MOLECULES POLYATOMIQUES - THEORIE DE L’HYBRIDATION Rappels. Dans les atomes les électrons sont décrits par des orbitales atomiques (OA). Dans les molécules, ils sont décrits par des orbitales moléculaires (OM) ! Ces OM s’expriment comme des combinaisons linéaires (des sommes ou des soustractions) des OA appartenant aux atomes qui constituent la molécule. Pour pouvoir combiner des OA il faut respecter deux conditions. Premièrement, les OA à combiner doivent avoir des énergies proches. Deuxièmement, il faut que les OA se recouvrent ! A distance d’équilibre (longueur classique de liaison chimique), les seules OA qui respectent ces deux conditions sont les OA de valence (les OA de cœur sont trop contractées pour se recouvrir à ces distances et la différence d’énergie entre OA de cœur et OA de valence est trop grande). Si K OA peuvent être combinées, on formera K OM. Nous avons vu pour les molécules diatomiques comment combiner deux OA. Soit on en fait la somme, soit on en fait la différence1. Suite à ces combinaisons, si le recouvrement entre les OA est positif on forme une OM liante (plus basse en énergie que les OA qui la composent), ou, si le recouvrement est négatif on forme une OM antiliante (plus haute en énergie que les OA qui la composent). Si les OA ont la même énergie, l’écart énergétique entre les OA et l’OM liante est d’autant plus grand que le recouvrement entre OA est grand (idem pour l’OM anti-liante). Si les OA n’ont pas la même énergie, l’écart énergétique entre l’OA la plus basse et l’OM liante est proportionnel au carré du recouvrement divisé par la différence d’énergie entre les OA (voir exercice 3). Les choses se compliquent un peu pour les molécules poly-atomiques où plus de deux OA peuvent se recouvrir. Par exemple prenons la molécule d’H2O avec les OA 1s des deux hydrogènes (1sA est l’OA 1s de l’atome d’hydrogène A, 1sB celle de HB) et les OA 2s et 2p de l’oxygène (figure 1). On voit sur la figure que les OA 1sA et 1sB ont un recouvrement non nul avec les OA 2s, 2px et 2pz de l’oxygène. L’OA 2py ne se recouvre avec aucune autre OA. Cela veut dire qu’une OM sera identique à l’OA 2py, mais qu’il faut combiner les 5 OA restantes pour former 5 OM ! Nous verrons en troisième année comment faire ces combinaisons de manière exacte et homogène. En première année, on utilise une approximation qualitative : les orbitales hybrides (OH). Cela permet de construire la structure électronique d’une molécule poly-atomique en considérant principalement des interactions diatomiques à deux orbitales ! z x O HB HA 1sB 2pz x O HB HA HB z 2px 2px x O HA 1sA x O 1sB HB x O 1sB 1sA z HB z z 2s 2py HA 1sA z y O HA HB HA x Figure 1. Molécule d’H2O et recouvrement entre les OA. Pour les éléments normaux, il n’y a que trois types d’hybridation : - digonale (sp) : combinaison de l’OA s et d’une OA p donnant deux OH sp pointant dans des directions opposées (Les OH sont notées d1 et d2 sur la figure 2). Il reste 2 OA p inchangées orthogonales à l’axe portant les 2 OH sp. - trigonale (sp2) : combinaison de l’OA s et de 2 OA p donnant trois OH sp2 pointant vers les sommets d’un triangle équilatéral (Les OH sont notées t1, t2 et t3 sur la figure 2). Il reste 1 OA p inchangée perpendiculaire au plan défini par les 3 OH sp2. - tétragonale (sp3) : combinaison de l’OA s et des 3 OA p donnant quatre OH sp3 pointant vers les sommets d’un tétraèdre (Les OH sont notées q1, q2, q3 et q4 sur la figure 2). Il ne reste pas d’OA de valence sur l’atome. L’hybridation découle de la géométrie. Ainsi, - un atome dans un environnement linéaire (par exemple de types VSEPR AXE ou AX2) aura une hybridation sp. 1 Il s’agit bien sûr de sommes ou de différences pondérées par des coefficients, mais en première année l’estimation de la valeur absolue de ces coefficients n’est pas au programme. - un atome dans un environnement triangulaire (par exemple de types AXE2, AX2E ou AX3) aura une hybridation sp2. - un atome dans un environnement tétraédrique (par exemple de types AXE3, AX2E2, AX3E ou AX4) aura une hybridation sp3. Lors de la construction des OM, les OH pointent vers atomes avec lesquels les liaisons doivent être établies. 