MARCHÉ ET C AR ACTÈRES «Parfois meilleur que l’original» Photo: mise à disposition Les produits d’imitation permettent d’économiser beaucoup d’argent sans nuire à la qualité du traitement. Pourtant, la prescription et la délivrance des génériques patinent. Mais qui freine, et pourquoi? Pourquoi ne pas faire des économies là où ce serait si facile? OTX World a posé la question au Dr Peter A. Huber, directeur d’Intergenerika. Hans Wirz Le Dr Peter A. Huber est directeur d’Intergenerika, l’association des fabricants et distributeurs suisses de génériques et de produits biosimilaires. L’évolution ralentie des ventes de génériques n’est pas liée à la qualité? Au contraire: il s’écoule environ quinze ans entre l’arrivée de l’original et celle d’un générique sur le marché. Pendant ce temps, on apprend souvent de nouvelles choses, par exemple par rapport à la galénique ou au conditionnement. Parfois, le générique est donc meilleur que l’original. Et les hôpitaux dans tout cela? Ils jouent un rôle clé à plusieurs niveaux: les professeurs citent les marques originales dans leurs exposés, incitant les jeunes médecins à prescrire l’original, par «imprégnation». Et les patients sont rendus «accros» à l’original et, souvent, ne changeront jamais de produit auprès de leur médecin. Pourrait-on prendre exemple sur l’Allemagne ou les Pays-Bas? Non. Dans ces pays, les médicaments importants sont attribués par les assurances-maladie à un seul fournisseur: celui qui propose les plus gros rabais. Mais le moins cher n’est pas toujours ce qu’il y a de mieux pour le malade. La Suisse doit continuer d’accorder la priorité au patient et laisser le médecin ou le pharmacien décider quel est le meilleur médicament. Et si le modèle venait des Etats-Unis? Non plus. La forte pression sur les prix y a généré de gros problèmes d’approvisionnement, notamment dans le cas des génériques intraveineux contre le cancer. Le NZZ en a parlé récemment. Cela s’explique par la suppression des mesures d’incitation économiques. Pourquoi des prix si élevés? Quelle somme les génériques nous permettent-ils d’économiser sur les frais de médicaments? Environ un milliard par an. Ce chiffre résulte de différentes mesures de réduction des prix et concerne aussi bien les originaux que les génériques. Cela pourrait être beaucoup plus... ... Oui, bien sûr. En Suisse, la part de marché des génériques reste relativement réduite. Pourquoi? On incrimine souvent les prix disproportionnés, mais ce n’est pas vrai (voir encadré). Toutefois, le système a des effets pervers. Par exemple, les pharmaciens et les médecins dispensateurs se font moins de marge sur les produits meilleur marché. Et peu de patients, et même de médecins prescripteurs, se soucient des coûts: c’est l’assurance-maladie qui paie. Même Swissmedic et l’OFSP freinent. La meilleure chance des génériques est de modifier les incitations au profit de leurs utilisateurs et de lever les obstacles ­administratifs. Pour certains génériques, on observe de grandes différences de prix entre l’«Europe» et la Suisse. Petite explication: Primo, en Suisse, le marché potentiel est environ dix fois plus petit que dans les pays de référence. Les parts de marché y sont aussi beaucoup plus restreintes, avec de grosses différences en termes de coûts: ce n’est pas la même chose de produire 200 000 unités ou seulement 10 000. Pour de petites quantités, les emballages sont beaucoup plus chers. Secundo, la Suisse est une île sur le plan réglementaire. Même les génériques déjà enregistrés dans le reste de l’Europe doivent être autorisés par Swissmedic, puis passer par l’OFSP pour pouvoir être remboursés par les caisses. Cela se paie en termes de travail supplémentaire, de taxes et de temps. Tertio, les systèmes d’approvisionnement sont différents: en Suisse, le choix de la préparation revient aux médecins, aux pharmaciens et aux patients. Il en va tout autrement dans des pays comme l’Allemagne, les PaysBas ou la Grande-Bretagne, où c’est l’ad- ministration ou les assureurs-maladie qui ­décident, sur la seule base du prix, des médi­­caments à rembourser. Si l’on compare le prix des génériques avec la France ou l’Autriche où, comme chez nous, le choix du médicament revient au médecin en accord avec son patient, les différences s’estompent, surtout si l’on tient compte du pouvoir d’achat. Quarto, en Suisse, les génériques doivent aussi leur bonne réputation au fait que les fabricants investissent beaucoup dans la formation des spécialistes et dans l’information des patients. Quinto, l’administration oblige les fabricants de génériques à proposer toutes les posologies, formes et présentations déjà proposées par le fournisseur du médicament original. D’où un manque de rentabilité pour les formes peu utilisées. Conclusion: si l’on veut permettre à l’assurance-maladie de faire des économies, rien ne sert de discuter du prix des génériques; il faut prendre des mesures pour augmenter leur part dans les prescriptions! OTX World | N° 36 | Janvier 2012 13