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ADF Paris 2016 · 24 novembre
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Ce titre est très révélateur et représente la do-
léance la plus souvent évoquée par les patients
dont l’édentement est compensé par la mise en
place de prothèses amovibles.
S’il s’agit d’un traitement récent, quoi de
plus désarmant qu’un patient déçu après la
pose d’une prothèse, dont l’élaboration a par-
fois nécessité plusieurs semaines voire plu-
sieurs mois.
Pour le praticien, résoudre ces problèmes
avec pertinence et efficacité sont les souhaits
les plus ardents.
Prothèse amovible complète
On peut distinguer plusieurs catégories de
doléances de patients traités par prothèses amo-
vibles complètes (PAC) : douleur, inconfort et
manque de rétention. Ces griefs fréquemment
exprimés, handicapent plus ou moins fortement
le patient édenté, engendrant un mal être et ré-
duisant singulièrement sa qualité de vie.
Il faut envisager différentes situations cli-
niques en fonction de l’arcade concernée, de
l’ancienneté du traitement et enfin de l’origine
de cette doléance.
Les solutions et améliorations à apporter
sont ensuite à rechercher, à partir de l’écoute du
patient et de la situation clinique, pour analyser
les insuffisances du traitement.
1/ Diagnostic différentiel entre absence
de rétention et instabilité.
La rétention : le contact intime de deux
plaques de verre et d’un liquide interposé carac-
térise une rétention liée au phénomène d’adhé-
sion-cohésion. Celui-ci est influencé par la sur-
face intéressée, l’épaisseur de l’interface et les
propriétés physiques du liquide. En prothèse
amovible, la salive constitue l’interface entre
l’intrados prothétique et la muqueuse.
Concrètement, en prothèse amovible com-
plète, les objectifs sont les suivants :
– Pour l’empreinte qualifiée d’« anatomo-fonc-
tionnelle » :
· surface d’appui maximale compatible avec le
jeu des structures périphériques et régler les
bords de la base en fonction.
· interface d’épaisseur réduite : choisir un ma-
tériau à empreinte « mouillant » pour éviter
l’empreinte de la salive générant une suré-
paisseur. Les propriétés physiques de la sa-
live sont connues et non modifiables aisé-
ment
La stabilité : doit permettre le jeu fonctionnel
des organes para prothétiques, langue, lèvres,
joues sans altération de la « tenue » de la PAC…
C’est la stabilité occlusale appliquant intime-
ment les bases sur leurs appuis qui participe
pour une grande part à la rétention. Une préma-
turité ou interférence occlusale, comme une in-
suffisance de contacts antagonistes, provoquent
déplacement des bases et perte de rétention.
2/ Pour la mandibule :
Les dires des patients permettent de cerner
le mode de manifestations :
Absence de rétention :
« Quand j’ouvre, même légèrement la bouche,
ma prothèse se décolle »
– les causes :
· compression localisée ou interférence d’une
zone ou des bords sur la surface d’appui avec
certains éléments anatomiques, ou bien pré-
sence de surfaces d’appui potentielles non
exploitées. La relation intime entre la sur-
face de l'intrados prothétique et la muqueuse
n'est pas parfaite, avec pour conséquence un
film salivaire irrégulier.
– les solutions :
· réfection de la base en s’assurant de l’ab-
sence de sur-extensions principalement au
niveau des volets linguaux (sens vertical)
ou du plancher buccal (épaisseur des
bords).
Instabilité
Au moindre mouvement de la langue, des
lèvres ou de la mandibule dans son ensemble,
la prothèse se mobilise.
« Quand je ris, quand je veux prendre un ali-
ment, ma prothèse ne tient plus »
« Quand je mouille ma lèvre avec ma langue,
c’est la même chose »
« Je n’arrive pas à mastiquer d’un coté ou de
l’autre sans déstabiliser la prothèse »
– les causes :
· sur-extensions de la base en opposition avec
le jeu fonctionnel des structures périphé-
riques
· versants linguaux ou vestibulaires trop
épais : absence d’exploitation des surfaces
polies stabilisatrices
· problèmes occlusaux
– les solutions
· Tests de stabilité de la base, corrections en
prenant garde de ne pas réduire trop les
bords pour éviter de nuire à la sustentation.
