Sosie...
3 Exercices d'oralité
Mise en bouche du début du monologue de Sosie, I,1, vers 155 à 187 ( déploration de sa condition
de valet et lucidité sur son aliénation)
Mise en bouche et en jeu de la suite de ce même monologue, vers 188 à 260 ( le récit de la bataille
par Sosie et théâtre dans le théâtre!)
A deux, mise en voix d'un extrait de I,2 lorsque Mercure, sous la forme de Sosie, travaille à le déstabiliser en le dépouillant de son identité
4 Exercice d'écriture
Rajoutez une scène à la fin de la pièce (III, 11) en donnant la parole à Amphitryon.
IV BIBLIOGRAPHIE ET FILMOGRAPHIE
1 A lire
Les Amphitryons les plus célèbres :
Amphitryon, Plaute, (vers 189/187 avant J C) édition bilingue, GF Flammarion, 1998
Les Sosies, Rotrou,(1638) in Théâtre complet, t.VIII, Société des textes français modernes, 2005
Amphitryon, Molière, (1668) Folioplus classiques, 2015
Amphitryon or The Two Sosias, Dryden,(1690 ), Londres, The British Library, 2010
Amphitryon, une comédie d'après Molière, Kleist,(1807) in Oeuvres complètes, t.III, Gallimard,
coll." Le Promeneur", 2001
Amphitryon 38, Giraudoux,(1929) Le Livre de Poche, Grasset, 1983
Des ouvrages critiques:
Amphitryon : Three Plays in New Verse Translation (Plaute, Molière, Kleist), J.H Mantinband et
Ch.E Passage, Univerité de Caroline du Nord, Chapel Hill, 1974
Amphitryon, un mythe théâtral (Plaute, Rotrou, Molière, Dryden, Kleist), Ariane Ferry, ELLUG, université
Stendhal, Grenoble, 2011
L'Avant-Scène théâtre, n°1106, février 2002 (numéro consacré à Amphytrion, dans la mise en
scène d'Anatoli Vassiliev à la Comédie-Française)
Etude sur Molière, Amphitryon, Annie Faucheux, Ellipses, 1999
Molière, Christophe Mory, Folio Biographies n°22, 2007
2 A voir :
Molière, film d'Ariane Mnouchkine, 1978 (DVD édité par le SCEREN-CNDP et Bel-Air Classiques,
le Théâtre du Soleil, 2004)
V EN ANNEXE
1 Iconographie
Louis XIV en Jupiter vainqueur de la Fronde, de Charles Poerson, 1654, huile sur toile, Château
de Versailles
2 Le motif du double
Histoire de Nasreddine Hodja : " Je suis l'autre"
Un soir, Nasreddine s'arrêta pour dormir dans un caravansérail. Comme d'habitude, il devait se
lever tôt pour continuer son chemin. Le maître des lieux l 'installa dans une chambre où il y avait
déjà un autre voyageur. Et lui promit de le réveiller le lendemain avant l 'aube.
Nasreddine se déshabilla et s'endormit dans son lit, bercé par le ronflement de son voisin.
Le matin tôt, on le réveilla. Il se leva, à moitié endormi, s'habilla et mit par erreur sur sa tête le turban
de son voisin, avant de prendre son âne et de partir.
A quelques lieues de là, le soleil se leva. Apercevant une rivière, Nasredine s'arrêta pour se reposer
et se désaltérer.
Quelle ne fut pas sa surprise de voir, reflété par l'eau, un turban inconnu!
"Quel idiot, ce maître du caravansérail; au lieu de me réveiller, il a réveillé le voisin."
Extrait du roman de Robert de Boron, Merlin, fin XII ème siècle
" Ils chevauchent jusqu'au palais et mettent pied à terre. Merlin recommande bien au roi en aparté
de jouer son rôle de seigneur du lieu. Ils entrent tous les trois dans la chambre où reposait Igerne,
déjà au lit. Sans perdre de temps, les deux complices font déchausser et mettre au lit leur maître,
puis ils sortent et gardent la porte jusqu'au matin. C'est grâce à cette ruse qu'Uterpandragon coucha avec Igerne et engendra cette nuit le bon roi qu'on appela plus tard Arthur." (Notons comme la
scène est théâtralisée et tire vers la comédie avec le terme d' "aparté" et le motif de la porte gardée !)
Nouvelle d'Edgar Poe : "William Wilson", 1839, Nouvelles histoires extraordinaires (à consulter)
Nouvelle sur le thème du double : Le narrateur, William Wilson, rentre en rivalité, au collège, avec
un garçon, lui ressemblant fort, portant le même nom que lui, qui imite son habillement, sa manière
de parler. Irrité, excédé par cet homonymie oppressante, il le fuit, à Eton, à Oxford ; ce double le
poursuit et le discrédite partout, au jeu, en amour... A la fin, le narrateur lui plonge son épée dans la
poitrine :
"C'était mon adversaire, - c'était Wilson qui se tenait devant moi dans son agonie. Son masque et
son manteau gisaient sur le parquet, là où il les avait jetés. Pas un fil dans son vêtement, - pas une
ligne dans toute sa figure si caractérisée et si singulière, - qui ne fût mien, - qui ne fût mienne ; - c'était
l'absolu dans l'identité ! "
3 Amphitryon : sources
Extrait d' Hésiode, Le Bouclier d' Héraclès, v.4-54 (8/7 siècle avant J.-C.), Les Belles Lettres, 1960.
Alcmène dépassait toute femme née femme par la beauté et la stature- pour ne rien dire de l'esprit,
où elle était sans rivale entre toutes les mortelles qui jamais devinrent mères par l'étreinte d'un mortel.
De son front, de ses yeux d'azur sombre émanaient des effluves pareils à ceux qu'exhale Aphrodite
scintillante d'or. Et, malgré tout cela, elle honorait son époux en son coeur comme jamais encore
nulle femme née femme n'honora le sien. [...] Mais le père des dieux et des hommes, en son coeur,
tramait un autre dessein. Il voulait, pour les dieux autant que pour les hommes, créer un défenseur
contre le danger. Il s'élança donc du haut de l'Olympe, bâtissant un piège en son âme et convoitant
l'amour de la femme à la belle ceinture. C'était la nuit. Vite, il fut au Typhaonion ; de là, gagnant le
sommet du Phikion, le prudent Zeus s'y assit, et, en son âme, il méditait alors de merveilleux exploits.
La même nuit, uni par l'étreinte d'amour à l'Electryonide aux fines chevilles, il satisfit son désir ; et,
la même nuit, Amphitryon, le meneur de guerriers, le héros éclatant, ayant achevé son orgueilleux
exploit, rentra en son palais ; Il n'avait pas été d'abord trouver ses serviteurs ou ses bergers aux
champs ; il avait voulu avant tout monter au lit de son épouse : tant le désir tenait le coeur de ce chef
de guerriers ; et, la nuit tout entière, étendu auprès de sa chaste compagne, il se laissait charmer
aux présents d'Aphrodite scintillante d'or. Et elle, ayant subi, après la loi d'un dieu, celle d'un héros,
brave entre les braves, dans Thèbes aux sept portes, enfanta deux fils jumeaux. Mais tout frères
qu'ils fussent, ils n'avaient pas pour cela même coeur. L'un ne valait pas l'autre, qui était un héros
bien au-dessus de tous, terrible et puissant, Héraclès le Fort. Elle l'avait conçu en subissant la loi du
fils de Cronos à la nuée noire, tandis qu'Iphiclès était né d'Amphitryion, lanceur de javelines...
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