2pz z 2pz 2s z t3 2pz z d2 y 2py 2px y x t1 t2 x OA y y d1 2px x x hybridation sp2 hybridation sp z q2 q4 y q3 q1 x hybridation sp3 directions du tétraèdre Figure 2. Dessins des OA et des OH pour les trois hybridations sp, sp2 et sp3. Les orientations des axes sont arbitraires. L’hybridation des molécules où des atomes sont dans des environnements de bipyramide trigonale ou d’octaèdre ne sera pas abordée dans ce rappel. Exemple : la molécule d’H2O dans sa géométrie d’équilibre (coudée). Le type VSEPR de l’atome d’oxygène est AX2E2. Cet atome a donc une hybridation sp3. Arbitrairement, sur le dessin, l’OH q1 pointe vers HA, l’OH q2 pointe vers HB et les 2 OH restantes, q3 et q4, pointent vers les deux derniers sommets du tétraèdre. q3 q2 1sB HB q4 O q1 HA 1sA L’OA 1sA et l’OH q1 se recouvrent et forment 2 OM de type σ (puisque le recouvrement est axial), une liante, σ(OHA), et une anti-liante, σ*(OHA), entre l’oxygène et l’hydrogène A. L’OA 1sB et l’OH q2 se recouvrent et forment 2 OM de type σ, une liante, σ(OHB), et une anti-liante, σ*(OHB), entre l’oxygène et l’hydrogène B. Les deux OH q3 et q4 ne se recouvrant avec aucune autre orbitale restent telles quelles sont. On conseille d’établir un tableau récapitulatif, où les 5 colonnes sont placées par ordre d’énergie croissante selon l’ordre suivant : σ (liante), π (liante), n (non-liante), π* (anti-liante), σ* (anti-liante). σ* σ π n π* q3 σ(OHA) σ*(OHA) q4 σ(OHB) σ*(OHB) Cette molécule possède 8 électrons. D’après le principe d’Aufbaü les quatre OM occupées dans l’état électronique fondamental sont : σ(OHA)2, σ(OHB)2, q32 et q42 On retrouve le diagramme de Lewis standard avec deux paires de liaison O–H et deux paires libres sur l’oxygène. Exercice 0(pour la correction se référer au cours) En vous basant sur l’exemple précédent, établir la configuration électronique de l’état électronique fondamental des molécules : BeH2, BH3, CH4 et NH3. Exercice 1 a) Construire le tableau récapitulatif des OM pour les molécules CH3CH3, CH2CH2 et CHCH. b) On rappelle que les distances C–C valent respectivement 1,54 Å, 1,34 Å et 1,20 Å et que le recouvrement augmente quand la distance diminue. En vous basant sur l’énergie de la plus haute orbitale moléculaire occupée (HOMO), expliquer les valeurs des potentiels d’ionisation de ces trois molécules : C2H6 11,6 eV ; C2H4 10,5 eV ; C2H2 11,4 eV. Exercice 2 a) La molécule d’allène possède une géométrie non plane où les deux groupements CH2 sont dans des plans perpendiculaires. Etablir le tableau récapitulatif de ces OM et en déduire un diagramme de Lewis. z HA CE y CF CG HD HC HB x b) Le 1,3-dichloroallène a pour formule développée : HClCCCHCl. Elle possède la même géométrie générique que l’allène. A combien d'isomères correspond cette formule ? Exercice 3 On peut modéliser la réaction d’une base (B) sur un acide par l’attaque des électrons de la paire libre de la base sur l’acide. Du point de vue des orbitales moléculaires (OM) cela revient à considérer l’interaction entre l’OM occupée décrivant la paire libre de la base (OM(B)) et l’OM vacante de plus basse énergie de l’acide selon le schéma ci-dessous. Ici l’acide considéré est H+ est donc son OM vacante de plus basse énergie et l’OA 1s : S < 0 : recouvrement négatif ε OM anti-liante