CALCULS SUR LES MOLECULES Nous allons maintenant voir plusieurs méthodes de calcul ayant pour but la description et la prédiction des propriétés de molécules et de liaisons chimiques. Le problème de la formation et du bris des liaisons est toujours le problème central de la chimie quantique. L'approximation LCAO Les équations de Hartree-Fock sont des équations intégro-différentielles, une classe d'équations qui est difficile à résoudre. Pour des atomes, ou pour des molécules linéaires, on peut profiter de la symétrie élévée, et des solutions numériques quasi-exactes sont maintenant disponibles. Par contre, la vaste majorité de calculs sur les molécules se servent d'un développement des orbitales moléculaire dans une base de fonctions connues (comme on a vu dans l'exemple de l'atome d'hydrogène calculé avec des fonctions gaussiennes). On écrit ϕi (1) = ∑ c pi χ p (1) p χ (1) où p peut être en principe n'importe quel ensemble (en principe complet) de fonctions acceptables. Très souvent on choisit des fonctions pour profiter du fait que les molécules renferment des atomes qui, tout en étant déformés (perturbés) par leur insertion dans la molécule sont, tout-de même, reconnaissables comme les atomes de départ. On choisit, donc, des fonctions "centrées" sur les différents noyaux de la molécule (ayant les noyaux comme origines du système des coordonnées locales). On parle de l'approximation LCAO - MO (Linear Combination of Atomic Orbitals - Molecular Orbitals); CLOA - OM (Combinaisons Linéaires d'Orbitales Atomiques - Orbitales Moléculaires). Prenons la molécule H2 comme exemple (nous allons beaucoup travailler avec cette molécule dans les prochains cours). Définissons les coordonnées 1 1 G r1b G r1a G Rab a b G r2b G r2 a 2 Maintenant, si un électron est proche du noyau a, il va sentir, comme potentiel, surtout l'attraction du noyau a. Par conséquent, sa fonction d'onde devrait se ressembler à une fonction d'onde pour un atome d'hydrogène situé à la position du noyau a. Nous écrivons −r 1sa (1) = N e 1a De même, si l'électron est proche du noyau b −r 1sb (1) = N e 1b Notre fonction LCAO-MO est une combinaison linéaire de ces deux fonctions 2 ϕ (1) = N' {c1 1sa (1) + c2 1sb (1)} { = N' c1 e −r 1a + c2 e−r1b } Pour l'état fondamental, c1 = c2 ϕ = N' (1sa +1sb ) = N(a + b) et nous avons une fonction moléculaire qui est piquée aux deux noyaux. a b Dans le cas générale un MO aura un pic à chaque noyau de la molécule. En 1951, Roothaan a montré comment combiner l'approximation LCAO avec la méthode de Hartree-Fock. La très grande majorité des calculs HF effectués aujourd'hui se servent 3 de ce formalisme. On doit résoudre une équation séculaire (il s'agit d'un calcul variationel linéaire) (F11 − ε )c1 + (F12 − ε S12 )c2 +... (F1n − ε S1n )cn = 0 (F21 − ε S21)c1 + (F22 − ε )c2 + ...(F2n − ε S2n )cn = 0 M M (Fnn − ε )cn = 0 Où les éléments de la matrice de Fock sont donnés par Fpq = χ p Fˆ χ q 1 Z = χ p − ∇2 − ∑ M χ q + ∑ Prs pr / qs 2 rs M r1M occ où Prs = 2 ∑ cri csi et pr qs = ∫∫ χ *p (1) χ *r (2) 1 r12 χ q (1) χ s (2) dv1dv2 Pour former la matrice de Fock, il faut connaître les coefficients c, c'est-à-dire les solutions du problème, donc, encore une fois, une solution itérative s'impose. Les intégrales < pq | rs > sont des intégrales biélectroniques, impliquant des fonctions de base associées avec jusqu'à quatre noyaux différents. Leur calcul efficace représente un des grands défis (et un des grands succès) de la chimie quantique. Le nombre de ces intégrales augmente rapidement (comme la quatrième puissance) avec la taille de la base. Par conséquent, les grosses molécules sont beaucoup plus difficiles à traiter que les petites. Dans une première analyse, le nombre d'intégrales biélectronique est égal à 1/8 n4, où n est le nombre de fonctions dans la base. Le tableau suivant démontre la croissance du nombre d'intégrales avec n. 4 n 10 50 100 500 1000 5000 nombre approx. d'intégrales 1000 5 x 105 107 5 x 109 1011 1014 (1 Mégabyte = 105 intégrales. 