Histoire des origines de la construction européenne. 1. Le temps

Histoire des origines de la construction européenne.
L'histoire des projets de construction européenne s'est faite aux XIX et XX eme siècles à la suite de révolutions et de
guerres, c'est à dire à des moments de redéfinition d'un équilibre géopolitique du vieux continent. A chaque fois, les
deux questions fondamentales étaient avec qui ? Comment ?
En effet le problème le plus important pour ces porteurs de projet européen n' était pas de définir l'objectif pacifique
comme préalable, puisqu'à la fin de toute guerre il s'impose à tous. Il fallait définir quels Etats devaient être initiateurs
du projet, pour savoir quels Etats devaient en être exclus provisoirement ou définitivement. Question fondamentale,
puisqu'elle déterminait la nature du projet, à savoir comment il pouvait se mettre en place : valeurs, organisations et
donc objectifs.
L'Union européenne à 27 d'aujourd'hui oublie délibérément cette histoire, puisqu'elle légitime son œuvre en terme
d'objectifs, qui se résume le plus souvent en un objectif unique : la paix . Comme toute construction historique à usage
politique, l'histoire de la construction européenne repose sur un récit en grande partie fictif exactement comme celui des
identités nationales.
Il faut souvent de nombreuses années pour dénoncer ces récits, car un grande partie des historiens apportent une caution
scientifique à ces récits politiques. Comme à la fin du XIX eme siècle, les historiens ont apporté massivement leur
caution à la construction des récits nationaux dans les différents pays d'Europe, à la fin du XX eme siècle, ils ont tout
aussi massivement contribué à la construction du récit européen.
Nous distinguerons deux périodes dans l'histoire des projets de construction européenne, la première du début du XIX
eme siècle à 1945, celle des projets assumés sans réalisation concrète, et la seconde, depuis 1945, celle des réalisations
concrètes sans projet assumé.
1. Le temps des projets assumés sans réalisations concrètes. (1814-1945).
1.1. 1814 : penser l'Europe à la fin du cycle révolutionnaire.
La Révolution française et l'Empire napoléonien ont bouleversé l'Europe. En 1814, alors que l'Empire napoléonien est
en ruine, se développe une intense réflexion autour d'une nouvelle Europe politique. Le projet le plus audacieux est
celui du comte Henri de St Simon. Il rédige une projet qu'il destine aux diplomates réunis au congrès de Vienne. L'idée
fondamentale est de fonder une nouvelle Europe politique sur le principe issu des Révolutions anglaises et françaises :
le parlementarisme. Il voit dans les institutions parlementaires la meilleure forme de gouvernement. Le noyau de la
Fédération européenne doit donc, selon lui, être constitué par l'union de la France et de l'Angleterre, les deux seuls
grands Etats européens qui se sont dotés dans un passé récent d'un parlement. Le projet est fédéraliste puisque qu'un
Parlement commun entre la France et l'Angleterre doit naître de cette union. St Simon pense à l'élargissement de cette
union et avant tout à la « nation allemande » à deux conditions : qu'elle réalise son unité et qu'elle adopte un régime
parlementaire . Dans la proposition européenne de St Simon on perçoit l'admiration qu'il a pour l'Allemagne : « la
nation allemande qui par sa population, par sa position centrale et plus encore par son caractère noble et généreux est
destinée à jouer le premier rôle en Europe, aussitôt qu'elle sera réunie sous un gouvernement noble ».
Ce projet tout audacieux qu'il fut n'a exercé aucune influence sur les décisions du congrès de Vienne. Les puissances
européennes y imposent une autre vision politique : la légitimité des grandes dynasties et le principe d'équilibre entre
grands Etats européens. Cette nouvelle Europe politique (« concert européen ») se construit donc en réaction contre la
Révolution française. Le chancelier autrichien Metternich et le Tsar de Russie sont les principaux inspirateurs de ce qui
deviendra la « Sainte Alliance ».
