L’analyse des troubles en TCC V. Pomini, PhD Unité d’Enseignement des Thérapies Cognitivo-comportementales Institut de Psychothérapie Département de Psychiatrie Université de Lausanne Malévoz 2008-09 1. La description des troubles 1 Du diagnostic clinique aux comportements problèmes 2 Diagnostic psychiatrique Entité clinique Problème / trouble Situations de la vie courante Épisode spécifique Épisode spécifique Épisode spécifique Réactions habituelles problématiques Comportements dysfonctionnel modifiables A la recherche des réactions manifestant les troubles : questions générales • Quel est le comportement qu’adopte habituellement le patient dans les situations où se manifestent ses troubles? • Quelles sont les pensées qui apparaissent dans les situations problématiques? • Quelles sont les émotions ressenties? • Quelles sont ses réactions physiques? 3 2 Description comportementale : gardez le CAPP! Comportement Î Réaction, conduite, activité, mais aussi évitement, renoncement Î Émotions de base : colère, anxiété, joie, Affect tristesse, dégoût, honte, surprise Î Discours intérieur, images mentales, Pensée pensées, explications personnelles, jugements, etc. Physique Î Sensations et réactions physiques 4 Grant et al. (2008) Fiche de description d’un comportement problème Pensées Affect Physiologie Comportement 5 3 2. L’analyse comportementale 4 Les deux conditionnements • Conditionnement classique (pavlovien, répondant) – Association Stimulus – Réponse (S – R) – C’est l’environnement qui détermine les réactions de l’individu. • Conditionnement opérant (skinnérien) – Association Réponse – Conséquence (S – R – C) – Les conséquences positives augmentent la probabilité du comportement – Les conséquences négatives diminuent la probabilité d’apparition du comportement – Ce sont les conséquences de ses conduites qui influent sur le choix de comportemental l’individu. Les conséquences sélectionnent les conduites. – Le stimulus joue le rôle de signal discriminatif pour le choix comportemental et non plus de déterminant des réponses. 7 Le chien de Pavlov 1. Réflexe = salivation - stimulus = nourriture 2. Stimulus neutre à conditionner : son de clochette 3. Répétition de l’association : clochette Î nourriture (Î salivation). 4. Conditionnement : clochette Î salivation. 5. Extinction : clochette Î pas de salivation. 8 Doré (1983) 5 Conditionnement classique SC SI Berger allemand Absence du maître Grognements Os à ronger Niche Morsure 1 2 RI Douleur, anxiété SC RC Chien Anxiété Phobie apprise par conditionnement classique. 9 Le conditionnement opérant Sd Stimulus Discriminatif R C Réponse renforcée Conséquence renforçante K Contingence de renforcement 10 Forget et al. (1988) 6 Conditionnement opérant : les « bienfaits » de l’alcool Sd « J’ai un peu le cafard et ne me sens pas à l’aise dans cette soirée où je connais peu de monde et où les gens ne m’ont pas l’air très accueillants » R C Je bois plusieurs verres de vin Je me sens plus détendu et ouvert. Je rencontre de nouvelles personnes sympathiques. K Contingence élevée : chaque fois que je bois de l’alcool, je me sens mieux et le contact avec les autres est bien plus simple. Contingence faible : quand je bois de l’alcool, je fais rarement des rencontres intéressantes, au contraire je me renferme encore plus. 11 Conséquences pour le sujet Défavorables augmente Favorables Renforcement positif Renforcement négatif diminue Probabilité d’apparition du comportement Les contingences de renforcement Punition Aversion Neutres Extinction Doré (1983) 12 7 Renforcement positif 1. Robert joue au casino à une machine à sous. 2. Il gagne une belle somme d’argent sur cette machine. 3. Il continue à jouer au casino (voire uniquement sur cette machine). 13 Renforcement négatif 1. Juliette ressent une vive angoisse particulièrement désagréable devant son assiette de spaghetti (elle craint que ce repas ne la fasse trop grossir). 2. Elle écarte l’assiette, décide de ne pas la manger et retourne dans sa chambre. Elle se sent soulagée de ne pas avoir mangé. 