ALGÈBRE BILINÉAIRE ET RÉDUCTION DES
ENDOMORPHISMES
GAËL MEIGNIEZ
Université de Bretagne Sud, Département de Mathématiques, Infor-
matique et Statistiques; Licence de mathématiques 3ème année, Tohan-
nic, 2016-17
1. Réduction des endomorphismes
1.1. L’algèbre des endomorphismes et l’algèbre des matrices.
Soit Kun corps commutatif: par exemple R,C,Qou Z/pZavec p
premier; soit Eun espace vectoriel de dimension finie nsur K.
Un endomorphisme de Eest une application K-linéaire de Edans
E.
On considère l’ensemble End(E)des endomorphismes de E. On a,
dans l’ensemble End(E), deux lois de composition internes, et une loi
de composition externe. Pour f, g End(E)et λK, on définit f+g,
fg et λf par:
(f+g)(u) = f(u) + g(u)
(fg)u=f(g(u))
(λf)(u) = λf(u)
Pour les deux premières lois, End(E)un anneau unitaire, non commu-
tatif en général. L’élément unité est l’identité de E, notée id. Pour
la première et la troisième lois, End(E)est un K-espace vectoriel. De
plus, on a (λf)g=f(λg) = λ(fg). On résume tout cela en disant que
End(E), muni de ces trois lois, est une K-algèbre.
On écrit souvent fu pour f(u).
On considère aussi l’ensemble Mn(K)des matrices carrées n×nà
éléments dans K. On note A= (Aij )Aij est l’élément à l’intersection
de la i-ème ligne et de la j-ème colonne. L’ensemble Mn(K)est muni
de l’addition usuelle des matrices, de la multiplication usuelle des ma-
trices ligne par colonne, et de la multiplication des matrices par les
scalaires:
(A+B)ij =Aij +Bij
Date: September 26, 2016.
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(AB)ij =
n
X
k=1
AikBkj
(λA)ij =λAij
Pour ces trois lois, Mn(K)est une K-algèbre. L’élément unité est la
matrice unité Idéfinie par Iij =δij .
Si l’on fixe une base B= (b1, . . . , bn)de E, alors dans cette base
chaque endomorphisme fa une matrice MB(f), définie par
fbj=
n
X
i=1
MB(f)ij bi
Cette matrice dépend du choix de la base B.
L’application
MB:End(E)→ Mn(K)
est un isomorphisme de K-algèbres, c’est-à-dire à la fois un isomor-
phisme d’anneaux et un isomorphisme de K-espaces vectoriels.
Suivant les situations, il est plus commode de raisonner sur les en-
domorphismes, ou de calculer avec les matrices.
1.2. Valeurs propres et vecteurs propres. Soit fEnd(E).
définition 1.1.L’endomorphisme fest diagonalisable si Eadmet une
base (b1, . . . , bn)dans laquelle la matrice de fest diagonale:
λ10. . . 0
0λ2. . . 0
.
.
..
.
.
0 0 . . . λn
En d’autres termes, fbi=λibi. La recherche d’une telle base, si elle
existe, conduit à poser les définitions suivantes.
définition 1.2.Le scalaire λKest une valeur propre de l’endomorphisme
fs’il existe un vecteur uEnon nul tel que fu =λu.
définition 1.3.Le vecteur uEest un vecteur propre de f,associé
àλ, si fu =λu.
On voit que l’endomorphisme fest diagonalisable si et seulement si
Eadmet une base formée de vectors propres pour f.
L’ensemble des vecteurs propres associés à la valeur propre λs’appelle
sous-espace propre associé à λ, et se note E(λ). C’est aussi le noyau de
l’endomorphisme fλid de E. En particulier, E(λ)est un sous-espace
vectoriel de E, non réduit à 0.
ALGÈBRE BILINÉAIRE ET RÉDUCTION DES ENDOMORPHISMES 3
proposition 1.4.Soient λ1, . . . , λkdes valeurs propres de fdeux à
deux distinctes. Alors les sous-espaces propres E(λ1), . . . , E(λk)sont
globalement en somme directe:
E(λ1) · · · E(λk)E
Démonstration. Soient u1E(λ1), . . . , ukE(λk)des vecteurs pro-
pres tels que u1+· · · +uk= 0. Il faut montrer que u1=· · · =uk= 0.
On procède par récurrence sur k. Pour k= 1 c’est évident. Dans le
cas général, on a
λk(u1+· · · +uk) = 0 = f(u1+· · · +uk) = λ1u1+· · · +λkuk
donc par différence
0=(λ1λk)u1+· · · + (λk1λk)uk1
Par l’hypothèse de récurrence, (λ1λk)u1, . . . , (λk1λk)uk1sont
nuls. Comme λ1, ...,λk1sont distincts de λk, on a u1=· · · =uk1=
0; et donc uk= 0 également.
corollaire 1.5.Les valeurs propres λ1, ..., λkde fsont en nombre
fini, plus petit ou égal à dim E. Les propriétés suivantes sont équiva-
lentes:
(1) L’endomorphisme fest diagonalisable;
(2) E=E(λ1) · · · E(λk);
(3) dim E= dim E(λ1) + · · · + dim E(λk).
