C. MICHAUD, F. BAUDIER, A. LOUNDOU, G. LE BIHAN,
M.P. JANVRIN, M. ROTILY
Introduction
Les allégations alarmantes concer-
nant d’une part des personnes dému-
nies ne mangeant pas à leur faim en
France (on cite le chiffre de six cent
mille personnes) [24], et d’autre part,
des enfants souffrant de malnutrition
dans les quartiers sensibles sont
actuellement très présentes dans les
médias [29]. De façon plus générale,
les constats de proximité entre la pré-
carité sociale et la vulnérabilité médi-
cale se développent [21]. À côté
d’estimations peu documentées, co-
existent des indicateurs objectifs tels
que l’augmentation du nombre de
repas servis par les trois principales
associations d’aides alimentaires
durant les dix dernières années [17]
ainsi que l’existence d’une forte préva-
lence de l’obésité chez les personnes
à revenus modestes [9,14]. Si cette
problématique n’est pas récente, son
ampleur et ses conséquences pres-
senties chez les enfants lui confèrent
une acuité nouvelle. Cependant, à la
différence de certains pays économi-
quement développés [19], ce pro-
blème est, en France, peu étayé par
des données objectives.
En effet, au-delà du rapport du
ministère de l’Éducation nationale [29]
décrivant la désaffection de la restau-
ration scolaire dans les établissements
situés en zones sensibles et déduisant
l’existence de malnutrition chez les
enfants de ces quartiers, peu d’études
françaises appuient ce constat inquié-
tant [20, 26]. Cinq enquêtes observant
les habitudes et les consommations
alimentaires des Français les plus
désavantagés (notamment sur le plan
économique) ont été identifiées :
celles réalisées par la Fédération
française des banques alimentaires
(FFBA) en 1990 [12] et 1995 [16],
l’étude sur la consommation des
ménages réalisée périodiquement par
l’INSEE (la dernière remonte à 1990)
dont on peut extraire des données
concernant les ménages à faibles
revenus [6], le travail réalisé par le
centre de médecine préventive de
Vandœuvre-lès-Nancy [15] sur la place
des produits laitiers dans les familles à
bas revenus et enfin une étude
conduite à Lille plus récemment [7].
Les trois premières investigations
observent une sous-consommation
(ou une part budgétaire consacrée aux
achats plus faible) de produits frais
(fruits et légumes, produits laitiers,
viandes et poissons) et une sur-
consommation (ou une part budgétaire
plus élevée) d’aliments riches en glu-
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Mots-clés : personnes démunies - alimentation - bas revenus.
Key words : disavantaged people - food habits - low-incomes.
Summary : Behaviors related to nutrition as well as to the eating habits of low-income
French people are analyzed from data collected by the Nutrition and Health Barometer of
the CFES in 1996. French people with monthly incomes of less than 4000 francs appear
to go to fast-food restaurants more often than to other types of restaurant (for leisure or
work). They appear to eat their three main meals alone more often, to spend less time over
the evening meal, to watch television during their noon and evening meals, to have cheese
or another dairy product rather than a main dish, and to limit their evening meal to a single
dish. They are less numerous than higher-income people to have the “ideal” breakfast.
These economically disavantaged French people do their shopping more often in large or
medium-sized supermarkets and more often plan their meals according to the family bud-
get. In terms of food they are more numerous to eat neither fruit nor vegetables ; they
consume less pork, fish and shellfish, dairy products, alcoholic beverages and especially
before-dinner drinks. This study shows that the eating behavior of low-income French
people is less in conformity with commonly accepted nutritional recommendations. Like-
wise, the rate of obesity observed among the women from this households appears high.