1.2. 1848 : l'espoir européen d'un « printemps des peuples ».
Avec le « Printemps des peuples » de 1848, l'idée européenne gagne des cercles plus larges, parmi les intellectuels,
journalistes, hommes politiques qui organisent un véritable débat politique autour de l'idée « des Etats-Unis d'Europe ».
L'expression apparaît à ce moment là de l'histoire européenne. Victor Hugo fut un des principaux propagateurs de cette
idée. Cependant contrairement au projet de St Simon, les principaux projets de l'époque sont imprécis : Fédération /
Confédération, avec quels pays ? Cet engouement pour une Europe politique se développe avec l'enthousiasme des
révolutions qui remettent en cause les monarchies européennes, l'échec des Révolutions entraîne une éclipse du
mouvement européiste. Dans la deuxième moitié du XIX eme siècle, la mise en œuvre des identités nationales et la
constitution de nouveaux Etats-nations (Italie-Allemagne) ne facilitent pas l'émergence de projets d'unification politique
européen. Cependant le mouvement intellectuel européiste de 1848 se prolonge dans la deuxième du XIX eme siècle.
Joseph Proudhon par exemple écrit de nombreux textes sur la construction européenne. Dans « la Fédération et l'unité
italienne » publié en 1862, il s'en prend aux formes de la mise en œuvre de la nationalité italienne. Il fait une critique
des modalités de l'unité italienne réalisée par la force des armes, au bénéfice d'une dynastie, dans le cadre d'un Etat peu
respectueux des droits de l'homme et de promouvoir des réformes sociales. Il en arrive à la conclusion qu'il faut
renoncer à l'Europe des nationalités chère aux révolutionnaires de 1848. Il poursuit sa réflexion en publiant l'année
suivante, en 1863, « Du principe fédératif », dans lequel il esquisse un projet européen à partir de la créations d'entités
politiques de petites dimensions, associées sur la base de contrats librement établis pour assurer leur sécurité et leur
progrès économique. On retrouve les mêmes plaidoiries du principe fédéral dans les écrits de Constantin Frantz
diplomate au service de l'Autriche puis de la Prusse. Il rompt avec Bismark en 1866, au moment de Sadowa (guerre
Prusse / Autriche). Il dénoncera le Reich en 1871, Etat ultra-nationaliste dominé par la Prusse. Il préconise la création
d'une Mitteleuropa, vaste fédération organisée autour de l'Autriche, à majorité allemande, mais faisant une place aux
multiples nationalités d'Europe centrale. Cette fédération devrait être capable d'exercer une attraction sur des petits Etats
d'Europe balkanique ou scandinaves. Cette Mitteleuropa pourrait s'allier à l'Angleterre, mais laisser au dehors deux
puissances ambitieuses aux visées expansionnistes : la France et la Russie.
L'idée européenne de dépasser les Etats-nations, de Proudhon à Frantz, ne peut recevoir un accueil favorable auprès des
opinions publiques européennes dans la mesure où la période 1848-1914 est une époque de consolidation des
Etats-Nations.
1.3. 1919-1929 : penser l'Europe pour se relever du traumatisme.
La première guerre mondiale est un véritable traumatisme pour l'Europe, une crise existentielle. Paul Valéry dans un
article écrit en avril 1919, pendant la conférence de la paix, pose les bases de la réflexion sur l'avenir de l'Europe :
« nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. Nous sentons qu'une civilisation a la
même fragilité qu'une vie. Tout n'est pas perdu mais tout s'est senti périr. Un frisson extraordinaire a couru la moelle de
l'Europe. Elle a senti par tous ses noyaux pensants, qu'elle ne se connaissait plus, qu'elle cessait de se ressembler,
qu'elle allait perdre conscience ».
