Les marchés publics

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Les marchés publics
Les modes de passation des marchés publics
Sylvie Bollen , Mathieu Lambert et Marie-Laure Van Rillaer - Dernière mise à jour: Novembre 2016
Le grand principe gouvernant la matière, déjà évoqué, veut que les marchés publics
soient passés avec concurrence. A cette fin, les pouvoirs adjudicateurs disposent
principalement de deux modes généraux et deux modes exceptionnels de passation des
marchés publics.
Les modes généraux, qui peuvent toujours s'envisager, sont:
-l'adjudication (ouverte ou restreinte)
-et l'appel d'offres (ouvert ou restreint).
Les deux autres modes de passation, qui ne peuvent trouver à s'appliquer que dans les cas
limitativement prévus par la réglementation des marchés publics, sont:
-la procédure négociée sans publicité
-et la procédure négociée avec publicité.
Il peut encore être question, notamment, de marché conjoint ou de centrale d'achat et,
pour autant que le législateur régional mette en œuvre l'habilitation offerte par la loi du
15 juin 2006, d'une procédure spéciale pour des marchés publics portant sur la
conception et la construction d’un ensemble de logements sociaux, ou encore de
dialogue compétitif.
1. L'adjudication
L'adjudication consiste en l'attribution du marché au soumissionnaire qui a remis l'offre
régulière la "moins-disante", soit la moins chère (L. 15.6.2006, art. 24). C'est le seul
critère d'attribution du marché, rendant celle-ci automatique, sans aucune exception
possible. Ceci implique que toutes les conditions auxquelles le marché doit répondre
aient été fixées par le pouvoir adjudicateur.
Aussi le pouvoir adjudicateur doit-il attribuer le marché au soumissionnaire qui a remis
l'offre régulière la plus basse, sous peine d'une indemnité forfaitaire fixée à 10 % du
montant htva de cette offre.
Pour évaluer le prix de chaque soumission, il convient – bien sûr – de tenir compte du
prix offert, mais également de tous les éléments chiffrables qui viendront nécessairement
augmenter les débours (L. 15.6.2006, art. 24, al. 2).
Le caractère ouvert ou restreint de l'adjudication ne signifie pas qu'elle ferait dans le
premier cas l'objet de mesures de publicité au lancement de la procédure, et non dans le
second. En effet, dans les deux hypothèses, la publication d'un avis de marché est
nécessaire (cf. infra, La publicité).
Cela signifie en revanche que lorsque le pouvoir adjudicateur choisit la procédure
ouverte, il laisse à tous la possibilité de remettre une offre (L. 15.6.2006, art. 3, 5°), alors
qu'en procédure restreinte, le pouvoir adjudicateur sélectionne d'abord les candidats qui
pourront ensuite soumissionner (L. 15.6.2006, art. 3, 6° - cf. infra, L'accès au marché et
la sélection qualitative). Le choix de la procédure est libre et le pouvoir adjudicateur
n'est jamais contraint à l'une ou l'autre.
2. L'appel d'offres
L'appel d'offres implique l'attribution du marché au soumissionnaire qui a remis l'offre
régulière la "mieux-disante", soit la plus intéressante au vu des critères d'attribution
définis par le pouvoir adjudicateur (L. 15.6.2006, art. 25).
Le caractère intéressant de l'offre ne dépend donc pas seulement de son prix, même si
celui-ci peut figurer parmi les critères d'attribution. D'autres critères sont en effet pris en
compte; la loi en dresse une liste exemplative: la qualité des produits ou prestations, la
valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les caractéristiques
environnementales, des considérations d'ordre social, le coût d'utilisation, la rentabilité,
le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison et le délai de
livraison ou d'exécution (L. 15.6.2006, art. 25, al. 2).
A noter que pour les marchés publics atteignant les montants pour la publicité
européenne, le pouvoir adjudicateur précise la pondération relative de chacun des
critères d'attribution.
