Compte rendu des conférences scientifiques du département d

Ophtalmologie
Conférences scientifiques
SEPTEMBRE/OCTOBRE 2005
Volume 3, numéro 5
COMPTE RENDU DES CONFÉRENCES
SCIENTIFIQUES DU DÉPARTEMENT
D’OPHTALMOLOGIE ET
DES SCIENCES DE LA VISION,
FACUL DE MÉDECINE,
UNIVERSITÉ DE TORONTO
Département d’ophtalmologie
et des sciences de la vision
Faculté de médecine
Université de Toronto
60 Murray St.
Bureau 1-003
Toronto (Ontario) M5G 1X5
Le contenu rédactionnel d’Ophtalmologie –
Conférences scientifiques est déterminé
exclusivement par le Département
d’ophtalmologie et des sciences de la vision,
Faculté de médicine, Université de Toronto.
Département d’ophtalmologie
et des sciences de la vision
Jeffrey Jay Hurwitz, M.D., Rédacteur
Professeur et président
Martin Steinbach, Ph.D.
Directeur de la recherche
The Hospital for Sick Children
Elise Heon, M.D.
Ophtalmologiste en chef
Mount Sinai Hospital
Jeffrey J. Hurwitz, M.D.
Ophtalmologiste en chef
Princess Margaret Hospital
(Clinique des tumeurs oculaires)
E. Rand Simpson, M.D.
Directeur, Service d’oncologie oculaire
St. Michael’s Hospital
Alan Berger, M.D.
Ophtalmologiste en chef
Sunnybrook and Women’s College
Health Sciences Centre
William S. Dixon, M.D.
Ophtalmologiste en chef
The Toronto Hospital
(Toronto Western Division and
Toronto General Division)
Robert G. Devenyi, M.D.
Ophtalmologiste en chef
Les troubles de l’intégration visuelle
PAR NURHAN TORUN, MD, FRCSC
Les ophtalmologistes voient occasionnellement des patients qui se plaignent qu’ils
ne voient pas bien, mais qui ont pourtant des acuités et des champs visuels relative-
ment intacts et ne présentent aucun signe remarquable à l’examen. Un tel scénario
peut être dû à un trouble affectant les centres corticaux supérieurs intervenant dans le
traitement de l’information visuelle. Dans d’autres situations (p. ex. l’anosognosie), les
patients peuvent ne pas être conscients de déficits visuels qui sont apparents à ceux
qui les accompagnent à la consultation. Il est important pour les ophtalmologistes de
connaître les symptômes des troubles de l’intégration visuelle, car ils peuvent être
trompés par un examen apparemment normal et ne pas remarquer un trouble
neurologique existant chez ces patients. De plus, on consulte occasionnellement les
ophtalmologistes à propos de patients qui souffrent d’une maladie neurologique
reconnue et qui présentent des symptômes visuels que l’on ne peut expliquer. Dans ce
contexte, il est utile de connaître les différentes manifestations d’une dysfonction des
centres corticaux de traitement de l’information. Dans ce numéro d’Ophtalmologie –
Conférences scientifiques,nous présentons un aperçu de l’anatomie du système
visuel afférent, des troubles qui peuvent affecter les voies occipito-temporale et occi-
pito-pariétale et des maladies qui entraînent ces troubles.
Bref aperçu anatomique
Le système visuel afférent comprend la voie visuelle antérieure et la voie géniculo-
calcarine qui transportent les informations visuelles vers le cortex strié et les régions corti-
cales d’association supérieures qui traitent ces données. Les régions de l’association
visuelle sont divisées en voies visuelles ventrale et dorsale (figure 1). La voie ventrale ou
occipito-temporale (« quoi ? ») est principalement impliquée dans la reconnaissance des
contrastes, des couleurs et des objets. La voie dorsale ou occipito-pariétale (« où ? ») inter-
vient dans l’orientation spatiale et la perception du mouvement. Une autre fonction de la
voie dorsale est l’attention visuospatiale.
