Anthropologie et sociologie et générale
Enseignant : Madame NIKIEMA Rose
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dans une bataille où l’on se bombarde de cadeaux et non de flèches et de
tomahawk. A cette occasion, même les biens les plus essentiels tels que les
couvertures, les vêtements, les maisons, sont détruits. La philosophie du potlatch
montre que, ce qui importe chez les Indiens, ce n’est pas tant la possession des
objets que l’établissement d’un certain type de relation sociale qui en l’occurrence
permet de hiérarchiser les protagonistes. Il ne s’agit donc pas de faire des échanges
économiques juteux mais d’établir un rapport de force.
Qu’il s’agisse des échanges entre groupes ou entre individus à l’intérieur d’un
même groupe, il s’agit toujours d’établir une hiérarchie entre les personnes
impliquées, de confirmer ou de redéfinir des statuts politiques et sociaux. C’est ce qui
explique que traditionnellement dans les sociétés archaïques, les privilèges
économiques du chef n’étaient pas destinés à être accumulés mais plutôt à être
redistribués pour raffermir son pouvoir.
Outre l’idée de défi et de prestige, l’obligation de donner a aussi un fondement
moral, voire religieux. En effet, la distribution des richesses ou d’une partie de celles-
ci aux nécessiteux joue le rôle d’amande ou de repentance (la recherche du salut de
l’âme après la mort).
Le code de l’honneur et le code moral qui régissent le don imposent aux
individus ou aux groupes de sacrifier leurs intérêts personnels pour parfaire l’image
qu’ils veulent se donner d’eux. C’est pourquoi «sur le plan sociologique, il va de soi
que les intérêts économiques sont plus facilement sacrifiés dans des sociétés où, en
l’absence de progrès techniques, les surplus ne peuvent être investis, de sorte que
l’usage le plus rationnel de la richesse est de le convertir soit en pouvoir politique,
soit en «bonnes actions» Pottier Richard, 1989 : 7)
Ce qui ressort de l’analyse de l’échange, c’est qu’il est au fondement de la vie
sociale. En effet, les objets échangés n’ont de valeur que parce qu’ils sont désirés ou
valorisés par autrui. Dans cette perspective, en réalité ce qui est valorisé n’est pas
l’objet lui-même, mais le type de relation avec autrui qu’il autorise. Par conséquent, la
présence de l’autre, même s’il peut être potentiellement un rival, est nécessaire dans
la mesure où pour organiser une hiérarchie, il faut être au moins deux.
Le don comme investissement stratégique
Selon Alain Marie (98/99), l’échange de dons met en jeu une logique de la dette dans
la mesure où les dons et les contre-dons s’enchaînent comme le crédit et son
remboursement ou comme le placement et son rapport.
Alain Marie commence par contester d’abord la thèse de Mauss selon laquelle c’est
le han, (c’est la force magique ou religieuse) qui justifie l’obligation de rendre, c’est
au contraire la nécessité inconsciente de l’échange qui en est le fondement. Par
conséquent, c’est la fonction de l’échange qui justifie l’obligation de rendre. Il
s’inspire ensuite de la critique de Bourdieu (1994) qui a reproché à Mauss et à Levi-
Strauss d’avoir négligé la dimension temporelle entre le don et le contre-don.
Or en prenant en considération cet intervalle-temps, l’on peut poser « le don initial
comme prise de créance, comme endettement d’autrui, donc comme investissement
social destiné à rapporter à terme, la dette comme mode de fonctionnement ordinaire
(pas seulement cérémonial)de la vie sociale » Alain Marie 1998/1999 :30