La pensée de l`unification

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Communication
La pensée de l’unification de Nishida Kitarô
< Nishida Kitarô’s thought of unification >
Michel DALISSIER
Certifié de Philosophie, Doctorant à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE) et Chercheur associé à
l’Université de Kyôto (Japon)
2ème Congrès du Réseau Asie / 2nd Congress of Réseau Asie <Asia Network>
28-29-30 sept. 2005, Paris, France
Centre de Conférences Internationales, Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales,
Fondation Maison des Sciences de l’Homme
Thématique / Theme : Arts et littératures / Literature and the Arts
Atelier 35 / Workshop 35 : Individu, subjectivité et société au Japon : le point de vue philosophique
/ Individual, subjectivity, and society in Japan: the philosophical standpoint
© 2005 – Michel DALISSIER
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Dans son premier ouvrage, la Recherche sur le bien[1], Nishida Kitarô (1870-1945) ne
cesse d’invoquer la notion d’unification, rendue en japonais chez lui, en allemand et en anglais
chez les auteurs qu’il cite, par un riche champ{ XE "Champ" } lexical et conceptuel. La notion
directrice d’ « expérience pure » ( 純 粋 経 験 junsui keiken) désigne sans doute un geste
d’unification à la « réalité » (実在 jitsuzai), qui permet à la « conscience » (意識 ishiki) de se libérer
de son « opposition » (対立 tairitsu) fallacieuse au monde, afin de regagner en lui sa sève opérante,
de devenir elle-même le devenir même, en « oubliant » (忘れる wasureru) la forme atrophiée
qu’elle prend dans le « moi » (自我、我、私 jiga, ware, watashi). Pourtant, il convient de ne pas
omettre le fait que ce geste d’« unification » (統一する tôitsusuru/Unification{ XE "Unification"
}/Vereinigung) à la réalité reconduit lui-même à une réalité qui constitue en propre une opération{
XE "Opération" } unificatrice de part en part, une perpétuelle gestation de « l’unité » (統一
tôitsu/Unity/Einheit), création infinie d’une unité nouvelle. N’est-il pas permis de voir dans une telle
notion, peu prise jusqu’à présent pour thème dans la véritable « histoire » des commentaires se
rapportant à Nishida[2], mais plus largement encore dans l’histoire de la philosophie occidentale, le
lieu d’une originalité philosophique singulière de cet auteur ?
Où se trouve le problème philosophique? Il peut apparaître évident qu’unifier, c’est
ramener un divers à une unité finale, au sens d’une « union » (結合 ketsugô) définitive, ou encore
d’une « fusion{ XE "Fusion" } » (合一 gôitsu) dernière. Pourtant, ne risquons-nous pas de tomber
dans le « piège », pour parler ainsi, que Hegel{ XE "Hegel" } a mis en évidence{ XE "Evidence"
} à propos du « bien connu » (das Bekante)[3], et Heidegger{ XE "Heidegger" } au sujet de « ce
qui va de soi » (selbstverständliche)[4], de ce qui est toujours déjà trop « bien connu ». Unifier,
est-ce là une opération{ XE "Opération" } qui va tellement de soi ? Nous pouvons dire que, d’un
point{ XE "Point" } de vue phénoménologique, un tel soupçon tend à diriger le faisceau d’une
nouvelle forme d’intentionnalité { XE "Intentionnalité" } en direction de l’unité. Même
l’intentionnalité heideggerienne vise la manière dont une « unification » (Vereinigung) se fait à
chaque fois structuration{ XE "Structuration" } ekstatique{ XE "Ekstase" } de l’être selon la
temporalité ([4], §65, p. 386/326){ XE "Temporalité" }, et, pourrait-on ajouter, fusion recouvrante
et « oubli de l’être » dans l’étant présent { XE "Temps" }; dans les deux cas elle apparaît comme
une union essentiellement finie.
Ce qui compte en fait, dans la plupart des conceptions des grands philosophes, n’est-ce
pas davantage la manière d’unifier que l’unification elle-même ? La notion d’unification ne se
retrouve-t-elle pas toujours confondue avec celle de l’union finie, à moins qu’on cherche plutôt à la
définir à la manière d’une fonction, comme en linguistique formelle ?[5]. Qui unifie ? Le sujet
perceptif ou réflexif, qui synthétise un donné extérieur, l’univers, une cellule, un ordinateur, une
formule mathématique, une théorie{ XE "Théorie" } physique, un concept philosophique ? Et
pourquoi unifier ? Par passion, nécessité, soucis d’efficacité, d’homogénisation, par pure fantaisie,
par dérive formaliste ? Et à quelle fin chercher à atteindre, de tant de façons différentes, une
« unité » en logique formelle, dans la projection d’une unité mécanique et mécaniste du monde en
physique classique, { XE "Monde" }dans la recherche d’une unification des quatre interactions
fondamentales, et d’une théorie{ XE "Théorie" } unifiée de la « relativité » et de la « mécanique
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quantique { XE "Mécanique quantique" } » en physique théorique contemporaine ? Quelles
raisons y a t-il à exiger une unité en - et de la - génétique et en théorie de l’évolution, en biologie[6],
ou encore en psychologie { XE "Psychologie" } [7] ? Pourquoi retrouve-t-on bien souvent la
problématique de l’Un et du Multiple, ainsi qu’une poursuite de l’unité, dès le Parménide{ XE
"Parménide" } de Platon{ XE "Platon" }, et par la suite de tant de façons diverses dans les
« concepts » de la philosophie « ancienne », « moderne » et « contemporaine » ? Les réflexions
nishidiennes ([11] §37-38 pp. 120-125/237-247) permettent par exemple de comprendre pourquoi
Hermann Lotze{ XE "Lotze" } cherche avant tant d’insistance « l’unité des choses » (物の統一
mono no tôitsu/Einheit der Dinge) au sein de la théorie{ XE "Théorie" } de « l’unification »
(Vereinigung) qu’il déploie dans sa Métaphysique{ XE "Métaphysique" }, ou encore pourquoi
Henri Bergson déclare explicitement trouver « vague{ XE "Vague" } » et peu performante en
philosophie la notion d’unification. Comment comprendre en définitive, pour parler comme Nishida,
cette « exigence » (要求 yôkyû) d’unité ( [11], §29-41, pp. 92-144/183-293)?