1.3. Polynôme caractéristique. Soit d’abord A= (aij )∈ Mn×n(K)
une matrice n×nà éléments dans K.
définition 1.6.Le polynôme caractéristique de Aest
χA(X) := det(AXI) =
a11 X a12 . . . a1n
a21 a22 X . . . a2n
.
.
..
.
.. . . .
.
.
an1an2. . . ann X
C’est donc un élément de K[X], l’algèbre des polynômes à une in-
déterminée à coefficients dans K. On peut préciser un peu sa forme:
de toute évidence, χA(X)=(a11 X). . . (ann X)plus des termes de
degré n2. Par ailleurs, χA(0) = det A. Donc:
χA(X)=(1)nXn+ (1)n1(trA)Xn1+· · · + (det(A))
où trAest la trace de la matrice carrée A, définie par
trA:= a11 +· · · +ann
remarque 1.7.Si P∈ Mn×n(K)est inversible, alors χA=χP AP 1.
4 GAËL MEIGNIEZ
En effet, on sait que le déterminant est multiplicatif, donc
det(P AP 1XI) = det(P(AXI)P1) =
= (det P)(det(AXI))(det(P))1= det(AXI)
On peut donc poser la
définition 1.8.On appelle polynôme caractéristique χfde l’endomor-
phisme f, le polynôme caractéristique de la matrice de fdans n’importe
quelle base de E.
Soit un polynôme PK[X]non nul. Soient λ1,. . . , λkles racines
distinctes de Pdans K. Rappelons les
définition 1.9.La multiplicité de la racine λide Pest le plus grand
entier mitel que (Xλi)midivise P(X)dans K[X].
définition 1.10.Le polynôme non nul Pest scindé (sur K) s’il vérifie
les trois propriétés équivalentes suivantes.
Pse décompose en produit de facteurs du premier degré dans
K[X];
P(X) = cte (Xλ1)m1. . . (Xλk)mk;
d0(P) = m1+· · · +mk.
définition 1.11.Le corps Kest algébriquement clos si tout polynôme
à coefficients dans K, non nul, est scindé sur K.
théorème 1.12.(Gauss) Cest algébriquement clos.
On démontre en algèbre que pour tout corps K, il existe un corps
algébriquement clos ¯
Kqui contient Kcomme sous-corps. Exemples:
pour K=Qou K=R, on peut prendre ¯
K=C.
théorème 1.13 (Diagonalisation et polynôme caractéristique).
(1) Les valeurs propres λ1, ..., λkde l’endomorphisme fsont ex-
actement les racines de χf;
(2) Pour chaque 1ik, soit mila multiplicité de λicomme
racine de χf. Alors,
1dim E(λi)mi
(3) fest diagonalisable si et seulement si χfest scindé sur Ket
que, pour chaque 1ik,dim E(λi) = mi.
Démonstration. (1) Soit Ala matrice de fdans une base quelconque B
de E. Un scalaire quelconque λKest valeur propre de fsi fλid
est de noyau non nul, c’est-à-dire si sa matrice AλI dans la base B
est de déterminant nul, ce qui revient à χA(λ) = 0.
ALGÈBRE BILINÉAIRE ET RÉDUCTION DES ENDOMORPHISMES 5
(2) Fixons une valeur propre λi; notons d:= dim E(λi); soit e1, . . . , ed
une base de E(λi); complétons-la en une base e1, . . . , ende E. Alors la
matrice de fdans cette base est de la forme
A= λiIdC
0B!
Idest la matrice unité d×d, et où B(resp. C) est une matrice
(nd)×(nd)(resp. d×(nd)). Le calcul de déterminant par
blocs, donne
χA(X) =
(λiX)IdC
0BXInd
= (λiX)dχB(X)
ce qui montre que la multiplicité de la racine λidans χAest au moins
d.
(3) Si χfest scindé et que la dimension de chaque sous-espace E(λi)
égale la multiplicité mide la valeur propre λi, alors la somme de ces
dimensions est le degré de χf, c’est-à-dire la dimension de E; donc, par
le corollaire 1.5, fest diagonalisable.
Réciproquement, si fest diagonalisable, alors sa matrice Ddans une
base propre Best une matrice diagonale
D=
µ10. . . 0
0µ2. . . 0
.
.
..
.
.
0 0 . . . µn
dont le polynôme caractéristique est évidemment
χD(X)=(µ1X). . . (µnX)
donc scindé. Chaque valeur propre λi, étant de multiplicité midans
χf=χD, apparaît mifois dans la diagonale de D; c’est-à-dire que
E(λi)contient mivecteurs parmi les vecteurs de la base B; et donc
dim E(λi)mi. Par (2), il y a égalité.
corollaire 1.14.Si χfadmet nracines distinctes dans K, alors f
est diagonalisable (sur K).
exemple 1.15.Soit
A:= a b
c d!
avec a, b, c, d Ret ad bc = 1. On a
χA=X2(a+d)X+ 1
de discriminant ∆ := (a+d)24.
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