Colloque « Ecologisation des politiques publiques et des pratiques agricoles », Avignon, 16-18 mars 2011 p.2
Introduction
Depuis les années 1990, la politique agricole commune (PAC) a progressivement introduit
dans ses différentes réformes la prise en considération des questions environnementales
dans ses objectifs. Cette évolution répond au processus de Cardiff qui recommande une
approche horizontale des priorités environnementales de l’Union Européenne (UE) par leur
intégration dans toutes les politiques communautaires. Cependant, la PAC reste une
politique sectorielle dont l’objectif est de protéger, par les mesures de soutien au revenu
agricole, et d’adapter, par les mesures structurelles, l’outil de production que constitue
l’agriculture européenne. Les réformes ont le souci d’une part de réduire les incitations
défavorables à l’environnement de ce noyau dur de la PAC, tout en introduisant de nouveaux
instruments. De nombreux travaux ont pointé les limites de ces nouveaux instruments au
regard des connaissances en économie publique, et notamment des principes de régulation
de la fourniture de biens publics par des agents privés.
Les mesures agri-environnementales (MAE) de la PAC constituent l’instrument le plus ciblé
sur les contributions de l’agriculture à l’environnement. Cependant, ces mesures sont dotées
d’un budget relativement modeste malgré un accroissement rapide dans la décennie 1990-
2000. L’adoption volontaire des contrats agri-environnementaux par les agriculteurs est un
handicap supplémentaire à leur efficacité environnementale, en raison d’effets d’aubaine
importants. En outre, étant à durée limitée, ces contrats peinent à initier des changements
structurels en l’absence d’incitations complémentaires pérennes.
Tout d’abord limitée aux paiements pour les zones agricoles défavorisées et aux
bénéficiaires de MAE, la conditionnalité des aides au respect de règles sanitaires et
environnementales est un dispositif s’appliquant à la quasi-totalité des exploitations agricoles
européennes, depuis sa généralisation en 2005 à l’ensemble des paiements de la PAC. Il est
cependant peu efficace
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par construction puisque ni les paiements ni les sanctions ne sont
proportionnels au service environnemental rendu.
Historiquement, l’essentiel du soutien au revenu agricole est financé à 100% par le budget
européen, tandis que le soutien aux biens publics par les MAE est cofinancé par le budget
européen et par les Etats ou les régions des bénéficiaires. Ce partage des financements de
la politique agricole est remis en cause et fait l’objet de débats importants. C’est en tout cas
le sens de l’augmentation continue du taux de cofinancement des MAE par le budget
européen, y compris par la réforme issue du bilan de santé de la PAC, et d’un moindre
soutien du revenu des agriculteurs dans les nouveaux pays membres au titre du premier
pilier de la PAC. En effet, il apparaît que le soutien au revenu agricole assurant la cohésion
sociale nécessaire au maintien de l’appareil de production agricole est davantage une
question régionale ou nationale qu’une question européenne. En revanche, certains biens
publics fournis par l’agriculture au bénéfice de l’ensemble des citoyens européens peuvent
justifier un financement solidaire des Etats membres, donc supporté en totalité par le budget
européen.
Le découplage du soutien public des quantités produites de biens marchands vise à rendre
au marché son rôle de régulation pour ces biens. Il existe un risque de voir les activités non
marchandes, telle que la production d’environnement, délaissées par l’agriculture si elles ne
sont pas rémunérées. Mais il existe un risque encore de plus grand de voir les Etats
membres ou les régions détourner les aides environnementales pour adapter leur
exploitations agricoles aux marchés. Cette concurrence entre les Etats membres pour capter
la plus grande part possible de budget européen est un élément incontournable et
stratégique des négociations autour de la politique agricole, qui est susceptible de se
retourner contre l’intérêt général.
La fourniture de biens publics par l’agriculture est une opportunité pour refonder la PAC
autour d’objectifs communs aux Etats membres. A ce titre, elle est susceptible de prendre
une place majeure dans les objectifs et les mécanismes futurs d’intervention publique. Sa
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Au sens de l’égalité des coûts marginaux de production du service environnemental par les différentes
exploitations agricoles, nécessaire à une allocation optimale des moyens dévolus à la production privée de bien
public sous l’hypothèse de contributions additives des exploitations au service environnemental global.