I. Nishida soutient que l’unification constitue le mode par lequel la réalité même opère,
une opération{ XE "Opération" } « cosmique », Dieu{ XE "Dieu" } comme « unité de l’univers »
(宇宙の統一 uchû no tôitsu, [1], p. 82/101), dont la « conscience » (ishiki) humaine ne reproduit
dans la « synthèse » (綜合 sôgô) pour ainsi dire qu’une « expression » (表現 hyôgen) ou un
« reflet{ XE "Reflet" } » (映る utsuru), opération « sans fin » (何処までも dokomademo), pour
reprendre ce vocable qu’il répète sans s’en lasser, par opposition à une union trop retreinte qui va
toujours à son terme. Ainsi unifier c’est faire (tôitsu suru/uni-ficare/Ver-einigung) infiniment l’unité,
ce n’est pas en ce sens la « terminer » une fois pour toute. La réalité en perpétuelle gestation, « du
petit au grand, du superficiel au profond » (小より大に、浅より深に shôyoridaini, senyorishinni)
opère une unité en train de se faire, une unité qui s’uni-fie, qui se fait infiniment elle-même,
progressant toujours vers un état plus haut d’unité, au sein de laquelle toute « différenciation » (分
化 bunka), toute « opposition » (対立 tairitsu) n’apparaît que comme une opération seconde, qui
concourt elle-même au retour perpétuel de « la progression vers l’unité infinie » (無限の統一に進
む mugen no tôitsu ni susumu [1], pp. 63-34/77). Le retour de l’unité dans sa marche unifiante
consacre sa suprématie sur la « différence » (差異、相違、差別 sai, sôi, sabetsu), qui ne fait que
participer à ce retour, thèse qui se retrouvera chez Tanabe{ XE "Tanabe Hajime" } Hajime (田邊
元)[8] , et que Nishida tentera d’illustrer dans tous les domaines où le conduisent ses spéculations ;
conviction qui anime intimement son style philosophique et son écriture même, d’une part
« charriant » avec elle pour ainsi dire, des caractères chinois, des éléments des deux syllabaires
japonais, des mots allemands, anglais, français, grec, latin, et d’autre part recherchant partout
l’unité qui préside à toute distinction terminologique, ou conceptuelle.
Il est possible d’établir, ce que l’on ne pourra faire ici, comment dans la Recherche sur le Bien, les
notions de « contradiction » (矛盾 mujun), de « conflit » (衝突 shôtotsu) de « différenciation », de
« néant » (無 mu), de « chute » (堕落 daraku), d’ « expérience pure », d’« oubli du soi » (自己を忘れ
る jiko wo wasureru), et plus généralement encore de nombreux concepts « traditionnels » de la
philosophie occidentale, comme ceux de « possibilité » (可能 kanô), d’« idéal » (理想 risô), de
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« négation » (否定 hitei), « soi » (自己), « réflexion » (反省 hansei), « distinction » (区別 kubetsu),
« bien » (善 zen), se comprennent plus clairement à partir de cette idée d’une réitération infinie et
première de l’unité. En outre, Nishida incarne de façon vivante toute la « conceptualité » déployée
ici pour exprimer cette activité unificatrice au niveau d’exemples et d’analyses de la vie
quotidienne : l’écrivain qui regarde son crayon, le nourisson qui tète le lait de sa mère, l’action de
s’habiller[9], le regard{ XE "Regard" } qui se noie dans un tableau ([1], p. 82&102/100&120).
On pourrait objecter que cette notion d’unification apparaît principalement dans les
premiers textes, et tend à disparaître des méditations de notre philosophe, quand on aborde les
oeuvres de la maturité, et les productions plus tardive. En réalité, il n’en est rien, et l’on trouve par
exemple une confirmation de cette « hypothèse » que la philosophie nishidienne pourrait être
comprise comme une pensée{ XE "Pensée" } inédite de l’unification, dans la lecture motivée
d’un ouvrage situé chronologiquement « à l’autre bout » dans la suite des oeuvres de l’auteur : le
Problème{ XE "Problème" } de la culture japonaise de 1942[10].
Si l’hypothèse peut ainsi être confirmée, elle demande pourtant à être approfondie du
point de vue théorique, ce que rend possible l’étude exhaustive d’un ensemble d’essais à l’aspect
embrouillé, mais qui se révèle en réalité une suite de recherches prospectives d’un nouveau
genre : Intuition et réflexion dans l’éveil à soi de 1917[[11]. Cet approfondissement se développe
principalement dans une exploration des problématiques de la « purification » (純化する junkasuru,
[11], §20-22 pp. 62-71/122-144) : se purifier, est-ce rejeter à l’extérieur de soi, se purger, ou bien
s’unifier à une source purificatrice et neutralisante ? Celle du fondement : se fonder, est-ce devoir
à tout prix trouver un « fondement » (根柢、基礎 kontei, kiso) indépassable, ou bien chercher
« sans fin » (dokomademo) le perfectionnement{ XE "Perfectionnement" } de ce fondement dans
un « retour » ( 基 に 還 る moto ni kaeru) perpétuel, renouvelant, et affinant à la source
génératrice ([11], §29 p. 93-94/185-187) ? Ou encore celle de la « corrélation » ( 連 結
renketsu, ([11], troisième partie), qui s’expose en particulier ainsi : en vertu de quelle « unité » la
lumière{ XE "Lumière" } rouge{ XE "Rouge" } correspond-t-elle justement à telle longueur
d’onde déterminée, et la lumière verte à telle autre ? ([11], §36-37 pp. 117-122/229-240).
