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206 Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire 2015 ; 19(4) : 203-207
V. Le Guillou et al. | Ross vs remplacement valvulaire aortique mécanique chez les 40-55 ans
vaient pas de diérence significative, mais l’autogestion du trai-
tement anticoagulant des patients du groupe valve mécanique
a très probablement sous-estimé la mortalité de ce groupe.
Doss et coll. [15] ne retrouvaient également pas de diérence,
mais l’eectif restreint et le suivi réduit à un an de cette étude
en limitent la portée. Dans une étude plus récente, Andreas et
coll. [16] retrouvaient une survie à 10 et 15 ans significativement
meilleure dans le groupe Ross, 94 et 93%, comparée à celle du
groupe valve mécanique, 84 et 75%. Les diérences de gravité
entre les deux populations expliquent pour une bonne part ces
résultats.
Nous rapportons un taux important de complications thrombo-
emboliques, saignements et d’endocardites dans le groupe valve
mécanique, mais sans toutefois montrer de diérence signifi-
cative par rapport au groupe Ross (p=0,054). L’incidence des
EIG incluant accidents thromboemboliques, saignements et
endocardites, dans le bras valve mécanique de notre série, est
proche de celles rapportées dans la littérature [17,18]. L’une des
perspectives qui avait été ouverte pour améliorer ces résultats
était l’extension des indications des nouveaux anticoagulants aux
valves mécaniques. Mais les résultats d’une étude récente, arrê-
tée avant son terme compte tenu de l’augmentation d’EIG, ont
malheureusement stoppé les espoirs qui avaient été placés en
eux [19]. La gestion de l’INR par les patients eux-mêmes a quant à
elle largement montré son intérêt, notamment dans la réduction
des événements thromboemboliques [20], mais malheureuse-
ment sa diusion en France reste très insusante.
Notre travail confirme la faible incidence des complications
thromboemboliques dans le Ross [6], mais confirme également
le taux non négligeable de réinterventions à distance. Même si
nous n’avons pas montré de diérence significative entre les deux
groupes, nous retrouvons une tendance claire à plus de réinter-
ventions dans le groupe Ross. Fort d’un eectif plus important,
nous aurions sans doute retrouvé une diérence significative.
Nos données s’inscrivent toutefois dans les données publiées de
la littérature qui rapportent des taux libres de réintervention à 10
ans allant de 75 à 94,9% [9, 14, 21-24]. Les réinterventions sur
l’autogree comprenaient deux reprises pour dilatation des néo-
sinus. L’évolution récente de la technique, consistant à inclure
le culot pulmonaire dans un tube en Dacron, limitera probable-
ment à l’avenir ce genre de complications [25-27]. Pour l’heure,
peu de séries sont encore disponibles pour évaluer les résultats
à plus long terme de cette technique. Néanmoins les premières
séries, même si elles portent sur un nombre limité de malades,
semblent encourageantes [25,27]. Deux patients ont été repris à
moins d’un an pour une insusance aortique massive. Il s’agissait
du 1er et du 3e patients opérés de la série (en 1997). La diculté
technique de l’intervention de Ross et la nécessaire courbe d’ap-
prentissage qui l’accompagne peuvent expliquer en partie ces
deux réinterventions.
Les réinterventions sur la voie droite étaient supravalvulaires. Pour
éviter les sténoses de la voie d’éjection droite, nous essayons de
privilégier les homogrees aux diamètres les plus larges dispo-
nibles. Des phénomènes de torsion de l’homogree lors de sa
réimplantation, comme des phénomènes d’hyperplasie intimale
et de réaction inflammatoire liée à un rejet immunitaire de l’ho-
mogree [28], expliquent probablement ces sténoses.
Pour certains patients, l’idée d’une réopération future paraîtra tou-
jours plus acceptable que les contraintes et les risques du traite-
ment anticoagulant, tandis que pour d’autres, ce sera le contraire.
La poursuite du suivi à long terme des patients opérés d’un Ross
et plus spécifiquement l’incidence des réinterventions sur les voies
droite et gauche, comme la promotion de la gestion de l’anti-
coagulation par les patients eux-mêmes doivent aider à éclairer
le patient dans le choix du meilleur substitut valvulaire aortique.
4.1. Limitations
Il s’agit d’une étude rétrospective. Nous avons donc été confron-
tés aux problèmes du recueil de données non standardisées a
posteriori. Toutefois, nous ne déplorons aucun perdu de vue. Le
choix de la technique était le plus souvent non lié aux carac-
téristiques du patient, mais au chirurgien qu’il consultait de fa-
çon aléatoire. C’est la raison pour laquelle on ne retrouve pas de
grandes diérences entre nos deux populations. Néanmoins, en
l’absence de randomisation, nos résultats doivent être interpré-
tés avec précaution.
Les diérences de durée de suivi moyen s’expliquent par le fait
que de 1997 à 1999, l’intervention de Ross n’était pas encore pra-
tiquée de manière courante.
Les interventions de Ross ont été réalisées par les 5 chirurgiens
de l’équipe, avec une majorité réalisée par un opérateur. De ce
point de vue, notre série n’est pas homogène.
5. CONCLUSION
Le remplacement valvulaire aortique mécanique est le substitut
valvulaire aortique de référence dans la population d’âge inter-
médiaire. Cependant, en plus des contraintes du traitement anti-
coagulant, le suivi à distance reste marqué par de nombreux évé-
nements indésirables graves. L’intervention de Ross exonère les
patients de ces complications et de ces contraintes, mais les ex-
pose à un taux de réinterventions non négligeable. La poursuite
du suivi des Ross déterminera si la technique d’inclusion permet
de limiter les reprises à distance sur la voie gauche.
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