A cet égard, la motivation de l'attribution du marché à tel soumissionnaire revêt une
importance particulière. En effet, le pouvoir adjudicateur doit tenir compte de tous les
critères qu'il a lui-même prédéfinis pour procéder à cette attribution, non se contenter
d'examiner certains d'entre eux.
Quant à la distinction entre appel d'offres ouvert ou retreint, elle est identique à celle
visant l'adjudication ouverte ou restreinte (L. 15.6.2006, art. 3, 5° et 6°).
3. La procédure négociée sans publicité
Le marché public est dit "par procédure négociée" lorsque le pouvoir adjudicateur
consulte plusieurs entrepreneurs, fournisseurs ou prestataires de services de son choix et
négocie les conditions du marché avec un ou plusieurs d'entre eux (L. 15.6.2006, art. 3,
7°).
L'absence de publicité – pratiquement: d'avis de marché – laisse subsister "si possible"
une certaine mise en concurrence, par la consultation de plusieurs soumissionnaires
potentiels (L. 15.6.2006, art. 26, par. 1er). Le Conseil d'Etat retient ainsi l'obligation de
consulter au moins trois soumissionnaires potentiels, peu importe ensuite que l'un ou
plusieurs d'entre eux ne donnent pas de suite à l'invitation (C.E., n° 50.550, 30.11.1994).
Mode d'attribution exceptionnel, les hypothèses dans lesquelles la procédure négociée
sans publicité peut être utilisée sont de stricte interprétation; quelques-unes sont
présentées ici (L. 15.6.2006, art. 26, par. 1er):
dans le cas d'un marché public de travaux, de fournitures ou de services, la procédure
négociée sans publicité peut être choisie si la dépense ne dépasse pas certains montants
hors TVA, désormais 85.000 euros (ou 209.000 euros pour les marchés de services
financiers, de services de recherche et développement ou de services juridiques) (A.R.
15.7.2011, art. 105);
toujours dans le cas d'un marché de travaux, de fournitures ou de services, il peut encore
être recouru à la procédure négociée sans publicité dans la mesure strictement nécessaire,
si l'urgence impérieuse résulte d'évènements imprévisibles et ne permet pas de respecter
les délais exigés par les autres procédures; ainsi, par exemple, suite aux violents orages du
mois de juillet 2010, le Ministre des Pouvoirs locaux et de la Ville a considéré que le
recours à cette procédure pouvait se justifier afin d'assurer la sécurité
des personnes et des biens, pour consolider notamment les voiries publiques et leurs
abords[1];
autre hypothèse encore, appréciée de façon très stricte en raison de l'absence de
concurrence qu'elle implique: les travaux, fournitures ou services ne peuvent, en raison de
leur spécificité technique, artistique ou tenant à la protection des droits d'exclusivité, être
confiés qu'à un entrepreneur, fournisseur ou prestataire de services déterminé;
enfin, dernière hypothèse citée ici, le marché vise des travaux ou services nouveaux
consistant dans la répétition d'ouvrages ou services similaires; il peut être attribué à
l'adjudicataire d'un premier marché par le même pouvoir adjudicateur, via la procédure
négociée sans publicité, à condition que ces travaux ou services soient conformes à un
projet de base et que ce projet ait fait l'objet d'un premier marché passé par adjudication
ou sur appel d'offres. A noter que la possibilité de recourir à cette procédure doit être
indiquée dès la mise en concurrence du premier marché. La décision d'attribution des
marchés répétitifs doit en outre intervenir dans les trois ans après la conclusion du marché
initial.
4. La procédure négociée avec publicité
Il s'agit également pour le pouvoir adjudicateur de consulter plusieurs entrepreneurs,
fournisseurs ou prestataires de services de son choix et de négocier les conditions du
marché avec un ou plusieurs d'entre eux, mais cette fois après avoir respecté les règles de
publicité (L. 15.6.2006, art. 3, 8°).