L’approfondissement permet ensuite de mettre en évidence des « logiques » à l’œuvre
dans les méditations de notre philosophe, phénomènes structurants et récurents qui permettent de
mieux le comprendre dans sa démarche ; nous avons pu ainsi parler d’une logique de l’« aspect »
ou de la « face », de la « direction » (方面、面、方向 hômen, men, hôkô) : tout phénomène se
présente selon un aspect unificateur et un aspect différenciateur ([11] §15, 33, 42 pp. 50, 106,
149/98, 209, 302) ; d’une logique de la « hiérarchisation » (優位 yûi/Primat) : l’aspect unificateur
est hiérarchiquement plus élevé que l’aspect différenciateur ([11] préface, §15-19, 33, 42-43 pp.
xxiii, 51-63, 106, 152-159/10, 99-124, 208, 310-325) ; d’une logique de l’« englobement{ XE
"Englobement" } » (包む tsutsumu koto) : l’unité s’englobe elle-même dans son développement
unificateur ; d’une logique de la « conservation » (維持 iji) : l’unité, en s’unifiant et s’englobant, se
conserve, conserve ses formes passées. Ces « logiques » s’articulent au sein d’une structure
complexe et disymétrique, que nous dénommons le « doublage { XE "Doublage" } et le
renversement », et qui correspond à l’emploi par Nishida de l’expression 本末転倒 honmatsutentô
Atelier XXXV : Individu, subjectivité et société au Japon : le point de vue philosophique
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([11], §40&43 pp. 141&159/282-283&326) : l’opération unificatrice infinie se trouve partout
« doublée », c’est-à-dire remplacée par une unité ponctuelle ou activité d’union finie,
renversement que le geste philosophique cherche à démasquer.
La théorie de l’unification possède une signification épistémologique essentielle dès la
Recherche sur le Bien, et permet d’éclairer les multiples lectures et interprétations nishidiennes
des textes de Georg Cantor{ XE "Cantor" }, Charles Dedekind{ XE "Dedekind" }, Paul Dirac{ XE
"Dirac" }, Albert Einstein{ XE "Einstein" } Enrico Fermi, Carl Gauss{ XE "Gauss" }, Hermann
Hankel{ XE "Hankel" }, Heinrich Herz, Hermann Minkowski, Max Planck{ XE "Planck" }, Henri
Poincaré{ XE "Poincaré" }. Rappelons que c’est un mathématicien « manqué » qui suit encore de
près les théories du début du vingtième siècle concernant le « fondement des mathématique ».
Comme le montre l’essai Compréhension logique et compréhension mathématique[12], Nishida
s’emploie à penser ici, critiquant Kant { XE "Kant" } et Poincaré { XE "Poincaré" } , une
« imagination{ XE "Imagination" } » (想像力 sôzôryoku) mathématique, à la manière d’une force
unificatrice et créatrice, « unité dynamique » (動的統一 dôtekitôitsu) logée au fondement même de
l’acte de « comprendre », qui ne se restreint pas au « moi » du mathématicien. Dans Intuition et
réflexion dans l’éveil à soi, la théorie{ XE "Théorie" } de l’unification apporte une lumière{ XE
"Lumière" } nouvelle et singulière sur la compréhension des concepts de « limite » ( 極 限
kyokugen), de « point{ XE "Point" } » (点 ten), « ligne » (直線 chokusen), « cercle » (円線 ensen),
« dimension » (次元 jigen), « nombre{ XE "Nombre" } » (数 kazu), contribuant à donner des
éléments de réponse, en particulier aux interrogations suivantes : pourquoi le « cône », le
« cercle », « l’ellipse », la « parabole », et « l’hyperbole » s’unifient-ils dans la formule
fondamentale des « sections coniques » (円錐曲線 ensuikyokusen [11], §25-26, 43 pp. 78-86,
155/159-168, 317)? Que signifie la « transition » (移り行き utsuriiki) d’unité à l’œuvre au sein de
l’opération{ XE "Opération" } de quantification de la « qualité » (性質 seishitsu, [11], §32-33 pp.
101-106/200-209) ? Dans quelle mesure{ XE "Mesure" } la dimension circulaire (円状 enjô) se
révèle-t-elle métaphysiquement plus essentielle que la dimension « linéaire » ( 直 線 的
chokusenteki){ XE "Linéarité" } ? En quel sens parler de la « courbure » (曲率 kyokuritsu) de la
réalité[13] ? A la limite, ces explorations épistémologiques concourent à poser la question décisive
{ XE "Théorie" }{ XE "Processus" }: pourquoi le fait pour une « science » (科学 kagaku) de
s’unifier apparaît-il comme un gage de sa scientificité ? Pourquoi rechercher ici l’unité plutôt que la
multiplicité ?
Toutefois, Nishida n’entendait pas tant s’inspirer des sciences que de tenter de leur apporter un
fondement philosophique ; la théorie approfondie de l’unification, par-delà sa dimension
épistémologique reste encore à justifier.
II. Cette théorie{ XE "Théorie" } de l’unification confirmée puis approfondie dans ses {
XE "Evidence" }caractères psychologique{ XE "Psychologique" }, dialectique, épistémologique{
XE "Epistémologique" } , phénoménologique, et métaphysique, ne trouve une justification
philosophique originale et rigoureuse que dans la « logique du lieu » (場所的論理 bashotekironri)[14].
