CHIRURGIE THORACIQUE CARDIO-VASCULAIRE - 2011 ; 15(2) : 119-122 121
justifiée par l’évolution favorable sous traitement médical
aussi bien sur le plan hémodynamique que septique. La tolé-
rance hémodynamique trouve explication dans la présence
d’un shunt gauche-droit mais aussi dans le caractère non
brutal de l’insuffisance aortique. L’endocardite s’est proba-
blement greffée sur une insuffisance aortique rhumatismale
préexistante. D’ailleurs, hormis l’hypertension pulmonaire,
aucun signe échocardiographique de mauvaise tolérance hé-
modynamique n’a été constaté.
Par ailleurs, l’enjeu de la chirurgie réside essentiellement
dans la difficulté de la réparation des lésions qui passe obli-
gatoirement par un débridement « carcinologique » des tissus
nécrosés et/ou infectés, puis une reconstruction d’un anneau
aortique solide permettant l’insertion de la prothèse aortique.
La préservation du tissu nodal ne doit en aucun cas consti-
tuer une limite à un débridement complet des tissus infectés,
car la qualité du résultat opératoire en dépend. Aussi, en rai-
son de la localisation du processus infectieux et de son éten-
due, un trouble de la conduction permanent était fortement
attendu. Contrairement à notre cas, Bozbuga et al. [6] ne rap-
portent la nécessité d’une stimulation transitoire que chez un
patient parmi quatre opérés pour fistule aorto-atriale droite
sur endocardite aortique. Il convient de souligner que la sti-
mulation permanente peut être effectuée par les électrodes
épicardiques implantées lors de la chirurgie. Cette technique
aurait pour avantage la réduction du risque de récidive in-
fectieuse sur la valve tricuspide. Cependant, à long terme,
sa fiabilité reste limitée en raison de l’élévation de seuil de
stimulation très fréquemment observée [7]. Une implantation
endo vasculaire de deux sondes, l’une atriale et l’autre ventri-
culaire, a été préférée.
En raison du jeune âge et des conditions socio-économiques
de notre patiente, nous avons opté pour un remplacement
valvulaire aortique par prothèse mécanique bien que les subs-
tituts valvulaires biologiques, en l’occurrence les homo greffes,
soient communément plus préconisés dans le contexte septi-
que. Notre attitude est appuyée par les travaux de bon nombre
d’auteurs [8-9]. En effet, Moon et al. recommandent l’utilisa-
tion de prothèses mécaniques, particulièrement chez les jeu-
nes patients atteints d’endocardite sur valve native, aussi bien
aortique que mitrale [9]. En outre, la résistance des homo-
greffes aux infections reste très controversée. De nombreuses
études ont échoué à dégager une différence significative en
termes de récurrence entre les différentes prothèses. Il sem-
ble par contre que la qualité du débridement soit un facteur
crucial [8,10-11]. Dans ce sens d’idée, Grinda et al. pensent que
l’avantage des homogreffes proviendrait du fait qu’elles per-
mettent aux chirurgiens d’effectuer des gestes larges et agres-
sifs sans avoir le moindre souci concernant l’implantation de
la prothèse [12]. À toutes ces controverses s’ajoute le problème
de la disponibilité. En dépit des législations, les prélèvements
sur donneur cadavérique demeurent, dans notre pays, une
pratique exceptionnelle voire même inexistante pour certains
organes ou tissus, en l’occurrence cardiaques. De même, nous
n’avons pas opté pour une intervention de Ross malgré certai-
nes expériences encourageantes [13]. Cette technique requiert
des temps de clampage et de CEC longs et comporte un ris-
que de contamination pulmonaire. En outre, la fréquence
des récurrences rhumatismales sur les auto greffes limite leur
durabilité à long terme [14].
L’implantation de la nouvelle prothèse mécanique ne pouvait
être faite qu’après reconstruction de l’anneau. Les patchs péri-
cardiques autologues semblent selon certains auteurs, d’une
part bien mouler les tissus annulaires fragiles, et d’autre part
réduire le risque de récurrence infectieuse, et donc de dé-
hiscence secondaire. Cependant, nous avons utilisé un patch
en PTFE. Nous pensons que ces patchs synthétiques permet-
tent un meilleur ancrage du montage opératoire ainsi qu’une
meilleure résistance aux gradients de pression entre les cavi-
tés droites et gauches, en l’occurrence lorsque les pertes de
substance sont assez importantes. Pour des raisons similaires,
Parish et al. [3] ont utilisé un patch synthétique en Dacron,
avec de bons résultats à court terme.
Le pronostic des fistules aorto-cavitaires compliquant des en-
docardites reste sombre. Dans une des grandes séries consa-
crées à ce sujet, Anguera et al. [15] pensent que 40 % des pa-
tients décèdent. En outre, ils identifient l’apparition d’une
insuffisance cardiaque, la chirurgie urgente ou encore l’en-
docardite sur prothèse comme étant les principaux facteurs
de risque de mortalité hospitalière. L’évolution favorable de
l’état hémodynamique et septique de notre patiente sous trai-
tement médical a permis de différer l’intervention et de ré-
duire considérablement le risque opératoire.
4. CONCLUSION
Les fistules aorto-atriales droites constituent une complication
rare mais redoutable des endocardites aortiques. La précocité
du diagnostic et de la prise en charge médicale est primor-
diale. La réparation chirurgicale est difficile mais incontour-
nable. Pratiquée en dehors des situations à risque, elle permet
de bons résultats.
n
Figure 3. Vue peropératoire montrant la mise
en place du patch synthétique.