Chapitre 2:
Les généralités du calcul des probabilités.
1 Introduction
Le modèle du chapitre un (univers fini) n’est pas suffisant. Ainsi
par exemple, dans l’expérience aléatoire "jouer à pile où face jusqu’à
ce qu’il sorte pile pour la première fois", on est amené à considérer un
univers d’éventualités infini dénombrable :
Ω = {(π),(fπ),(ffπ),(fffπ),...,(f f . . . fπ), . . .}
(n1lettres fsuivies d’une lettre πreprésente l’éventualité "pile est
sortie pour la première fois au n-ième coup").
Si on observe une particule en suspension dans un liquide, sa po-
sition à un instant donné peut être un point quelconque du liquide.
L’ensemble des éventualités est ici infini non dénombrable.
Quand est infini non dénombrable on ne peut plus en général
considérer que tous les éléments de P(Ω) sont des événements (ceci
pour des raisons mathématiques qui dépassent le cadre de ce cours).
Dans ce cas l’ensemble des événements est seulement une partie Fde
P(Ω) vérifiant certaines conditions naturelles et bien entendu seuls les
éléments AFseront probabilisés.
2 Notion d’espace probabilisé
Soit un univers (quelconque1) d’éventualités et P(Ω) l’ensemble
de tous les sous-ensembles de .
Définition 2.1 : On appelle tribu (ou σ-algèbre2) sur toute partie F
de P(Ω) vérifiant les propriétés suivantes :
1) F.
2) AF¯
AF.
3) Pour toute suite (An)n0d’éléments de F,
n=0AnF.
(Autrement dit Fet Fest stable par passage au complémentaire et
par réunions dénombrables)
Notes du cours de Probabilités de M1 de M. L. Gallardo, Université de Tours,
année 2009-2010. Les démonstrations sont détaillées dans le cours oral.
1fini ou infini.
2prononcer sigma-algèbre
1
Exercice 2.2 :Soit Fest une tribu sur .
1) Montrer que Fest stable par intersections dénombrables (utiliser les
propriétés 2) et 3) de la définition 2.1).
2) Montrer que Fest stable par intersections et réunions finies.
Exemple 2.3 :1) L’ensemble P[Ω) de toutes les parties de est une
tribu.
2) L’ensemble {,∅} est une tribu appelée tribu triviale (car c’est la
plus petite tribu de ).
3) Soit (Ai)iIune partition finie ou dénombrable3de . L’ensemble F
de toutes les parties de qui sont des réunions finies ou dénombrables
de certains Ai
4, est une tribu appelée tribu engendrée par la partition
(Ai)iI.
Définition 2.4 : On appelle espace probabilisé (ou univers probabi-
lisé) tout triplet (Ω,F,P)
1) est un ensemble (univers d’éventualités).
2) Fest une tribu sur (ensemble des événements).
3) Pest une probabilité (ou mesure de probabilité) sur Fi.e. une ap-
plication P:F[0,1] vérifiant les propriétés suivantes :
i) P(Ω) = 1.
ii) P(
n=0An) = P
n=0 P(An)pour toute suite (An)d’événements
deux à deux incompatibles5(propriété de sigma-additivité6).
Pour tout AF, le nombre P(A)est la probabilité de l’événement A.
La théorie des probabilités telle qu’on va la développer dans la suite du
cours s’applique aux expériences aléatoires qui peuvent être modélisées
par un espace probabilisé.
Exercice 2.5 :1) Montrer que P() = 0.
2) Montrer que la propriété de sigma-additivité de Pimplique la pro-
priété d’additivité de P(i.e. pour suite finie A1, . . . , ANd’événements
deux à deux incompatibles, P(N
n=1An) = PN
n=1 P(An).
3) En déduire que pour tous événements Aet B,P(¯
A)=1P(A)et
que si AB,P(A)P(B).
solution : 1) Si on applique la propriété de sigma-additivité à la suite
An=(n0) on voit qu’il est impossible que P()>0donc
P() = 0.
2) Pour tout nN+ 1, posons An=. Comme les An(nN) sont
deux à deux incompatibles et que N
n=1An=+
n=1An, la propriété de
sigma-additivité, et le résultat de 1) donnent aussitôt le résultat.