Cette « logique », qui peut être dénommée « topologie{ XE "Topologie" } philosophique », à la
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différence de la « topologie » en mathématique, et de la « psychologie{ XE "Psychologie" }
topologique » de Kurt Lewin { XE "Lewin" } , deux théories qui inspirèrent néanmoins très
fortement notre philosophe, se trouve exposée de manière exemplaire dans l’essai Le Lieu{ XE
"Lieu" } de 1926[15], où Nishida, loin de sombrer dans une architecture de pensée{ XE "Pensée"
} abstraite et stérile, continue à approfondir sa description{ XE "Description" } d’une unification
« cosmique » infinie jusqu’à la « vacance{ XE "Vacance" } » (空虚 kûkyo, [15] pp. 45-46/243-244)
active qui la fait opérer, dans ce « retour au fondement » qu’opère le « lieu du néant absolu{ XE
"Lieu du néant absolu" } » (絶対無の場所 zettaimu no basho). Le « néant véritable{ XE "Néant
véritable" } » (真無 shinmu) n’est ni le « rien » au sens bergsonien, ni un « néant pur et simple{
XE "Néant pur et simple" } » (単に無 tan ni mu, [1], p. 82/100), « mot vide » (空名 kûmei, [1], pp.
162/183) dont on ne peut plus rien dire, ni le « néant oppositionnel » (対立的無 tairitsutekimu),
toujours conçu à partir de son opposition à « l’être » (有 yû) ; il constitue au contraire ce qui
apparaît comme le site du « fait de se vider{ XE "Vider" } » (空うすること kûsuru koto, [15], p.
20/221). Un tel « évidement{ XE "Evidement" } », pour employer ce terme, s’exprime chez
Nishida comme une « retraite{ XE "Retraite" } » (退く shirizoku, [15], p. 36/234), une défectuosité
singulière, qui entraîne, dans sa dérobade « perpétuelle » (永久 eikyû), la « pensée » (思
惟 shii), et la « perception » ( 知 覚 chikaku), [12] pp. 155-156(265-266), [15] pp.
62-63(260-261). C’est ainsi pour cette raison même que l’unification qui a lieu en lui prend
la forme de cette « opération { XE "Opération" } » ( 操 作 sôsa) sans fin, en laquelle la
« substantialité » (実体 jittai) de ce que Nishida appellera finalement « l’unité topologique{ XE
"Unité topologique" } » (場所的統一 bashotekitôitsu)[16] se trouve pour ainsi dire « diluée » sans fin,
« différée », « ajournée » dans l’évidement du néant. Par suite, c’est précisément parce que la
réalité n’est pas, mais « se trouve dans » (に於てある nioite aru) un néant entendu comme la
localisation dynamique de ce qu’il faudrait appeler un tel « videment », que se creuse la
« retraite » (shirizoku) toujours possible d’une « unité » ( 統 一 tôitsu) nouvelle, et que par
conséquent l’unification n’est pas « l’union » (結合、合一 ketsugo, gôitsu) finie et dernière, qui,
pourrait-on dire, se « cristalise », se « condense » dans l’être, mais une sorte de
« rafraîchissement » perpétuel de l’unité qui se « plonge » (没入する botsunyûsuru) et se
replonge dans le néant.
C’est donc la notion même de l’être de l’unité qui se trouve mise en question. Nishida
semble bien tirer les conséquences ultimes d’une telle théorie du point de vue de l’histoire de la
philosophie, et penser la philosophie même comme une unification sans fin des doctrines. Sa
recherche d’une topologie s’oppose à « l’ontologie{ XE "Ontologie" } » (存在論 sonzairon),
doctrine de l’être, qui si l’on suit en particulier Heidegger,{ XE "Heidegger" } a dominé toute la
philosophie. Son enjeu principal consiste à se demander : ne gagnons-nous pas une clairvoyance
inédite à nous « défaire » d’une certaine façon de la notion d’ « être », à laquelle la philosophie
occidentale reste comme « destinée »{ XE "Doute" } de par ses structures linguistiques et son
mode de réflexion{ XE "Pensée" } logique et conceptuel ? Le néant absolu{ XE "Néant absolu" }
se révèle bien ici « créateur » (創造的 sôzôteki), il n’est pas le rien, ni l’annulation{ XE "Annulation"
} de la chose, il constitue cette force négatrice qui est de l’ordre{ XE "Ordre" } du « fait » (こと
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koto) qui décape{ XE "Décaper" } la « chose » (物、もの mono) de sa susbtantialité factice, afin
de la révéler dans sa « talité » (その儘に sonomamani)[17] la plus propre. En ce sens, la « chose »,
libérée, pour s’exprimer ainsi, de sa « croûte » ontologique et substantielle, de l’enveloppe
trompeuse qui double et renverse le sens de son unité, gagne, regagne son « lieu », qui n’est
autre que le « lieu » (場所 basho) qui fait opérer toute chose en ce qu’elle possède de propre. Et
notre philosophe cherchera de la sorte une topologisation { XE "Topologisation" } de la
philosophie toute entière, en entreprenant de localiser chaque pensée philosophique en son lieu
de déploiement au sein de son propre « système » (体系 taikei) enfin arrivé à maturité, et en
« progression{ XE "Progression" } » (進行 shinkô) infinie, c’est-à-dire système lui-même engagé
dans une refonte perpétuelle, lieu d’accueil{ XE "Accueil" } de toutes les philosophies, y compris
de celles à venir, qui donc se dépasse en ce sens problématiquement lui-même en lui-même.
On le voit : le « ton » change quelque peu ici : la « spéculation » ( 思 索 shisaku)
nishidienne[18] pense le sens de l’être d’abord en tant qu’existence{ XE "Existence" } comme
« possession { XE "Possession" } » ( 有 る / 有 つ / 有 す る aru/motsu/yûsuru [15], pp. 25-26,
86/225-226, 283), puis comme « copule{ XE "Copule" } » (繋辞 keiji, [15], pp. 29-30/229-230), ce
qui place à nouveau la notion d’unification au centre de l’être : c’est l’unité, qui primordialement
« se vide » (kûsuru koto), qui définit dans son sillage l’être qui « se remplit » (満たされる、充実す
る mitasareru, jûjitsusuru), sur un mode phénoménologique ([15], pp. 45-69/242-266), ce qui nous
rend alors plus à même de comprendre et de définir à de nouveaux frais ce qu’on peut désigner
par le terme général d’« ontologie{ XE "Ontologie" } » et ses limites, grâce aux opérations de
« reste » (残る nokoru), de « surplus{ XE "Surplus" } » (尚余、剰余,余地 shôyo/jôyo/yochi),
d’« annulation{ XE "Annulation" } » (一から一を減じる ichi kara ichi he henjiru), d’« absorption{
XE "Absorption" } » (没入 botsunyû), et d’« anéantissement » (自己自身に無にする jiko jishin ni
mu ni suru), de « désubstantialisation{ XE "Désubstantialisation" } » (本体なきものとなる hontai
naki mono to naru), de « masquage{ XE "Masquage" } », d’ « insersion{ XE "Insersion" } » (入れ
る ireru), autant de notions qu’il est impossible d’exposer en détail ici. Si l’on considère les choses
selon la « profondeur » (深さ fukasa)[19] que Nishida appelle « dissémination » (散乱 sanran, [15] p.
