CONFERENCE I.U.F.M LIMOGES 18 JANVIER 2007 (notes retranscrites par Pierre-Yves FREY) La didactique de l’E.P.S de l’intérêt de « la recherche didactique » pour le professeur d’E.P.S par Chantale Amade-Escot Université Paul Sabatier-Toulouse III Montrer ce que sont les recherches en didactique, leur évolution et en quoi elles peuvent éclairer les enseignants. Plan de l’exposé 1-Didactique ? Vous avez dit Didactique ? 2-La perspective comparatiste ou l’étude « du » didactique ordinaire : évolution des problématiques en E.P.S. 3-L’intervention du Professeur : entre « autonomie » et « contraintes ». 1- Didactique ? Vous avez dit Didactique ? 1-1-Didactique de l’éducation physique : une myriade de discours.(/Martinand J.L -1994 « didactique des sciences et formation des enseignants. Notes d’actualités. Les sciences de l’éducation pour l’ère nouvelle »,1,924 .). Il faut souligner que les problématiques se distinguent fondamentalement des problématiques institutionnelles, lesquelles intègrent une conception donnée des programmes, une action orientée sur le système et des questions liées au recrutement. -« praticienne », en relation avec l’expérience professionnelle. -« normative ». -« critique ou scientifique ». -« didactique comparée ». 1-2-Définitions : 1-2-1-La didactique n’est pas prescriptive. 1-2-2-La didactique vue sous l’angle de la transmission de savoirs, comme fait social total (/Mauss). 1-2-3-La didactique s’efforce d’éclairer ce qui se passe quand quelqu’un se propose de transmettre des savoirs. La recherche didactique s’intéresse aux conditions spécifiques d’acquisition provoquée de savoirs et de savoirfaire de la discipline scolaire (voir « les sciences de l’éducation pour l’ère nouvelle1-9-24 » et les apports de J.L Martinand dans « didactique des sciences et formation des enseignants-1994 », les travaux également de Gilles Broussaud-1982, et de J.Pierre Vernant avec sa notion de « ruse » !…). 1-3- Les formes d’entrée : 1-3-1-l’entrée par les savoirs : le fondement est le savoir, l’étude de ses formes, de ses attributs, qui détermine donc l’étude et au-delà l’étude même des manières d’aider à son étude (courant de l’action située représentée par Marc Durand). -Selon Douglas M. (1999) dans « Comment pensent les institutions ? » La découverte -Paris-Bibliothèque de Mauss, la définition anthropologique élargie du (des) savoir(s) correspondrait « à une puissance d’agir compatible avec les usages et exigences d’une institution dans laquelle elle s’exerce ». -Dans les A.P.S.A le(s) savoir(s) correspondraient aux : o « savoir nager o savoir faire un appui tendu renversé o savoir souffler dans l’eau o savoir arbitrer la règle du marcher en Basket o savoir formuler une règle d’action o savoir gérer la tension émotionnelle d’un départ de vitesse…… 1-3-2-l’entrée par les acteurs : Dans le cadre des travaux effectués par Marsenach J. et Mérand R. dès 1987à l’ l’INRP (« l’évaluation formative en E.P.S dans les collèges- rapport N° 2 Paris) »), se met en place une démarche essentiellement descriptive et compréhensive, avec une perspective de théorisation « du » didactique, non pas pour prédire des comportements, mais pour rendre raison du sens pratique des acteurs dans l’action de transmission, à partir d’une description de l’ingéniosité des mises en œuvre, de l’observation de la façon d’enseigner (courant de l’observation de « l’intelligence rusée » ou « metis » de J.Pierre Vernant). Il s’agit de faire de l’observation pour non pas comprendre comment il faut enseigner, mais de dévoiler par cette observation comment on enseigne, comment on fonctionne ? (« l’habitus professionnel »). 