REVUE MÉDICALE SUISSE
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2 novembre 2016
1836
l’importance d’une prise en charge coordonnée
par le système de soins.
Il s’agit là aussi d’une évolution majeure: la
réorganisation du système de santé. En 2008
déjà, l’OMS soulignait l’urgence de déplacer
le centre de gravité du système de l’hôpital
vers les soins primaires et la médecine de fa-
mille. On voit actuellement fleurir en Suisse
un grand nombre d’initiatives pour «tester»
de nouvelles façons de fonctionner dans les
cabinets de médecine générale. Cet intérêt
pour repenser l’organisation des soins primaires
est issu de la nécessité d’intégrer l’évolution
des besoins des patients (patients âgés avec
plusieurs maladies nécessitant une coordina-
tion, souhait de certains patients de participer
activement au processus déci sionnel clini que)
autant que les moyens d’y répondre (nouvelles
technologies, démultiplications des possibilités
thérapeutiques, nombre croissant d’interve-
nants). S’il est important que tout un chacun,
dans sa pratique, puisse développer de nou-
veaux modèles d’organisation, il est indispen-
sable de pouvoir également réfléchir à un
niveau plus global et avoir une vue d’ensemble
sur les enjeux de ces changements. L’amélio-
ration de nos connaissances sur le fonction-
nement de la médecine de famille est dès
lors primordiale et notre institution s’engage
fermement sur cette voie.
Ces deux évolutions ne peuvent pas aboutir
si elles laissent sur les bas-côtés de la route
les patients les plus vulnérables. On pense en
particulier à ceux qui n’ont pas eu de formation
postobligatoire (souvent des working poors),
n’ont pas d’occupation professionnelle ou sont
parfois issus de migrations forcées. Ainsi, il
faudra tenir compte des besoins spécifiques
de chacun (par exemple le patient ayant de
faibles compétences en santé), renforcer la
formation des médecins (intégration dans la
prise en charge de l’impact de déterminants
socio-économiques de la santé) et définir la
responsabilité sociale des institutions dans
l’accès aux soins. L’ancrage communautaire
du dispositif sanitaire de demain aura pour
conséquence un champ d’action qui devrait
dépasser les murs d’une structure sanitaire
pour s’étendre aux différents lieux de la vie
de la communauté.
Enfin, cette réorganisation du système des
soins ambulatoires pourrait bien signifier de
nouvelles responsabilités. Si l’interprofes-
sionnalité devrait permettre une certaine
mutualisation des actions, elle ne répondra
pas à tous les défis. Le médecin de famille
dorénavant au centre du dispositif devra en
effet maintenir, voire développer des compé-
tences solides, en particulier dans les do-
maines de la prise en charge
aiguë de ces patients porteurs
de maladie chronique. En effet,
la charge de travail des méde-
cins et les habitudes dans la con-
sommation des soins ont poussé
aujourd’hui de nombreux patients
vers les centres d’urgence en cas
de problème aigu, même quand
ils annoncent avoir un médecin
de référence. Dans la perspective de cette
réorganisation où l’utilisation des ressources
sera plus rationnelle, il est important de
donner aux médecins de famille les moyens
de retrouver leur place dans le dispositif
communautaire des urgences ambulatoires,
en coordination avec les autres soignants et
les réseaux régionaux. L’objectif est clair:
maintenir les patients dans leur lieu de vie le
plus longtemps possible, et éviter un passage
systématique par les urgences hospitalières,
ce qui non seulement surcharge le système
(pratiquement et financièrement!), mais con-
tribue à déconditionner les patients, en parti-
culier les plus âgés.
Cette présence accrue dans les situations
d’urgence devrait renforcer la position cen-
trale du médecin de famille dans le système
de soins. Mais cela suppose une organisation
permettant une meilleure disponibilité du
praticien, une relève suffisante en médecine
interne générale, et une formation postgraduée
et continue adaptée; plusieurs conditions
qu’une institution de formation en médecine
générale peut contribuer à satisfaire.
En conclusion, ce sont deux tendances fortes,
qui confirment la place du généraliste au
cœur de ce nouveau dispositif qui aura à
gérer à la fois la nouvelle connaissance et le
système de soins.
L’OBJECTIf EST
CLAIR : MAINTENIR
LES PATIENTS
DANS LEUR LIEU
DE vIE LE PLUS
LONGTEMPS
POSSIBLE