1 Gigabyte = 108 intégrales) Évidemment le calcul, le stockage et la manipulation d'un tel nombre d'intégrales nécessite des techniques spéciales.... Un ordinateur avec • • • 1000 Gb de disque dure 70 CPU 100 Gb de mémoire 5 6 7 Historiquement, deux types de fonctions de bases ont été les plus employés, les orbitales de Slater et les orbitales Gaussiennes. STO - Slater Type Orbitals: STO= N r n−1e −ζra f (ϑ , φ ) Les fonctions de Slater ressemblent aux orbitales hydogénoïdes. En particulier ils ont le bon comportement (cusp) près du noyau et aussi décroissent, comme il faut, exponentiellement avec r. Cependant le calcul des intégrales < pq | rs > est relativement difficile. Dans le pratique, les Gaussiennes sont plus souvent utilisées. 8 GTO - Gaussian Type Orbitals n1 n2 n3 −αr 2 GTO = N x y z e Chaque Gaussienne n'est pas très bonne physiquement, mais les intégrales sont plus faciles, ce qui permet l'emploi d'un nombre assez grand de Gaussiennes. En générale on peut dire qu'il faudrait prendre trois ou quatre Gaussiennes pour représenter une orbitale atomique, ce qui a donné naissance à une notation comme STO - 3G, etc. (On avait déjà utilisée des Gaussiennes comme fonctionnes d’essaie pour l’atome hydrogen. Regardez cette example) Nous verrons quelques résultats de calculs SCF - GTO pour une variété de molécules un peu plus tard. Mais, avant, essayons de mieux comprendre la liaison "simple" dans la molécule H2. 9 H2 - description de la liaison chimique Bien que la méthode de Hartree-Fock peut sembler très sophistiquée, il se trouve qu'elle n'est pas adéquate pour bien décrire la formation d'une molécule d'hydrogène à partir des deux atomes. Il se trouve que l'erreur, à la limite de Hartree-Fock, est plus grande que l'énergie de la liaison elle-même. Dans cette section nous allons voir, en grands détails, la nature du problème et comment formuler des méthodes qui vont au-delà de l'approximation HF, pour résoudre le problème. • Nous verrons à tour de rôle, les sept méthodes suivantes, appliquées au même système, H2. • la méthode des Orbitales Moléculaires simple, avec une base minimale • la méthode de Hartree-Fock • la méthode de Mésomérie (Valence Bond) simple • la méthode de mésomérie avec structures ioniques • l'Interaction de Configurations -IC • La méthode des fonctionnelles de la densité (Density Functional Theory DFT) La courbe d'énergie exacte est montrée sur la Fig. 2 à la page suivante. L'énergie de dissociation est de 4.75 eV et la longueur de la liaison est de 1.40 unités atomiques. La molécule est un singulet et elle se dissocie en deux atomes d'hydrogène qui sont des doublets. 10 Méthode des Orbitales Moléculaires simple (base minimale) On écrit l'hamiltonien: 1 1 1 1 1 1 1 1 − − − + + Hˆ = − ∇12 − ∇22 − 2 r1a r2a r1b r2 b r12 Rab 2 La fonction LCAO -MO (CLOA - OM) construite de deux fonctions 1s, une sur chaque noyau, est: 11 ϕ (1) = 1 [1sa (1) + 1sb (1)] 2(1 + Sab ) Sab est l'intégrale de recouvrement. N.B. Les fonctions de base, les orbitales atomiques, ne sont pas orthogonales. Sab = ∫ 1sa (1) 1sb (1) dv1 On peut écrire une fonction d'onde antisymétrique, exactement comme nous avons fait pour l'atome d'Hélium. 