Le tableau 1 énumère les troubles qui affectent les voies occipito-temporale et occipito-
pariétale qui sont examinés dans ce numéro d’Ophtalmologie – Conférences scientifiques.
Il faut souligner que ces troubles ne sont pas mutuellement exclusifs et peuvent survenir
simultanément en raison de la proximité des zones atteintes.
Troubles affectant la voie occipito-temporale
Agnosie visuelle
Les patients atteints d’agnosie visuelle ne reconnaissent pas les objets par la vue
uniquement, même s’ils ont une vision relativement bonne et des fonctions cognitives et
du langage intactes1. Les patients peuvent identifier des objets uniquement s’ils les
touchent ou si on leur décrit à quoi ils servent, ce qui indique que la fonction de
« dénomination des objets » est intactes2. L’établissement de ce diagnostic nécessite donc
de démontrer une vision suffisante, mais une incapacité à visualiser les objets, sauf si le
patient reçoit des informations sensorielles non visuelles. Cette déficience est générale-
ment causée par des lésions temporo-occipitales inféro-médiales bilatérales qui
perturbent le faisceau longitudinal inférieur, une voie constituée de fibres nerveuses
MC
Département
d’ophtalmologie et des
sciences de la vision
FACULTY OF MEDICINE
University of Toronto
Disponible sur Internet à :
www.ophtalmologieconferences.ca
blanches reliant le cortex strié aux aires d’association
visuelle3. Lagnosie visuelle survient généralement
après un infarctus bilatéral de l’artère cérébrale
postérieure qui entraîne initialement la cécité corti-
cale. Les patients qui se rétablissent d’une agnosie
visuelle souffrent souvent d’un déficit appelé « anomie
visuelle », où ils sont dans l’impossibilité de nommer
un objet en le voyant, mais sont capables de décrire
ses fonctions4.
Prosopagnosie
Cette affection est caractérisée par l’impossibilité
de reconnaître des visages connus ou d’apprendre à
reconnaître un nouveau visage. Les patients doivent
utiliser d’autres indices tels que la stature, le mouve-
ment corporel et la voix pour identifier un visage
connu5. La prosopagnosie est un déficit intéressant,
car la difficulté d’identification n’est pas limitée aux
visages, comme on le suppose généralement, mais ces
patients sont également incapables de distinguer
différents éléments dans la même catégorie, même s’ils
n’ont aucune difficulté à distinguer différentes caté-
gories d’objets les unes des autres. Par exemple, un
patient peut être capable de distinguer un chat d’un
chien, mais non des chiens appartenant à deux races
différentes qui se ressemblent. De même, les patients
peuvent ne plus pouvoir établir une distinction entre
différentes marques de voitures, différentes espèces
d’oiseaux, etc.
Les patients atteints de prosopagnosie souffrent
généralement de lésions au niveau de la 5ecirconvolu-
tion occipitale et de la circonvolution occipito-tem-
porale latérale, ainsi que de la 5ecirconvolution
temporale et de la substance blanche qui l’entoure. Il
est utile de se rappeler que la prosopagnosie est une
entité relativement rare et les patients qui disent ne
pas reconnaître les visages souffrent souvent d’un
trouble psychiatrique ou d’amnésie antérograde et
non de prosopagnosie. Cependant, si un patient est
dans l’impossibilité de reconnaître le visage de person-
nes connues sur des photos ou des membres de la
famille par le biais de la vision, mais peuvent les
reconnaître par leur voix, le diagnostic est probable-
ment celui de la prosopagnosie4.