73/271), on peut dire que d’une part, à l’image de l’unité primordiale, toute notion, tout concept,
toute perception constitue une opération infinie, dont pour ainsi dire le « destin » ontologique
revient à se figer en un être résiduel, résistant, subsistant, « inséré » comme un arrêt de cette
opération en son infinité même, qui masque le « surplus » du néant qui l’alimente.
D’autre part, si l’on réintègre au contraire la glissade vertigineuse, qui consiste à nous plonger dans
l’abîme du néant absolu, caractérisé comme le fait de « se retirer », si l’on « devient{ XE "Devenir"
} le fait absolu en ne trouvant plus de fond »[20], ce retour au lieu véritable constitue le lieu d’un
retour sans fin à un « fondement » qui se « dérobe{ XE "Dérobade" } », se « rétracte » (翻へす
hirugaesu) ; de sorte que ce qu’il faut bien appeler par contraste une « néontologie { XE
"Néontologie" } » de l’unification impose alors de penser la « logique du lieu » de façon dynamique,
comme une « translocalisation »{ XE "Translocalisation" }. Par cette notion nous voulons désigner
le retour au - et au sein du - lieu véritable, « opération{ XE "Opération" } » comprise, d’une part,
pour parler ainsi « statiquement » dans la distinction centrale des « trois » lieux[21] ; et comprise
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d’autre part « dynamiquement » dans un jeu successif de mises en « vacance{ XE "Vacance" } »
et de « remplissements{ XE "Remplissement" } », qui opère une « désubstantialisation »[22] { XE
"Désubstantialisation" }progressive, pour le dire autrement, qui opère une « évacuation »{ XE
"Evacuation" } progressive de la substantialité de ce qui est. Ainsi, une suite de « vidanges » finies,
se « termine », « bascule » (転回、転じる tenkai, tenjiru, [15] p. 52/249, [23] pp. 315-318) en un
« évidement{ XE "Evidement" } » infini, ce dernier trouvant le fondement de sa « vacuité »
fondamentale, dans la possibilité toujours ouverte d’une « évacuation » en son sein.
Cette translocalisation de l’unité se décrit plus finement, ce qu’on ne pourra développer plus avant
ici, comme un « élargissement{ XE "Elargissement" } » (広がる hirogaru), une
« superposition{
XE "Superposition" } » (重なる kasanaru), un « englobement{ XE "Englobement" } » (包む
tsutsumu) infinis de l’unité, constituant toujours en ce sens une « approximation { XE
"Approximation" } » (近似 kinnji) d’elle-même, et dont « l’extension » (範囲 han’i), le « champ »
(領域 ryôiki), le « halo{ XE "Halo" } » ou la « marge » (縁暈 enun) sont en surplus sur elle-même.
Dans la « profondeur » de la « dissémination », cet « englober » bascule sans cesse dans un
« enveloppement » (含む fukumu) opaque, offrant au regard la « ligne de démarcation{ XE "Ligne
de démarcation" } » (境界線 kyôkaisen) des notions et des choses, qui consiste dans le fait
d’ « entourer » (囲む、囲繞せられ kakomu, ijôserare), de définir « l’orbite{ XE "Orbite" } », « { XE
"Kobayashi Reiko" }le cadre » (圏外 kengai), le « contour » (輪郭線 rinkakusen), et en définitive
l’« isolement » (遊離 yûri) des concepts et des êtres.
III. La théorie{ XE "Théorie" } de l’unification, confirmée, puis approfondie, justifiée
théoriquement dans la topologie{ XE "Topologie" }, trouve une nouvelle justification d’ordre plus
« pratique », au sein de la « dernière philosophie » de Nishida, celle correspondant à la réflexion
sur le « monde{ XE "Monde" } historique{ XE "Historique" } » (歴史的世界 rekishitekisekai),
comme en témoignent en particulier deux essais tardifs de 1939, l« Les sciences expérimentales{
XE "Sciences expérimentales" } » et les « Explications schématiques »[23].
Au sein de ces derniers, à partir de nouvelles considérations épistémologiques consacrées à
« l’opérationalisme » ( 操 作 主 義 sôsashugi) de Percy Bridgman { XE "Bridgman" } , à la
« psychologie{ XE "Psychologie" } topologique » (トポロギイ的心理学 topologitekishinrigaku) de
Kurt Lewin{ XE "Lewin" }, ou encore à la théorie{ XE "Théorie" } biologique de John Burdon
Haldane, { XE "Haldane" }Nishida tente de manière plus systématique de fonder, à la lumière de
la question de l’unification, les sciences dites « exactes » et « humaines », ainsi que d’apporter
des réponses philosophiques neuves aux interrogations du type : que signifie la « relativité » (相対
性 sôtaisei) du temps einsteinien, l’« incertitude » ( 不 確 定 性 fukakuteisei) au sein de la
« mécanique
quantique {
XE
"Mécanique
quantique"
} »
de
Werner
Heisenberg,
« l’indissociabilité » (不可分離性 fukabunrisei) de l’onde et de la particule{ XE "Particule" } au
sein de la « mécanique ondulatoire » de Louis de Broglie{ XE "De Broglie" } ? Qu’est-ce qu’un
« modèle{ XE "Modèle" } » (模型 mokei) en science ? Comment penser la « maintenance » (維持
iji/maintenance) d’un système vivant, la notion de « différenciation » (分化 bunka) en biologie ?