Si la question de l'unification européenne n'était pas une idée neuve, elle surgit avec force dans les années 1920, dans
une configuration de crise morale. Une multitude de projets européen voit le jour dans la décennie qui suit la première
guerre mondiale. Gaston Riou, en 1929, publie un ouvrage : « s'unir ou mourir ». L 'Europe se sent donc en danger de
mort, si les peuples européens ne prennent pas conscience de leur fragilité. Quelle Europe construire ? Trois orientations
inspirent le mouvement européiste des années 1920 :
A. Inspiration politique : mouvement paneuropéen avec son chef de file : Coudenhove-Kalergi. Il fonde à Vienne
l'Union paneuropéenne en 1922. Il publie « Paneuropa » en 1923. Le mouvement paneuropéen propose une
confédération européenne dont le projet sera repris par Arisitide Briand dans son discours devant l'Assemblée générale
de la SDN, le 5 septembre 1929, et dans son mémorandum du 17 mai 1930. Ce mémorandum est construit en deux
parties, la première propose des institutions européennes (une confédération), la seconde, une organisation économique
proposant un rapprochement des économies européennes. L'un des buts poursuivis est : « l'établissement d'un marché
commun pour l'élévation au maximum du niveau de bien être humain sur l'ensemble des territoires de la communauté
européenne ». Ce texte sera repris mot à mot dans le préambule du traité de Rome en 1957. Dans le projet européen de
Coudenhove-Kalergi, l'espace géographique exclu l'Angleterre et l'URSS. D'autres projets oeuvrent en faveur d'ententes
régionales : fédérations danubiennes, balkanique, franco-allemande...
B. Inspiration économique : idée d'un « grand marché européen », la formule date des années 1920. En 1925, des
personnalités européennes lancent un appel à la constitution d'une « union douanière européenne » : « faire l'Europe en
lui donnant conscience de son unité, un grand marché ouvert à la circulation des marchandises, des capitaux et des
hommes ». En 1929, le congrès de Paris de l'UDE (Union Douanière Européenne) propose l'idée d'une union douanière
régionale entre la France, l'Allemagne et les pays voisins. Sur le plan industriel, le développement de la coopération
devait aboutir à de véritables réalisations. Sous la houlette du financier luxembourgeois Mayrisch, le 30 septembre 1926
est créé le « cartel international de l'acier ». Le comité des forges français joua un rôle déterminant pour unir les
sidérurgistes et métallurgistes français, allemands, belges et luxembourgeois. Il prévoit une répartition de la production
d'acier brut et la résurrection de la coopération entre la Lorraine et la Rhur. Il s'agit là de l'ébauche de ce qui deviendra
la CECA après la deuxième guerre mondiale.
C. Inspiration culturelle : Andrè Malraux (« D'une jeunesse européenne ». 1927) ou François Mauriac (« Jeune
homme.1926), remettent en cause l'héritage cultuel des générations précédentes : « le jeune homme d'aujourd 'hui
étouffe sous le poids d'un héritage démesuré. La haine du musée et de la bibliothèque se fortifie de la certitude que ces
nécropoles touchent au temps de leur destruction . C'est une jeunesse de survivants ». Ce point de vue de Mauriac est
aussi celui de Julien Benda. Dans « la trahison des clercs », il dénonce la responsabilité des intellectuels qui n'ont pas
pris conscience plus précocement de l'échec d'un certain nombre ce modèle et notamment de la faillite du libéralisme
occidental. Il reprend ce thème dans un texte percutant : « l'Europe se sera pas le fruit d'une simple transformation
économique voire politique, elle n'existera vraiment que si elle adopte un certain système de valeurs morales et
esthétiques ». « Discours à la Nation européenne ».
De ce bilan européssimiste naît une réflexion autour de la notion d'identité européenne.
L'accession au pouvoir d'Hitler sonne le glas de toutes les réflexions et projets européens.