Plus la surface d’appui est réduite, plus le pa-
tient sera limité dans ses mouvements fonc-
tionnels. (Fig. 1)
· Tests occlusaux conventionnels et assurance
d’être à une DVO correcte
3/ Pour le maxillaire:
« Quand je prends des aliments entre les inci-
sives ma prothèse se décolle du fond »
« Au téléphone mes amies disent que je zé-
zaie »
« Quand je ris, ma prothèse du haut tombe »
Absence de rétention :
– les causes :
· Inefficacité du joint vélo-palatin, mal situé ou
mal préparé
· Insuffisance de comblement des zones péri-
tubérositaires
· versants linguaux ou vestibulaires trop épais
· situation incorrecte des dents antérieures
· espace dévolu à la langue insuffisant (Fig. 2)
· surépaisseur de la base prothétique en re-
gard des bosses canines, ou de tout le secteur
antérieur.
– les solutions :
· rechercher les sur-extensions des bases avec
des révélateurs comme le Fit-checker® de
Kerr.
· réfection de la base et/ou modification des
versants latéraux (surfaces polies stabilisa-
trices)
Instabilité
– les causes
· sur extension des bases ou compression
d’une zone d’appui
· problèmes occlusaux
– les solutions (communes aux 2 arcades) :
· Enregistrement de la relation centrée (arti-
culé de Tench et Campbell) pour s’assurer de
la présence d’une occlusion intégralement
équilibrée harmonieuse et fonctionnelle.
· élimination d’une surcharge occlusale anté-
rieure par une rééquilibration occlusale.
· meulage sélectif : mésial sup et distal inf.,
(MSDI) qui fait reculer l’appui occlusal vers
les molaires et redonne une efficacité au
joint vélo-palatin. (Fig. 3)
· remontage sur articulateur si nécessaire et
équilibration complétée en bouche. (Fig. 4)
4/ En fonction de la date d’apparition.
Les prothèses viennent d’être mises en
place.
Les prothèses font l’objet de réglages d’adap-
tation comme les équilibrations occlusales et les
rectifications du profil des bases qui font partie
intégrante du traitement
Les prothèses sont anciennes.
La démarche à mener est la suivante, fonc-
tion de l’importance du déséquilibre :
– Motifs de la consultation
– Analyse des prothèses
– Rectifications sectorielles
– Réalisation de nouvelles prothèses
L’usage des prothèses s’accompagne souvent
au cours du temps d’un déplacement des appuis
vers les dents antérieures. Une équilibration
consistant à réduire ces contacts améliore la ré-
tention.
Il est toutefois nécessaire de vérifier si l’in-
trados est toujours adapté aux surfaces d’appui.
Un long cheminement vers le déséquilibre oc-
clusal (plusieurs années) peut avoir engendré
une résorption des bases osseuses (c’est notam-
ment le cas pour des prothèses avec dents ré-
sines). Dans des cas extrêmes, l’élimination
chirurgicale de crêtes flottantes doit être envisa-
gée. Dans ce cas, la prothèse d’usage du patient
devient une prothèse transitoire. La réfection
d’une nouvelle prothèse doit alors être envisa-
gée après cicatrisation.
Prothèse amovible partielle
En prothèse partielle, il est nécessaire de dé-
tecter :
– les erreurs de préparation préprothétique
comme l’aménagement des courbes fonction-
nelles, des surfaces d’appuis dentaires, les zones
de retrait, les logements pour taquets,
– la conception des éléments de sustentation,
de stabilisation et de rétention (châssis, cro-
chets, attachements)
1/Manque de rétention
« Docteur, je n’ai qu’à faire « ça » avec ma
langue et l’appareil se soulève ! »
Une fois éliminé un « tic» du patient s’éver-
tuant à mobiliser sa prothèse avec l’extrémité
de sa langue, il faut rechercher des causes plus
fondamentales dans la conception.