Atelier XXXV : Individu, subjectivité et société au Japon : le point de vue philosophique
« La pensée de l’unification de Nishida Kitarô »
Michel DALISSIER - 7
Que représentent la « technique{ XE "Technique" } » (技術 gijutsu), l’expérimentation (実験
jikken), la mesure{ XE "Mesure" } (測定 sokutei, 尺度 shakudo) ?
Nous nous employons à mettre ici en évidence[24]{ XE "Evidence" } comment, dans cette
dernière philosophie, la notion d’« auto-identité contradictoire » (矛盾的自己同一 mujunteki jiko
dôitsu) ne signifie pas seulement une dialectique insoluble des contraires, exprimant une simple
« détermination{ XE "Détermination" } réciproque{ XE "Réciproque" } » (相互限定 sôgo gentei),
notion qu’il met en question chez Kant, Fichte, puis Lotze. Elle désigne bien plutôt une unification
englobante, « créatrice » ( 創 造 的 sôzôteki), transitive et infinie. Nishida n’est pas plus un
philosophe obscur et prophétique de la contradiction généralisée qu’il n’est le philosophe d’un
néant totalement vide et nul, autorisant les divagations les plus stériles sur la « détermination
réciproque », qu’un Hegel a su dénoncer comme la « ruine qui n’est pas une vraie ruine » car elle
reste stérile, changement perpétuel dans des rapports réciproques qui finalement concourent à la
destruction[25], ou encore qui prêtent le flanc à la critique que Michel Henry{ XE "Henry" } adresse
à Sartre{ XE "Sartre" } de penser une « tautologie » dans la dialectique impuissante de la
conscience et de l’être »[26]. L’erreur ici ne revient-elle pas à lire dans cette notion une
interprétation, elle-même hâtive, de la pensée tardive de la « correspondance { XE
"Correspondance" } inverse » (逆対応 gyaku taiô){ XE "Monde" }[27]?
Les deux essais cités permettent d’établir de quelle manière, en réalité, il est possible de
considérer dans ces deux « aspects », d’une part une opposition réciproque sur le mode de la
négation mutuelle, et de l’autre une unification infinie, englobante en progression { XE
"Progression" } ; d’une part une destruction (ou une stagnation), et de l’autre une création ; ne
retrouvons-nous pas ici les deux « aspects » (hômen) hiérarchisés d’une réalité unificatrice
unique{ XE "Unique" }, comprise soit moins clairement soit plus clairement, selon une « logique
de la hiérarchisation » ? C’est alors le « primat » (yûi) même de l’aspect « créateur » sur l’autre qui
autorise Nishida à développer dans ses dernières années sa théorie pratique et poiétique de
l’unification, fondée sur l’« intuition{ XE "Intuition" } agissante » (行為的直観 kôiteki chokkan),
c’est-à-dire une intuition pratique{ XE "Pratique" } qui n’est intuition que dans l’opération{ XE
"Opération" } unifiante et créatrice : c’est dans le « produire » (作る tsukuru koto) que se révèle la
profonde vision{ XE "Vision" } intuitive des choses ; en ce sens, c’est le geste qui fait voir, c’est
dans le « comment » que se révèle le « pourquoi ». Il est possible de mettre en évidence{ XE
"Evidence" } dès lors comment, alors qu’une « ontologie{ XE "Ontologie" } fondamentale » du
temps comme celle de Heidegger { XE "Heidegger" } devait en arriver à « critiquer » la
technique{ XE "Technique" } moderne, du fait de la distance qu’elle creuse entre l’homme et la
question de l’être, au contraire la « logique du lieu » du néant chez Nishida en viendra à penser de
manière effective, dans l’action propre à la technique humaine et cosmique, une « production »
infinie, qui se réactive et se réanime « sans cesse » (dokomademo), en progressant « à partir de
ce qui est produit{ XE "Produit" } en direction de ce qui produit »[28], et qui célèbre au contraire
les noces unificatrices du soi et du monde.
Atelier XXXV : Individu, subjectivité et société au Japon : le point de vue philosophique
« La pensée de l’unification de Nishida Kitarô »
Michel DALISSIER - 8
[1]
zen no kenkyû 『善の研究』Recherche sur le Bien{ XE "Bien" }, dans nishida kitarô zenshû『西
田幾多郎全集』Œuvres complètes de Nishida Kitarô, daishisatsuhakkô hakkôsha midoriyama tooru
iwanami shoten 第四刷発行 発行者緑山享
岩波書店, quatrième édition, éditeur : Midoriyama
Tooru, Editions Iwanami, Tôkyô, 1987, 19 tomes, abrégé en NKZ, tome 1, pp. 3-196. Traduction
française partielle de OSHIMA Hitoshi : Essai sur le bien, chapitre I&II, Paris : Osiris, 1997, 95 pages.
Traduction anglaise de ABE Masao et IVES Christopher, An Inquiry into the good, New Haven and
London : Yale University Press, 1990, 184 pages (citée dans cet article). Dans nos références,
nous donnons toujours la pagination de la traduction considérée, puis celle de l’original dans les
NKZ.
[2]
Cette histoire est exposée dans l’article de FUJITA { XE "Fujita Masakatsu" }Masakatsu 藤田正
勝 « nihon niokeru kenkyûshi no gaikan to genjô »「日本における研究史の概観と現況」
« État{ XE "Etat" } actuel et vue d’ensemble de l’histoire des recherches au Japon » dans
KAYANO Yoshi&ÔHASHI Ryôsuké (Ed.)茅野良男・大橋良介 nishida tetsugaku – shinshiryô to kenkyû
heno tebiki 『西田哲学―新資料と研究への手引きー』La philosophie de Nishida – guide des
nouveaux matériaux et études, mine{ XE "Mine" }ruva shobô ミネルヴァ書房 éditions Minerve,
Kyôto 京都 1987, pp. 110-144.