Alexie pure
Les patients atteints d’alexie pure ou d’alexie sans
agraphie se plaignent soudainement de ne plus pou-
voir lire. Cette déficience est généralement associée à
une hémianopie homonyme droite complète. D’autres
fonctions du langage (p. ex. l’orthographe et l’écriture)
sont préservées, mais ces patients sont incapables de
lire ce qu’ils viennent d’écrire. Cela contraste avec
l’alexie avec agraphie (alexie centrale), dans laquelle
les patients sont également incapables d’écrire et par-
fois souffrent également d’aphasie sensorielle. Dans
l’alexie pure, le déficit est variable, car certains patients
peuvent lire des lettres individuelles, mais ne peuvent
pas les assembler pour former des mots. La lésion
sous-jacente est causée le plus souvent par l’occlusion
des branches de l’artère cérébrale postérieure gauche
et implique la corne occipitale du ventricule latéral4.
On a émis l’hypothèse que l’alexie sans agraphie est
un syndrome de déconnexion par lequel l’échange
d’informations entre le cortex visuel et le centre du
langage est interrompu6. Ou bien, elle peut représenter
une agnosie lexicale7.
Figure 1 : Diagramme des voies occipito-pariétale
(dorsale) et occipito-temporale
(ventrale) en relation avec le cortex
visuel primaire (aire 17 de Brodmann)
et aires 18 et 19 d’association visuelle
Tableau 1 : Troubles de l’intégration visuelle
Troubles affectant
la voie occipito-
temporale Symptômes/Observations
Agnosie visuelle Incapacité à identifier des objets
au moyen de la vision uniquement
Prosopagnosie Incapacité à reconnaître les visages
Alexie pure Capacité d’écrire mais non de lire
Achromatopsie Altération de la perception des
cérébrale couleurs
Troubles affectant
la voie occipito-
pariétale Symptômes/Observations
Négligence Ne pas reconnaître les stimuli
hémispatiale présentés dans un hémiespace
Syndrome Incapacité à saisir des objets avec
de Balint un guidage visuel, à exécuter des
saccade vers des cibles visuelles et
vision fragmentaire
Akinétopsie Altération de la perception du
mouvement
(Adaptée avec permission de Liu GT, Volpe NJ, Galetta SJ. Neuro-ophthal-
mology: Diagnosis and Management ; Philadelphie : Saunders ; 2001:346.)
Dorsale
Ventrale
19
18
17
on a émis l’hypothèse que l’hémisphère cérébral droit
contrôle l’attention aux stimuli présentés dans les
deux hémiespaces – à gauche davantage qu’à droite –
mais l’hémisphère gauche ne contrôle l’attention
qu’aux stimuli dans l’hémiespace controlatéral. Par
conséquent, une lésion hémisphérique droite élimi-
nerait l’attention aux stimuli dans l’hémiespace
gauche, alors qu’une lésion du côté gauche serait
quand même compatible avec une certaine attention
aux stimuli dans l’hémiespace droit du fait que
l’hémisphère droit est intact10.
Syndrome de Balint
En 1907, Rezso Balint a signalé un patient atteint
de « paralysie psychique du regard », de trouble de
l’attention spatiale et d’ataxie optique. Cette triade fut
appelée par son nom 47 ans plus tard12. Le syndrome
complet comprend la simultagnosie, appelée « apraxie
oculo-motrice » et l’ataxie optique13. Chacun de ces
éléments, que l’on peut également observer individu-
ellement, est examiné ci-dessous :
Simultagnosie : Ce trouble est caractérisé par l’inca-
pacité à appréhender le sens d’une scène visuelle com-
plexe, alors que les différents éléments isolés qui la
constituent sont bien perçus. On peut le décrire
comme une vision « fragmentaire ». Les patients sont
incapables de percevoir plus d’un objet à la fois et ils
voient souvent à l’aide de la vision maculaire unique-
ment, ce qui leur fournit une bonne acuité visuelle,
mais ne leur permet de capter qu’une petite fraction
du champ visuel. Ce déficit est facilement omis, à
moins que le médecin le recherche spécifiquement.
