pour achever de se renforcer, un troisième principe est mis en avant, celui
de la centralisation, afin de donner davantage de pouvoir et une part plus
importante des ressources aux centrales appelées à chapeauter les
syndicats de branche.
Ce programme est incomplètement réalisé. La centralisation se
heurte au veto des puissances d’occupation occidentales, qui sont
effrayées par la perspective d’une trop forte concentration de pouvoir au
sein d’une organisation de masse – elle sera par contre acceptée en zone
d’occupation soviétique, facilitant bientôt le contrôle du syndicalisme par le
parti communiste. En revanche, les deux autres principes sont mis en
œuvre dans la majorité des syndicats des différentes zones occidentales,
qui se fédèrent à l’automne 1949 au sein du DGB (Deutscher
Gewerkschaftsbund). Unitaire, le DGB n’en devient pas pour autant
syndicat unique, car une partie, minoritaire, des employés et des
fonctionnaires préfère adhérer à des organisations restant catégorielles et
de métier, respectivement le DAG (Deutsche Angestelltengewerkschaft) et
le DBB (Deutscher Beamtenbund). De même, une frange de syndicalistes
chrétiens fait scission à partir du milieu des années 50 pour constituer le
CGB (Christlicher Gewerkschaftsbund - CGB), ce qui fait aussi renaître des
organisations de tendances idéologiquement concurrentes. Au total,
environ 80 % des salariés restent pourtant organisés au sein du DGB, ce
qui lui donne une position hégémonique. DAG, DBB et CGB sont en
quelque sorte les exceptions qui confirment la nouvelle règle, celle de
l’unité et de la branche.
Face à ce renforcement opéré dans un esprit offensif, les
organisations patronales se reconstituent beaucoup plus discrètement et
sans modifier les schémas d’organisation traditionnels, établis dès le début
du 20è siècle. On retrouve donc après 1945 les trois piliers : les Chambres
de commerce et d’industrie (Industrie- und Handelskammern – IHK) et
d’artisanat (Handwerkskammern), organismes à statut de droit public et
affiliation obligatoire, qui n’ont d’importance pour les relations du travail
qu’à travers leur engagement dans la formation professionnelle initiale ; les
organisations économiques (Wirtschaftsverbände), dont la plus puissante
est la fédération des branches d’industrie, le Bundesverband der deutschen
Industrie (BDI) ; enfin les organisations spécifiques de la fonction
d’employeur, ayant seules vocation à traiter les questions sociales et à
mener les négociations collectives (Arbeitgeberverbände – leur union
interprofessionnelle étant la Bundesvereinigung der deutschen
Arbeitgeberverbände, BDA). Il faut souligner que les deux premières
composantes, Chambres et organisations économiques, profitent d’une
quasi-continuité organisationnelle et personnelle, de leur rôle logistique
indispensable dans l’économie administrée de l’immédiat après-guerre,
mais aussi d’une forte identité corporative héritée du 19e siècle2.
Aujourd’hui encore, le terme de Wirtschaft ne désigne pas seulement un
registre particulier de l’activité sociale, mais également les milieux
économiques, qui, en vertu de leur capacité d’auto-organisation
(Selbstverwaltung der deutschen Wirtschaft) se comprennent comme force
constituée de la société civile.
2 En Allemagne, l’introduction, au demeurant tardive, de la liberté d’entreprise, n’a pas
impliqué, comme ce fut le cas en France au moment de la Révolution, une suppression
radicale des corps intermédiaires.
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