[3]
HEGEL{ XE "Hegel" }, Georg Wilhelm Friedrich, Phénoménologie{ XE "Phénoménologie" } de
l’esprit, traduction de Jean HYPPOLITE { XE "Hyppolite" }, Paris : Aubier, 1939, Paris, tome I,
préface, II, p. 28. Edition allemande : Phänomenologie des Geistes, Hamburg : Meiner, 1988, p. 25.
[4]
HEIDEGGER{ XE "Heidegger" }, Martin, Être et Temps{ XE "Temps" }, traduction de François
VEZIN, Paris : Nrf Gallimard, 1986, §1, p. 27. Edition allemande Sein und Zeit, Tübingen : Niemeyer
Verlag, 1993, p. 4.
[5]
Se référer à : GAZDAR, Gerald, KLEIN, Erwan, PULLUM, Geoffrey, SAG, Ivan, Generalized Phrase
Structure Grammar, Oxford : Basil Blackwell, 1985, pp. 26-27, 39-40. Voir également GUNJI, Takao,
Japanese Phrase Structure Grammar – A unification-Based Approach, Dordrecht : D.Reidel
Publishing Company, 1987, pp. 12-13, qui définit l’unification par « l’identité » (identical) et la
« correspondance{ XE "Correspondance" } une-à-une » (one-to-one correspondence).
[6]
On consultera sur ce point{ XE "Point" } : SCOMOVITIS{ XE "Scomovitis" }, Vassiliki Betty,
Unifying Biology. The Evolutionary Synthesis and Evolutionary Biology, Princeton : Princeton
University Press, 1996, pp. 99-111, 168-169, 176-177, 199-200. On examinera également un
ouvrage que Nishida a lu et annoté de façon significative: HALDANE{ XE "Haldane" }, John Burdon,
The philosophical basis of biology, London : Hodder and Stoughton, 1931, pp. 12-34, 42-43, 78-83.
[7]
On peut apprécier combien une certaine “unification” constitue le critère de scientificité de la
psychologie{ XE "Psychologie" } aux yeux d’un auteur auquel notre philosophe donnera une
importance particulière : LEWIN{ XE "Lewin" }, Kurt, Principles of topological psychology, New
York : McGraW-Hill, 1936, pp. 4-11. Concernant les bibliothèques personnelles de Nishida on se
réfèrera à l’ouvrage de référence : Yamashita Masao 山下正男 nishida kitarô zenzôshomokuroku
『西田幾多郎全蔵書目録』Catalogue de la collection complète des œuvres de Nishida Kitarô, kyôto
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« La pensée de l’unification de Nishida Kitarô »
Michel DALISSIER - 9
daigaku jinbunkagaku kenkyûsho 京 都 大 学 人 文 科 学 研 究 所 Institut d’études culturelles de
l’Université de Kyôto, shôwa 昭和 57(1982). Une partie représentative des livres de science de
Nishida est aussi conservée à l’Université de Gakushuin, dans la collection de son fils, physicien, et
répertoriée sur un simple formulaire, non édité, disponible à la bibliothèque centrale de l’Université
Gakushuin : nishidasotohikobunkomokurokurigakubu「西田外彦文庫目録理学部」Catalogue des
livres de Nishida Sotohiko de la faculté{ XE "Faculté" } des sciences.
[8]
Le lecteur pourra se référer à un texte de Tanabe{ XE "Tanabe Hajime" } parfaitement clair sur
ce point{ XE "Point" }, recueilli dans FUJITA { XE "Fujita Masakatsu" }Masakatsu 藤田正勝,
kyôtogakuha no tetsugaku 『京都学派の哲学』 La philosophie de l’Ecole de Kyôto, shôwadô 昭和
堂 Éditions Shôwadô, Kyôto, pp. 43-44.
[9]
Sur ce point, se référer aux analyses de GIRARD, Frédéric : « Logique{ XE "Logique" } du lieu et
expérience intuitive de l’absolu », dans Logique{ XE "Logique" } du lieu et dépassement de la
modernité, sous la direction de BERQUE{ XE "Berque" }, Augustin, Bruxelles : Ousia, 2000, pp.
231-233, et 235, 239-240. Voir encore pp. 170-173, 186.
[1
(( Il n’est pas envisageable de développer ce point dans le cadre restreint de cet article. L’ouvrage dont il est question
s’intitule nihonbunka no mondai「日本文化の問題」 « Le problème de la culture japonaise », NKZ XII, pp. 277-394.
Abrégé en PCJ. Traduction française de Lavelle XE "Lavelle" , Pierre, La culture japonaise en question, Paris :
P.O.F., 1991. Nous citons cette traduction. Toutefois, l’interprétation de l’auteur, exclusivement fondée sur des
considérations historiques et politiques, ne dégage aucun intérêt philosophique du texte nishidien, et est largement
critiquée, comme utilisant des citations hors de leur contexte, et « fondée sur une ignorance des textes » (based on
ignorance of the texts) pour Heisig XE "Heisig" , James, Philosophers of Nothingness, « Nishida Kitarô »,
Honolulu: University of Hawai Press, 2001, pp. 303, 320, 331. Voir également sur ce débat Stevens Bernard, Topologie
du néant, une approche de l’école de Kyôto, Louvain-Paris : Peeters, 2000, pp. 56-76, Piovesana, XE "Piovesana" Gino, Recent Japanese Philosophical Thought 1862-1996 A Survey (1963), Richmond : Japan Library, 1997, p. 119,
Arisaka, XE "Arisaka Yoko" Yôko, « The Nishida Enigma, The Principle of the New World Order », dans
Monumenta Nipponica, Tôkyô : Sophia University, 1996, 51, n°1, p. 83, enfin l’ouvrage collectif : Heisig James XE
"Heisig" &Maraldo John ( XE "Maraldo" Ed)., Rude Awakenings, Zen XE "Zen" , The Kyoto School, &the
Question of Nationalism, Honolulu : University of Hawai Press, 1994, 381 pages.