On peut tester facilement le patient en lui faisant
décrire l’image intitulée « The Cookie Theft Picture »
de la trousse d’examen diagnostique d’aphasie de
Boston (figure 2). Un patient atteint de simultagnosie
peut généralement voir uniquement une personne à la
Achromatopsie cérébrale
C’est une incapacité acquise rare à différencier les
couleurs. Le terme « achromatopsie cérébrale » indique
une perte complète de la vision des couleurs. En
revanche, la « dyschromatopsie cérébrale » implique
un certain degré de perception des couleurs. Le
traitement de la vision des couleurs a lieu dans les
deux hémisphères et par conséquent, l’achromatopsie
cérébrale impliquant le champ complet de vision n’est
possible que si les lésions touchent les deux hémis-
phères. Des lésions unilatérales dans un hémisphère
peuvent produire une perte des couleurs dans
l’hémichamp opposé à la lésion8. Lachromatopsie
cérébrale de l’hémichamp est la forme la plus
fréquente. Avec une lésion hémisphérique gauche, on
observe une quadrantopsie achromatique homonyme
supérieure qui est généralement associée à une alexie
pure. Avec une lésion hémisphérique droite, on
observera une quadrantopsie achromatique homo-
nyme supérieure gauche. Généralement, l’étiologie
sous-jacente est un infarctus dans le territoire de la
branche occipito-temporale de l’artère cérébrale
postérieure4.
Troubles affectant de la voie pariéto-occipitale
Négligence hémispatiale
La négligence hémispatiale est l’incapacité à
répondre à des stimuli présentés controlatéralement à
une lésion cérébrale et qui n’est pas attribuable à une
déficience sensorielle ou motrice9. Elle est latéralisée à
un hémiespace. La négligence hémispatiale affecte
toutes les fonctions sensorielles ; l’audition, le toucher
et la vision sont affectées, bien que pas toujours dans
la même mesure. La composante visuelle de la négli-
gence hémispatiale peut être confondue avec l’hémia-
nopie. Cependant, la négligence hémispatiale est
centrée sur le corps ou crâniotopique, alors que
l’hémianopie au contraire est centrée sur les champs
visuels ou rétinotopique10. Par conséquent, il est utile
de tester les champs visuels du patient dans dif-
férentes directions du regard pour différencier l’hémi-
anopie de la négligence hémispatiale. Par exemple, si
un patient atteint de négligence hémispatiale gauche
regarde à droite, la zone de négligence demeure la
même. En revanche, si le patient atteint d’hémianopie
gauche regarde à droite, l’hémichamp gauche aveugle
se déplacera à droite10. La négligence hémispatiale est
habituellement causée par des lésions unilatérales du
cortex pariétal postérieur, mais on a également rap-
porté que des lésions dans divers autres sites (p. ex.
circonvolutions frontales dorsolatérales, thalamus et
formation réticulée mésencéphalique) ont également
causé la négligence hémispatiale9. La négligence
hémispatiale est plus sévère et plus durable chez les
patients souffrant de lésions du côté droit11. En effet,
Figure 2 : « Cookie Theft Picture » tiré de l’examen
diagnostique d’aphasie de Boston pour
le test de dépistage de la simultagnosie
fois et serait incapable de voir au premier coup
d’œil que l’évier déborde ou que le garçon va
tomber du tabouret. Étant donné que la principale
déficience est l’incapacité de traiter plus d’un élé-
ment d’une scène visuelle, le terme « inattention
visuelle bilatérale » a été proposé à la place de
simultagnosie10. Parmi les trois éléments qui com-
posent ce syndrome, la simultagnosie est le plus
souvent observée isolément14. Dans la simultag-
nosie isolée, on notera que les patients se plaig-
nent que les objets fixes dans l’environnement
visuel « disparaissent » tout simplement de la
vision directe. Rizzo et Hurtig15 ont déclaré que
les patients atteints de simultagnosie signalent la
disparition intermittente d’une cible pendant
qu’ils la fixent, ce qui a été vérifié par enre-
gistrement EOG. Les auteurs expliquent cela par
un « déficit de l’attention soutenue ». Tous leurs
patients souffraient de lésions bilatérales de l’aire
d’association visuelle corticale.