La loi prévoit plusieurs hypothèses dans lesquelles il peut être recouru à ce mode de
passation. Parmi celles-ci figure désormais une nouvelle possibilité, simplement liée au
montant estimé du marché (L. 15.6.2006, art. 26, par. 2, 1°, d). Ainsi, il peut être traité
montant estimé du marché (L. 15.6.2006, art. 26, par. 2, 1°, d). Ainsi, il peut être traité
par procédure négociée avec publicité, sans avoir à justifier de quelque autre
circonstance, lorsque le montant estimé (htva) du marché n'atteint pas 600.000 euros en
travaux et le seuil de publicité européenne en fournitures et services (A.R. 15.7.2011,
art. 106, par. 2), soit à l'heure actuelle 209.000 euros (A.R. 15.7.2011, art. 32).
Et si, comme auparavant, la procédure négociée avec publicité est en principe une
procédure restreinte, à laquelle tout entrepreneur, fournisseur ou prestataire de services
peut demander à participer, dans laquelle seuls les candidats sélectionnés peuvent
présenter une offre, les conditions du marché pouvant ensuite être négociées avec les
soumissionnaires, l'on relèvera cette importante nouveauté de la nouvelle
réglementation: la procédure négociée directe avec publicité: "[p]our les marchés qui
n’atteignent pas le montant fixé pour la publicité européenne, le Roi peut prévoir que
tout entrepreneur, fournisseur ou prestataire de services intéressé peut remettre une
offre" (L. 15.6.2006, art. 3, 8°). La procédure négociée directe avec publicité est donc
une procédure ouverte "dans laquelle tout entrepreneur, fournisseur ou prestataire de
services intéressé peut présenter une offre" (A.R. 15.7.2011, art. 2, par. 1er, 3°).
Pratiquement donc, il s'agit de procéder "comme" par appel d'offre (ou adjudication)
ouvert, mais avec en outre la possibilité de négocier.
Aussi, cette modalité nouvelle de procédure négociée directe avec publicité, comportant
de sérieux atouts de facilité et de simplification administrative, constitue une évolution
positive de la réglementation des marchés publics et ne devrait pas manquer de retenir
l’attention des pouvoirs adjudicateurs lors du choix du mode de passation.
5. Les marchés conjoints et les centrales d'achat
Plus une manière de s'organiser qu'un véritable mode de passation, les marchés
conjoints permettent à plusieurs pouvoirs adjudicateurs de passer commande ensemble.
Pour le reste, ce sont les modes de passation "classiques" qui trouveront à s'appliquer.
La loi prévoit ainsi qu'en cas de marché conjoint pour le compte de pouvoirs
adjudicateurs différents et, le cas échéant, de personnes de droit privé – ce qui constitue
une nouveauté –, les personnes intéressées désignent l'autorité ou l'organe qui
une nouveauté –, les personnes intéressées désignent l'autorité ou l'organe qui
interviendra, en leur nom collectif, en qualité de pouvoir adjudicateur. Les conditions du
marché peuvent prévoir un paiement séparé pour chacune de ces personnes (L.
15.6.2006, art. 38).
La centrale d'achat n'est pas non plus un mode de passation supplémentaire, mais
également une manière d'organiser les commandes. Notion introduite dans la
réglementation des marchés publics par la loi du 15 juin 2006 (dont l'art. 2, 4°, était
immédiatement entré en vigueur), il s'agit d'un pouvoir adjudicateur qui:
acquiert des fournitures ou des services destinés à des pouvoirs adjudicateurs, à des
entreprises publiques ou à des entités adjudicatrices;
ou qui passe des marchés publics ou conclut des accords-cadres de travaux, de fournitures
ou de services destinés à des pouvoirs adjudicateurs, à des entreprises publiques ou à des
entités adjudicatrices (centrale de marchés).
C'est donc un pouvoir adjudicateur qui passe commande pour le compte d'autres
pouvoirs adjudicateurs, l'intérêt étant qu'un pouvoir adjudicateur qui recourt à une
centrale d'achat ou de marchés est dispensé de l'obligation d'organiser lui-même une
procédure de passation (L. 15.6.2006, art. 15).
