La seule loi qui soit immuable, c'est que le changement est perpétuel
Swami Chinmayananda
Histoire : Jaya et Vijaya
Vaïkuntha est le palais céleste où demeure Shrî Vishnu. Le Seigneur y vit avec toute sa suite dans une
atmosphère de pure intelligence (Sattva). On y perçoit partout une seule et même réalité et personne
n’établit jamais la moindre différenciation.
Un jour, les quatre Sanatkumaras, les fils spirituels de Brahma (le Créateur), décidèrent de se rendre à
Vaïkuntha pour faire une visite au Seigneur Vishnu. Bien qu’ils soient les plus anciens des êtres vivants, ils
avaient toujours gardé l'apparence de petits garçons de cinq ans. C’est leurs immenses austérités (tapas)
qui leur valaient cette éternelle jeunesse.
Les quatre sages franchirent sans aucun embarras les six premières grilles de Vaïkuntha. Mais à la
septième porte ils furent arrêtés par deux anges gardiens. C’étaient des jumeaux, d’aspect lumineux,
ornés de couronnes d'or et de nombreuses autres parures étincelantes. Ces deux gardes s’appelaient Jaya
et Vijaya (Victoire et Triomphe). Ils arrêtèrent les Sanatkumaras en brandissant leurs masses. Ils croyaient
que par jeu, des petits enfants voulaient pénétrer dans le royaume céleste. Les quatre Rishis furent très
contrariés de l’incident et leur dirent : «Comment pouvez-vous faire des différences entre les personnes
alors que vous résidez à Vaïkuntha, là-même où ne prévaut qu’une uniformité parfaite ? Et comment
pouvez-vous craindre qu’un danger puisse menacer votre Maître, alors que l'univers tout entier repose
en lui ?... Nous sommes obligés de conclure de votre attitude que vous n'êtes pas dignes de vivre dans ce
monde sattvique (pur). Néanmoins, nous ne voulons pas être trop durs avec vous parce que vous êtes
tout de même des serviteurs du Seigneur. Notre sentence sera donc de vous faire redescendre sur terre.
C’est un monde vil, plein de luxure, de colère et de cupidité. C’est un monde gouverné par la loi du désir,
et c’est ce dernier qui fait naître les différences et toutes les divergences, en un mot la dualité...
Jaya et Vijaya avaient compris qu’ils avaient commis une grande faute. Ils se prosternèrent
immédiatement devant les Sanatkumaras, et déclarèrent, implorant leur pardon : « Que votre volonté
soit faite ! Selon votre décision, faites-nous chuter sur la terre au plus vite. La seule grâce que nous vous
demandons de bien vouloir nous accorder, c’est que, aussi longtemps que nous séjournerons sur terre,
nous puissions toujours nous souvenir de notre Seigneur. »
Comme Shrî Vishnu est omniscient, Il savait bien sûr parfaitement ce qui était en train de se passer à la
porte de son royaume. Il s’y rendit, accompagné de son épouse Lakshmi. Frappés de stupeur, les
Sanatkumaras virent soudain apparaître devant eux Celui sur lequel ils avaient depuis toujours médité
dans leur cœur. Ils se prosternèrent humblement avant d’oser regarder cette apparition resplendissante
de laquelle ils ne purent plus détacher les yeux. Se prosternant à nouveau devant lui, ils dirent : « O
Bhagavân ! Pardonne-nous, d’avoir prononcé cet arrêt envers tes serviteurs. Puisse le sort que nous
avons jeté n'avoir aucun effet. »
Bhagavân leur répondit: « Tout au contraire, c’est à moi de vous demander pardon, car je suis
indirectement responsable de tous les faits et gestes de mes serviteurs. Votre sentence s’accomplira, tout
simplement parce que ce n'est pas vous qui l’avez prononcée, mais bien Moi, qui parlait à travers vous.
Jaya et Vijaya naîtront bien sur terre en tant qu’asuras, mais leurs esprits, bien que noyés dans la colère
et la haine, resteront constamment centrés sur Moi. »
Il dit ensuite à ses deux soldats: « Allez de l'avant et n'ayez aucune crainte. Tout se passera bien pour
vous. Les temps viendront bientôt où je viendrai personnellement vous délivrer. Alors, l'esprit purifié par
vos épreuves, vous reviendrez à Vaïkuntha vous remettre à mon service. »
Soudain toute lumière disparut des visages de Jaya et Vijaya… Leur regard était devenu terne et lugubre.
Ils descendirent sur terre dans la semence de Kâshyapa et de là, furent transférés dans le ventre de Diti…
(Tiré du Bala Bhagavatam)