Ataxie optique : C’est une altération frappante
des mouvements volontaires et coordonnés de la
main en réponse à des stimuli visuels. Les mouve-
ments sous contrôle proprioceptif sont préservés.
Lataxie optique peut être confondue avec l’inco-
ordination due à une dysfonction cérébelleuse et
proprioceptive. Cependant, les ataxies cérébel-
leuse et proprioceptive demeurent inchangées ou
s’améliorent avec le guidage visuel, alors que
l’ataxie optique n’est présente qu’avec les mouve-
ments des membres guidés visuellement. En
revanche, l’ataxie optique n’est observée que sous
guidage visuel. Afin de différencier l’ataxie
optique d’autres types d’ataxie, on demande au
patient de faire un mouvement qui nécessite un
stimulus proprioceptif (p. ex. toucher son oreille
ou son autre main). Si un patient souffre d’une
réelle ataxie optique, le stimulus proprioceptif
améliore notablement la précision du mouve-
ment10. Le diagnostic nécessite l’exclusion des
troubles moteurs, cérébelleux et somato-sen-
soriels, de l’apraxie et des anomalies du champ
visuel. Lataxie optique peut être due à une inca-
pacité à convertir les coordonnées rétinotopiques
(centrées sur le champ visuel) en coordonnées
crâniotopiques (centrées sur le corps), une conver-
sion qui est nécessaire pour programmer un mou-
vement en réponse à une cible visuelle et qui a
lieu dans le cortex pariétal postéro-inférieur. On
peut également la considérer comme un syn-
drome de déconnexion, les informations en prove-
nance du cortex visuel n’atteignant pas le cortex
moteur par le faisceau longitudinal supérieur, une
voie importante entre les lobes occipitaux et
frontaux10. Lataxie optique peut être isolée égale-
ment. Dans ce scénario, elle peut toucher une ou
deux mains et peut être présente dans un ou deux
hémichamps. Généralement, les patients sont
incapables de toucher des objets situés dans
l’hémichamp visuel controlatéralement à la lésion.
Altération des saccades guidées visuellement
(appelée généralement apraxie oculo-motrice) :
Ce trouble des mouvements oculaires appelé
antérieurement « paralysie psychique du regard »,
a été confondu occasionnellement avec une réac-
tion de conversion visuelle16. Les patients atteints
de ce trouble sont incapables de bouger volon-
tairement leurs yeux dans la direction d’un objet,
même s’ils peuvent les bouger au hasard. Cette
altération de la mobilité oculaire a été appelée
« apraxie oculo-motrice » et contrairement à
l’apraxie oculo-motrice congénitale, elle touche
les mouvements oculaires horizontaux et verti-
caux17. Cependant, conformément à la définition
neurologique de l’apraxie, on a suggéré que le
terme « apraxie oculo-motrice » devrait être limité
aux troubles entraînant une incapacité à initier
des saccades volontaires, lorsque les saccades
réflexives et les phases vestibulaires rapides sont
intactes18. Une étude quantitative a montré que
les anomalies des saccades dans le syndrome de
Balint sont caractérisées par des saccades impré-
cises, mal orientées et retardées vers des cibles
visuelles, quelles soient volontaires ou réflexives,
ce qui confirme la notion qu’il n’y a pas d’apraxie
des saccades réelles dans ce trouble19.
Dans la plupart des cas, le syndrome de Balint
entraîne des lésions bilatérales dans les régions
pariéto-occipitales. La figure 3 montre une image
axiale par résonance magnétique (IRM) pondérée
Ophtalmologie
Conférences scientifiques
Figure 3 : IRM axiale pondérée en T2 chez
un patient atteint du syndrome
de Balint montrant des lésions
pariéto-occipitales bilatérales
en T2 chez un patient atteint du syndrome de
Balint secondaire à une leucoencéphalopathie
postérieure causée par les effets toxiques de la
cyclosporine.