6. Le dialogue compétitif
Ce nouveau mode de passation est défini comme "la procédure de passation à laquelle
tout entrepreneur, fournisseur ou prestataire de services intéressé peut demander à
participer et dans laquelle le pouvoir adjudicateur conduit un dialogue avec les
candidats sélectionnés à cette procédure, en vue de développer une ou plusieurs
solutions aptes à répondre à ses besoins et sur la base de laquelle ou desquelles les
candidats retenus seront invités à remettre une offre" (L. 15.6.2006, art. 3, 9°).
Le pouvoir adjudicateur ne peut y recourir que dans le cas d’un marché particulièrement
complexe, lorsqu’il n’est objectivement pas en mesure de définir les moyens techniques
aptes à satisfaire ses besoins, ou d’évaluer ce que le marché peut offrir en termes de
solutions techniques, financières ou juridiques (L. 15.6.2006, art. 27).
Et si, comme l’indique la loi, il est question de ne pas être "objectivement" en mesure de
définir les moyens propres à atteindre les objectifs escomptés, il n’empêche, comme le
rappelle également et à juste titre le rapport au Roi, que le pouvoir adjudicateur devra
"[tenir] compte de ses propres capacités".
S’agissant ainsi, pour n’évoquer que cette possibilité, de la complexité financière et/ou
juridique, le rapport au Roi mentionne l’exemple de "la situation dans laquelle le
pouvoir adjudicateur laisserait la faculté aux concurrents, dans le cadre de la
construction de bâtiments et afin d’en limiter le coût, de proposer différents modes de
rémunérations en utilisant des terrains appartenant au pouvoir adjudicateur à d’autres
fins, notamment pour y construire des logements" .
Le dialogue compétitif pourrait donc tout particulièrement trouver à s’appliquer dans le
cadre de projets PPP (partenariats public-privé).
7. La procédure spéciale en logements sociaux
L'article 31, lui aussi immédiatement entré en vigueur, de la loi du 15 juin 2006 prévoit
que dans les limites de l’article 34 de la directive 2004/18/CE, un gouvernement régional
peut déterminer, pour des marchés publics portant sur la conception et la construction
d’un ensemble de logements sociaux, une procédure spéciale d’attribution visant à
choisir l’entrepreneur le plus apte à être intégré à une équipe comprenant également les
délégués du pouvoir adjudicateur et des experts.
Sont visés des marchés de travaux longs et complexes, pour lesquels il est important que
plan soit établi dès le début sur la base d'une stricte collaboration au sein d'une équipe
comprenant les délégués du pouvoir adjudicateur, des experts et l'entrepreneur qui aura
la charge d'exécuter les travaux. Celui-ci intervient donc dès la conception des travaux,
comme en marché de promotion ou de concession de travaux; mais contrairement à ces
types de marché, l'entrepreneur ne préfinance pas les travaux et il est, classiquement,
rémunéré directement par le pouvoir adjudicateur, non les utilisateurs de l'ouvrage.
Cette habilitation des Régions doit encore être concrétisée en Région wallonne.
1. Cf. circ. 27.7.2010, marchés publics à conclure sur base de l'urgence impérieuse (réf.
050202/CMP/2010-04813/CIRCINTEMPERIES/gr).
Focus sur la commune - 160 fiches pour une bonne gestion communale
Cette fiche provient de l'ouvrage "Focus sur la commune - 160 fiches pour une bonne gestion communale", véritable outil
réalisé en collaboration avec la DG05 pour tout savoir sur la commune, terreau de démocratie, pouvoir le plus proche du
citoyen au service duquel, jour apres jour, le mandataire local assume son mandat. Indispensable aux décideurs qui veulent
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Ce document, imprimé le 17-04-2017, provient du site de l'Union des Villes et Communes de Wallonie (www.uvcw.be).
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