1-3-3-l’entrée par l’observation et l’analyse des phases « interactives », autrement dit, de ce qui fait matière dans des conditions d’organisation données à ce qu’un élève entre en apprentissage (voir la notion revisitée de « triangle didactique élèves – professeur - savoir » qui devient une relation ternaire liant professeur, élèves et savoir enseigné, dans laquelle l’étude de n’importe quelle des instances-professeur, savoir, élèves- ne prend un sens didactique que dans ses rapports avec les deux autres ! : l’observation et l’analyse des phases interactives renseignent davantage sur la nature des contenus que les analyses se situant en amont). Les savoirs réellement enseignés et appris sont donc dans cette perspective le résultat d’une action conjointe entre professeur et élèves. Il convient de souligner, que l’étude et la direction d’étude résultent de processus adaptatifs conjoints, d’où le caractère émergent des contenus d’enseignement et le caractère situé des processus didactiques. Transposition didactique interne SAVOIRS Représentations – conceptions rapports aux savoirs INTERVENTION DE L’ENSEIGNANT ACTIVITES DES ELEVES Contrat didactique 2- La perspective comparatiste ou l’étude « du » didactique ordinaire : évolution des problématiques en E.P.S. *Deux périodes dans les recherches en Education Physique : 2-1-les années 1980-90 : l’approche « descendante » de la transposition didactique. 2-1-1-Types de recherches orientées par les souci d’apporter une aide à la décision, avec apport de séquences qui « marchent », qui ont fait leurs preuves (Paul GOIRAND et « SPIRALES »). Ces recherches s’efforçaient de favoriser la production par les enseignants de nouveaux contenus d’enseignement avec mise en œuvre d’une recherche action à visées plus ou moins prescriptives, de l’évaluation comme aide à la décision, le tout adossé à un réflexion historique et épistémique (/logique interne, problème fondamental à résoudre, sens, valeur…), en relation avec la question de l’engagement des élèves dans l’action (/situation de référence) et la mobilisation de leurs intérêts (prise en compte du sens des savoirs, de la nature des séquences, des situations didactiques, des conceptions et pratiques des élèves comme obstacles à l’apprentissage). 2-1-2-Un telle démarche pose le problème du choix des pratiques sociales de référence. -Comment résoudre le problème de la pluralité des références possibles ? -Quels critères pour dépasser celui de la faisabilité et s’opposer aux phénomènes de mode ? -Quelle obsolescen,ce des savoirs usuellement transmis ? D’où la difficulté et peut-être inanité de « programmer » au sens strict (sans nier l’importance des programmes) une discipline comme l’E.P.S (voir Marsenach J. et Mérand R. -2003- « regards posés sur la recherche en didactique de l’éducation physique » in C.Amade-Escot -Direction- Didactique de l’éducation physique. Etat des recherches pages 367 à 383. Paris, éditions de la revue EPS). 2-2- les années 1990/95-2000 : approche ascendante des phénomènes transpositifs tels qu’ils se déroulent dans les leçons ordinaires. 2-2-1-Mise en évidence de ce que les enseignants font quotidiennement dans leurs classes (Yvon Liezard). 2-2-3- approche qui ne met plus l’accent sur les logiques dites internes de la discipline, sur les situations « héroïques » type SRP, sur le problème fondamental…., mais sur les logiques interactionnelles, sur les médiations opérées par les enseignants avec leurs élèves, avec mise en évidence de l’importance des phénomènes contractuels, contextuels et du caractère imprévisible de l’enseignement ( mieux mettre en évidence les phénomènes contractuels, les aléas de la relation didactique, en intégrant notamment une approche à la fois descendante et ascendante dans les procédures de transmission et dans les phénomènes transpositifs, mieux prendre en compte les contraintes). Une telle approche permet d’avoir ainsi une meilleure compréhension des effets différentiels relativement aux genèses singulières des rapports au(x) savoir(s) des élèves, afin que chacun trouve les conditions favorables pour étudier (voir dans la revue des sciences de l’éducation-2005- la « didactique comparée »). Autrement dit le professeur a la responsabilité d’organiser les conditions pour que les élèves modifient leurs rapports aux objets présents dans le milieu didactique qu’il a lui-même contribuer à installer par anticipation certes, mais en prenant conscience d’une part, de la nécessité d’une prise de distance réflexive lui permettant de s’adapter, d’adapter la situation, et d’autre part du caractère évolutif et non reproductible des situations. Il a ainsi une meilleure compréhension des effets différentiels relativement aux genèses singulières des rapports au(x) savoir(s) des élèves. 2-2-4-Conclusion. 2-2-4-1-Le didactique au carrefour d’une logique épistémique et d’une logique interactionnelle. 2-2-4-2-Les développements théoriques (voir Scubauer-Leoni M.L., Leutenegger F. « Une relecture des phénomènes transpositifs à la lumière de la didactique comparée » dans la revue Suisse des sciences de l’éducation, 27(3), 2005, page 407 à 429) les plus récents invitent à situer l’investigation didactique « ni (que) dans les savoirs, ni (que) dans les sujets-enseignants et apprenants-mais dans leur action conjointe (….) pour mettre en évidence les modes de coproduction des connaissances à la lumière des pratiques culturelles qui les légitiment ». 3- L’intervention du Professeur : entre « autonomie » et « contraintes ». 3-1-Les interactions didactiques comme « activités conjointes situées ». Quelques exemples tirés des recherches. 3-2-Le rôle de l’enseignant : 3-2-1-Le travail de l’enseignant dans sa classe. 3-2-1-1-Classiquement, le travail de l’enseignant se centre : sur un « double agenda » : instruire, conduire sa classe. Les missions (1997) : Connaître sa discipline, Savoir construire des situations d’enseignement et d’apprentissage, Savoir conduire sa classe 3-2-1-2-Visées des recherches didactiques : s’attacher à comprendre la direction d’étude (le chemin) en contexte. L’action en contexte est indissociablement matérielle (artéfact), sociale et culturelle. 3-2-2-l’intervention didactique de l’enseignant. L’enseignant doit agencer des milieux didactiques adaptés, gérer l’interaction des élèves à ce milieu et ce, en relation avec une intentionnalité didactique. Cette spécificité du travail de l’enseignant est mise en œuvre notamment au niveau de l’aide à l’étude dans : 3-2-2-1-La conception des dispositifs d’aide à l’étude : Traitement didactique et transposition didactique, Situation de référence, tâches. 3-2-2-2-La direction d’étude : L’interaction avec les élèves (régulations et médiations), Les phénomènes de contrat. 3-2-1-« autonomie » et « contraintes ». Conception des dispositifs initiaux d’aide à l’étude. 3-2-1-1-Quelques contraintes. L’analyse à priori. 3-2-1-1-1Les contenus ne sont pas intangibles ni immanents (il y a un processus de choix politique au niveau des programmes). Les usages professionnels naturalisent sans les questionner les tâches proposées aux élèves. 3-2-1-1-2-L’apport de « l’analyse à priori » : analyse didactique des tâches proposées aux élèves afin d’anticiper certaines conséquences au niveau des élèves. 3-2-1-2- Exemples de situation « paradoxales » en volley, en gymnastique (/ATR) , « le jeu de la grande traversée » (gymnastique rythmique)-Monique Loquet-1996- place des SRP dites « héroïques »…), avec analyse des conséquences, mise en évidence de l’effet TOPAZE…. Nous ne pouvons détailler les situations par manque de place, mais nous nous permettons de renvoyer le lecteur à l’ouvrage qui doit paraître en juin 2007 avec Amade-Escot C. et Dugal J.P comme co-auteurs, pour plus de précisions. 