Akinétopsie
Lakinétopsie est une altération acquise de la
perception du mouvement. En 1983, Zihl et coll.
ont été les premiers à rapporter le cas d’un patient
présentant une déficience de la perception
motrice due à des infarctus corticaux bilatéraux.
Ces infarctus ont entraîné une thrombose du
sinus sagittal qui touchait les jonctions pariéto-
occipito-temporales, mais ont épargné le cortex
strié. Les patients atteints d’akinétopsie peuvent se
plaindre que les objets qui bougent sautent d’un
point à un autre. Leau courante semble « gelée
comme un glacier ». Le trouble est diagnostiqué
par le rapport verbal et une altération des mouve-
ments oculaires10. Lakinétopsie a également
été rapportée comme un effet secondaire d’un
médicament. Horton et Trobe21 ont décrit deux
cas d’akinétopsie due à l’emploi de néfazodone.
Maladies fréquemment associées aux
troubles de l’intégration visuelle
Les troubles de l’intégration visuelle examinés
ci-dessus sont causés le plus souvent par un acci-
dent vasculaire cérébral touchant l’artère
cérébrale postérieure et l’une de ses branches, soit
unilatéralement soit bilatéralement. Des causes
moins fréquentes sont la présence de tumeurs,
d’hémorragie intracérébrale, de traumatisme, de
maladie démyélinisante, de processus infectieux,
d’abcès et de leucoencéphalopathie multifocale
progressive. De plus, la maladie d’Alzheimer
postérieure et la variante de Heidenhain de la
maladie de Creutzfeld-Jakob (MCJ) affectent spéci-
fiquement les aires d’association visuelle14. Les
patients atteints de la maladie d’Alzheimer
postérieure, appelée également la variante
visuelle de la maladie d’Alzheimer, sont relative-
ment jeunes lorsqu’elle se déclare et contraire-
ment à la plupart des patients atteints de la
maladie d’Alzheimer, ils consultent initialement
un ophtalmologiste plutôt qu’un neurologue. La
MKJ est une démence progressive causée par des
prions, qui sont des protéines infectieuses. La
perte visuelle d’origine corticale est le premier
symptôme prédominant de la variante de Heiden-
hain de ce trouble. Les prions peuvent être résis-
tants aux techniques de stérilisation chirurgicale
standard et la transmission de la MKJ par le biais
d’interventions chirurgicales telles que les greffes
de cornée est bien documentée et l’identification
précoce de la maladie est donc essentielle22.
Conclusion
Les patients présentant des troubles de l’inté-
gration visuelle ont fréquemment de vagues
symptômes et se plaignent qu’ils ne voient pas
bien ou qu’il y a quelque chose d’anormal dans
leur vision. Nombres d’entre eux consultent leur
optométriste et leur ophtalmologiste de nom-
breuses fois, leur demandant de modifier la pres-
cription de leurs lunettes. Il est facile de voir
comment certains de ces troubles peuvent être
confondus avec des réactions de conversion
visuelle ou même une simulation. L’établissement
d’un diagnostic précis de ces troubles peut être
difficile et nécessite un indice élevé de suspicion
pour certaines pathologies rares. Par conséquent,
il est important pour l’ophtalmologiste de
connaître les différentes manifestations de ces
troubles de l’intégration, afin d’initier les investi-
gations appropriées et d’orienter les patients vers
les spécialistes appropriés.
Nurhan Torun, MD, FRCSC, est neuro-ophtalmo-
logue au Toronto Western Hospital, Réseau univer-
sitaire de santé. Elle se joindra à la faculté
d’Ophtalmologie à Beth Israel Deaconess Medical
Center, Harvard Medical School, vers la fin de 2005.
Références
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TE, Farah MJ, eds. Behavioral Neurology and Neuropsychol-
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Neurology of Vision. Contemporary Neurology Series,
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