3) Comme Ω = A¯
Aet que A¯
A=, on a 1 = P(Ω) = P(A) + P(¯
A),
d’où la première assertion. Si AB, on a B=A(B\A)d’où
P(B) = P(A) + P(B\A)donc P(A)P(B).
3i.e. l’ensemble Ides indices est fini ou dénombrable.
4i.e. EFs’il est de la forme E=jJAjJIet en convenant que si
J=,j∈∅Aj=.
5i.e. AiAj=pour tous i6=j.
6On notera que cette propriété impose que par définition la série P
n=0 P(An)
est convergente si les Ansont deux à deux incompatibles.
2
Remarque 2.6 :Si Ω = {ω1, ω2, . . .}est dénombrable, on peut tou-
jours supposer que P(Ω) est la tribu des événements donc toutes les
éventualités ωsont des événements7. Si on connait la distribution
de probabilité : p1=P(ω1),p2=P(ω2),. . . alors on connait la proba-
bilité de n’importe quel événement car tout événement Aest réunion
(finie ou dénombrable) de ses éventualités c’est à dire A=iJ{ωi}
Jest fini ou dénombrable ; la propriété de sigma-additivité implique
alors que P(A) = PiJpi.
On notera cependant qu’il n’est plus possible de parler de probabilité
équidistribuée sur . En effet s’il existait une constante a0telle que
pour tout ω,P(ω) = a, la propriété de sigma-additivité imposerait
1 = P(Ω) = PωΩ) P(ω)ce qui est absurde car la somme de la série est
infinie si a > 0et nulle si a= 0.
Proposition 2.7 (Propriété de continuité d’une probabilité)
1) Soit (An)n0une suite croissante d’événements (i.e. AnAn+1 pour
tout entier n) et A=n0An. Alors P(A) = limn+P(An).
2) Soit (Bn)n0une suite décroissante d’événements (i.e. Bn+1 Bn
pour tout entier n) et B=n0Bn. Alors P(B) = limn+P(Bn).
(Pour résumer on dit que la probabilité est continue par limite monotone
d’événements).
démonstration : 1) La suite P(An)est croissante est majorée donc
elle converge. Il faut montrer que la limite est P(A). Or on a
P(An) = P(A0) + P(A1\A0) + · · · +P(An\An1) =
n
X
k=0
P(Ck),
C0=A0,C1=A1\A0, . . . , Cn=An\An1, . . . sont des évé-
nements incompatibles. Par sigma-additivité de P, on a P(+
i=0 Ci) =
P+
i=0 P(Ci). Or +
i=0 Ci=+
n=0An(facile à vérifier par double inclu-
sion) donc la série P+
i=0 P(Ci)converge et a pour somme P(A). Mais
P(An)est justement la somme partielle d’ordre nde cette série, d’où
limn→∞ P(An) = P(A).
2) Par dualité, la suite ¯
Bnest croissante et d’après le 1), on a P(n¯
Bn) =
limn→∞ P(¯
Bn). Or n¯
Bn=nBn, d’où
1P(nBn) = P(nBn) = lim
n→∞
P(¯
Bn) = lim
n→∞(1 P(Bn)),
ce qui implique limn→∞ P(Bn) = P(B).
3 Notions de probabilité conditionnelle
3.1 Introduction
Considérons une expérience aléatoire schématisée par un espace pro-
babilisé (Ω,F,P). Supposons que l’expérience n’étant pas terminée (ou
si elle est terminée, on en ignore le résultat), on obtienne une "infor-
mation" B(BF)sur ce que sera son résultat. La probabilité Pdoit
7en toute rigueur ce sont les singletons {ω}qui sont des événements.
3
être remise en question. On doit considérer une nouvelle probabilité PB
qui tienne compte du fait nouveau. On l’appelle la probabilité condi-
tionnelle sachant B.
Exemple 3.1 :Soit Eun ensemble de Nobjets et AE. Tirons au
hasard un élément adans E. A priori la probabilité que aappartienne
àAest P(A) = CardA
CardE. Supposons que l’on apprenne que aBB
est un certain sous-ensemble de E. Il est alors évident que pour tenir
compte de l’information, la probabilité que aappartienne à Adoit être
remplacée par
PB(A) = Card(AB)
Card(B)=Card(AB)/Card(E)
Card(B)/Card(E)=P(AB)
P(B).