3-2-1-3-L’action du Professeur en contexte dans la direction d’étude ou « l’ingéniosité en actes » traduisant la compétence professionnelle de l’enseignant :propositions d’évolution de la situation initiale ( conception du dispositif d’aide à l’étude en terme d’agencement du milieu didactique/variables, régulations, consignes différenciées, avancement dans le projet didactique et importance de l’effet de contrat). Là aussi nous ne pouvons détailler les enjeux d’apprentissage décrits dans les situations proposées (en volley :voir Amade-Escot C., « la gestion interactive du contrat didactique en volley-ball :agencement des milieux et régulations du professeur »,in « Didactique de l’éducation physique-Etat des recherches », pages 240 à 264, Paris, éditions de la revue E.P.S), et en foot-ball, (jeu de gagne-terrain), pour les raisons évoquées ci-dessus ! 3-3-Réflexions. 3-3-1-Analyse. Créer et proposer des expériences compatibles avec des pratiques sociales de référence, permettant l’acquisition de savoirs. 3-3-2-L’activité régulatrice du Professeur. Elle se caractérise par : L’adaptation en contexte qui rend compte de l’enchâssement de l’activité du professeur sur l’activité des élèves. Le repérage par l’enseignant de l’état actuel des productions de élèves, de l’état du rapport au(x) savoir(s) qui peut le(s) caractériser (en mettant l’action sur les traits pertinents de l’observation de l’activité de l’élève), d’où la nécessité d’une observation didactique. L’importance d’une prise en compte lors des régulations des traits pertinents, afin d’aider à l’étude des savoirs et l’accès à une culture. Cependant une mis en garde s’impose ! L’activité de direction d’étude, les régulations, ne témoignent pas forcément d’un fonctionnement cybernétique (écart à la norme après analyse de la situation). Cela relève des nécessités du maintien de la relation didactique. 3-3-3-Comment penser le rapport à la culture ? Deux conceptions s’opposent : Une culture entendue comme une « collectivisation » des actions individuelles », Une culture considérée comme équivalente à un ensemble d’expériences partagées, jugées utiles pour l’action qui convient ici et maintenant. La culture selon Meyerson,1948, « les fonctions psychologiques et les œuvres », serait représentative d’un leg des générations passées. On considère généralement que la culture correspond à l’ensemble des œuvres que la société partage et qui fonde la transmission des valeurs et des savoirs dans les systèmes éducatifs. 3-3-4-Ce que suggère quelques réflexions politiques !…. « L’injonction systématique à la socialisation première, thème récurrent des discours aujourd’hui, se fait au détriment de ce qui fait la spécificité de la socialisation scolaire (….), celle d’une rencontre avec des œuvres humaines à travers l’étude des savoirs » (extraits de JOSHUA B.-1999- dans « l’école entre crise et refondation » et LAHIRE B.-1998- dans « Défendre et transformer l’école pour tous »). 4- En guise de conclusion provisoire. 4-1-De l’utilité de la didactique pour le Professeur d’E.P.S. « La didactique ne peut pas se substituer à l’enseignant pour l’acte d’enseigner. L’innovation est le principe même de l’action d’enseignement… lui refuser le droit à l’innovation serait lui refuser le droit de donner du sens à ce qu’il fait… Les professeurs peuvent utiliser sous leur responsabilité les résultats produits par les recherches didactiques. » (Gilles BROUSSEAU). 4-2- Ne pas perdre de vue que les contenus proposés sont transmis lors de phases « interactives ». Importance de la co-détermination du pédagogique et du didactique. 4-3-Ne pas oublier les dispositifs d’aides à l’étude (prise en compte du système contraintes/ressources, du degré d’autonomie, de la co-action….). 4-4-Finalement l’acte d’enseignement comme l’indique Pierre BOURDIEU (1997) concilie à la fois la détermination de la conduite et l’intentionnalité de l’action. Les activités didactiques sont donc à la fois libres (autonomes) et réellement déterminées (contraintes). L’utilité de la didactique est d’avertir sur ces phénomènes… en considérant que seul l’enseignant, dans l’arène (le chantier) est en mesure de réinterpréter ce que la recherche a pour mission d’identifier. Fait à Limoges le 09-02-2007