1 ϕ (1) ϕ (2) 1 Φ MO (1,2) = = {ϕ (1)ϕ (2) − ϕ (1)ϕ (2)} 2 ϕ (1) ϕ (2) 2 1 {ϕ (1)α (1)ϕ (2)β (2) − ϕ (1)β (1)ϕ (2)α (2)} 2 1 = {ϕ (1)ϕ (2)}{α (1)β (2) − β (1)α (2)} 2 1 ϕϕ {αβ − βα } = 2 = L'énergie de cette fonction d'onde est calculée sans problème E = Φ Hˆ Φ 1 1 = 2 ϕ − ∇2 ϕ − 2 ϕ ϕ r1a 2 12 −2 ϕ− + 1 1 ϕ + ϕϕ ϕϕ r12 r1b 1 Rab On s'aperçoit qu'il n y a pas d'intégrale d'échange, parce que les deux électrons sont du spin opposés. ζ Avec des orbitales hydrogénoïdes ( la Fig. 2 = 1.0) on obtient la courbe marqué MO sur A noter • La géométrie calculée (la valeur de Re) n'est pas trop mauvaise, même pour cette fonction "ultra-simple". Une liaison existe et la courbe de potentiel est "raisonnable" • L'énergie calculée de la liaison (2 E (H) - EMO (H2)) est de 2.70eV, à comparer avec la valeur expérimentale de 4.75 eV. L'erreur est plutôt grande, certainement trop grande pour des considérations thermochimiques, mais pas "ridicule". • A longue distance. par contre, la situations est désastreuse, L'énergie calculée pour H2 est supérieure à l'énergie de deux atomes d'hydrogène, et ce de quelques 7 eV. Bien entendu, il faut analyser la fonction d'onde pour savoir la nature du problème. Prenons la loupe. ⎧ 1 ⎫ (αβ − βα )⎬ ⎩ 2 ⎭ Φ MO (1, 2) = ϕ (1) ϕ (2)⎨ Examinons la partie spatiale 13 1 [1s (1) +1sb (1)][1sa (2)+1sb (2)] 2(1 + Sab ) a ⎧1sa (1)1sa (2)+ 1sa (1)1sb (2) ⎫ ⎬ = N⎨ ⎩ +1sb (1)1sa (2) +1sb (1)1sb (2) ⎭ ϕ (1) ϕ (2) = Nous voyons que la fonction d'onde (spatiale) totale comprend quatre termes, et les mêmes quatres termes indépendamment de la distance internucléaire. 1sa(1) 1sa(2) - 2 électrons sur noyau a - terme ionique 1sa(1) 1sb(2) - 1 électron par noyau - terme covalent 1sb(1) 1sa(2) - 1 électron par noyau - terme covalent 1sb(1) 1sb(2) - 2 électrons sur noyau b - terme ionique Pour des valeur de Rab proche de Re ceci n'est pas trop mauvais. Il y a en effet une certaine probabilité non-nulle de trouver les deux électrons près d'un noyau ou de l'autre. Mais, à longue distance ce comportement est complètement erronné, la molécule devrait se dissocier en deux atomes neutres. On peut tracer le problème à sa racine. Dès qu'on écrit une fonction LCAO - MO délocalisée, montrant toute la symétrie de la molécule, avec le même coefficient pour les deux OA on a inévitablement la mauvaise dissociation. ϕ = N(1sa (1) + 1sb (1)) Cette orbitale ne peut pas devenir une orbitale atomique, 1sa ou 1sb, comme il faudrait pour les longues distances internucléaires Mème à R = ∞ il y a 50% de caractère ionique dans la fonction d'onde de la méthode des orbitales moléculaires. On peut décrire la situation: Φ MO = 2 H − H + H − − H + + H + − H − 14 Méthode de Hartree-Fock La seule différence entre la méthode Hartree-Fock et la méthode des orbitales moléculaires simple est que dans la méthode HF la forme des orbitales peut changer. On peut écrire 1s'a et 1s'b au lieu de 1sa et 1sb ou 1s' peut aussi renfermer l'effet de la polarisation, un peu de caractère p Mais le problème de la dissociation erronée est toujours là. On obtient la courbe HF de la Fig. 2. (avec exactement la même limite de dissociation). La distance d'équilibre est améliorée (1.398 bohr) et l'énergie de dissociation est aussi améliorée (3.62 eV). La Table 9-5 de McQuarrie, reproduite à la page suivante, donne les résultats de quelques calculs de type SCF qui convergent, dans la limite d'une base suffisament flexible, à la limite de Hartree-Fock. (L'équation 9-97 de McQuarrie est la suivante: ( ) ψ = c1 (1s A + 1sB) + c2 (2s A+ 2sB) + c3 2 pzA + 2 pzB +... 15 16