occidentale.
Comme la France était le seul Etat qui pouvait faire obstacle à ce projet américain, il fallait préparer le gouvernement
français à accepter ce qu'elle ne voulait pas en 1945 : redonner corps à un Etat allemand, préparer son réarmement dans
le cadre d'une grande alliance militaire occidentale. La politique étrangère de la France dès 1944, est de tenir à égale
distance les deux grandes puissances mondiales, les Etats-Unis et l'URSS. C'est la position du chef du gouvernement
provisoire en 1944, Charles de Gaulle et du ministre des affaires étrangères, Georges Bidault.
Un homme joua un rôle décisif pour que la France s'aligne sur les positions américaines : Henri Bonnet, ambassadeur de
France à Washington de 1944 à 1955. Il relaya sans répit les pressions américaines en incitant fermement son ministre
de tutelle (affaires étrangères) à s'exécuter. La soumission commença sous l'ère Bidault.
-Bidault fut ministre des affaires étrangères de septembre 1944 à juillet 1948. Hostile à la politique allemande de
Washington, il céda petit à petit aux pressions américaine, relayées par Bonnet, sous la forme de chantage de l'octroi
d'aides américaines (Plan Marshall), conditionnées à des propositions françaises d'intégration de l'Allemagne de l' Ouest
dans la construction européenne.
Le 5 juin 1947, dans son discours de Harvard, Marshall expliquait la politique européenne des Etats-Unis (plan de
redressement économique de l'Europe). Très vite, le 28 juin 1947, Bidault proposait un projet de mémorandum au
gouvernement américain, dans lequel il était favorable « à la reconstruction par les crédits accordés par le
gouvernement américain d'une Europe continentale, sans le Royaume-Uni, ni l'URSS, mais les Etats ex-ennemis, et en
particulier l'Allemagne occidentale, seraient associés à cette œuvre de reconstruction ». Ainsi peut s'ouvrir le 12 juillet
1947 la conférence de coopération économique européenne, dite des seize à Paris, qui permettra de fonder le 16 avril
1948, l'organisation européenne de coopération économique (OECE). Mise en place immédiatement en raison de
l'urgence (début du blocus de Berlin), sans même attendre la ratification du traité dans au moins 6 Etats membres,
l'OECE s'installe à Paris, au château de la muette. Elle va se maintenir pendant plusieurs années après 1952 et la fin de
l'aide Marshall. Ce n'est qu'en 1960 qu'elle se transforme pour donner naissance à une organisation plus large, débordant
l'Europe occidentale, l'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE). La naissance de
l'OCDE en 1948 est la première réalisation européenne sous l'impulsion des Etats-Unis sous la forme d'une
confédération de 16 Etats.
Dans ses « mémoires » Jean Monnet, qui est à Washington, quand est signé le traité de l'OECE à Paris déclare :
« quand je pris connaissance de cet accord , je vis la faiblesse congénitale d'un système qui ne dépassait pas le stade de
la simple coopération intergouvernementale. Une seule ligne d'un certain article 14 ruinait toute forme d'action
commune ». Il écrit immédiatement son ami Schuman : « toutes mes réflexions et mes observations m'amènent à une
conclusion qui est maintenant pour moi une conviction profonde : l'effort des pays de l'Europe de l'Ouest pour être à la
mesure des circonstances, du danger qui nous menace, a besoin de devenir un effort européen véritable que seule
l'existence d'une fédération de l'Ouest rendra possible ».
2.2. Le temps des fondations (1947-1957).
Bidault quitta les affaires étrangères en juillet 1948, impuissant à contrer la politique allemande des Etats-Unis. Il
démissionne car il refuse d'endosser la paternité de l'intégration de la zone d'occupation française dans la bizone (fusion
des zones américaines et anglaises). La bizone avait été créée le 2 décembre 1946, par les accords de New-York.
Schuman remplace Bidault au quai d'Orsay en juillet 1948, il y restera jusqu'en décembre 1952. Il accepta ce que
Bidault refusait. Alors que la guerre froide se développe et se durcit, Schuman s'entoure du « clan américain » du Quai
d'Orsay. Jean Monnet est aussi amené à jouer un rôle de premier plan, car les Etats-Unis demandent à Schuman que la
France prenne une initiative pour consolider le processus d 'intégration de l'Europe occidentale amorcé avec l'OECE.
C'est dans ce contexte que deux initiatives françaises vont modifier le contenu de cette construction.
A. La CECA ( Communauté du Charbon et de l 'Acier).
Le 9 mai 1950, Schuman lit le discours de l'horloge, écrit par Jean Monnet :
-communauté proposée par la France à l'Allemagne de l'ouest, acceptée aussi par l'Italie, la Belgique, les Pays Bas et le
Luxembourg. L'idée est de construire une zone de libre-échange pour le charbon et l'acier. Ce traité offrait la possibilité
aux industriels et aux Etats un utile paravent à des mesures d'assainissement,qui auraient été difficiles à prendre à l'ère
protectrices des décisions nationales. Première étape du dumping social.
-Mise en place d'une haute autorité indépendante. Monnet réussit à imposer une structure fédéraliste, technocratique et
libérale dont il deviendra le premier président. Le traité est signé le 18 avril 1951, mais déjà le 10 février 1951, le
service de coopération économique du ministère des affaires étrangères rédigeait la note suivante à propos de la CECA:
« il ne peut y avoir harmonisation des salaires et de la demande, elle se fera au niveau le plus bas. C'est bien là une des
raisons pour lesquelles le CNPF (conseil national du patronat français) se prononce en faveur de la libération des
échanges, il y voit un moyen de réduire les prétentions des salariés lors des prochaines négociations de des conventions
collectives ». Jean Monnet imposait un autre aspect fondamental d'inflexion de la construction européenne, la volonté
de ne pas inclure l'Angleterre dans la CECA. L' Angleterre, dans la mesure où le projet était fédéral, refusa de s'y
associer. Par le marché du charbon et de l'acier, la construction européenne ouvrait la voie au libre-échange et au
dumping social.