3. Elle refuse de manger des spaghetti, dit ne plus les aimer. Elle évite les repas. 14 8 Punition 1. Albert roule à une vitesse excessive sur l’autoroute quand un radar le flashe juste à la sortie d’un tunnel. 2. Albert se voit signifier un retrait de permis de deux mois. 3. Albert évite les excès de vitesse dans les tunnels sur l’autoroute. 15 Aversion 1. Gérard se promène de nuit dans un quartier peu recommandable de la ville. 2. Il est attaqué par une bande de jeunes mal famés fréquentant le quartier. 3. Gérard évite de se promener dans ce quartier la nuit (puis même le jour). Il change de trottoir quand il voit un groupe de jeunes sur sa route. 16 9 Extinction 1. Carlos parle avec ses amis du championnat de football régional. 2. Ses amis n’en font pas cas et orientent toujours la discussion sur un autre thème. 3. Carlos ne parle plus avec ses amis du championnat de foot régional. 17 Analyse fonctionnelle synchronique : Schéma SORCK Stimuli antécédents discriminatifs S Æ Réponse Réaction Comportement Organisme O Æ R Conséquence Æ K Contingence 18 Kanfer & Saslow (1969) 10 C Analyse fonctionnelle d’un trouble : stimuli déclencheurs et organisme • Stimuli déclencheurs – Circonstances d’apparition du trouble – Déclencheurs externes ou internes • Facteurs de potentialisation ou de facilitation – Facteur augmentant l’impact des stimuli déclencheurs ou facilitant la réaction pathologique • Facteurs modérateurs ou apaisants – Facteurs réduisant la fréquence du trouble, son intensité ou la force des stimuli déclencheurs Emmelkamp, Bouman, & Scholing (1992) 19 Analyse fonctionnelle d’un trouble : conséquences • Conséquences à court terme des comportements adoptés – Conséquences immédiates de la conduite – Réactions de l’entourage • Conséquences à long terme – Conséquences négatives ultérieures : généralisation du trouble, enchaînement à d’autres troubles – Handicaps – Bénéfices du troubles dans la vie du patient – Gains au changement? Emmelkamp, Bouman, & Scholing (1992) 20 11 3. L’analyse cognitive 12 Modèle ABC A B C Activating event Belief Emotional Consequence Ce ne sont pas les événements en soi qui troublent les personnes mais les pensées qu’elles ont à leur sujet. Ellis & Harper (1994) 22 Un exemple d’analyse ABC • Jocelyne s’attriste après avoir été critiquée par son mari sur la qualité du repas confectionné. – A : critique du mari : le repas n’était pas aussi bon que ceux que cuisine sa mère – B : Jocelyne se dit qu’elle n’est pas bonne cuisinière, qu’elle n’est pas une bonne épouse et que son mari mériterait mieux – C : Jocelyne est triste 23 13 Modèle cognitif de Beck A Situation B C Pensée automatique Affect, émotion, humeur 24 Modèle cognitif de Beck Processus de traitement de l’information Croyances Processus d’interprétation Situation Pensée automatique 25 14 Affect, émotion, humeur Modèle cognitif de Beck Croyances Hypothèses, règles Situation Anxiété, stress Affect, humeur Patron donne une pile de travail et de multiples instructions associées Processus d’interprétation Pensée automatique cf. figure suivante 26 Modèle cognitif : exemple Croyances Hypothèses, règles « Je suis quelqu’un de mauvais, d’incompétent.» Hypothèses : 1) « Si je fais mal mon travail, les autres verront mon incompétence. On va me licencier» Règle : « Je dois toujours réaliser mon travail à la perfection. Je n’ai pas droit à l’erreur. » Processus d’interprétation Pensée automatique Distorsion cognitive : inférence arbitraire « Je ne vais pas y arriver, c’est trop de travail à la fois. » 27 15 Les pensées automatiques Pensées en situation, sur le moment • Spontanées, brusques • Spécifiques, précises, idiosyncrasiques • Automatiques, involontaires, répétées • Non réfléchies mais plausibles • Courtes • Acceptées même si non validées par l’expérience 28 Mirabel-Sarron & Rivière (1993) Les croyances (ou schémas) • Postulats, règles et convictions intimes de la personne relatifs à l’évaluation de soi et aux relations avec les autres. • Filtres d’interprétation de la réalité. • Peu flexibles, s’expriment en termes absolus, simplistes et souvent dichotomiques ou peu différenciés. • Plus ou moins constants dans la vie du patient (peuvent être « dormants »). • Touchent différentes thématiques centrales de la philosophie de vie de la personne : amour, compétence, performance, morale, autonomie, valeur, devoirs et droits. 