On va généraliser cette situation.
3.2 Généralités sur la probabilité conditionnelle
Soit (Ω,F,P)un espace probabilisé et soit BFun événement tel
que P(B)>0.
Définition 3.2 : Pour tout AFle nombre PB(A)(ou P(A|B))
donné par
(1) PB(A) = P(AB)
P(B)
est appelé probabilité conditionnelle de Asachant B.
Proposition 3.3 :PBest une probabilité sur F(i.e. PBpossède les
propriétés 3), i) et ii) données dans la définition 2.4).
démonstration : i) PB(Ω) = P(ΩB)
P(B)=P(B)
P(B)= 1.
ii) PB(
n=0An) = P(
n=0AnB)
P(B)=P
n=0 P(AnB)
P(B)=P
n=0 PB(An)pour
toute suite d’événements deux à deux incompatibles.
L’un des résultats élémentaires les plus utiles est le suivant :
Proposition 3.4 (Formule de l’intersection) : Soient A1, A2, . . . , Ak
des événements tels que P(A1A2. . . Ak1)>0. Alors
(2) P(A1A2. . . Ak) =
P(A1)P(A2|A1)P(A3|A1A2). . . P(Ak|A1. . . Ak1).
démonstration : On a
P(A1)P(A2|A1)P(A3|A1A2). . . P(Ak|A1. . . Ak1) =
P(A1)P(A2A1)
P(A1)
P(A3A1A2)
P(A1A2)
P(A4A1A2A3)
P(A1A2A3)×. . .
×P(AkA1. . . Ak1)
P(A1. . . Ak1).
Comme le numérateur d’un terme se simplifie avec le dénominateur du
terme suivant, il ne reste finalement que P(A1A2. . . Ak).
4
Exercice 3.5 :Une personne dispose de Nclés (d’aspect identique) et
veut ouvrir sa porte dans l’obscurité. Elle essaye les clés les unes après
les autres, en les mettant de côté après essai. Quelle est la probabilité
que la porte s’ouvre à la k-ième tentative (1kN) ?
solution : Considérons les événements Ai="le i-ème essai est un échec"
(i= 1,2, . . . , k1) et Ak="le k-ième essai est le bon". Comme AkAi
(si i < k), par la formule de l’intersection, on a
P(Ak) = P(A1A2. . . Ak1Ak) =
N1
N
N2
N1. . . Nk+ 1
Nk+ 2
1
Nk+ 1 =1
N.
Remarque 3.6 :Comme on le constate dans l’exercice précédent, la
formule de l’intersection permet de calculer des probabilités sans avoir
à faire référence explicitement à l’espace (Ω,F,P)qui modélise l’expé-
rience aléatoire et qui peut dans certains cas être assez compliqué. C’est
l’un des principaux avantages de cette formule.
Définition 3.7 : Soit (Ai)une suite (finie ou infinie dénombrable)
d’événements de F. On dit que les Aiforment un système complet si
en tant qu’ensembles ils forment une partition de et s’ils sont tous
de probabilité non nulle. Autrement dit
1) Les Aisont deux à deux incompatibles.
2) iAi= Ω.
3) i, P(Ai)>0.
Théorème 3.8 (formule de la probabilité totale) : Soit (Ai)un
système complet d’événements et soit AF. Alors
(3) P(A) = X
i
P(A|Ai)P(Ai).
(somme finie si le système (Ai)est fini et série convergente si le système
est dénombrable).
démonstration : En notant que les événements AAisont deux à
deux incompatibles, on a
P(A) = P(AΩ) = P(A(iAi)) = P(i(AAi))
=X
i
P(AAi) = X
i
P(A|Ai)P(Ai).
Corollaire 3.9 (formule de Bayes) : Soit (Ai)est un système com-
plet et Aun événement de probabilité non nulle. Supposons connus les
nombres P(A|Ai)et les nombres P(Ai). Alors pour tout i
(4) P(Ai|A) = P(A|Ai)P(Ai)
PjP(A|Aj)P(Aj)
(où la somme du dénominateur est étendue à tous les indices jet est
une somme finie ou une série convergente suivant que le système (Ai)
est fini ou dénombrable).
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