En prothèse amovible partielle à base métal
(PPAM), lorsque la rétention assurée
par des crochets s’avère insuffisante il est
souvent inefficace de resserrer les crochets.
Outre le risque de les fracturer, cette démarche
engendre souvent une souffrance desmodontale
sur la dent support suie d’une récidive.
Deux causes potentielles sont à rechercher.
– équilibration occlusale non aboutie, prématu-
rités ou interférences entre OIM et ORC
– mauvaise exploitation des zones de retrait.
Si la première cause est facile à solution-
ner, la seconde impose la réfection de l’arma-
ture après une analyse sérieuse au paralléli-
seur et un dialogue entre l’équipe « praticien/
prothésiste » pour discuter du design le plus
pertinent des crochets en fonction de la ligne
guide…
En présence d’attachements de précision, la
mise en place de matrices plus rétentives peut
être une solution.
En revanche, si le patient revient quelques
semaines plus tard avec la même requête, il faut
envisager un défaut de réalisation comme une
absence de parallélisme entre les glissières ou
les éléments fixés porteurs du système d’atta-
chement. La réfection du châssis, voire des pro-
thèses fixées, est à envisager.
2/Instabilité
« Docteur, quand je mange, mon appareil se
décroche »
– Cause : problème occlusal
– Solution :
L’occlusion et l’aménagement correct des
courbes fonctionnelles doit être au centre des
objectifs préprothétiques et prothétiques. La dé-
couverte d’un contact non travaillant en diduc-
tion est souvent une piste salvatrice.
L’aménagement des courbes de Spee et de
Wilson bien contrôlé en amont de la conception
du châssis permet de limiter un maximum les
problèmes d’inconfort pour le patient et le
temps perdu au fauteuil en réglages. A ce titre,
l’articulateur reste le meilleur allié du praticien
pour aborder un éventail de cas aux difficultés
variées, tout en contournant les nombreux
écueils, générateurs d’échecs.
3/ En fonction de la date d’apparition.
Si les doléances du patient concernent une
prothèse ancienne, différentes causes d’incon-
fort peuvent être recherchées.
– présence de dents en résine usées ayant en-
gendré un déséquilibre de l’occlusion avec,
fréquemment, égression des dents antago-
nistes. (Fig. 5)
– négligence du patient qui n’a pas respecté ses
engagements pour des séances de mainte-
nance régulières. La fatigue des matériaux
peut avoir endommagé des composants du
châssis ou altéré les tissus de soutien.
– Solution :
· remontage de nouvelles dents après corono-
plasties antagonistes
· réfection de la prothèse
Si les doléances du patient sont exprimées
peu de temps après la pose de la prothèse, il faut
rechercher un problème technique lors de la fa-
brication de la PAPM.
En tout état de cause, quel que soit le type de
prothèse et l’origine du problème, il est indispen-
sable de privilégier l’écoute du patient. Parfois,
l’orgueil ou la déception du praticien peuvent
être à l’origine d’un déni préjudiciable qui l’em-
pêchera de trouver une solution objective.
Le confort du patient doit rester de toute fa-
çon au centre des préoccupations de l’équipe
soignante. Le dialogue restera toujours l’élé-
ment maitre de la réussite des traitements pro-
thétiques.
„Docteur ma prothèse ne tient pas“
CONFÉRENCE C65
Docteur , ma prothèse ne tient pas!
– Jeudi 24 novembre – 11h à 12h
– Responsable scientifique : Estelle Schittly
– Conférencier : Michel Pompignoli
– Modérateur : Marcel Bégin
Fig. 1 : Fit de Kerr pour l’empreinte des bords et des versants vestibulaires.
Fig. 2 : Espace dévolu à la langue et sur-
faces stabilisatrices.
Fig. 3 : Équilibration après transfert sur articulateur.
Fig. 4 : Contrôle de la rétention lors de l’in-
terposition d’un objet dur.
Fig. 5 : Usure des dents en résine compensée par l’égression progressive des dents antago-
nistes.
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