29 J. Beck (1995) 16 Des croyances aux pensées automatiques Expériences du passé Croyance de base Schéma conditionnel Evénement Pensée automatique Beck (1995) Parents critiques et sévères, rarement contents des activités ou des résultats de leur fils. Malmené par ses pairs à l’école. Timidité. « Je ne vaux rien. Il vaudrait mieux que je n’existe pas. » « Si je fais tout parfaitement, on me respectera, on m’aimera. Je n’ai pas le droit de dire non. Je dois toujours être disponible. » Impossibilité de finir ce travail pour demain et d’aider le fils dans ses devoirs. « Je ne vais pas y arriver. Je ne suis pas un bon père, ni un bon employé. Je devrais tout quitter. » 30 17 4. L’indication aux TCC Indications différentielle et adaptative • Indication différentielle – Choix du traitement en fonction du diagnostic – Se base sur l’efficacité différentielle des traitements • Indication adaptative – Choix du traitement en fonction d’une hypothèse de compréhension : – Choix du traitement en fonction des ressources thérapeutiques à disposition – Choix du traitement en fonction de l’objectif négocié • L’indication adaptative est hiérarchiquement supérieure à l’indication différentielle. Elle doit donc être systématiquement réalisée par le thérapeute et fait partie intégrale du traitement. 32 Pomini, Neis & Perrez (2002) 18 Indication différentielle à la TCC • Troubles anxieux • Troubles alimentaires • Dépression • Gestion du stress, burnout • TOC • Schizophrénies • Troubles de l’adaptation • Troubles de la personnalité • Troubles douloureux et somatoformes • Troubles du contrôle des impulsions • Dysfonctions sexuelles • Prévention des maladies cardio-vasculaires • Dépendances • Promotion de la santé • Retard mental • Problèmes de compliance médicamenteuse 33 Cottraux (1998) Etapes de l’indication adaptative à la thérapie I. Identification des problèmes II. Choix d’un problème cible III. Traduction comportementale du problème cible IV. Observation et mesures V. Analyse fonctionnelle VI. Hypothèse de compréhension du problème VII. Proposition d’intervention 34 19 Références bibliographiques Beck, J. S. (1995). Cognitive therapy : basics and beyond. New York: The Guilford Press. Cottraux, J. (2004). Les thérapies comportementales et cognitives. Paris : Masson (4e éd). Doré, F. Y. (1983). L'apprentissage. Une approche psycho-éthologique. Montréal / Paris: Chenelière & Stanké / Maloine Editeur. Ellis, A., & Harper, A. (1994). L'approche émotivo-rationnelle. Montréal: Editions de l'Homme.Blackburn, I.M., & Davidson, K. (1990). Cognitive therapy for depression and anxiety. Oxford: Blackwell Scientific Publications. Emmelkamp, P. M. G., Bouman, T. K., & Scholing, A. (1992). Anxiety disorders. A practitioner's guide. Chichester: John Wiley & Sons. Forget, J., Otis, R., & Leduc, A. (1988). Psychologie de l'apprentissage : théories et applications. Brossard, QC: Editions Behaviora.Hautzinger, M. (2000). Kognitive Verhaltenstherapie bei Depressionen. Weinheim: Psychologie Verlags Union, Beltz. Grant, A., Townend, M., Mills, J., & Cockx, A. (2008). Assessment and case formulation in cognitive behavioural therapy. Los Angeles: Sage. Kanfer, F. H., & Saslow, G. (1969). Behavioral diagnosis. In C. M. Franks (Ed.), Behavior therapy : appraisal and status (pp. 417-444). New York: MacGraw Hill. Mirabel-Sarron, C., & Rivière, B. (1993). Précis de thérapie cognitive. Paris: Dunod. Pomini, V., Neis, L., & Perrez, M. (2002). L'approche cognitive et comportementale en psychothérapie. In N. Duruz (Ed.), Traité psychothérapie comparée (pp. 285-312). Chêne-Bourg/Genève: Médecine & Hygiène. 35 20