2. Le temps des réalisation concrètes sans projet assumé. 1945-1957.
2.1. La phase préparatoire américaine . 1945-1949.
A partir de 1945, la construction européenne se fait sous la tutelle directe des Etats-Unis, qui conçoivent la création
d'une Europe occidentale intégrée comme un élément clé du dispositif de la guerre froide. Dans ce cadre, l' Allemagne
de l'Ouest doit jouer un rôle de premier plan. Les Etats-Unis considèrent que l'Allemagne doit être le pivot de la
construction européenne.
Les Etats-Unis considèrent en 1945, que leur non interventionnisme de l'entre deux guerres est une erreur qui a conduit
à la deuxième mondiale. Ils doivent donc directement s'impliquer dans le règlement des affaires politiques de l'Europe
occidentale.
Comme la France était le seul Etat qui pouvait faire obstacle à ce projet américain, il fallait préparer le gouvernement
français à accepter ce qu'elle ne voulait pas en 1945 : redonner corps à un Etat allemand, préparer son réarmement dans
le cadre d'une grande alliance militaire occidentale. La politique étrangère de la France dès 1944, est de tenir à égale
distance les deux grandes puissances mondiales, les Etats-Unis et l'URSS. C'est la position du chef du gouvernement
provisoire en 1944, Charles de Gaulle et du ministre des affaires étrangères, Georges Bidault.
Un homme joua un rôle décisif pour que la France s'aligne sur les positions américaines : Henri Bonnet, ambassadeur de
France à Washington de 1944 à 1955. Il relaya sans répit les pressions américaines en incitant fermement son ministre
de tutelle (affaires étrangères) à s'exécuter. La soumission commença sous l'ère Bidault.
-Bidault fut ministre des affaires étrangères de septembre 1944 à juillet 1948. Hostile à la politique allemande de
Washington, il céda petit à petit aux pressions américaine, relayées par Bonnet, sous la forme de chantage de l'octroi
d'aides américaines (Plan Marshall), conditionnées à des propositions françaises d'intégration de l'Allemagne de l' Ouest
dans la construction européenne.
Le 5 juin 1947, dans son discours de Harvard, Marshall expliquait la politique européenne des Etats-Unis (plan de
redressement économique de l'Europe). Très vite, le 28 juin 1947, Bidault proposait un projet de mémorandum au
gouvernement américain, dans lequel il était favorable « à la reconstruction par les crédits accordés par le
gouvernement américain d'une Europe continentale, sans le Royaume-Uni, ni l'URSS, mais les Etats ex-ennemis, et en
particulier l'Allemagne occidentale, seraient associés à cette œuvre de reconstruction ». Ainsi peut s'ouvrir le 12 juillet
1947 la conférence de coopération économique européenne, dite des seize à Paris, qui permettra de fonder le 16 avril
1948, l'organisation européenne de coopération économique (OECE). Mise en place immédiatement en raison de
l'urgence (début du blocus de Berlin), sans même attendre la ratification du traité dans au moins 6 Etats membres,
l'OECE s'installe à Paris, au château de la muette. Elle va se maintenir pendant plusieurs années après 1952 et la fin de
l'aide Marshall. Ce n'est qu'en 1960 qu'elle se transforme pour donner naissance à une organisation plus large, débordant
l'Europe occidentale, l'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE). La naissance de
l'OCDE en 1948 est la première réalisation européenne sous l'impulsion des Etats-Unis sous la forme d'une
confédération de 16 Etats.
Dans ses « mémoires » Jean Monnet, qui est à Washington, quand est signé le traité de l'OECE à Paris déclare :
« quand je pris connaissance de cet accord , je vis la faiblesse congénitale d'un système qui ne dépassait pas le stade de
la simple coopération intergouvernementale. Une seule ligne d'un certain article 14 ruinait toute forme d'action
commune ». Il écrit immédiatement son ami Schuman : « toutes mes réflexions et mes observations m'amènent à une
conclusion qui est maintenant pour moi une conviction profonde : l'effort des pays de l'Europe de l'Ouest pour être à la
mesure des circonstances, du danger qui nous menace, a besoin de devenir un effort européen véritable que seule
l'existence d'une fédération de l'Ouest rendra possible ».
