Éditorial
WWWREVMEDCH
 septembre 
1499
Médecine personnalisée et
hypertension artérielle :
effet de mode ou vrai défi ?
Prs MICHEL BURNIER ANTOINETTE PECHÈREBERTSCHI et Dr GRÉGOIRE WUERZNER
Depuis quelques années, lorsqu’on lit la presse
médicale, voire les quotidiens non médicaux,
il devient difficile de ne pas tomber sur un
article nous vantant les promesses d’une mé-
decine personnalisée. Cette nouvelle mode
envahit progressivement tous les débats qu’ils
soient scientifiques ou politiques, à tel point
qu’en Suisse, une initiative nationale a été
déposée voulant offrir à chaque patient une
médecine plus personnelle grâce
à la génomique et à la bioinfor-
matique.
Qu’entend-on vraiment par mé-
decine personnalisée ? Ce con-
cept se réfère à l’utilisation de
métho des de dépistage ou de
diagnostics qui exploitent la con-
naissance du profil de risque ou
du profil moléculaire unique du patient pour
obtenir les meilleurs résultats en termes de
santé et de devenir du patient.1 Aujourd’hui,
ce concept très à la mode n’a de nouveau que
les méthodes que l’on pense pouvoir utiliser,
à savoir la génétique, la bio informatique et
également toutes les « omi ques » (épigénomi-
que, métabolomique, protéomique, transcrip-
tomique, lipidomique…) qui peuvent fournir
des données supplémentaires sur chaque
individu.
Si cette approche biopersonnalisée peut s’avé-
rer très utile dans certains domaines comme
l’oncologie ou les maladies rares, il n’en va
peut-être pas nécessairement de même dans
des domaines comme l’hypertension artérielle
ou les facteurs de risque cardiovasculaires.
De fait, dans la prise en charge des patients
hypertendus, le concept de personnalisation
donne une impression de déjà-vu.2 En effet,
les premiers efforts de « personnalisation »
ont eu lieu dans les années 70 déjà , avec les
dosages hormonaux et la tentative de guider
le traitement antihypertenseur sur la base
des dosages de la rénine, de l’aldostérone, du
sodium urinaire et de la volémie. Malheureu-
sement, aujourd’hui encore, ces approches
très élégantes sur le plan physiopathologique
n’ont pas montré d’utilité sur le plan clinique.
En effet, des patients à rénine basse répon-
daient très bien aux bloqueurs du système
nine-angiotensine et, qui plus est, étaient
très protégés en matière d’organes cibles
comme les reins, et les anti-aldostérones se
sont avérés efficaces même quand l’aldo-
stérone n’était pas élevée. A ce jour, le déve-
loppement de la génétique n’a
apporté que peu de bénéfices
dans l’hypertension artérielle si
ce n’est la découverte et le diag-
nostic de formes rares d’hyper-
tension monogéniques.
Dans le cadre d’une affection
polygénique comme l’hyperten-
sion artérielle où les gènes con-
nus expliquent moins de 10 % de la variance
de la pression artérielle, il semble que le
chemin sera encore long jusqu’à ce que l’on
obtienne un test permettant de prévoir la
réponse thérapeutique lorsqu’un médicament
antihypertenseur est administré à un indi-
vidu. Le défi est donc énorme et demandera
encore beaucoup d’investissements pour dé-
montrer l’utilité clinique et les gains en rap-
port coût / efficacité des approches fondées
sur la génétique et la bioinformatique.
Un aspect plus prometteur pourrait être le
développement de la pharmacogénétique et
la possibilité de prévoir le développement
d’effets secondaires liés aux médicaments
antihypertenseurs. Un tel outil de prédiction
pourrait s’avérer utile pour améliorer la qua-
lité de vie et l’adhérence des patients traités.
Il faut cependant reconnaître que les antihy-
pertenseurs actuels sont en règle générale
très bien tolérés et que les effets secondaires
sérieux sont rares. Un test prédictif ne con-
cernerait donc qu’une minorité de patients.
En fait, les vrais problèmes que l’on ren-
contre aujourd’hui dans la prise en charge
des patients hypertendus ne concernent ni
l’efficacité des traitements ni la survenue des
Articles publiés
sous la direction de
MICHEL BURNIER
ET GRÉGOIRE
WUERZNER
Service de
néphrologie et
consultation
d'hypertension
CHUV, Lausanne
ANTOINETTE
PECHÈRE-BERTSCHI
Services
d’endocrinologie,
diabétologie,
hypertension et
nutrition et de
médecine de premier
recours et des
urgences
HUG, Genève
LES PREMIERS
EFFORTS DE
PERSONNALI
SATION ONT EU
LIEU DANS LES
ANNÉES  DÉJÀ
Bibliographie
1
Turner ST, Schwartz GL,
Boerwinkle E. Perso na
lized medicine for high
blood pressure. Hyper
tension 2007;50:15.
2
Byrd JB. Personalized
medicine and treatment
approaches in hyperten
sion : Current perspec
tives. Integrated Blood
Pressure Control 2016;
9:5967.
3
Naderi SH, Bestwick JP,
Wald DS. Adherence to
drugs that prevent
cardiovascular disease :
Metaanalysis on
376 162 patients. Am J
Med 2012;125:8827.
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REVUE MÉDICALE SUISSE
WWW.REVMED.CH
14 septembre 2016
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effets secondaires. Les traitements les plus
personnalisés resteront toujours influencés
par toute une série de barrières non généti-
ques telles que la diète, les stress environ-
nementaux, l’activité physique et, bien sûr,
l’adhérence thérapeutique. De nombreuses
études ont montré qu’environ 50 % des patients
hypertendus arrêtent complètement leur trai-
tement après une année.3 A quoi sert un test
prédictif de l’efficacité d’un traitement, pro-
bablement onéreux, si le problème principal
consiste dans l’adhérence au traitement ?
La biopersonnalisation est à la mode, soit.
Mais la vraie personnalisation en médecine
est celle qui prend en compte l’ensemble des
caractéristiques liées à l’individu, c’est-à-dire,
pas seulement ses gènes et ses examens de
laboratoire, mais aussi ses caractéristiques
psychologiques, sociales, familiales et envi-
ronnementales, qui jouent incontestablement
un rôle tout aussi important dans le maintien
de la santé et la réponse à la maladie et aux
traitements. Malheureusement,
ces domai nes ne revêtent pas la
même attractivité ni ne dispo-
sent des moyens financiers né-
cessaires à leur développement.
Dans l’hypertension artérielle qui
nécessite un traitement à vie, ces
aspects sont cruciaux d’une part,
pour motiver et soutenir les pa-
tients sur le long terme et d’autre
part, pour adapter les traite-
ments selon les caracté ristiques
de vie du patient. Les médecins praticiens le
savent bien, eux qui font de la médecine per-
sonnalisée tous les jours…
A QUOI SERT UN
TEST PRÉDICTIF
DE L’EFFICACITÉ
D’UN TRAITEMENT
SI LE PROBLÈME
PRINCIPAL
CONSISTE DANS
LADHÉRENCE AU
TRAITEMENT?
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