[11]
jikaku ni okeru hansei to chokkan『自覚に於ける反省と直観』Intuition et réflexion dans l’éveil à
soi, NKZ II. Intuition and Reflection in Selfconsciousness, translated by VIGLIELMO, Valdo H.,
TAKEUCHI Toshinori and O’LEARY, Joseph S., Albany : State University of New York Press, 1987,
204 pages. Abrégé en IRES.
[12]
ronri no rikai to sûri no rikai 「論理の理解と数理の理解」 « Compréhension logique et
compréhension mathématique » (1915), NKZ I pp. 250-267. Introduction, traduction (avec IBARAGI,
Daisuké 伊原木大祐), et commentaire de DALISSIER, Michel dans Ebisu, automne-hiver 2003,
édition de la Maison Franco-Japonaise, pp. 115-121.
Voir [11], §20 p. 64/128, et surtout [10], pp. 42-46/308-314.
[13]
Atelier XXXV : Individu, subjectivité et société au Japon : le point de vue philosophique
« La pensée de l’unification de Nishida Kitarô »
Michel DALISSIER - 10
[14]
Sur ce terme, le lecteur se réfèrera à TREMBLAY{ XE "Tremblay" }, Jacynthe, Nishida Kitarô. Le
Jeu de l’individuel et de l’universel, C.N.R.S. philosophie, Paris : C.N.R.S. Éditions, pp. 1-38. Voir
également l’article de ÔSHIMA{ XE "Ôshima Hitoshi" } Hitoshi, « La logique chez Nishida Kitarô »,
Cipango, numéro 2, février 1993, Paris : publications Langues’O, pp. 125-137.
[15]
basho「場所」 « Le Lieu »{ XE "Lieu" }, NKZ IV, pp.208-387. Traduction française Le Lieu de
KOBAYASHI{ XE "Kobayashi Reiko" } Reiko, Paris : Editions Osiris, 2002.
[16]
Dans une note manuscrite inédite, datée de 1944, conservée au bâtiment des archives de
l’Université Gakushuin à Tôkyô, Nishida emploie cette expression qui révèle à nouveau le caractère
fondamental de la notion d’unification. Ce document est référencié dans l’ouvrage :
nishidakitarôkankeishiryô – tsuku zenshûmishûrokushokan『西田幾多郎関係資料 ー付 全集未収録
書簡』« Documents relatifs à Nishida Kitarô – incluant un Catalogue des lettres non publiées dans
les Oeuvres Complètes », gakushuindaigakushiryôkanshûzôryômokuroku daijûhachigô 学習院大学
史料館収蔵料目録弟 18 号 Catalogue des fonds collectés dans le bâtiment des archives historiques
de l’université Gakushuin, n°18, Tôkyô, 2002, n° E5 p.91.
[1], p. 3-4/9, [15], pp. 26, 50/226, 247-248.
[18]
[11], préface de 1917 p. xxiii-xxiv/11.
[19]
Sur ce point, on lira NITTA{ XE "Nitta Yoshihiro" } Yoshihiro 新田義弘 gendai no toitoshiteno
[17]
nishidatetsugaku『現代の問いとしての西田哲学』 La philosophie de Nishida en tant que question
moderne, iwanami shoten 岩波書店 Editions Iwanami, Tôkyô 1998, p. 73.
[20]
無基底的に絶対の事となること cité par Nitta Yoshihiro{ XE "Nitta Yoshihiro" }, Op. Cit.
pp.49&74.
[21]
[1], p. 3-4/9, [15], pp. 26, 50/226, 247-248.
[22]
本体なきものとなる hontainakimono tonaru, [15], p. 84/281.
[23]
keikenkagaku, zushikisetsumei「経験科学」、「図式説明」 « Les sciences expérimentales »{ XE
"Sciences expérimentales" } , « Explications schématiques », recueillis dans les
tetsugakuronbunshû san 『 哲 学 論 文 集 三 』 Essais philosophiques III, NKZ IX pp. 223-335.
Introduction, traduction (avec IBARAGI Daisuké) et commentaire de DALISSIER Michel. A publier.
[24]
Ceci apparaît également dans le PCJ, mais ne peut se comprendre fondamentalement que dans
l’extraction des soubassements fichtéens de cette problématique, explicités dans IRES.
[25]
Voir MARUYAMA Masao{ XE "Maruyama Masao" }, Essais sur l’histoire de la pensée politique au
Japon, volume premier, traduction de Jacques JOLY, Paris : P.UF., 1996, p. 30.
[26]
HENRY{ XE "Henry" }, Michel, L’essence de la manifestation, Epiméthée, Paris : P.U.F.,1963,
§28, p. 265.
[27]
Et ceci dans une oeuvre restée posthume : bashotekironri to shûkyôsekaikan「場所的論理と宗教
的世界観」« Logique{ XE "Logique" } du lieu et vision{ XE "Vision" } religieuse du monde », NKZ,
XI, pp. 371-468. { XE "Monde" }Traduction de SUGIMURA{ XE "Sugimura Yasuhiko" } Yasuhiko
et CARDONNEL, Sylvain, Paris : éditions Osiris, 1999, 92 pages.
[28]
作られたものから作るものへ tsukuraretamono kara tsukurumono he.
Nous tenons à exprimer nos remerciements envers le Réseau Asie pour nous avoir permis
de présenter cette communication au Congrès 2005, ainsi qu’à Jacynthe Tremblay et Britta
Boutry-Stadelmann, coordinatrices de l’Atelier 12 : « La philosophie japonaise moderne : une
pratique au carrefour de plusieurs disciplines ».
Atelier XXXV : Individu, subjectivité et société au Japon : le point de vue philosophique
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Michel DALISSIER - 11
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