2.2. Le temps des fondations (1947-1957).
Bidault quitta les affaires étrangères en juillet 1948, impuissant à contrer la politique allemande des Etats-Unis. Il
démissionne car il refuse d'endosser la paternité de l'intégration de la zone d'occupation française dans la bizone (fusion
des zones américaines et anglaises). La bizone avait été créée le 2 décembre 1946, par les accords de New-York.
Schuman remplace Bidault au quai d'Orsay en juillet 1948, il y restera jusqu'en décembre 1952. Il accepta ce que
Bidault refusait. Alors que la guerre froide se développe et se durcit, Schuman s'entoure du « clan américain » du Quai
d'Orsay. Jean Monnet est aussi amené à jouer un rôle de premier plan, car les Etats-Unis demandent à Schuman que la
France prenne une initiative pour consolider le processus d 'intégration de l'Europe occidentale amorcé avec l'OECE.
C'est dans ce contexte que deux initiatives françaises vont modifier le contenu de cette construction.
A. La CECA ( Communauté du Charbon et de l 'Acier).
Le 9 mai 1950, Schuman lit le discours de l'horloge, écrit par Jean Monnet :
-communauté proposée par la France à l'Allemagne de l'ouest, acceptée aussi par l'Italie, la Belgique, les Pays Bas et le
Luxembourg. L'idée est de construire une zone de libre-échange pour le charbon et l'acier. Ce traité offrait la possibilité
aux industriels et aux Etats un utile paravent à des mesures d'assainissement,qui auraient été difficiles à prendre à l'ère
protectrices des décisions nationales. Première étape du dumping social.
-Mise en place d'une haute autorité indépendante. Monnet réussit à imposer une structure fédéraliste, technocratique et
libérale dont il deviendra le premier président. Le traité est signé le 18 avril 1951, mais déjà le 10 février 1951, le
service de coopération économique du ministère des affaires étrangères rédigeait la note suivante à propos de la CECA:
« il ne peut y avoir harmonisation des salaires et de la demande, elle se fera au niveau le plus bas. C'est bien là une des
raisons pour lesquelles le CNPF (conseil national du patronat français) se prononce en faveur de la libération des
échanges, il y voit un moyen de réduire les prétentions des salariés lors des prochaines négociations de des conventions
collectives ». Jean Monnet imposait un autre aspect fondamental d'inflexion de la construction européenne, la volonté
de ne pas inclure l'Angleterre dans la CECA. L' Angleterre, dans la mesure où le projet était fédéral, refusa de s'y
associer. Par le marché du charbon et de l'acier, la construction européenne ouvrait la voie au libre-échange et au
dumping social.