OM(H+) ε(1s(H)) ∆ε ε(B) Stabilisation : S2/∆ε OM(B) OM liante S > 0 : recouvrement positif On rappelle que la stabilisation de l’OM liante est d’autant plus forte que le recouvrement (S) entre les deux orbitales qui interagissent est grand et que la différence d’énergie (∆ε) entre les deux orbitales qui interagissent est faible. Ici, on supposera que le recouvrement entre l’OM décrivant la paire libre de la base (ou l’OM représentant la paire libre de l’azote) et l’OA 1s de H+ est toujours le même quelque soit la molécule. En utilisant le modèle des orbitales hybrides pour construire les orbitales moléculaires, vous devez classer par basicité croissante (de l’espèce la moins basique vers l’espèce la plus basique) les trois molécules suivantes NH3, H2CNH et N2 vis-à-vis du proton H+. La démarche est la suivante : 1) Donner la configuration électronique de l’état fondamental des atomes H, C et N. 2) En déduire le nombre d’électrons de valence des atomes H, C et N. 3) Construire les schémas de Lewis des trois molécules NH3, H2CNH et N2. 4) Donner les types VSEPR des atomes N des trois molécules NH3, H2CNH et N2. 5) Identifier les hybridations des atomes N des trois molécules NH3, H2CNH et N2. 6) Construire le tableau récapitulatif des OM des deux molécules NH3 et H2CNH. 7) On suppose que pour ces trois molécules, l’OM de la base qui réagit avec le proton s’identifie à l’OH décrivant la paire libre sur l’atome d’azote. On rappelle que l’énergie de l’OH Ψ, composée de x % de l’OA ϕa et de y % de l’OA ϕb s’écrit : ε (Ψ ) = x*ε (ϕa) + y*ε (ϕb), où ε(ϕa) est l’énergie de l’OA ϕa. On rappelle également qu’une orbitale hybride spn est composée de 100/(n+1) % d’orbitale atomique de type s et de 100n/(n+1) % d’orbitale atomique de type p. Calculer les énergies des OH décrivant les paires libres des atomes d’azote des trois molécules NH3, H2CNH et N2. 8) On estime que plus la stabilisation, de la paire libre de l’azote par interaction avec le proton, est grande, plus la molécule est basique. Classer ces trois molécules selon leur basicité croissante vis-à-vis de H+. Données : ε (1s (H)) = –13,6 eV ε (2s (N)) = –24,8 eV ε (2p (N)) = –14,8 eV H (Z = 1) ; N (Z = 7) ; C (Z = 6) Exercice 4 De la même manière que les atomes, les molécules peuvent absorber de la lumière et ainsi passer de l’état électronique fondamental à un état électronique excité. a) Etablir le tableau récapitulatif de la molécule de H2CO. En déduire la configuration électronique de l’état électronique fondamental. b) La transition de plus basse énergie entraine un léger allongement de la liaison CO, alors que la deuxième transition entraine un allongement plus considérable. Proposer des configurations électroniques des états excités résultant des transitions mentionnées, sachant qu’un seul électron est promu par rapport à l’état fondamental pour chaque configuration. Exercice 5 Il est toujours possible d’étudier des molécules dans leur géométrie d’équilibre mais aussi dans des géométries exotiques. Ceci permet par exemple de vérifier si la prédiction VSEPR est en accord avec la théorie des OM. On admet qu’une molécule adopte la géométrie qui permet de stabiliser au maximum les électrons par rapport à l’énergie qu’ils ont dans les atomes non liés. Nous allons considérer dans cet exercice la molécule de H2O. La structure électronique de la géométrie d’équilibre a déjà été élucidée dans l’exemple introductif. a) Vous devez établir le tableau récapitulatif des OM de la molécule H2O dans une géométrie linéaire où l’atome d’oxygène sera considéré hybridé sp. z HB O HA b) Comparer les structures électroniques pour les géométries coudée et linéaire et conclure sur la géométrie préférentielle adoptée par H2O.