B. La CED (communauté européenne de défense).
L'entrée en guerre des troupes nord-coréennes en Corée du Sud, le 25 juin 1950, provoque le début de la guerre de
Corée. Face au risque d'intervention militaire de l' URRS en Europe occidentale, les États-Unis réagissent
immédiatement, en envoyant des renforts et du matériel en Allemagne, mais ils exigent une participation des Allemands
de l'Ouest à l'effort commun de défense, même si la RFA n'est pas encore membre de l'OTAN. Les États-Unis, en
septembre 1950, exigent un réarmement rapide de l'Allemagne. À l'occasion d'une réunion de l'OTAN à New York du
10 au 16 septembre 1950, Dean Acheson, secrétaire au département d'État exprime clairement la volonté américaine : «
Je veux des Allemands en uniforme pour l'automne 1951 ». Dans un premier temps à New York, le 12 septembre 1950,
le ministre français des Affaires étrangères s'oppose à la proposition américaine de réarmement de l'Allemagne. Dean
Acheson, appuyé par son homologue anglais Ernest Bevin, reprennent les 13 et 14 septembre, la discussion avec Robert
Schuman, pour que la France renonce à son refus de principe d'un réarmement allemand. Les pressions américaines et
anglaises sont d'autant plus fortes qu'au sein du conseil des ministres de l'alliance atlantique, seuls la Belgique et le
Luxembourg soutiennent la position de la France. Finalement, le 16 septembre, Schuman accepte le principe d'un
réarmement de l'Allemagne. En quatre jours, la France était donc passée d'un refus du réarmement de l'Allemagne à
l'acceptation d'une discussion sur les conditions et le calendrier d'un réarmement de l'Allemagne. Washington pressé
d'arriver à un accord, pousse la France à prendre une initiative pour proposer une solution, avant la prochaine réunion
de l'alliance atlantique, prévue le 28 octobre 1950. Jean Monnet adresse une lettre à Shuman dans laquelle il admet lui
aussi le réarmement de la RFA, non pas sur une base nationale, qui lui redonnerait sa pleine souveraineté, mais dans un
cadre européen supranational, une sorte de CECA élargie. Le projet de CED écrit par Jean Monnet sera donc une
transposition de la technique du plan Schuman (charbon et acier) au domaine militaire, une nouvelle expérimentation de
ce « fédéralisme partiel », qui est en voie de réussir en matière de charbon et d'acier. Après bien des modifications par
rapport au texte initial, le traité est signé par les 6 Etats membres de la CECA, le 1 février 1952.
Ratifié par la RFA, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas, il sera rejeté par l'Assemblée nationale française le 30
août 1954.
L'échec de la CED pose le problème de la relance du processus d'intégration européenne.
C. Le traité de Rome
Pour tous les européistes, il est important de surmonter l'échec de la CED. Un double consensus se dessine rapidement,
afin que la construction européenne ne s'arrête pas à la CECA :
-Abandonner les sujets sensibles, comme l'unification militaire, et revenir à des thématiques économiques, où les succès
semblent être plus à portée, comme l'avait montré l'exemple de la CECA.
-Dès l'automne 1954, naissent de nombreux projets de relance. Jean Monnet prône la poursuite d'une intégration
sectorielle dans la continuité de la CECA (les « petits pas »). Le 2 décembre 1954, l'Assemblée de la CECA, vote une
résolution qui demande l'élargissement des compétences de la CECA aux transports et aux sources d'énergie. Jean
Monnet propose la création d'une organisation pour l'énergie atomique. Le projet Euratom est lancé, mais en même
temps, J.Monnet se laisse convaincre d'associer à la poursuite d'une intégration sectorielle (Euratom),un projet de
marché commun généralisé, dont l'un des principaux promoteur fut le ministre de l 'économie de RFA, L.Erhard. La «
résolution de Messine », du 3 juin 1955, des six ministres des affaires étrangères des pays membres de la CEACA, est le
texte de base qui ouvrira les négociations du comité Spaak (ministre des affaires étrangères de Belgique): « poursuivre
l'établissement d'une Europe unie par le développement d'institutions communes, la fusion progressive des économies
nationales, la création d'un marché commun et l'harmonisation progressive de leur politique sociale ».
Le traité de Rome, traité instituant la Communauté économique européenne, est signé le 25 mars 1957. Il fixe l'objectif
d'un marché commun entre les 6 Etats membres de la CECA. Les institutions sont un mélange de supranational
(commission européenne, cour de justice des communautés européennes) et d'intergouvernemental (conseil européen).
Ce traité est donc la synthèse des possibles en 1957. Cependant comme la CECA, le libéralisme en était la valeur
cardinale.
Bibliographie.
Du Réau E : l'idée d'Europe au XX eme siècle : des mythes aux réalisations.
Rieben H : des guerres européennes à l'Union européenne.
Zorgbibe C: histoire de la construction européenne.
Bitsch M-T : histoire de la construction européenne.
Bossuat G : les fondateurs de l'Europe unie.
Lacroix-Riz : l'intégration européenne de la France : la tutelle de l'Allemagne et des Etats-Unis
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